Analyse UFAPEC 2011 par B. Loriers

05.11/ En quoi les apprentissages fondamentaux de l’enfant sont-ils liés à la non-violence ?

Introduction

« Nos enfants, nos jeunes ne respectent plus leurs parents, leurs enseignants, et la violence est partout, à la maison, à l’école et dans la rue ».

Voilà une constatation qui n’est pas neuve, … mais allons plus loin, et tentons de comprendre pourquoi certains enfants sont violents.
A partir de là, nous verrons si l’accent mis sur les apprentissages fondamentaux peut diminuer les attitudes violentes. Nous observerons encore les ponts possibles entre l’école et la famille, et si ces ponts peuvent garantir la non-violence.
Enfin, nos enfants ont-ils encore besoin d’exemples pour se construire ? La transmission de nos valeurs sur des questions essentielles peut-elle aussi aider à rendre nos enfants plus tolérants ?

Pourquoi les enfants sont-ils violents ?

Les manifestations de violence dans certaines écoles, dans certaines familles, certains quartiers … prennent souvent naissance dès l’école maternelle, moment où se construisent les fondations de la personne.
Quelles sont les causes  de la violence chez les enfants ?
Pour Suzanne Heughebaert et Mireille Maricq[1], voici quelques carences, manquements qui peuvent engendrer des attitudes agressives :
1.    Douter et ne pas avoir confiance en soi : enfants mis en compétition, et non en émulation, lorsqu’il y a trop de comparaisons ;
2.    Ne pas maîtriser la notion de temps : enfants « zappeurs », ou qui n’ont pas assez de temps libre, qui ne prennent pas d’initiatives personnelles, pour qui tout est pensé;
3.    N’avoir aucun pôle d’intérêt : il s’agit d’enfants qui ne s’intéressent ou ne sont sollicités par rien, ou d’enfants « spécialistes » dans un seul domaine, par exemple sportifs ou musiciens de haut niveau ;
4.    Le non-respect des rythmes de développement et de vie : chaque enfant rencontre des vécus différents. Certains enfants sont sollicités trop tôt pour certains apprentissages scolaires. Il est important de tenir compte des moments de maturation ;
5.    La non-construction de repères : c’est en vivant avec d’autres que l’enfant va comprendre que tout ne lui appartient pas. A nous de lui laisser vivre et gérer les conflits, tout en étant attentif aux dérapages ;
6.    Ne pas connaître les limites et les interdits : l’enfant à qui on ne sait pas dire non devient agressif. Les limites structurent l’enfant, elles lui offrent des repères stables ;
7.    Ne pas construire les repères par rapport à l’histoire de chacun : il est important de raconter la vérité sur l’histoire de l’enfant ;
8.    Ne pas pouvoir établir la différence entre mort et vivant : établir la différence entre la mort et la vie permet à l’enfant de respecter la vie, notamment dans ses contacts avec les personnes âgées, … ;
9.    Ne pas pouvoir établir la différence entre fiction et réalité, et les jeux électroniques, la télévision, … incitent à ne pas faire de différence. Il est utile d’accompagner l’enfant, et de lui expliquer à quels moments il s’agit de faire semblant … ou pas.
Les causes de la violence sont en lien direct avec la construction de la personne, dans les premières années de la vie, particulièrement de 2 à 8 ans. Connaître ces causes peut nous aider à prévenir cette violence.

Les apprentissages fondamentaux de l’enfant[2], de quoi parle-t-on ?

Voici 4 éléments qui sont considérés comme des apprentissages essentiels, pour asseoir les apprentissages scolaires.
1.    La confiance en soi : je dois avoir confiance en moi pour oser m’engager, oser expérimenter.
2.    La socialisation : je dois pouvoir communiquer avec les autres, et les respecter (je dois savoir respecter les interdits et les limites, etc.) ... La famille transmet à l'enfant, dès son plus jeune âge, le langage et les codes sociaux les plus élémentaires (apprendre à manger « correctement » par exemple), mais aussi les valeurs et les normes qui l'aideront ensuite à développer des relations sociales. Elle joue donc un rôle important dans la socialisation. Mais la socialisation est multiple car le petit enfant va bien vite fréquenter d’autres adultes que ses parents, et d’autres enfants. Cela lui permet d’intégrer des habitus[3] différents.
3.    La notion du temps, la construction de repères : je dois pouvoir vivre le temps pour le percevoir et le concevoir. Je dois apprendre à gérer mon temps et mes activités.
4.    Le langage : je dois avoir un bon niveau de langage pour apprendre à lire, écrire et calculer.
La confiance en soi, la socialisation et la notion de temps vont contribuer à construire solidement le langage chez l’enfant. Ces apprentissages sont nécessaires pour toute la vie, et servent de base aux apprentissages scolaires.

Mais pourquoi néglige-t-on parfois ces apprentissages fondamentaux ?

Certains parents ou enseignants sont trop pressés de voir évoluer l’enfant, et bousculent donc son évolution psychique, sans tenir compte des recherches physiologique et pédagogique. Lire, écrire, compter ont souvent été présentés comme finalité de l’apprentissage scolaire de base, c’est en général ce que les parents attendent de l’école. Danièlle Mouraux écrit que le gavage rend obèse … ou fait vomir[4].
La violence naît parfois du fait que, consciemment ou pas, certains adultes ne respectent pas le rythme de l’enfant, le négligent, ou posent un regard négatif sur cet enfant;
On peut parler de violence encore lorsqu’ un enfant se voit octroyer trop de pouvoirs, devient un enfant-roi, qui est soutenu par ses parents.

L’école et la famille ont leur rôle dans ces apprentissages

Ces apprentissages fondamentaux servent de base, d’appui aux apprentissages scolaires.
Ces fondamentaux peuvent être exploités tant au sein de la famille que à l’école.
Mais il ne faut pas oublier que les parents ont un rôle de premiers éducateurs. Prenons l’exemple du petit déjeuner pris à l’école. Certains établissements scolaires permettent aux enfants qui arrivent tôt de prendre leur petit déjeuner. La pression économique et sociale de certains milieux pousse les parents à démarrer tôt leur journée de travail. Le hic, c’est que le repas en famille permet de socialiser l’enfant, de nouer des contacts privilégiés entre parents et enfants, d’apprendre certaines règles de vie élémentaires à la vie sociale.
Quel que soit le type de famille, les enfants doivent pouvoir y trouver leur place. Le milieu familial est le premier à offrir à l’enfant les moyens de répondre à ses besoins individuels et sociaux. Notamment en respectant les rythmes de l’enfant, ses rites, ses modes de perception privilégiés.
L’école ne doit pas se substituer aux parents, chacun doit garder son rôle. Au niveau des apprentissages scolaires, la balle est assurément du côté des enseignants. Aux parents d’assurer un cadre propice aux devoirs et leçons, une fois que l’enfant est de retour dans le cadre familial.
L’enfant, l’élève se sent bien, réalise des progrès lorsqu’il sent cette interaction entre lui, ses parents et l’équipe éducative.

Quelques bonnes pratiques pour créer des ponts entre la famille et l’école 

Pour les parents, il s’agit de se tenir au courant de ce qui se passe en classe et à l’école, en consultant le journal de classe, en participant aux activités proposées, aux réunions d’AP, du conseil de participation, … Le parent peut aussi valoriser et exploiter ce que l’enfant a appris en classe. D’autre part, quand le parent respecte le règlement de l’école, l’enfant sent une cohésion entre sa famille et l’établissement scolaire, et ses repères sont davantage stabilisés.
Pour les enseignants, des passerelles se forment avec la maison lors de réunions individuelles, de réunions d’information sur la pédagogie appliquée en classe, … Nombreux profs instaurent une farde, un journal ou un cahier de liaison à destination des parents. Lorsque les enseignants organisent des fêtes, expos, etc., ils resserrent les liens entre la famille et l’école. On a le même sentiment quand les profs expliquent aux parents l’importance de leur rôle et de leur soutien dans les apprentissages.

La transmission des adultes

L’exemple que peut offrir l’adulte, éducateur, parent, grand-parent, professeur, etc. peut être source de non-violence, notamment en éduquant sans blesser. Voici quelques propositions[5], de « positions » éducatives qui éloignent la violence, car elles établissent une relation saine entre l’adulte et l’enfant, dès l’école maternelle. Valable aussi en famille…
1.    Etre juste, respecter, ne pas blesser, reconnaître l’enfant comme individu ;
2.    Croire en chaque enfant ;
3.    Ne pas juger mais respecter ;
4.    Etablir ensemble des règles qui font loi ;
5.    Ne pas moraliser, mais faire prendre conscience des effets ;
6.    Reconnaître son erreur si nécessaire, savoir s’excuser ;
7.    Ne pas punir, mais faire réparer ;
8.    Bannir le « copain copain », la peur du conflit, etc.
Nos enfants se construisent en grande partie à partir de ce que nous leur transmettons. Pour que l’enfant intègre les limites de la vie en groupe (famille, classe, amis, …),, l’adulte-éducateur doit pouvoir agir dans le souci de l’autre, du collectif. Pour Diane Drory[6], «  être un exemple, c’est pouvoir s’imposer comme un modèle qu’un jeune a envie de suivre (…) Dans ce qui me relie à cet enfant, en quoi l’exemple que je transmets est-il constructif pour lui ?(…) L’ouverture à autrui est ce qui marque l’emprise progressive de la civilisation sur la barbarie. Ce n’est qu’à ce prix que la tolérance peut s’enraciner ; sinon ce qui gagne c’est la peur de l’autre car le moi de l’individu est trop fragile. »
Tout adulte, en contact avec les enfants, devrait pouvoir offrir un plan de civilisation humaine sur les questions essentielles que sont la vie, la mort, l’amour, la peur, la souffrance, etc, à travers le modèle qu’il propose.

Conclusion

Afin de privilégier la construction de la non-violence chez les enfants, nous devons miser sur les apprentissages fondamentaux dont nous avons parlé plus haut : la confiance en soi, les repères dans le temps, la socialisation, et l’acquisition d’un bon langage, que cela soit en famille ou à l’école.
En toile de fond à ces apprentissages fondamentaux, il est essentiel que parents et enseignants puissent continuellement maintenir le dialogue avec les enfants. Les enfants ont besoin d’interactions pour progresser, pour développer leur esprit critique. Ils ont besoin d’interactions qui encouragent les actes de non-violence et qui bannissent toutes incivilités. Le dialogue est plus que jamais nécessaire au sein de notre siècle qui propose une télévision à sens unique.
Enfin, pour instaurer une ambiance de non-violence en famille et à l’école, il s’agit de développer un partenariat constructif, de construire des passerelles entre les enseignants et les parents, et de respecter les rythmes de nos petits, en évitant de leur imposer un emploi du temps d’adultes, où tout doit aller vite.
 
 
 
Bénédicte Loriers
 
 
 
 
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[1] HEUGHEBAERT Suzanne, MARICQ Mireille, Construire la non-violence, éditions de Boeck, 2006, p23.
[2] Ibidem.
[3] L’habitus est l’ensemble des manières de penser et d’agir que nous acquérons au cours de notre socialisation, essentiellement durant la prime enfance. Pour Pierre Bourdieu, l’habitus est un ensemble de dispositions durables, génératrices de pratiques et de représentations acquises au cours de l’histoire individuelle. (in Le dictionnaire des sciences humaines, Editions Sciences Humaines, 2008, p.292).
[4] MOURAUX Danielle, Entre peluche … l’école maternelle … et tableau noir, De Boeck, 1996.
[5] HARDY Pierre et FRANSSEN Abraham, Eduquer face à la violence, éditions EVO, 2000.
[6] DRORY Diane, L’enfant d’aujourd’hui a-t-il encore besoin d’exemples ?, in www.lexemplecestnous.org, initiative de la cellule Yapaka, ministère de la Communauté française, 2010.

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