Analyse UFAPEC mai 2017 par A. Floor
  • L'outil numérique en classe comme support pour les élèves à besoins spécifiques : le jeu en vaut-il la chandelle ?

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07.17/ L'outil numérique en classe comme support pour les élèves à besoins spécifiques : le jeu en vaut-il la chandelle ?

Introduction

Caroline Huron, psychiatre et maman d'une enfant dyspraxique[1], explique qu'en grandissant, l'enfant doit apprendre à transposer tout ce que les autres font en écrivant et en manipulant pour pouvoir le réaliser avec ses propres outils, comme l'ordinateur. Un travail qui sera considérablement facilité le jour où les ressources numériques seront utilisées couramment dans les salles de classe[2]. Les exigences en production écrite, en rapidité d'écriture, de lecture s'accentuent au fil des années et le décalage se creuse avec les autres enfants si rien n'est fait pour compenser les difficultés liées à l'écriture ou à la lecture. L’élève « dys » est freiné par son incapacité à automatiser les tâches de bas niveau comme recopier correctement du tableau, lire rapidement sans plus passer par le déchiffrage, prendre note au vol, etc. : tous ces gestes qui deviennent automatiques pour les autres. Si aucun aménagement n’est mis en place, l’élève « dys » reste freiné par ce déficit d’automatisation et il accèdera beaucoup plus difficilement aux apprentissages suivants comme synthétiser un texte, rédiger un argumentaire, inventer une histoire, résoudre un problème, etc. L’ordinateur semble dès lors être l’outil de compensation idéal, car il va servir de secrétaire et lui permettre d’accéder aux apprentissages suivants. Il pourra apprendre au même titre que les autres. Or, pour certains enfants, le parcours est parsemé de nombreux obstacles avant de pouvoir faire entrer l’outil numérique en classe alors que, pour d’autres, la démarche est accueillie beaucoup plus naturellement. Un petit nombre refuse d’emblée l’outil informatique, alors que d’autres l’abandonnent en cours de route. Ceux qui ont tenu bon saluent unanimement l’autonomie gagnée à l’école et à la maison. Nous allons tenter de comprendre les raisons pour lesquelles ces trajectoires sont si différentes. Nos enfants, finalement, qu’ont-ils à gagner ou à perdre à venir avec leur ordinateur ou leur tablette en classe ? Pourquoi l’école évolue-t-elle si lentement alors que la technologie est présente dans la vie de tous les jours ?

L’ordinateur français au placard, pourquoi ?

Une étude française de Vanessa Bacquelé[3] sur l'usage de l'informatique par les élèves dyslexiques dévoile des chiffres très surprenants : sur 52 élèves dyslexiques scolarisés au collège ou au lycée au moment de l'étude, 9 n'utilisaient plus du tout l'outil informatique attribué par la DSDEN[4], 28 ne l'utilisaient qu'à la maison et 15 seulement l'utilisaient à la fois en classe et à la maison. Pour comprendre cet état de fait, les chercheurs ont interrogé les adolescents et leurs parents sur les difficultés rencontrées lors de l'utilisation d’outils informatiques.

Graphique n°4 : Difficultés exprimées par les adolescents et les parents dans l’usage des outils informatiques[5]

Graphique n° 4 : Difficultés exprimées par les adolescents et les parents dans l'usage des outils informatiques

Le regard des autres constitue donc l'obstacle majeur pour les adolescents : ils ont envie d'être comme les autres et le fait d'être les seuls de la classe à utiliser un ordinateur rend visible un handicap jusque-là invisible. L'usage de l'ordinateur qui pourrait paraître comme un avantage, génère finalement une sorte de stigmatisation de l'élève dyslexique dans sa classe, et il n'est pas rare que celui-ci refuse de l'utiliser en cours lorsqu'il est davantage envisagé comme un "traitement de faveur" que comme une aide[6].

Les enseignants quant à eux ne perçoivent pas suffisamment l'impact du regard de l'autre et n'anticipent pas les réactions négatives en sensibilisant à la différence : Ainsi, l’acceptation et l’accueil de la différence, piliers de l’inclusion scolaire, sont mis à mal dans la mise en place des outils informatiques comme moyens de compensation[7].

Le second obstacle touche à l'accessibilité technologique, c'est-à-dire aux moyens mis en œuvre pour accompagner l'élève à apprivoiser son ordinateur et les logiciels. À cela s’ajoutent les contraintes de son exploitation : la nécessité d’être à proximité d’un branchement électrique, de disposer d’une place suffisante au niveau du bureau pour pouvoir installer l’ensemble des affaires nécessaires au travail demandé, le temps imparti à l’ouverture des programmes et à l’enregistrement des documents de travail. Par ailleurs, ce sont les difficultés de paramétrage des logiciels octroyés qui ont aussi été mis en exergue. En effet, lorsque les familles et les élèves ne bénéficient pas du soutien de professionnels avertis et ne disposent pas de connaissances informatiques approfondies, l’installation des logiciels peut s’avérer complexe, voire impossible. Ainsi, quelques-uns ont renoncé à l’usage de leur matériel parce qu’ils ne parvenaient pas à l’installer correctement ou à procéder aux paramétrages nécessaires.

Au vu de cette étude française, nous pouvons observer que l’arrivée et le maintien de l'ordinateur dans les classes françaises ne se réalisent pas si facilement, malgré un investissement financier de l’Etat pour l’achat du matériel.

Et, en Fédération Wallonie-Bruxelles, qu’en est-il ?

Tout d’abord, l’élève dyslexique ne bénéficie pas d’un statut aussi clair qu’en France. La loi française de 2005[8] fait de l’accessibilité la notion centrale, en instituant un guichet unique avec les Maisons Départementales des Personnes Handicapées (MDPH) et en offrant un droit à compensation des conséquences de la situation handicapante. Ce qui signifie concrètement pour les dyslexiques : 

- L’obtention d’un auxiliaire de vie scolaire (AVS) ; 
- Des aides techniques : matériels pédagogiques adaptés (MPA), ordinateur, logiciels… 
- Une insertion professionnelle : aides à la recherche d’emploi (rédaction de CV et lettres de motivation) ; 
- Des aménagements aux examens[9].

En Belgique, l’élève qui a des troubles d’apprentissage (TA) est un élève à besoins spécifiques, en situation de handicap qui devrait pouvoir bénéficier d’aménagements raisonnables. En effet, la mise en place d’aménagements raisonnables pour une personne en situation de handicap est une obligation imposée par la législation anti-discrimination belge[10] et par la Convention ONU relative aux droits des personnes handicapées[11]. Selon cette Convention, les personnes handicapées comprennent « des personnes qui présentent des incapacités physiques, mentales, intellectuelles ou sensorielles durables dont l’interaction avec diverses barrières peut faire obstacle à leur pleine et effective participation à la société sur la base de l’égalité avec les autres ». Dans la pratique, la mise en place des aménagements raisonnables dans l’enseignement obligatoire reste souvent aléatoire, chaque acteur se plaignant du flou du cadre légal (appellations diverses du public concerné, caractère raisonnable de l’aménagement, pas de pouvoir contraignant de la loi, abus…). Il n’existe d’ailleurs pas d’organe de recours en Belgique si les aménagements raisonnables ne sont pas respectés dans l’enseignement obligatoire, alors que le décret sur l’enseignement supérieur inclusif prévoit la possibilité d’introduire un recours auprès de la Commission d’enseignement supérieur inclusif[12].

Cette situation de flou engendre des phénomènes pervers dans la mise en place d’un ordinateur en classe en termes d’acceptation par les écoles, de financement et de structures d’accompagnement.

Financement et structures d’accompagnement

Depuis quelques années, l'AVIQ[13] se voit submergée de demandes de financement d'ordinateurs ou tablettes pour des élèves qui ont des troubles d'apprentissage. L’AVIQ est de plus en plus réticente à financer l'outil suite à une étude réalisée par le CRETH[14] qui met en évidence le faible taux d'utilisation réelle en classe. Suite à tous ces constats, l’Agence se positionne en disant que c'est à la Fédération Wallonie-Bruxelles de prendre en charge l'élève qui a des troubles d’apprentissage étant donné que ce n'est pas à l'AVIQ à compenser le manque d'aménagements pédagogiques mis en place dans les écoles. Ils ne souhaitent plus subventionner un outil qui reste finalement dans le fond des armoires. Nous avons souhaité comprendre les raisons pour lesquelles les élèves abandonnaient finalement les supports informatiques à l’école. Etait-ce parce qu’ils n’étaient pas réellement utiles ?

Nous avons interrogé Aline Michel[15], ergothérapeute au CRETH, qui nous a expliqué qu’en effet, le CRETH a rappelé en 2011 une vingtaine d’enfants « dys » ayant bénéficié d’une expertise du CRETH et d’une intervention financière de l’AWIPH (devenue AVIQ) dans l’achat de leur outil informatique (dans la plupart des cas, il s’agissait d’un ordinateur portable et d’un logiciel facilitant le lecture et l’écriture de type Kurzweil, les tablettes tactiles n’étaient pas encore utilisées à cette époque-là) pour réaliser que, dans 90 % des cas, le matériel n'était pas ou peu utilisé.

Ils ont tenté d'aller au-delà de ce constat et d'en comprendre les raisons. Très peu de services proposent un accompagnement à l'apprentissage de l'outil informatique. L'enfant qui est suivi en logopédie va prioritairement travailler la rééducation de son trouble, or la maîtrise de l'outil informatique nécessite du temps. Il est possible de faire appel aux SAI (Service d'Aide à l'Intégration), mais ceux-ci sont débordés de demandes et parfois inégalement répartis sur le territoire. L’AVIQ leur demande d’ailleurs de traiter en priorité les handicaps plus lourds, les élèves qui ont des troubles d'apprentissage passant après. Le CRETH conseille donc à la famille de chercher un indépendant, un centre de rééducation neuropédiatrique pour l'apprentissage du clavier. Une fois que l'automatisation des touches du clavier est maîtrisée (cette automatisation peut selon le CRETH prendre entre 6 mois et 18 mois), on passe à l'apprentissage d’un traitement de texte, à la gestion des fichiers, aux annotations sur documents pdf, au scan de documents. Parfois l'ordinateur ne suffit pas, il faut aussi ajouter des logiciels d'aide à l'écriture ou la lecture. Une fois que l'enfant maîtrise toutes ces étapes, il peut aller à l'école avec son ordinateur. Et là le contexte environnemental va jouer à plein. Comment l'enseignant va-t-il accueillir l'outil ? Comme un concurrent ? Comme un trouble-fête ? Comme un partenaire ? Et les autres élèves ? Vont-ils être envieux ? Comment gérer cette différence qui devient soudainement visible ? Aline Michel explique que, lors des évaluations, les enfants avec ordinateur entendent souvent qu'ils trichent. Ils se sentent coupables et risquent d'abandonner son utilisation et ce malgré une sensibilisation faite par du personnel des SAI et des CPMS.

Le CRETH conseille de mettre en place ce projet d’ordinateur ou de tablette en classe sous supervision d’une personne extérieure à la famille (SAI, indépendante, personne de l'intégration).  En effet, au début de l’apprentissage de l’outil informatique ou de la mise en place de l’ordinateur à l’école, tout le monde est motivé (parents, élève et école) mais la dynamique peut rapidement s’essouffler car cela demande un investissement sans relâche. D’où l’importance de nommer une personne (de préférence extérieure à la famille et à l’école) pour être responsable du projet. C’est à elle de remotiver les troupes quand il y a une baisse de motivation. La mise en place de l’outil informatique doit se réaliser progressivement (ne pas l'utiliser tout de suite pour tous les cours), de même, il est important de ne pas laisser tomber les autres adaptations (exemples : augmenter le temps pour réaliser un test, permettre à une tierce personne de prendre note à la place de l’élève…). Selon le CRETH, il est beaucoup plus simple de faire entrer l'outil informatique en primaire qu'en secondaire à cause des changements de locaux et du regard des autres (besoin d'être semblable). L’ordinateur est plus simple à introduire en primaire car l’élève n’est souvent confronté qu’à un seul professeur. En humanité, il y a un professeur pour chaque cours, cela veut dire qu’il faut convaincre plusieurs professeurs de l’utilité de l’outil, de la nécessité de fournir les cours et interrogations en version numérique, etc… De plus, les changements de locaux nécessitent l’utilisation de matériel ultra-transportable et engendrent une perte de temps dans l’installation du matériel.

Cela fait bientôt 4 ans que le CRETH ne prend plus du tout en charge les élèves « dys » parce que leur expertise n'est pas judicieuse étant donné qu’ils ne peuvent pas accompagner l’enfant « dys » au quotidien et en milieu scolaire. Ils guident cependant les parents via un document explicatif sur les démarches à effectuer pour mettre correctement l’outil informatique en place et également pour obtenir un financement auprès de l’AViQ.

Pour l’UFAPEC, l'ordinateur n'est pas la solution miracle, c'est un outil qui ne pourra fonctionner que si l'entourage est favorable et soutenant et en combinaison avec d’autres adaptations dites « papiers-crayons » : l'ordinateur ne peut pas être la seule voie d'adaptation : c'est limiter les écrits qui reste la priorité. Il ne s’agit pas de ne plus utiliser le crayon, mais de pouvoir choisir entre les différentes stratégies d’écrits : utiliser un stylo pour dessiner, écrire à petites doses, poser des chiffres, utiliser l’ordinateur pour écrire vite et réfléchir, mémoriser, écouter, s’exprimer, comprendre. De même, la tâche de copie du tableau reste tout autant complexe avec ou sans ordinateur. Il faudra plutôt travailler sur les stratégies de copie même si le passage d'un plan à l'autre reste compliqué au niveau neuro visuel. Les interrogations orales constituent aussi une alternative essentielle pour évaluer les connaissances de l'élève sans que celles-ci soient court-circuitées par son trouble[16].

Accompagnement indispensable

Face aux difficultés vécues par leur enfant en classe, certaines familles s’engagent dans un nouveau combat qu’elles ne pourront peut-être pas mener jusqu’au bout. Elles espèrent en effet de bonne foi que l’ordinateur va permettre de compenser l’orthographe ou la lecture déficiente, d’améliorer la prise de notes ainsi que la relecture. Elles ne sont cependant pas toujours conscientes d’autres obstacles à dépasser comme un accompagnement au quotidien, le développement d’une expertise, un investissement des enseignants pour donner les documents en format pdf, le regard des autres et parfois le refus catégorique de leur enfant de se différencier. 

Des parents accompagnateurs de leur enfant pointent comme obstacles majeurs à l’ordinateur en classe la maîtrise de l’outil, le choix des logiciels et l’obtention des documents en format pdf.

Le plus compliqué est probablement d’apprendre l’usage du PC à l’élève et de savoir quels logiciels utiliser pour quel problème (lecture, écriture…). Il faut qu’un proche s’investisse (temps, énergie, compétence) ou bien aller chez un (e) logopède (coût, temps, énergie en navettes…). C’est un vrai problème surtout pour les plus jeunes (en humanités, on peut imaginer apprendre en partie seul. Les écoles apprennent souvent aux élèves les rudiments du traitement de texte, comment faire un PowerPoint...). On devrait développer des ateliers et surtout faire savoir que ça existe. Donc, non, malheureusement je pense que ce n’est actuellement pas accessible à tous les élèves. Mais ça pourrait l’être assez facilement si l’information circulait partout : divulguée par la boite à outils[17], entre autres, et relayée par les profs ou les CPMS qui pourraient conseiller aux élèves d’utiliser tel ou tel logiciel et si l’utilisation de l’ordi était reconnue partout comme aménagement raisonnable.  (Témoignage maman élève 3e secondaire multidys)

Depuis sa première année secondaire, il était autonome pour les documents reçus en PDF. S’ils étaient sur support papier, il ne passait jamais par l’étape du scan en classe. Pour nous, où le bât blesse, ce sont les documents de travail. Je suis convaincue qu’il aurait eu tous ses documents scolaires en numérique, son ordi aurait été bien plus un outil de travail. Rajouter du travail en devant scanner, classer, organiser…le décourageait. Il trouvait qu’il passait déjà bien assez de temps comme ça pour le scolaire. (Témoignage maman élève dyslexique, 6e secondaire)

Selon Aline Michel, la solution résiderait dans la création d'organismes qui gèreraient l'accompagnement des enfants qui ont des troubles d’apprentissage avec analyse approfondie des besoins, formation d'apprentissage du clavier, gestion de l'outil informatique et accompagnement de l'enfant au quotidien en classe et, ce, en veillant à couvrir toutes les régions de la Fédération Wallonie-Bruxelles. Ces centres offriraient aussi l’opportunité d'avoir une période de testing du matériel avant l'achat.

Acceptation par les écoles - Témoignages de parents d’utilisateurs

Nous avons interrogé des parents dont les enfants utilisent régulièrement un ordinateur ou une tablette en classe afin d’identifier les leviers et obstacles ainsi que les bénéfices. Ces écoles ont toutes accepté l’utilisation de l’ordinateur ou de la tablette en classe et ceci de manière très naturelle. Les parents interrogés n’ont jamais perçu de réticence ou une impression de donner un traitement de faveur à leur enfant. Tous les enseignants avaient compris l’enjeu et les autres élèves ont aussi accepté l’arrivée de l’outil naturellement. Le gain principal se situe en termes d’autonomie. Un élève dyslexique-dysgraphique a commencé à utiliser sa tablette à l’école au début de sa 2e secondaire, car il éprouvait beaucoup de difficultés pour relire ses notes de cours et les enseignants se plaignaient de sa dysgraphie lors des tests de connaissances.

Cela a changé totalement sa vie, et son autonomie, il est fier d’être « la référence » en classe en cas de problème technique pour l’ordinateur du professeur. Cela se passe vraiment bien.

La plus grande difficulté rencontrée a été l'apprentissage du clavier. Il a appris à taper à l’aveugle, comme le préconisent les thérapeutes. Aujourd’hui, il n’y a plus de trace de ses nombreuses « ratures ». Le correcteur orthographique intégré l’aide énormément… Alors que ces panneaux d’élocution étaient plutôt des « torchons », aujourd’hui il réalise de belles présentations power point bien nettes dans lesquelles il parvient même à intégrer des films et photos. Il devient un as en informatique ! Nos craintes, celles des enseignants et de la logopède étaient que notre fils n'apprenne plus à écrire. Au contraire cela l'a aidé même motivé pour la calligraphie et l'écriture en général[18]. (Maman d’un jeune garçon dyslexique de 10 ans, utilisant un ordinateur à l’école depuis deux ans, essentiellement pour les expressions écrites)

Les freins majeurs évoqués se situent au niveau de l’obtention des documents en format pdf.

Les profs à l’aise avec l’informatique, qui de toute façon ont leurs cours sur ordi, n’ont aucun problème à les donner (par mail ou par clé usb). Par contre, les profs qui sont toujours avec des photocopies sont dans l’incapacité d’aider. Aucun enseignant n’est contre l’utilisation de l’ordi pour la prise de notes en classe, mais certains sont incapables de lui fournir l’interro sur clé usb. (Témoignage maman élève 3e secondaire multidys)

Il faut aussi compter du temps pour envoyer fin juin ou durant les vacances scolaires une attestation et une demande pour obtenir tous les manuels scolaires en format numérique à toutes les maisons d’édition. (Témoignage maman élève 3e secondaire multidys)

A la question « Pensez-vous que le support informatique soit accessible à tous les élèves qui ont un trouble de l’apprentissage ? », globalement la réponse est non.

Comme c’est le cas aujourd’hui non. Ce le sera s’il est présent dans toutes les classes et qu’il est disponible pour tout élève en exprimant le besoin. (Témoignage maman élève dyslexique, 6e secondaire)

Un seul jeune a abandonné l’utilisation de son ordi en classe après un changement d’école. Les raisons sont diverses :

Louis a toujours été le seul dans sa classe à utiliser un ordi. Dans sa première école, c’est très vite passé de la surprise à l’entraide (dans les deux sens). Dans sa seconde école, il est aussi le seul, mais c’est plus difficile pour lui, car le regard des autres est plus pesant. La plupart des enseignants font semblant de ne pas comprendre le besoin. L’ordi est plutôt utilisé à la maison pour l’étude, la lecture de livres, les devoirs. D’autre part, le besoin est moins important en technique qu’en général, car la quantité de matières est moindre. Dans certains cours, les profs lisent tout à voix haute, car ils constatent que plusieurs élèves ont des difficultés de compréhension à la lecture. Et puis, il en a marre de la voix de synthèse.

Conclusion

Le fait d’amener son ordinateur ou sa tablette en classe rend visible, palpable, réel le trouble d’apprentissage. Impossible dès lors pour l’enseignant d’oublier que son élève a des besoins spécifiques d’apprentissage, ce qui est un plus pour l’élève, mais qui dans le même temps le singularise. Certains risquent de choisir de le laisser au placard ou de ne l’utiliser qu’à la maison pour être comme les autres. Mettre simplement dans leurs mains l’outil informatique sans assurer un accompagnement et un soutien au quotidien, c’est les pénaliser une seconde fois. Nous l’avons vu, le contexte environnemental joue un rôle primordial ; les élèves « dys » confrontés à de nombreux échecs ont une faible estime d’eux-mêmes. S’ils se mobilisent et osent se singulariser en venant en classe avec un ordinateur ou une tablette, il est essentiel que les conditions soient réunies pour que les avantages dépassent de loin les inconvénients. L’enjeu ne se situe donc pas tant dans l’achat du matériel informatique, mais plutôt dans l’accompagnement et l’acceptation de cet outil dans les écoles. La mise en place de structures d’accompagnement accessibles à tous permettrait aux élèves « dys » qui en ont vraiment besoin d’avoir un accès équitable à un outil incontournable pour la réalisation de leurs études et leur vie professionnelle. Actuellement, les organismes publics renvoient les parents demandeurs de soutien pour l’achat de matériel informatique vers les écoles accusées de ne pas mettre en place les aménagements raisonnables. Et les familles se retrouvent contraintes de se tourner vers des services payants ou de développer une certaine expertise pour aider à la mise en place de l’ordinateur ou de la tablette en classe pour leur enfant. Ce n'est clairement pas l'aménagement raisonnable accessible à tous. Nous pouvons en tout cas espérer que les élèves et les enseignants pionniers vont faire bouger les lignes et participer ainsi à cette école inclusive dont on parle beaucoup. Si les écoles refusent à leurs élèves l’accès à des outils appropriés pour contourner leurs troubles d’apprentissage, pouvons-nous encore parler d’une école qui prenne en compte les besoins pédagogiques des élèves ? Pour l’UFAPEC, l’école devrait plutôt inciter et évaluer l’enfant sur sa capacité à faire appel à tous les outils qui lui sont disponibles. Faire des élèves des individus autonomes capables de s’outiller et de compenser leurs faiblesses est pour l’UFAPEC un enjeu majeur. Gageons que les expériences réussies renvoient au placard les réticences actuelles, tant les gains pour les apprenants et leurs enseignants, en particulier en termes d’autonomie, sont fondamentaux.

 

Anne Floor

 

[1] La dyspraxie est une anomalie de la planification et de l’automatisation des gestes volontaires et se traduit par la difficulté à réaliser des praxies, c’est-à-dire des séquences de mouvements volontaires pour interagir avec l’environnement. http://www.apeda.be/dyspraxie/

[2] SERGENT Denis, La dyspraxie, handicap méconnu et sous-estimé, La Croix du 28/05/2012.

[3] BACQUELE Vanessa, L’usage de l’informatique par les élèves dyslexiques : un outil de compensation à l’épreuve de l’inclusion scolaire », Terminal [En ligne], 116 | 2015, mis en ligne le 25 décembre 2014, consulté le 20 juillet 2016. URL : http://terminal.revues.org/661 ; DOI : 10.4000/terminal.661

[4] En France, dans le cadre de la loi de 2005, un élève en situation de handicap a droit à un projet personnalisé de scolarisation (PPS) qui définit les modalités de sa scolarisation, les actions et les aides dont il peut bénéficier. Le matériel pédagogique adapté en fait partie et est financé par la DSDEN (Direction des services départementaux de l’Education nationale).

[5] Source : https://terminal.revues.org/docannexe/image/661/img-4.png

[6] BACQUELE Vanessa, op.cit.

[7] BACQUELE Vanessa, op.cit.

[10] Décret de la Communauté française du 12 décembre 2008.

[11] Convention ONU relative aux droits des personnes handicapées, article 24.

[12] Article 17 du Décret relatif à l’enseignement supérieur inclusif. http://www.gallilex.cfwb.be/document/pdf/39922_000.pdf

[13] Agence pour une Vie de Qualité

[14] Le CRETH est un centre de ressources par rapport aux nouvelles technologies pour les personnes en situation de handicap.  http://creth.be/

[15] Interview réalisée le lundi 13 février 2017.

[16] FLOOR Anne, L’outil numérique pour contourner les difficultés de l’écrit, Analyse UFAPEC N° 28.16. http://www.ufapec.be/nos-analyses/2816-numerique-aide-ecrit.html

[18] Témoignage recueilli auprès d’une maman active dans la boîte à outils coordonnée par l’UFAPEC et l’APEDA.

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