Analyse UFAPEC août 2015 par J-P. Schmidt

12.15/ Garderie : faut-il dépasser la simple surveillance ?

Introduction

Depuis 2003, l’accueil de la petite enfance, à savoir les 2,5 à 12 ans, est réglementé par un décret datant du 3 juillet 2003[1]. Ce décret vise deux objectifs : la coordination de l'accueil des enfants durant leur temps libre compris entre le milieu scolaire et le milieu familial et le soutien de l'accueil extrascolaire qui vise les temps avant et après l'école. Les périodes visées touchent aussi le mercredi après-midi, le week-end et les congés scolaires.

Les périodes hebdomadaires qui relèvent de l'enseignement ne font pas partie du champ d'application du décret. Le temps de midi ne relève pas non plus de l'accueil temps libre. L'accueil durant le temps libre comprend les activités autonomes encadrées et les animations éducatives, culturelles et sportives. A lire ce décret, on comprend que l’école n’a pas d’obligation légale à organiser en son sein des garderies ou des activités extra-scolaires. On comprend aussi que les écoles organisent cet accueil car il en va parfois de la survie des établissements. Alors ? Comment une école fondamentale se débrouille-t-elle, dans ce cadre donné, à rencontrer les impondérables de la société ? A savoir et ce dans le désordre, les heures d’ouverture, le contenu de ces moments, l’encadrement et le coût que l’on est prêt à donner, et ce dans un cadre épanouissant et accessible au plus grand nombre ?

Les heures d’ouverture de l’établissement

Pour rappel, l’école est obligatoire, de 6 à 18 ans depuis la loi du 29 juin 1983[2]. Il est donc de la responsabilité des parents de pouvoir scolariser leurs enfants. Le choix d’une école s’avère donc déterminant. Nous connaissons les contraintes imposées aux parents dans certaines grandes villes où déjà la recherche d’un établissement pas très loin du domicile est problématique. Au-delà du projet pédagogique, projet d’établissement que proposent l’école, un élément soulève beaucoup d’interrogations : les heures d’ouverture de l’école. Par corollaire, la notion des rythmes scolaires dans son ensemble est en droit d’être interrogée. Dans le cas qui nous occupe, le rythme journalier en particulier peut s’améliorer, car celui-ci suit des courbes de concentration fluctuantes. A ce propos, l’UFAPEC initie la réflexion sur un découpage efficient de la journée d’école. Une étude est en cours à ce sujet. Il faut préparer l’école à vivre au sein d’une société moderne, démocratique et culturelle. Mais ce critère horaire doit-il déterminer le choix d’une école ? La culpabilité de laisser ses enfants à l’école de 6h30 à 18h30 prend vite le dessus. La chasse au temps comblé de manière efficience et efficace remonte à la surface pour atténuer quelque peu cette culpabilité. Les parents veulent le meilleur pour leurs bambins. Légitiment, ils demandent à connaitre le « programme » de ces temps extra-scolaires. Le contenu des choix pédagogiques posés par l’établissement en mains, celui-ci répond-ilà leurs attentes ? Tout parent peut se poser des questions : « Puis-je proposer d’être partenaire dans la réflexion de ces contenus ? Puis-je être actif afin d’être en harmonie avec ce qui se passe dans l’établissement ? » Interroger l’établissement peut être utile et amener une réflexion plus large lors d’un Conseil de Participation, par exemple.

Le contenu de ces moments

L’organisation d’activités au sein d’un établissement constitue bien souvent une belle carte de visite. Ce moment est à combler de la meilleure manière au libre choix des établissements pour apporter un dynamisme certain pour et par l’école mais également une réponse au confort ou réconfort des enfants et de leurs parents. Mais que peut-on y mettre ?

Une fois l’école choisie, les parents souhaitent le meilleur pour leur enfant également dans l’accueil extra-scolaire. Le temps doit être rentabilisé. Entre culpabilité et faisabilité, la tendance est à l’activité construite et encadrée. Cela va de la leçon de langues modernes au chant en passant par des activités sportives et/ou artistiques et ce, dans un temps donné respecté. Il en va de même pour l’étude, lieu où l’élève peut « faire ses devoirs ». A ce titre, la création d’une école de devoirs[3] peut voir le jour et peut être profitable à la famille. Il reste enfin, la garderie. Pour le Larousse, garderie signifie garde, surveillance collective d’enfants ou lieu où s’effectue cette garde. Comme nous le constatons, si notre enfant est en garderie, ces activités se limiteront au dessin, au puzzle, à lire une histoire, à découvrir des jeux de société, aux jeux libres intérieurs ou extérieurs, aux jeux de coopération. « Ces temps permettent  aux  enfants  de  se  détendre  et  d’interagir  avec  leurs  pairs.»[4]  Il n’y a pas ici de contrainte temps. L’enfant peut partir en fonction de l’arrivée du parent. Dans ce cadre, pourquoi ne pas proposer au parent de s’arrêter un petit quart d’heure afin que celui-ci se pose d’abord, prenne le temps du bonjour, prenne le temps de la rencontre, des retrouvailles, prenne le temps aussi d’accompagner l’accueillante dans ce qu’elle entreprend pour les enfants. Ce travail en trio renouvelle un cadre traditionnel de la garderie pour éviter les « Je viens rechercher mon paquet », « dépêche-toi », « et ton goûter ? ». Cette rencontre peut se faire au niveau de l’étude également. Cela contribuera à une certaine sérénité du climat scolaire et extra-scolaire, parents, accueillantes et parfois enseignants ayant dès lors l’habitude de se côtoyer.

Les autres activités dites « structurées » dépendent souvent d’un opérateur extra-scolaire constitué en Asbl choisi par l’établissement. Cette Asbl prend en charge toute l’organisation de l’accueil extra-scolaire en collaboration avec la direction et le Pouvoir Organisateur, soulagés de moins porter cette organisation. Bien évidemment, ces activités sont payantes et toutes les familles ne peuvent pas se le permettre. Pour aider les familles précarisées, il peut exister un fonds de solidarité permettant d’apporter un soutien aux parents en difficulté. Si ce fonds n’existe pas dans les établissements fréquentés par vos enfants, pourquoi ne pas l’initier au Conseil de Participation. A noter également et ce, jusqu’à 12 ans, ces activités extra-scolaires d’encadrement sont déductibles fiscalement[5].

L’encadrement et le coût

L’exigence légitime d’un contenu de qualité passe inévitablement par un encadrement de qualité. Pour la direction, le choix de la bonne personne suivant les diverses contraintes administratives n’est pas chose aisée. Concernant la garderie, l’accueillante doit pouvoir suivre des formations de qualité afin d’offrir aux enfants un encadrement digne de ce nom. Quant à l’étude, l’enseignant est souvent la personne de référence pour accompagner au mieux l’élève dans la réalisation des devoirs. Enfin, les activités prises en charge par une Asbl certifient dans une très large majorité de mettre à disposition des animateurs brevetés, diplômés ou à tout le moins formés. Tout ceci a un coût ! Parfois élevé, il est vrai ! Il faut savoir aussi que le coût est normalement partagé puisque le décret sur les avantages sociaux[6] permet à toutes les écoles d’une même commune, quel que soit le réseau fréquenté, de profiter d’une somme au prorata du nombre d’enfants présents en garderie et ce, dans un temps donné. A noter aussi qu’une commission communale d’accueil (CCA)[7] existe dans chaque commune. Cette commission est compétente pour analyser tous les problèmes qui relèvent de l'accueil des enfants durant leur temps libre. Les représentants des associations de parents ainsi que les représentants des organisations d’éducation permanente dont le champ d’action est celui des familles sont membres effectifs d’une CCA avec voix délibérative. Au-delà de ça, une école peut demander ce qu’elle veut en termes de coût en fonction des choix posés par les parents. Dans ce cadre, chaque école doit s’assurer que chaque famille puisse y accéder. Mais tout parent que nous sommes en faisant le choix d’un établissement, nous acceptons les différents projets ou offres de l’établissement en connaissance de cause. Rien n’empêche si des choses doivent être discutées, améliorées que vous puissiez susciter le débat dans l’établissement via un représentant au conseil de participation, via l’AP et la direction. Quoiqu’il en soit l’enfant doit pouvoir se poser sur un cadre sécurisant et rassurant devant le porter vers l’autonomie. Une relation saine et positive doit pouvoir se construire dans cet attachement à l’autre, source de sécurité pour tous les partenaires.

Pistes de réflexion

Le plus essentiel c’est de pouvoir être en accord avec ce qui est proposé. S’adapter et avoir confiance. Benoît Galand, professeur à la Faculté de psychologie et des sciences de l'éducation  invite à la réflexion sur l’aspect de l’instauration de la confiance[8] : « Du domaine des neurosciences à celui de l’efficacité dans l’enseignement, les études convergent pour montrer que les conditions favorables àlapprentissage sont non seulement cognitives, mais également relationnelles et émotionnelles. Instaurer un climat de confiance réciproque entre élèves, parents et enseignants, mais également entre élèves, est donc une composante de la qualité de l’enseignement, pas un «à côté» du métier. Outre sa contribution à la mission d’instruction, cette partie du travail enseignant contribue aussi aux missions d’éducation et de socialisation attribuées à l’institution scolaire. Il s’agit d’apprendre aux élèves à intégrer les règles de vie dune sociétédonnée et de développer chez eux le contrôle de soi et la prise de recul permettant l’autonomie. Dans cette optique, des pratiques axées principalement sur laffirmation de valeurs, la surveillance, la menace et la punition sont contre-productives, car elles suscitent méfiance, soumission, fuite ou rébellion. Faire régner lordre ne suffit pas àconstruire un climat positif au sein dune école. La confiance et le sentiment dappartenance nécessitent un travail éducatif qui cultive le respect, la convivialitéet les obligations mutuelles entre enseignants, parents et élèves, ainsi qu’entre les élèves eux-mêmes. Pour ce faire, les équipes éducatives peuvent mettre leur temps et leur énergie dans la mise en avant des comportements positifs souhaités et la valorisation de ceux-ci quand ils se manifestent, plutôt que dans l’énoncé et la détection des comportements non souhaités. Cela peut s’accompagner d’un système de progression qui donne accès à des droits supplémentaires (plutôt que des conséquences négatives). Une étape complémentaire est de mettre en place une gestion plus collective des règles et des sanctions, à travers des procédures participatives (votes, délégués, conseil coopératif, pédagogie institutionnelle, école citoyenne, etc.) qui visent à favoriser la réflexion et la résolution de problèmes face à des situations de conflits. C’est l’expérience quotidienne de ces éléments vécus par les élèves qui peuvent jeter les bases d’une réelle éducation à la citoyenneté et d’une confiance dans nos institutions.»

Les synergies possibles entre les événements dans le temps scolaire et/ou hors temps scolaire sont de la même veine. On voit que l’on navigue facilement entre le domaine d’éducation formelle et non-formelle. Les deux ont intrinsèquement des éléments à apporter à l’autre. Au-delà de la confiance et de la reconnaissance dont Benoît Galand nous fait part, l’idée de travailler conjointement pour un accueil de meilleure qualité s’articule aussi sur l’appropriation des différentes compétences que l’enfant peut valoriser ailleurs que dans la classe. En garderie, il est possible de mobiliser ces compétences par l’action. L’apprentissage de ces ressources n’a de sens que si l’enfant se montre apte à les utiliser dans une « famille de situations ». L’approche par compétence invite l’école à développer des savoir vivants, c’est-à-dire des outils pour penser et pour agir à l’école et en dehors.[9]

Conclusion

L’accueil extra-scolaire décliné sous différentes formes a un rôle primordial et social à jouer. D‘un côté, il se positionne comme la continuité de l’école et de l’autre, il assure aussi un lien social avec les familles. Consolider ce lien, passe nécessairement par plus de moyens tant au niveau du personnel qu’au niveau des équipements. Cet ancrage et cette organisation présupposent des collaborations accrues entre l’établissement, l’accueil et les parents. Le conseil de participation doit pouvoir être le lieu de la construction pour un meilleur accueil de l’enfant. L’UFAPEC insiste sur l’importance de lier le projet pédagogique de la structure accueillante avec le projet pédagogique de l’école. Ceci pour permettre une participation active des différents acteurs autour d’un même objectif.

Prendre le temps d’accompagner son enfant à l’école, avoir confiance dans le contenu donné, reconnaitre et s’intéresser au travail des accueillants ouvrent la voie à une certaine sérénité. Restons-y attentifs. La stabilité et la référence vécues lors de ces moments apparaissent comme essentielles. Sommes-nous prêts à y mettre un prix ?[10] Avons-nous nos apaisements quant au contenu donné ? Pouvons-nous participer à la réflexion de l’extra-scolaire ? Tous les enfants y ont-ils accès ? A côté de cela, n’est-il pas urgent de consacrer des moyens structurels à ce temps devenu incontournable pour les familles et l’école ?

Le philosophe G.H. Mead montre, au début du XXe siècle, que l'origine et les fondements du soi relèvent foncièrement de la socialisation ; « c'est en s'ouvrant à l'altérité et à la différence qu'un individu se donne les moyens de grandir et de prendre part sereinement à la vie commune. » La garderie ne peut-elle pas être un temps et un lieu de construction de soi et donc de sortir de la simple surveillance ?

L’UFAPEC croit que le partenariat école-familles, matérialisé positivement par le fonctionnement du conseil de participation et de l’association de parents doit garantir à tous les enfants un accueil de qualité et une garderie innovante et épanouissante.

 

Jean-Philippe Schmidt

 

 

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[1]http://www.gallilex.cfwb.be/document/pdf/28502_003.pdf   - lien vérifié le 20  août 2015

[2]http://www.gallilex.cfwb.be/document/pdf/09547_001.pdf   - lien vérifié le 21 août 2015

[3]http://www.ffedd.be/  - lien vérifié le 24 août 2015

[4]PELLEGRINI A. D., La récréation des enfants, 2005.

[6]http://www.gallilex.cfwb.be/document/pdf/25875_001.pdf  - Lien vérifié le 20 août 2015

[7]http://www.one.be/index.php?id=2447  - Lien vérifié le 20 août 2015

[9]ROMAINVILLE, M., L’approche par compétences en Belgique francophone : où en est-on ? « Les Cahiers pédagogiques », Quel socle commun ?, janvier 2006.

[10]VANHONSTE, C., L’école…gratuite ?, analyse UFAPEC, 2011.

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