Analyse UFAPEC août 2015 par A. Pierard

13.15/ Handicap : une société inclusive ?

Introduction

L’inclusion sociale des personnes handicapées est un sujet qui prend beaucoup d’ampleur dans notre société depuis plusieurs années : colloques, conférences, articles de revues… Il y a une réelle pression des familles et des associations et du monde politique en faveur de l’inclusion des personnes handicapées. Dans ce sens, la convention de 2009 relative aux droits des personnes handicapées reconnait ces personnes comme des citoyens à part entière ayant les mêmes droits et libertés que tout un chacun. Cette convention « a pour objet de promouvoir, protéger et assurer la pleine et égale jouissance de tous les droits de l’homme et de toutes les libertés fondamentales par les personnes handicapées et de promouvoir le respect de leur dignité intrinsèque. Par personnes handicapées on entend des personnes qui présentent des incapacités physiques, mentales, intellectuelles ou sensorielles durables dont l’interaction avec diverses barrières peut faire obstacle à leur pleine et effective participation à la société sur la base de l’égalité avec les autres.[1] ». L’inclusion est une valeur prônée par cette convention ratifiée par la Belgique le 23 mars 2009. Dans cette optique d’accueil de la différence, d’ouverture et d’égalité entre tous, quelle est la place des personnes handicapées dans notre société aujourd’hui ?

Les personnes handicapées ont leur place dans notre société qui doit s’adapter, s’ouvrir à la différence pour être plus inclusive. Quelle adaptation de la société à chacun ? Quelle sensibilisation au handicap pour permettre l’inclusion effective des personnes handicapées ?

L’inclusion des personnes handicapées est à penser à tous les niveaux : éducation, travail, sport, culture… Dans notre société actuelle, qu’est ce qui est fait pour l’intégration des personnes handicapées en matière d’emploi, de lieux de vie, d’accessibilité des lieux publics, d’activités de loisirs… ? Quels avantages peut retirer le citoyen lambda d’une société inclusive ?

Quels termes utiliser ?

Handicap

Pour parler des personnes handicapées, les termes sont nombreux et les nuances sont fines : personnes handicapées, personnes ayant un handicap, personnes en situation de handicap, élèves à besoins spécifiques… Il y a aussi des désignations selon le type de handicap dont la personne est affectée : personne à mobilité réduite, aveugle, malvoyant, sourd, malentendant, trisomique… Différentes appellations sont possibles et nous n’avons pas toujours la même définition de ces mots. Parmi ces appellations, qu’est ce qui est respectueux de ces personnes ? Il semble fondamental de ne pas limiter la personne à son handicap et de pouvoir penser et voir les qualités, les capacités, les compétences de ces personnes qui sont avant tout des êtres humains à part entière. C’est bien pour cela que l’on parle avant tout de personne handicapée et non d’handicapé. On n’est pas réduit à son handicap.

Inclusion

A ce sujet aussi les termes sont multiples et leur utilisation aura une influence sur la façon de penser les choses et la mise en place d’actions concrètes.

Intégrer, c’est partir de la personne et susciter sa participation active. « Quand nous parlons d’intégration, il s’agit d’un mouvement induit par les personnes avec un handicap et leur entourage pour rejoindre la vie sociale ordinaire. L’intégration se heurte souvent à une crainte des milieux d’accueil, par un manque de connaissances à propos du handicap.[2] »

Inclure, c’est inscrire la personne dans le tissu social sans chercher d’uniformité mais plutôt en visant l’adaptation de l’environnement pour l’accueillir. « L’inclusion est un principe idéal qui nous permettrait de croire que toutes les personnes différentes auraient accès à tous les services ordinaires avec un accueil personnalisé et le soutien adapté.[3] »

Une société inclusive s'adapte à tous ses citoyens et non l'inverse, en tenant compte des spécificités de chacun car nous sommes tous des êtres singuliers. Elle est à construire ensemble, petit à petit. Elle génère de l'entraide, du partage, de la solidarité… pour le plus grand bénéfice de tous.

Des bénéfices pour tous

Déjà, une grande part de la population est concernée par ce qui touche au handicap : « sur une population mondiale de 7 milliards, plus d'un milliard est en situation de handicap. Si l’on inclut les membres de leur famille -parents, fratries, conjoints- quotidiennement impliqués, plus d’un tiers des habitants de la planète se trouve donc concerné de façon directe ou indirecte.[4] ». Ces personnes sont donc sensibles à une reconnaissance et une meilleure considération d’eux-mêmes et de leurs proches au sein de notre société.

Penser une société inclusive, c’est respecter les personnes handicapées et donner leur juste place à ces familles. C’est aussi respecter chaque citoyen dans sa spécificité. Comment permettre l’acceptation et la prise en compte des compétences et faiblesses de chacun dans notre société individualiste visant la performance ?

Concevoir une société inclusive, c’est reconnaitre que « Chacun est héritier de ce que la société a de meilleur et de plus noble. Personne n’a l’apanage de prêter, de donner ou de refuser ce qui appartient à tous. (…) Chaque citoyen a un droit égal à bénéficier de l’ensemble des biens sociaux, qui se définissent par leur communalité: la ville, les transports, les espaces citoyens, les salles de cinéma, les bibliothèques, les structures de sport et de loisirs, etc. Nos savoirs, notre culture, nos ressources artistiques font partie de ce capital collectif tramé de fils de couleurs multiples et indémêlables.[5] »

Dans une société inclusive, l’ouverture, la tolérance, l’acceptation des différences et des faiblesses personnelles, le respect de chacun, l’entraide et la solidarité sont des valeurs essentielles. Les adaptations et ressources disponibles peuvent être bénéfiques pour tout un chacun. Par exemple, une accessibilité de lieux publics peut servir quelqu’un qui se retrouve la jambe dans le plâtre suite à un accident ou une clarification de l’information servira à tous. « Les accommodements ne se limitent pas à une action spécifique pour des groupes tenus pour spécifiques. Ils visent à améliorer le mieux-être de tous. Qu’ils soient architecturaux, sociaux, éducatifs, pédagogiques, professionnels ou culturels, les plans inclinés sont universellement profitables. Ce qui est facilitant pour les uns est bénéfique pour les autres. Une société inclusive n’est pas de l’ordre d’une nécessité liée au seul handicap: elle relève d’un investissement global. Ce qui prime est l’action sur le contexte pour le rendre propice à tous, afin de signifier concrètement à chaque membre de la société: «Ce qui fait votre singularité ne peut vous priver du droit de jouir de l’ensemble des biens sociaux. Ils ne sont la prérogative de personne».[6] »

Des lignes d’actions

Nous avançons sur le chemin de l’inclusion, mais il y a encore des changements sociétaux à effectuer pour une société plus inclusive.« Beaucoup d’Européens, des personnes handicapées en particulier, ne peuvent aujourd’hui participer sur un pied d’égalité à des activités et aspects importants de la vie en société, simplement parce que la politique, la société et l’environnement ne sont pas conçus pour répondre à leurs besoins.[7] »

Pour une société plus inclusive, comme présenté dans son article 3, les principes de la Convention relative aux droits des personnes handicapées sont « le respect de la dignité intrinsèque, de l’autonomie individuelle, y compris la liberté de faire ses propres choix, et de l’indépendance des personnes; la non-discrimination; la participation et l’intégration pleines et effectives à la société; le respect de la différence et l’acceptation des personnes handicapées comme faisant partie de la diversité humaine et de l’humanité; l’égalité des chances; l’accessibilité; l’égalité entre les hommes et les femmes; le respect du développement des capacités de l’enfant handicapé et le respect du droit des enfants handicapés à préserver leur identité. »

Le respect de l’autonomie individuelle des personnes handicapées

Un soutien à la personne handicapée passe non seulement par le respect de son droit à l’autonomie et l’indépendance mais aussi par différents moyens pour mettre en pratique le respect de ce droit. Comment mettre en place ces moyens ? Cela doit-il être réservé aux services dont c’est dans les missions d’accompagner les personnes handicapées ? Faudrait-il soutenir les services publics pour une prise en compte du handicap ?

Les services d’aide précoce, les services d’aide à l’intégration et les services d’accompagnement de l’Agence Wallonne pour l’Intégration des Personnes Handicapées (AWIPH) ont un rôle important à jouer auprès des personnes handicapées et de leurs familles. C’est dans leurs missions de les accompagner dans l’élaboration de projets personnels en vue d’une plus grande autonomie.

De leur côté, avec un minimum d’ouverture et d’adaptation, les différents services publics pourraient considérer les personnes handicapées comme les autres, tout en reconnaissant leurs difficultés et leurs besoins spécifiques et en y apportant les réponses les plus adaptées possibles. Il semblerait dans ce sens judicieux de penser une préparation, une formation visant une prise en compte du handicap dans ces différents lieux.

L’idéal est de mettre la personne au centre et de partir de ses compétences et projets pour ensemble, à ses côtés, y donner sens. Les personnes handicapées savent quels aménagements peuvent leur servir. Il est important de construire leur projet avec eux et non de parler sur eux. Par exemple, une personne sourde faisant des études supérieures saura dire si elle a besoin de la présence d’un traducteur en langue des signes en classe ou si un syllabus ou des notes complètes lui suffiront.

La participation pleine et effective des personnes handicapées

Un point essentiel est effectivement la participation sociale et citoyenne des personnes handicapées qui ont les mêmes droits et libertés que tout un chacun, sont des citoyens à part entière. Un élément important à ce niveau serait une communication et une information accessible, utilisable par tous pour exercer une citoyenneté responsable. Dans ce sens, les personnes handicapées réclament une ouverture de la société et des adaptations (lieux, information…) pour leur permettre une participation active à la vie politique, culturelle et publique. N’est-ce pas une évidence de permettre à tout citoyen cette participation pleine et active?

Le respect de la différence

Le regard sur la différence, les stéréotypes et la peur sont des obstacles à l’inclusion des personnes handicapées mais le handicap ne doit pas être un empêchement pour apprendre à se connaitre et participer ensemble à une société plus inclusive. Des changements importants seraient à porter : développer un regard ouvert et bienveillant envers les personnes handicapées, permettre la rencontre et les échanges entre personnes valides et personnes handicapées pour s’enrichir de nos différences. Cela s’inscrit dans une stratégie globale de réduction des inégalités, de non-discrimination, d’ouverture à l’autre et de prise en considération de la diversité.

Dans ce sens, l’intégration scolaire[8] et l’inclusion dès le plus jeune âge sont source d’ouverture et d’acceptation de la différence. Au plus tôt le citoyen lambda est confronté à la différence, au plus facilement il pourrait la considérer comme partie intégrante de la société et donc l’accepter et la respecter vu les valeurs associées inculquées et développées par la rencontre d’enfants handicapés en crèche, en classe ou dans des activités de loisirs. Miser sur les jeunes semble être une stratégie durable pour une société inclusive. « Les enfants et les jeunes handicapés et non handicapés sont l’avenir de la société. Ils doivent pouvoir grandir ensemble. Les enfants non handicapés apprendront tout naturellement à connaitre la différence, à vivre avec elle et à la respecter. Ils seront les acteurs et les garants d’une société valorisant la diversité.[9] ». Qu’ils apprennent à se connaitre pour combattre la peur, reconnaitre et accepter la différence.

La diversité des identités et appartenances recouvre le handicap mais aussi le genre, l’âge, la classe sociale, l’origine culturelle… L’inclusion concerne tous les membres de la société. S’ouvrir et apprendre à connaître l’autre est essentiel pour grandir et vivre ensemble au sein de notre société.

L’égalité des chances

L’égalité des chances est à penser en invoquant le principe d’équité qui demande une adaptation des moyens aux différences et aux besoins de chacun. Par exemple, assurer l’égalité des chances d’une personne sourde qui souhaite poursuivre des études supérieures, c’est lui permettre la présence d’un traducteur en langue des signes aux cours et/ou lui fournir des notes prises par d’autres étudiants. Ce qui semble important pour une insertion sociale réussie, c’est d’accueillir la personne dans sa différence, avec ses envies et ses compétences, que ce soit au niveau de la formation[10], de l’emploi[11]

L’accessibilité aux lieux et à l’information

Quand on parle d’accessibilité, on pense d’abord environnement et lieux publics mais il faut aussi penser l’accessibilité de l’information. Il faudrait agir et adapter l’environnement pour permettre aux personnes handicapées d’être avec les autres et de développer l’ensemble de leurs capacités. L’accessibilité et les adaptations sont à penser en matière de scolarité, d’emploi, de transport, de logement…

Par exemple, concernant l’accessibilité des lieux, pour une personne en fauteuil roulant, la présence d'une ou de plusieurs marches lui rend l'accès impossible à certains lieux. Des lieux de plein pied, une rampe inclinée ou un ascenseur peut lui donner accès à différents lieux. L’accessibilité à l’information peut prendre différentes formes. Pour une personne malvoyante, il sera nécessaire de lui fournir un texte en grands caractères sur un fond contrasté. Pour un aveugle, ce texte devrait être converti en texte parlé, ou en braille. Pour une personne malentendante qui regarde la télévision, il sera nécessaire qu'il y ait un sous-titre ou un traducteur en langue des signes.

Conclusion

L’inclusion est un challenge sociétal, pour reprendre l’expression de Philippe Courard, Secrétaire d’Etat aux Affaires sociales, aux Familles, aux Personnes handicapées et à la Politique scientifique chargé des Risques professionnels[12],à mener ensemble, à tous les niveaux. La participation de tous est nécessaire.Divers principes et pratiques vont dans le sens d’une considération des personnes handicapées comme partie intégrante de la société : individualisation des réponses aux besoins, valorisation et reconnaissance de chacun, égalité de droits, respect des droits et libertés individuels, citoyenneté pour tous, ouverture à la différence… Mais nous pouvons toujours constater selon les lieux et les situations une différence entre la volonté d’inclusion et la réalité du terrain. Les principes ne sont pas respectés par tous et les pratiques inclusives ne sont pas mises en place partout.

L’UFAPEC prône l’inclusion et va dans le sens du Conseil de l’Europe qui invite les états membres à« promouvoir la pleine participation à la vie active au sein de la société, en assurant l’accès et la facilité d’utilisation de tout ce qu’offre la société, notamment l’environnement bâti, les transports, les biens et les produits, l’information, les services publics, l’éduction, l’emploi et les soins de santé.[13] » et « créer une société pleinement inclusive dans laquelle les enfants et les jeunes handicapés sont activement impliqués et où leurs besoins et leurs attentes sont pris en considération.[14] ».

Nous avançons sur le chemin de l’inclusion mais la route est encore longue et parsemée d’obstacles. « L’évolution vers l’inclusion a commencé mais n’est pas assez mise en avant. Unissons nos forces. Soyons créatifs et osons aller vers les services généraux pour une collaboration. Rassemblons les forces pour ensemble faire en sorte que le handicap ait sa place dans notre société. [15] »

 

 

Alice Pierard

 

 

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[1]Article premier de la Convention relative aux droits des personnes handicapées du 23 mars 2009, http://www.un.org/french/disabilities/default.asp?id=1413

[2]HUBERT Guy, « L’inclusion », La voix des parents, revue de l’AFrAHM, n°76, 4ème trimestre 2014, p 3.

[3]Idem.

[4]GARDOU Charles, op cit, p 5.

[5]Idem, p 6.

[6]GARDOU Charles, op cit, p 8.

[7]GINNERUP Soren, Assurer la pleine participation grâce à la conception universelle, Editions du Conseil de l’Europe, 2009, p 7.

[8]Pour plus d’information, voir l’analyse PIERARD Alice, Intégration dans l’ordinaire, prémisse à l’insertion sociale des élèves à besoins spécifiques ?, Analyse UFAPEC Juin 2012 N°18.12

[9]HEINEN Helmut,Inclusion sociale des enfants et des jeunes handicapés, Conseil de l’Europe, 2013, p 13.

[10]Pour plus d’information, voir l’analyse PIERARD Alice, Faire des études supérieures quand on a des besoins spécifiques, est-ce possible ? , Analyse UFAPEC Juillet 2013 N°13.13.

[11]Pour plus d’information, voir l’analyse PIERARD Alice, Passage vers la vie active pour les élèves à besoins spécifiques, Analyse UFAPEC Juillet 2013 N°14.13.

[12]Propos de Philippe COURARD lors de la conférence européenne organisée par le Conseil de l’Europe et la Belgique, « Pleine inclusion des enfants et des jeunes en situation de handicap dans la société », les 21 et 22 novembre 2013, à Bruxelles.

[13]GINNERUP Soren, op cit., p 7.

[14]HEINEN Helmut, op cit., p 9.

[15]Propos de Alice BAUDINE, administratrice générale de l’AWIPH, lors du colloque de l’EntenteCarolorégienne pour l’Intégration de la Personne handicapée, « l’inclusion de la personne en situation de handicap, l’institution, l’équipe multidisciplinaire, la société » le 20 mai 2014 à l’auditorium de l’AWIPH, Charleroi.

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