Analyse UFAPEC Juin 2016 par M. Lontie

14.16/ Pratiquer la philosophie au fondamental

Introduction

Peut-on demander à des élèves de deuxième primaire de lire Kant[1] dans le texte ? Si la réponse à cette question semble évidente et que nous pouvons espérer qu'aucun enseignant n’ait jamais eu cette idée saugrenue, elle révèle un questionnement profond autour de la possibilité de pratiquer la philosophie au fondamental.

Il nous semble en tout cas pertinent d'explorer la pratique de la philosophie au fondamental à l'heure où les référentiels[2] du cours de philosophie et citoyenneté (ou EPC - enseignement officiel organisé et subventionné) et de l'éducation à la philosophie et à la citoyenneté (intégrée dans les cours déjà existants, de manière transversale - enseignement libre confessionnel et non confessionnel) sont au stade de finalisation en vue de leur mise en application dès septembre 2016 pour le primaire. Le secondaire connaîtra la même réforme en septembre 2017.

Dans un premier temps, nous verrons comment est apparu l'intérêt pour une approche philosophique avec les enfants au sein de la communauté scientifique et la distance prise avec la philosophie académique. Cela nous permettra ensuite d'observer l'intérêt éventuel des modèles développés par ce mouvement pédagogique avec des professionnels de terrain. Enfin, nous examinerons la pertinence et les enjeux de la pratique philosophique au fondamental selon ces modèles. Bref, faire philosopher des enfants, c'est bien beau. Mais comment? Et surtout, pourquoi ?
 

La philosophie, avec un petit ou avec un grand « P » ?

Qu'est-ce que la philosophie ? Et, avant tout, n'y a-t-il qu'une seule définition que l'on puisse lui prêter ?

Étymologiquement, le mot est composé de deux termes issus du grec ancien: philein (que l'on peut traduire en français par "aimer") et sophia (que l'on peut traduire par "sagesse"). La philosophie serait donc une discipline au sein de laquelle, ou une pratique par laquelle, on touche à l'amour de la sagesse. Au moment où cette pratique/discipline apparaît, en Grèce, autour des Ve-VIe siècle avant J-C, elle se pose à distance de la doxa (ou opinion) et vise donc un objectif de rigueur de la pensée. C'est par le logos (qui signifie à la fois "langage" et "raison") et son exercice progressif et systématique que l'on peut (se) révéler la nature des choses, du monde, de soi. Cette dynamique s'est développée de diverses manières et à travers les multiples courants philosophiques au fil des vingt-six siècles de tradition philosophique qui nous séparent de ses origines. Cette longue tradition, c'est ce qu'on appelle "l'histoire de la philosophie". C'est en général à cette histoire de la philosophie et aux philosophes qui l'ont nourrie que nous pensons lorsque nous faisons référence aujourd'hui à la philosophie. C'est aussi celle que l'on étudie communément à l'université, dans les hautes écoles et, éventuellement, durant les dernières années du secondaire. On lit et on examine des extraits de philosophes; on étudie les textes, théories et systèmes en référence à leur époque et aux influences qu'ils exercent encore aujourd'hui; on décortique les concepts et on confronte les auteurs entre eux; on observe les continuités et les révolutions… Et puis, il arrive que certains contribuent à cette tradition philosophique en apportant leur propre pierre à l'édifice.

L'édifice. Quel monument géant que vingt-six siècles de tradition philosophique! Est-ce ce monument que l'on va pouvoir présenter à des enfants du fondamental ? Y a-t-il du sens à travailler avec eux des concepts tels qu'ils ont été développés par la tradition philosophique ? Dès lors, est-il possible, utile, nécessaire de faire de la philosophie avec les enfants ? De les y intéresser ? Tous et indépendamment de leur environnement social et culturel ? Et si oui, sous quelle forme ?

Comment en est-on arrivé à vouloir faire de la philo avec les enfants ?

Nous devons les premiers développements de dispositifs adaptés à la pratique philosophique avec des enfants du fondamental à un philosophe et pédagogue américain, Matthew Lipman (à partir de 1974 avec la création de l'Institute for Advancement of Philosophy for Children (IAPC)[3]). Celui-ci, partant du sentiment/constat que la connaissance de l'histoire ne suffit pas à faire démocratie et que la connaissance de la philosophie ne suffit pas à philosopher, a voulu développer une procédure qui garantisse la discussion dans une dimension citoyenne. Et ceci dès le plus jeune âge. L'idée était de développer chez l'enfant une pensée attentive à l'autre et de parvenir à faire vivre une pensée individuelle dans le cadre d'une réalité collective. Ce qui l'intéresse, chez l'enfant, c'est qu'il développe naturellement une pensée à la fois basée sur le questionnement et sur la logique. A la différence de l'adulte qui aurait tendance à éviter les questions ou à trouver des réponses stéréotypées…

En Allemagne et en France, la longue tradition de l'apprentissage, au secondaire, des théories et des systèmes développés par les philosophes qui ont marqué l'histoire ne va pas favoriser la mise en œuvre de cette nouvelle forme de pratique philosophique au primaire. Et, par extension, en Belgique également. Si nous insistons sur cette réalité, c'est que les enjeux ne sont pas anodins : il s'agit d'examiner quel statut on accorde à l'enfant et à sa relation au savoir. Est-ce que l'on part du principe que l'enfant n'a pas les outils cognitifs, la maturité et l'expérience de vie nécessaire à travailler autour de concepts philosophiques (comme le Bien, la mort, la Beauté…) ou bien adoptons-nous le principe qu'il est possible de travailler avec eux ces concepts à partir de leurs questionnements et de la confrontation aux réflexions de l'autre dès le plus jeune âge et à chaque étape de leur développement ? Ceci en mettant en place des dispositifs adaptés. Autrement dit, faut-il penser comme Descartes[4] que l'enfance est le lieu du préjugé et que philosopher c'est sortir de l'enfance ? Ou faut-il suivre Epicure[5] et Montaigne[6] lorsqu'ils disent qu'il n'est jamais trop tôt pour commencer à philosopher ?

A partir de quand peut-on commencer à philosopher ? Avec quelles méthodes ?

Gaëlle Jeanmart est docteure en philosophie et coordonne l'ASBL PhiloCité, une organisation de jeunesse[7] qui vise à promouvoir le développement de la pensée et du débat critique. Son travail passe nécessairement par une réflexion sur les conditions de possibilité d'aborder la philosophie ou la pratique philosophique en fonction des publics qui se présentent à elle. Et si PhiloCité s'adresse aux enfants à partir de 5 ans, Gaëlle Jeanmart nous confie qu'une pratique à visée philosophique est possible à partir du moment où l'enfant parle: « l'objectif, à cet âge, sera surtout de l'amener à exprimer une idée et à percevoir l'importance de la précision du langage ».

« Vers 5 ans, l'exercice consiste en général à lire un album de jeunesse pour ensuite engager une discussion collective de 10 à 20 minutes », explique Gaëlle Jeanmart. « Le livre permet à chaque enfant de disposer des mêmes ressources comme base à la discussion, de partir d'un patrimoine commun. Il permet de capter l'attention par les images et la narration ». La littérature pour enfant a par ailleurs connu une véritable révolution en quelques décennies. D'une littérature très moralisatrice, définissant un cadre strict avec une écriture souvent explicite, nous sommes passés à une production littéraire très diversifiée quant aux objets traités mais aussi au traitement de ces objets, plus implicite et permettant par là une grande liberté d'interprétation par le jeune lecteur. La possibilité de l'exercice de cette liberté sera très utile à l'acte de philosopher: l'enfant construit dans un premier temps sa réflexion individuelle; l'objectif étant qu'au fil de la discussion collective, cette réflexion individuelle s'enrichisse et, éventuellement, se modifie. La discussion doit se faire de manière apaisée et ritualisée: chacun parle à son tour (parole distribuée) et écoute l'autre. Chaque enfant peut apporter sa réflexion et l'objectif n'est pas d'être absolument le premier à parler. L'exercice pose ainsi les balises du dialogue, de la discussion démocratique. L'animateur a pour tâche de veiller à ce que ces balises soient bien comprises et respectées et doit régulièrement reformuler ce qui a été partagé pour s'assurer que tout le monde est sur la même longueur d'onde. Gaëlle Jeanmart le souligne: « la méthode par le dialogue (ou dialectique, ndlr) demande une grande exigence de clarté. L'autre défi est de maintenir l'intérêt des enfants jusqu'à l'issue de l'exercice ».

La méthode dialectique n'est pas la seule méthode utilisée par PhiloCité. Les animateurs travaillent d'ailleurs avec plusieurs méthodes en même temps, conscients qu'une méthode sera plus adaptée à un enfant et qu'une autre conviendra mieux au fonctionnement d'un autre enfant. Par exemple, certains ont besoin de conflictualité. La méthode maïeutique (héritée des dialogues de Socrate[8] dans les textes de Platon et théorisée par Léonard Nelson[9]), qui consiste à questionner chaque phrase de l'enfant pour avancer dans la réflexion, sera pour eux plus indiquée. Les enfants qui ont besoin d'un climat plus pacifié seront plus à l'aise avec la méthode de pensée flottante développée par le psychologue et psychanalyste Jacques Lévine[10]. Cette méthode consiste à laisser la parole libre à chacun pendant un temps déterminé (environ 10'), sans consigne. Le micro circule et la discussion est enregistrée. A l'issue des 10', les enfants réécoutent et une discussion s'établit sur cette base. L'objectif est de produire un mûrissement de la pensée sur base de ce que les autres enfants vont dire a posteriori. L'exercice permet à l'enfant de faire un pas de côté pour se regarder fonctionner.

« Ces méthodes ont chacune leurs objectifs propres et n'offrent par ailleurs aucune garantie de résultat », remarque lucidement Gaëlle Jeanmart. « L'animateur doit être souple et adapter constamment les techniques et méthodes au groupe qu'il anime en fonction de l'âge, du nombre de personnes et de la nature des échanges. Il veille au climat et au ton du débat; rappelle si nécessaire que ce n'est pas parce qu'on ne partage pas les mêmes idées que l'on est des adversaires: le désaccord est utile pour penser. »

En France, Michel Tozzi a développé une méthode par communauté de recherche appelée "Discussion à Visée Philosophique"[11]. Cette méthode insiste aussi sur l'importance de l'aspect ritualisé de la discussion philosophique. Elle retient de la pédagogie institutionnelle l'importance du rôle de chacun : une série de fonctions différentes sont distribuées aux enfants, lesquels se sentent responsabilisés par cette fonction qui leur est attribuée. Un président de séance distribue la parole et un secrétaire prend en note des arguments développés durant le débat. Des philosophes construisent le débat et un "reformulateur" s'assure que tout le monde parle bien de la même chose. Deux observateurs sont chargés de vérifier que chacun remplit son rôle de la manière attendue et opèrent un retour sur l'exercice de la fonction. A travers ces rôles, les enfants coopèrent autour d'au moins deux objectifs communs : le développement d'une pensée collective complexe (dans le sens où elle dépasse la somme des réflexions individuelles) et l'élaboration d'un dialogue équilibré et démocratique (assuré par les différents rôles et moments du débat ritualisé). Au niveau individuel, Michel Tozzi postule que la place donnée à la parole de l'élève est aussi celle qui lui permet de penser avant même de la faire mûrir par la confrontation de sa pensée à celle des autres. L'exercice permet à l'élève d'entrer dans une réelle réflexion philosophique, pense Michel Tozzi, en ce qu'elle active trois opérations essentielles à celle-ci : conceptualiser, argumenter et problématiser.

Nous reprenons ici partiellement les définitions d'Edwige Chirouter:

« - Conceptualiser: il s'agit de définir les termes et notions (d'amitié, d'amour, de liberté, de vérité), ou du moins de se mettre d'accord sur une première définition commune pour savoir de quoi on parle et pour pouvoir débattre autour d'un objet de discussion commun. (…)

- Argumenter: philosopher, c'est aussi démontrer que ce que l'on dit est vrai. C'est fonder rationnellement sa pensée en la démontrant de diverses façons. (…)

- Problématiser: problématiser, c'est être capable d'interroger ses opinions, de mettre en doute les évidences, et surtout être capable d'analyser et d'assumer les enjeux et les conséquences de ses idées. (…) »[12]

 

Quels enjeux derrière la pratique à visée philosophique dans le fondamental ?

Julien Annart est agrégé en philosophie et a enseigné la religion plusieurs années en secondaire dans l'enseignement libre confessionnel. Il travaille actuellement comme détaché pédagogique chez ForJ, la Fédération de maisons de jeunes et Organisation de Jeunesse[13]. Il y développe des réflexions et des animations sur le rapport des jeunes au jeu (en général) et au jeu vidéo (en particulier). Faisant référence à l'édifice que constitue les siècles de tradition philosophique, il remarque d'emblée le caractère profondément discriminatoire de la philosophie : « la philosophie, c'est un marteau, quelque chose qui vient d'en haut, qu'il faut recevoir et qu'il faut connaître ». Et si c'est certainement vrai au fondamental, ça l'est aussi au secondaire, remarque-t-il: « Lorsqu'en France l'exercice du Bac consiste à rédiger une dissertation qui mobilise les acquis de la philosophie, on crée de la discrimination. Parce que la relation à la philosophie n'est pas quelque chose de spontané dans les milieux les plus populaires ». Or, et ceci c'est Gaëlle Jeanmart qui l'affirme : « La maturité d'une réflexion est à distinguer de la capacité à produire de beaux raisonnements ; ce n'est pas parce qu'on ne s'intéresse pas à l'école et qu'on ne maîtrise pas ses attendus qu'on est nécessairement un incapable ». Autrement dit, ce n'est pas parce qu'un enfant ne parvient pas à s'exprimer en fonction de codes attendus par l'école qu'il n'est pas capable de développer un raisonnement pertinent et riche de ses expériences personnelles. Le poids de cette réalité est même renforcé par le cadre scolaire, qui ne laisse pas toujours la place à la valeur de la curiosité naturelle des enfants ou à la valeur du vécu. L'enseignant a souvent le sentiment de devoir répondre aux questions qui lui sont soumises alors qu'il y aurait matière à les faire exister et à les laisser cheminer. Lors des ateliers philo, remarque Gaëlle Jeanmart, « nous rencontrons régulièrement des enfants ou des ados qui ont des expériences de vie très riches et complexes. Cela donne une dimension particulièrement intéressante à leur réflexion; l'enseignant doit pouvoir donner une place au sens du vécu en veillant bien à ne pas verser dans la stigmatisation ». Ainsi, des élèves connaissant des difficultés scolaires peuvent retrouver une certaine estime d'eux-mêmes grâce à l'activité réflexive à visée philosophique. Par la place qu'il aura pu trouver au sein de la discussion avec ses pairs et la mise en valeur de son apport, l'enfant va pouvoir s'appuyer sur de nouvelles bases dans sa relation avec lui-même et avec l'autre, dans son rapport au savoir et aux choses.

Nous avons pu l'observer, la pratique à visée philosophique repose avant tout sur la parole. Il est donc légitime de se demander si cela ne va pas handicaper ceux qui ne disposent pas d'une grande maîtrise de la langue d'enseignement pour ce type d'exercice. Selon Michel Tozzi, c'est en forgeant que l'on devient forgeron. La maîtrise de la langue s'acquiert conjointement à l'exercice de la pensée: « On peut améliorer sa pensée en travaillant la langue, mais on affine aussi son langage en travaillant sur sa pensée. D'autant que le travail se fait sous forme orale, permettant de commencer à réfléchir avant l'apprentissage de l'écriture, ou avec des enfants qui ont des difficultés avec l'écrit »[14].

Dans le cadre de la pratique à visée philosophique, il est possible de laisser intervenir des dimensions concrètes, particulières et existentielles. « Mais le traitement reste malgré tout essentiellement intellectuel et collectif et le plaisir à ce type de dynamique reste fragile avec certains publics », note Gaëlle Jeanmart. Il s'agit donc pour l'animateur ou l'enseignant de trouver des techniques permettant de maintenir l'intérêt des participants. Avec la littérature, comme nous l'avons vu précédemment ou avec d'autres techniques. Comme le jeu. Julien Annart en souligne les atouts: « Dans l'imaginaire collectif, le jeu est puéril. Pourtant, tous les mammifères apprennent par le jeu en reproduisant ce que font les adultes. Le jeu, c'est le lieu de la seconde chance. Et l'école doit être un lieu où l'on peut expérimenter, se tromper et réessayer. Les enfants ont besoin de manipuler, de faire, d'être impliqués personnellement. Il faut autant que possible quitter le modèle ex cathedra de notre modèle d'enseignement, ce que me permettait d'ailleurs la souplesse du programme de religion en secondaire. L'évaluation enlève l'aspect ludique et induit erronément que l'enfant apprend mieux parce qu'il ne se trompe pas… ». Le jeu permet à l'apprenant de s'impliquer dans ce qu'il fait, dans un cadre bien déterminé (règles claires) et agréable (dimension d'amusement). L'aspect agréable est renforcé par la narration. Celle-ci rend l'approche développée par le jeu accessible et capte l'attention de l'enfant (univers plaisant, histoire prenante). Enfin, le jeu permet de concrétiser l'abstrait, de mesurer les conséquences d'un choix et d'une réflexion, de se confronter à une réalité. Les idées abstraites prennent chair et les joueurs sont confrontés aux actes qu'ils posent sur base de leur réflexion (notamment en matière de choix éthiques)[15].
 

Conclusion

Avons-nous pu répondre à la question : est-il possible de faire de la philosophie avec des élèves du fondamental ? Nous avons en tous cas pu en circonscrire les contours. Et nous avons compris que tout dépend d'une autre question : qu'est-ce que l'on entend par faire de la philosophie au fondamental ? L'essentiel pour un enfant n'est sans doute pas de pénétrer dans la logique d'une théorie et d'un système philosophique et de le situer dans le temps. Surtout dans les premières années du maternel et du primaire. L'essentiel est qu'il apprenne à exprimer ses idées, à les classer suivant une logique propre, à les confronter à des réalités multiples, à les déconstruire, à les critiquer, à les reconstruire (éventuellement avec l'aide d'autres) et à les faire évoluer. Pour Matthew Lipman, cet essentiel était atteignable avec de jeunes enfants en laissant place à leur questionnement et à leur manière d'organiser les idées. Les différentes méthodes qui sont apparues à la suite de ses travaux sont autant de réponses données à cet objectif dans l'interactivité que permet la configuration du groupe-classe. Réponses multiples couvrant des objectifs chaque fois différents et complémentaires : correspondre à des profils d'enfants différents, travailler sur les mots et créer un concept commun, susciter le débat (citoyen) à partir d'une réalité (réellement ?) partagée, participer à une discussion démocratique, observer les enjeux d'une discussion à travers le positionnement et la fonction de chaque intervenant… Autant de compétences certainement très utiles à acquérir dès le plus jeune âge et qui sont autant d’outils pour le développement futur des élèves qui en bénéficient. Investir dans ces dimensions, c'est rendre les enfants plus aptes à comprendre le monde et de la société qui les entoure, à y agir et à y interagir. Bref à se percevoir comme citoyen et à exercer leur droit à la citoyenneté.

Si nous avons pointé des difficultés liées à un enseignement de la philosophie qui se baserait exclusivement sur les textes de la tradition philosophique (aridité en fonction de l'âge et de la progression des élèves, aspect probablement rébarbatif de cette perspective pour une grande majorité d'entre eux - en particulier pour ceux qui ne sont pas alimentés par un éveil culturel et/ou littéraire en dehors de l'école, dégoût pour une discipline qui serait abordé trop tôt…), devons-nous pour autant la rejeter en bloc ? D'une part, la tradition philosophique peut aussi générer un attrait chez une série d'enfants. D'autre part, il n'y a pas de raison de se passer d'occasions de poser les jalons de cette tradition de manière subtile et mesurée en fonction de l'âge des élèves et lorsque les opportunités se présentent. L'intégration de réflexions et de dynamiques issues de la tradition philosophique n'est pas en soi contradictoire avec les pratiques à visées philosophiques que nous avons décrites. Elles sont mêmes complémentaires et devraient probablement vivre davantage l'une avec l'autre tout au long du "parcours philosophique" de chacun, aussi à l'adolescence et à l'âge adulte.

 

Michaël Lontie

 

 


[1] Emmanuel Kant (1724-1804) est un philosophe allemand qui a profondément marqué la modernité et ses développements ultérieurs. Reconnu pour sa pensée systématique et complexe, ses écrits exercent encore aujourd’hui une influence non négligeable sur les réflexions d’ordre éthique, politique, métaphysique, épistémologique…

[2] Les référentiels sont les prescrits légaux détaillant les attendus d’une discipline pour tous les réseaux de la Fédération Wallonie-Bruxelles. Ceux-ci sont ensuite répercutés dans les programmes disciplinaires, lesquels s’attachent davantage à donner des indications pédagogiques et sont rédigés par les réseaux d’enseignement.

[4] René Descartes (1596-1650) est un philosophe français considéré comme l’un des fondateurs de la pensée moderne. Aussi mathématicien et physicien, il a interrogé les conditions d’accès à la vérité et a développé une méthode, qu’il voulut universelle, pour y parvenir.

[5] Epicure (342/341 ACN-270ACN) est un philosophe grec. Il fonde l’épicurisme,  une école et une doctrine fondées sur l’évitement de la souffrance et de la douleur pour la recherche d’un plaisir mesuré et sans excès potentiellement nuisible.

[6] Michel Eyquem de Montaigne (1533-1592) est un moraliste humaniste. A partir de ses expériences et observations personnelles, de ses lectures philosophiques (en particulier les auteurs de la Grèce Antique), il dévoile dans ses Essais une morale simple, pratique et presque familière.

[7] Elle s’adresse tant à des enfants, des adolescents que des adultes. Elle œuvre principalement en province de Liège mais couvre l’ensemble de la Fédération Wallonie-Bruxelles (FWB). Pour plus d’information : http://www.philocite.eu/.

[8] Socrate (470/469 ACN-399 ACN) est un philosophe grec dont on n’a retrouvé aucun écrit mais dont la pensée fut relayée par plusieurs témoignages indirects (en particulier Platon et Xénophon, deux de ses disciples). Proposant une méthode originale qui vise à dévoiler la connaissance du monde et de soi par le langage (à entendre comme exercice de la raison), la tradition fait de lui le « père des philosophes ».

[9] Leonard Nelson (1882-1927) est un philosophe allemand du début du XXe siècle. Il a voulu remettre la méthode socratique d’apprentissage de la pratique philosophique mise en scène par Platon, la maïeutique, au goût du jour et a théorisé cette pratique dans un ouvrage publié en 1922 : « Die sokratische Methode ». La maïeutique est une méthode visant à faire « accoucher » la réflexion d’une personne en lui posant des questions (pertinentes mais en feignant l’ignorance).

[10] Jacques Lévine (1923-2008) a beaucoup investi dans la question du sort des enfants immergés en milieu scolaire. La mise en place d’une méthode adaptée à la pratique philosophique en maternelle et en primaire était réellement pour lui une manière de permettre à chaque enfant de trouver sa place au sein d’un groupe et d’une société qu’il n’avait pas lui-même choisi.

[11] Ces termes ont été utilisés pour la première fois par Jean-Charles Pettier, un philosophe et pédagogue lui-même investi dans le développement des ateliers philosophiques en France.

[12] CHIROUTER, E., L’enfant, la littérature et la philosophie, Coll. Pédagogie : crises mémoires, repères, Ed. L’Harmattan, Paris, 2015, pp.54-58.

[13] http://www.forj.be/. Julien Annart travaille plus particulièrement sur le projet Gaming-out : http://www.gamingout.be/.

[14] TOZZI, M., Faire philosopher les enfants : constats, questions vives, enjeux et propositions, http://www.philotozzi.com/2009/12/faire-philosopher-les-enfants-constats-questions-vives-enjeux-et-propositions/.

[15] Afin de mieux comprendre ce qui est en jeu ici et la possibilité d’utiliser le jeu pour aborder des questionnements de nature éthique ou, plus largement, philosophique, nous vous proposons en annexe un exemple présenté par Julien Annart. Cet exercice repose sur l’exploitation d’un jeu vidéo faisant intervenir des zombies et où les joueurs sont confrontés à des choix et à des conséquences liées à leurs décisions.

Vous désirez recevoir nos lettres d'information ?

Inscrivez-vous !
En poursuivant votre navigation sur ce site, vous acceptez l'utilisation de Cookies pour vous proposer des publicités adaptées à vos centres d'intérêts, pour réaliser des statistiques de navigation, et pour faciliter le partage d'information sur les réseaux sociaux. Pour en savoir plus et paramétrer les cookies,
OK