Analyse UFAPEC novembre 2016 par F. Baie
  • L'émancipation sociale des femmes issues de l'immigration passe-t-elle aussi par leur implication à l'école ?

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24.16/ L'émancipation sociale des femmes issues de l'immigration passe-t-elle aussi par leur implication à l'école ?

Introduction

Pour mieux répondre à cette question de l’émancipation des femmes issues de l’immigration et de l’importance de leur implication à l’école, l’UFAPEC s’est tournée vers deux associations d’éducation permanente qui travaillent dans le domaine de l'intégration : la première est située à Ottignies. Il s’agit de « Génération Espoir »[1]. Nous y avons interrogé Aïcha[2] (directrice) et Myriam[3] (responsable des cours de français et langue étrangère).

La deuxième association est située à Saint-Josse (Bruxelles), il s’agit de « La voix des femmes »[4]. Nous y avons rencontré Maria[5], Séverine[6] et Cassilda[7] (animation des cours de français et langues étrangères, cours d’éducation permanente, école de devoirs…).

Nous avons choisi volontairement deux associations qui vivent des réalités différentes en fonction de leur situation géographique et de leur population.  Il nous semblait important de croiser les regards. Cette analyse est nourrie de leurs témoignages. Les avis de ces cinq femmes (Aïcha, Myriam, Maria, Séverine et Cassilda) aideront sans doute à se forger sa propre opinion sur le sujet et de mener une réflexion personnelle ou en groupe sur le vaste thème du mieux « vivre ensemble ».

De qui parle-t-on lorsque l’on évoque les femmes issues de l’immigration ?

« Les institutions européennes utilisent volontiers l’expression « femmes migrantes » qui renvoie à « femmes non-européennes », donc à la nationalité. La femme immigrée est alors assimilée à la femme en provenance d’un pays pauvre du Sud[8]. Cependant, au-delà des femmes migrantes, l’expression « femmes immigrées » désigne aussi les femmes issues de familles immigrées, nées dans le pays de résidence et dont le vécu peut être très différent de celui des femmes migrantes. Certains documents européens récents commencent d’ailleurs à faire référence aux femmes immigrées des générations subséquentes, en précisant qu’elles doivent être prises en compte lors de l’élaboration des politiques d’intégration[9]»[10].

Dans cette analyse, nous parlons donc, de manière large, des femmes issues de l'immigration, c'est-à-dire des femmes étrangères et des femmes belges d’origine étrangère.


Pour mieux cerner notre public, nous avons questionné les associations concernées :

 « Génération Espoir » : « Notre public est mixte. Nous avons des femmes (pour la grande majorité marocaines) qui sont en Belgique depuis une longue durée (40 ans et plus), ces femmes sont arrivées dans les années '60-'70 en suivant leurs maris parce que la Belgique avait besoin de main d’œuvre[11] bon marché. Ces femmes ont accompagné leur mari dans le cadre d’un regroupement familial. Elles n’ont pas fait le choix de venir d’elles-mêmes. Quand elles sont arrivées en Belgique, elles se sont principalement occupées de l’éducation de leurs enfants, elles sont restées dans leur milieu familial, voire communautaire. Elles sont restées beaucoup entre elles et quand leurs enfants ont grandi et sont partis de la maison, elles ont fait la démarche de s’inscrire au cours de français. Actuellement, nous avons donc des femmes d’un certain âge (60-70 ans) qui viennent apprendre le français. Certaines d’entre elles sont veuves ou isolées. Avec ce public-là, nous essayons juste qu’elles se débrouillent dans le quotidien, qu’elles acquièrent une autonomie, qu’elles puissent aller chez le médecin… Nous avons aussi des femmes qui sont plus jeunes et qui sont depuis plus ou moins quinze ans en Belgique. Elles viennent de petits villages et sont peu ou pas du tout scolarisées. Nous avons aussi des personnes issues de l’immigration récente qui viennent d’arriver en Belgique (des demandeuses d’asile, des réfugiées). D'autres femmes sont soit arrivées en Belgique petites, soit nées en Belgique ; elles sont Belges ; elles ont été scolarisées en Belgique. Il ne faut plus parler d’émancipation ou d’intégration avec elles. Ce sont des personnes ressources pour nos groupes de formation à la citoyenneté et pour notre société multiculturelle. Nous les incitons juste à participer. A l’origine, les projets de « Génération Espoir » ont commencé en proposant du soutien scolaire aux enfants. Après, on s’est intéressé aux femmes afin qu’elles puissent se construire, se rencontrer entre elles, s’ouvrir à d’autres cultures…Actuellement, notre principal public regroupe des jeunes mamans qui veulent s’en sortir, qui veulent apprendre le français, qui veulent s’émanciper, qui veulent pouvoir communiquer avec les enseignants et l’école », expliquent Myriam et Aïcha.

« La Voix des femmes » a un public à peu près semblable. L’association a été créée il y a trente ans par des jeunes femmes qui désiraient s’émanciper. Beaucoup de femmes qui viennent à l’association vivent des discriminations de genre et des violences intra-familiales. Les nationalités sont fonction de la sociologie du quartier (Saint-Josse), des flux migratoires et des activités proposées. Le public principal est marocain et turc, mais on y rencontre aussi des femmes bulgares, syriennes, pakistanaises, latino-américaines, etc.


 

De quoi parle-t-on lorsque l’on parle d’émancipation ?

Selon la définition du dictionnaire Larousse, l’émancipation est « l’action de s'affranchir d'un lien, d'une entrave, d'un état de dépendance, d'une domination, d'un préjugé »[12] .

Même si ce type d’émancipation est important et même essentiel (c’est un droit fondamental et un préalable à toute forme d’autonomisation), ce n’est pas dans cet esprit-là que nous avons fait le choix de ce terme.

En effet, le terme "émancipation" peut renvoyer à diverses définitions : émancipation juridique, émancipation féministe, émancipation culturelle… Dans cette analyse, nous avons choisi le terme « émancipation » parce qu’il renvoie au fait de pouvoir prendre une place dans la société et d'y devenir acteur potentiel, de pouvoir s’affirmer, de s’ouvrir aux autres, de pouvoir faire des choix, de contribuer au développement d’une société démocratique, de favoriser le « vivre ensemble », de « participer »…  C’est l’émancipation sociale !

Pour mieux préciser le choix de ce terme, nous nous référons aux propos de Carlos Milani[13] qui, selon nous, en donne une définition assez limpide : l’émancipation est « l’instrument qui permet aux individus et aux groupes sociaux de concevoir de nouveaux mondes possibles, leurs utopies, leurs rêves. Elle permet à chacun de s’interroger sur le comment et le pourquoi agir sur le monde. Mais elle est aussi produit des individus et des groupes émancipés, moteurs de la transformation sociale. Elle permet à chacun de se situer dans son contexte et de reconnaître ses rôles dans son environnement. C’est ainsi que le critère de la possibilité ou de l’impossibilité d’un rêve est historique et social. L’émancipation des individus et des groupes sociaux change la conception de la démocratie elle-même. La démocratie n’est plus exclusivement représentation ; elle est aussi participation et délibération. Les individus émancipés demandent à participer au processus de prise des décisions, mais, en outre, au processus de formulation des règles de leur participation. Ils deviennent sujets véritables de leur histoire »[14].

Nous sommes conscients que le mot « émancipation » peut faire peur à certains.


Aïcha témoigne : « Si j’utilise le mot émancipation au sein de ma communauté maghrébine et musulmane, on va croire que je veux me débarrasser de mes origines, de mon apport culturel, de ma religion. Je serai confrontée à des résistances. Je crois qu’au Maroc, le mot émancipation est mieux perçu. Il n’a pas la même connotation. Il n’est pas perçu de manière aussi négative et est vécu de manière très différente d’une famille à l’autre et même au sein d’une même famille. C’est un mot juste, mais délicat ! ».


 

Au regard de ce témoignage, nous pouvons constater que le terme émancipation peut être mal perçu en fonction du lieu et du contexte dans lequel l'individu se trouve.

Face à cette émancipation souhaitable pour ces femmes issues de l'immigration, ne devons-nous pas aussi également nous poser la question de la pertinence de l'imposition de nos propres valeurs et codes culturels ? Nos valeurs sont-elles les seules à être bonnes ? Ne devons-nous pas plus souvent nous interroger sur les valeurs des autres et leurs représentations ? Nous voulons que les femmes s'émancipent d'une manière bien précise, n'est-ce pas vouloir aussi qu'elles rentrent dans notre moule ? Ne devons-nous pas redéfinir ensemble certains concepts ? Respecter les codes culturels des autres ne veut pas dire nécessairement adhérer. Le respect des différences commence peut-être par la connaissance et la reconnaissance de l'autre.

Pour ces femmes issues de l'immigration, n'y a-t-il pas plusieurs manières de s'émanciper ? Les cantonner à une manière d'émancipation, n'est-ce pas violent ?

"Les voies de l'émancipation sont aujourd'hui plurielles. N'est-ce pas faire violence aux femmes migrantes et issues des migrations que de leur imposer une voie d'émancipation ? Il y a pluralité de femmes et de trajectoires migrantes et issues des migrations ; leur dénier cette diversité et complexité est une autre violence"[15].

Comprendre le concept d'émancipation et interroger les femmes sur ce que cela leur évoque nous semble un préalable nécessaire dans le cadre de cette analyse.

Est-ce facile de mobiliser les femmes à prendre une place à l’école ?

Il semble que la participation parentale des femmes issues de l'immigration à l'école est un enjeu de société important. Un rapport de l'OCDE[16] explique que : "Si les enseignants sont essentiels au succès des élèves immigrés à l’école, leurs parents jouent également un rôle déterminant. Les élèves réussissent ainsi mieux lorsque leurs parents comprennent l’importance de l’école, le fonctionnement du système d’éducation et la meilleure façon d’apporter leur soutien à leur enfant tout au long de sa scolarité". Selon le rapport, les femmes issues de l'immigration ont un rôle important à jouer dans l'éducation de leurs enfants, dans les contacts qu'elles entretiennent avec l'école et les enseignants.

Mais est-il toujours facile de mobiliser ces femmes ?

Selon Myriam[17], c'est le "parcours du combattant !"


Maria explique que c'est très difficile d'attirer les femmes à l'école et que, sans l'aide de l'école, elles ne viennent pas : "Si les écoles n'obligent pas les parents à être là à l'inscription, on ne les voit pas !"

Pour mobiliser les mamans à prendre une place active au sein de l'école, c'est très compliqué. Pourtant la plupart des mamans d'origine étrangère vont tous les jours à l'école pour conduire leurs enfants…. Si c'est l'école qui les sollicite, elles viennent… A leurs yeux, l'école incarne l'autorité. Mais si c'est un autre parent qui les sollicite, cela ne marche pas. C'est aussi plus facile de mobiliser les femmes européennes que les non européennes", explique Myriam.

Séverine explique : "Même à l'école des devoirs, c'est très rare aussi quand les mamans viennent. Cela pose question, car nous sommes convaincues qu'il faut une collaboration entre les différents intervenants de l'école. Quand les parents ne viennent pas à l'école, ce n'est pas un bon message non plus à donner aux enfants ! Est-ce que ces parents ont un complexe par rapport à l'école ou est-ce que l'école ne fait pas bien son boulot de communication par rapport à ces parents ? Moi, je crois que les torts sont partagés. En tous cas, cela m'interpelle ! "


 

Selon les témoignages, il existe plusieurs explications à cette difficulté de mobilisation des mamans : la peur, la manière dont elles ont vécu leur propre scolarité, la méconnaissance de l'autre, la peur de se dévoiler, les complexes, le regard des autres…

Certaines femmes ne viennent pas ou plus à l'école, car elles ne se sentent pas à l'aise. Elles ne trouvent pas toujours l'accueil espéré et les regards sont parfois "noirs" à leur encontre. Les derniers évènements, attentats en série, n'ont rien arrangé au climat et à la tolérance. Comment se mobiliser, comment prendre sa place à l'école quand on a l'impression que l'on dérange ?


Aïcha nous explique qu'elle ne sent pas toujours bien accueillie à l'école : "J'ai essayé d'intégrer l'association de parents, mais quand je me suis rendue aux réunions, je n'ai pas eu facile à me faire une place. Parfois, la différence dérange. Avant, l'école était plus petite (comme une école de quartier) et les mamans d'origine maghrébine avaient vraiment leur place, notamment dans l'organisation de la fancy-fair. Depuis que l'école s'est agrandie, il y a une invisibilité du public étranger dans l'organisation des activités. Le public de l'école a changé, certaines mamans m'ont dit qu'elles se sentaient mal à l'aise, même en traversant un couloir. Elles ont difficile, car les autres parents de l'école, soit par crainte, soit par méconnaissance, restent entre eux. Pourtant, je suis convaincue que c'est important de s'impliquer si nous voulons qu'il y ait des choses qui correspondent à nos besoins. Je me dis que peut-être mon implication à l'école attirera d'autres mamans d'origine magrébine à rejoindre l'association de parents. Mais si c'est déjà difficile pour moi alors que je suis investie à "Génération Espoir" (j’ai l'habitude d'intégrer un groupe et de prendre la parole en public dans les groupes de discussions que nous organisons), je m'imagine que cela serait certainement délicat pour les autres mamans. Alors, pour finir, je ne me suis pas impliquée dans le comité de l'association de parents ; j'aide de manière ponctuelle en apportant de temps en temps un plat à l'école ou en participant à l'une ou l'autre activité, mais cela me frustre car, pour moi, ce qui est important c'est la rencontre avec l'autre. L'avenir de notre société, c'est le vivre ensemble. Pourtant, à l'école, je me sens isolée. Les attentats n'ont rien arrangé dans cette peur de la différence. Je me dis souvent que cela doit être difficile pour nos enfants de subir les reproches et certains regards de certaines personnes qui font des amalgames et ont des préjugés… Nos enfants vivent aussi le poids des médias qui véhiculent un regard négatif sur les arabes".


 

Il ne faut, bien sûr, pas généraliser. Certaines écoles font vraiment le choix de l'accueil des différences culturelles. Les expériences varient en fonction des écoles.

 


Aïcha nous explique qu'elle a été invitée dans une autre école où elle s'est sentie bien mieux accueillie : "Là où j'ai vu la différence c'est quand, lors d'une fête, on a fait un appel au micro en demandant que tout le monde vienne s'exprimer dans sa langue pour demander un coup de main pour la vaisselle. On nous a parlé en je ne sais pas combien de langues différentes : en perse, en hébreux, en arabe, en espagnol, en québécois…  Tout le monde riait et applaudissait. La perception de l'école que les parents et les enfants présents ont eue à ce moment-là était très positive. Les parents et les enfants présents ont eu l'impression que leur langue était valorisée. Ce sont de petits détails qui font plaisir !"


 

Selon les différents témoignages récoltés, certaines écoles favorisent bien plus l'accueil et l'acceptation de la différence culturelle que d'autres. Quand le projet d'établissement tourne autour du "vivre ensemble" et que l'école agit dans ce sens, les personnes issues de l'immigration se sentent plus accueillies. Cependant, la mobilisation des femmes issues de l'immigration reste difficile et les écoles voudraient les voir plus présentes.

Alors comment faire ? Comment parvenir à toucher ces parents ?

Faut-il que cela soit le directeur qui invite, faut-il organiser des cafés-rencontre, des dîners multiculturels, organiser des tournois sportifs, faire des expositions des travaux des élèves ? Nous y réfléchissons toujours et toujours et les pistes et solutions ne sont pas si simples et dépendent encore une fois de tellement de facteurs. Ces invitations à participer sont à prendre au cas par cas, en fonction du type et de la différence de publics de l'école. Ce n'est, en tous cas, pas facile !

Voici quelques exemples d'activités concrètes :


Pour Aïcha, les repas, style "auberge espagnole", sont une manière de valoriser les autres cultures et de les attirer".  Myriam n'est pas de cet avis : "On se trompe parfois en voulant organiser un repas multiculturel pour attirer les parents d'origine étrangère à l'école, car à travers la nourriture on se dévoile beaucoup. Certaines mamans musulmanes ne veulent pas déranger, ne veulent pas imposer leur nourriture. Elles ne mangent pas de porc, ne boivent pas d'alcool, etc. Et avec la viande halal, c'est encore plus la 'cata’ ! Du côté des enseignants, il y aussi parfois une méconnaissance : certains enseignants ont peur de manger de la viande halal parce qu'ils ont peur de manger de la viande sacrée ou religieuse, alors qu'une viande, c'est une viande ! C'est pour toutes ces petites raisons et incompréhensions que cette activité n'attire pas toujours les foules". En parlant des incompréhensions et des malentendus, Aïcha explique que les parents belges de son association de parents, voulant certainement bien faire, avaient décidé de faire un couscous végétarien, mais parce qu'on y avait mis du bouillon de viande, elle n'a pas pu en manger.

"Les projets qui pourraient éventuellement mieux fonctionner, ce sont les brocantes, vente de vêtements, et fancy-fairs. L'argent récolté peut servir à des projets solidaires", ajoute Myriam.


 

Pourquoi s'impliquer à l'école ?

Il y existe de nombreuses manières de s'impliquer à l'école. La première implication des parents ne consiste-t-elle pas à suivre et à encourager son enfant dans ses devoirs et leçons ? Il y a aussi l'implication en participant aux événements ponctuels (fêtes, sorties, goûter pâtisseries, fancy-fairs), aux projets d'école (aménagement de la cour de récréation, sensibilisation au harcèlement entre enfants…), ou encore en participant à des organes officiels de représentations parentales au sein de l'établissement (AP[18], CoPA[19], délégués, comité des fêtes). Il nous semble intéressant de connaître l'avis des femmes issues de l'immigration sur les raisons qui les pousseraient à s'impliquer à l'école. Nous les avons donc interrogées à ce sujet.

D'après les témoignages récoltés, les principales raisons qui poussent les femmes issues de l'immigration à s'impliquer semblent être tout d'abord la réussite de leur enfant. Elles ont souvent envie d'apprendre le français pour suivre la scolarité de leur enfant et pouvoir comprendre ce que l'enseignant leur explique. Certains outils (l'apprentissage du français, l'éducation) leur permettent une plus grande émancipation. Cette émancipation leur permet de prendre part aux décisions et de ne pas les subir.


Cassilda est la preuve vivante qu'il ne faut pas subir l'école. Elle est fière de son implication : " Je suis burundaise. Quand je suis arrivée en Belgique, mon fils avait de très mauvais résultats en secondaire. L'école m'a dit qu'il lui serait préférable de suivre des cours de théâtre. Je me suis opposée à leur avis parce que je savais qu'il avait du potentiel. Je suis heureuse d'avoir pu affirmer mon point de vue. Aujourd'hui, mon fils est médecin".


 

Une autre raison de leur implication est le bien-être de leur enfant à l'école. Elles s'impliquent et apprennent le français pour rendre service à leurs enfants.


Aïcha explique : "Quand un enfant voit ses parents s'impliquer à l'école, il se sent beaucoup plus à l'aise. Mais pour pouvoir s'impliquer, c'est plus facile de connaître le français et d'avoir une connaissance du sujet. J'ai déjà vu des enfants qui se sentaient mal à l'aise parce que leurs parents ne maîtrisaient pas le français. Ce n'est pas toujours facile pour les enfants de jouer les interprètes. J'ai moi-même joué à l'interprète avec mes propres parents. On se sent parfois parent de ses propres parents, on a un certain contrôle sur ce que l'on veut bien dire ou ne pas dire et on a cette culpabilité de ne pas avoir tout dit ".


 

En s'impliquant, c'est aussi le regard des enseignants qu'elles veulent changer.

 


Aïcha explique aussi l'impact positif sur les enseignants : "Les enseignants ont parfois des stéréotypes et de fausses représentations en tête. Ils ont parfois une image du parent migrant qui ne s'occupe pas bien de son enfant et ils expliquent l'échec de l'enfant pour cette raison. Le fait de voir le parent s'impliquer à l'école leur donne une autre vision des choses. Ils ont alors l'impression que les parents qui s'impliquent se soucient plus de leurs enfants que ceux qui ne viennent pas à l'école. Pour les enseignants, le fait qu'une personne issue de l'immigration s'implique est très utile, car nous servons également de relais, de décodage culturel. Les enseignants viennent nous demander si c'est à cause de notre origine que telle ou telle chose s'est passée".


Les femmes issues de l'immigration ont-elles l’envie de s'impliquer à l’école ?

C'est évidemment très difficile de généraliser et de donner une réponse unique à cette question, car l'implication dépend de tellement de facteurs. L'implication sera plus ou moins importante en fonction de la profession de la femme, de son intérêt, de sa liberté d'action familiale, de son propre vécu scolaire, de sa culture…

Néanmoins, on ressent souvent chez les femmes issues de l'immigration une envie manifeste de s'intéresser à la scolarité de leurs enfants pour leur donner un "meilleur avenir".

Les femmes qui viennent au cours d'alphabétisation ont envie de s'impliquer à l'école et d'aider les enfants dans leur scolarité, mais elles sont souvent confrontées à des obstacles et des blocages : la peur, la non maîtrise de la langue… Elles sont souvent gênées, ne se sentent pas compétentes et ne comprennent pas toujours les codes de l'école.


"Même si notre public est plus scolarisé qu'avant, l'école n'est pas une évidence pour ces femmes. Pour la grande majorité, elles sont dans la précarité, elles courent au CPAS et à la mutuelle et n'ont pas nécessairement les bonnes informations sur l'école", explique Séverine.


 

Les femmes issues de l'immigration sont souvent prêtes à participer de manière ponctuelle, apporter un plat, concevoir un costume, participer à des choses où elles se sentent à l'aise. Au-delà de cela, la participation devient un luxe. Elles sont préoccupées par d'autres soucis bien plus terre à terre (se nourrir, se loger, se soigner, trouver du travail).

Séverine, en tant que formatrice, se contente de les encourager à aller aux réunions de parents, à rencontrer les enseignants, à regarder le bulletin des enfants, à venir au cours de français : "Je crois que pour les enfants, c'est important de voir que leurs parents font l'effort d'apprendre le français", explique-t-elle. "Si les femmes font déjà tout cela, je suis déjà très contente !" ajoute-t-elle.

Cassilda renchérit : "Dans mes groupes d'alphabétisation, j'ai beaucoup de femmes qui sont isolées parce que séparées ou divorcées. Elles n'ont pas le choix, ce sont elles qui sont les premières interlocutrices de l'école. Et même pour les femmes mariées, ce sont souvent elles qui prennent les responsabilités et qui s'impliquent dans la scolarité de leurs enfants. Beaucoup d'entre elles n'ont pas été à l'école, elles en souffrent et portent ce poids. Elles désirent mieux pour leurs enfants. Toutes trouvent important la scolarité. Bien sûr ce sont des femmes qui ont leurs limites puisqu'elles n'ont pas été scolarisées, mais l'envie est là !"

Quelles motivations pour rejoindre l'AP ou le CoPA ?

Pour ces femmes issues de l'immigration, l'association de parents (AP) et le conseil de participation (CoPA), c'est souvent du chinois !


Aïcha nous parle de la méconnaissance des parents au sujet de l’école : " Je crois qu'il y a beaucoup de parents issus de l'immigration qui confondent l'AP et l'école et qui ne savent pas du tout ce qu'est le conseil de participation. Je me demande si, lors de l'inscription des enfants, les directions ne devraient pas mieux expliquer les structures de l'école, le rôle de l'AP".


 

Dans le pays d'origine de la plupart de ces femmes, il n'y a pas toujours de comité de parents ni de conseil de participation dans les écoles. Elles ont d'autres codes scolaires.  Les réunions de parents, s'il y en a, se font de manière plus informelle.


"Ici, tout est si formel, il y a les comités, les délégués, les assemblées, les règlements. Il y a parfois un gouffre culturel. Nous n'avons pas les mêmes codes. Ce qui est parfois perçu comme un manque d'intérêt ou d'implication ne l'est peut-être pas !", nous explique Maria.


 

Le système scolaire belge et les structures de l'école sont tellement compliqués à comprendre que les femmes issues de l'immigration ne sont pas toujours motivées à rejoindre l'AP ou le CoPA. Participer aux réunions des organes officiels représentatifs et participatifs de l'école n'est pas toujours la priorité.


"La priorité pour ces parents c'est surtout que leurs enfants réussissent !" affirme Séverine.


 

Les femmes issues de l'immigration vont d'abord s'investir pour leur enfant et moins sur des projets collectifs.


"Quand les femmes se déplacent, c'est plus quand il y a un souci dans la scolarité de leur enfant", explique Maria.

L'important, comme le dit encore Maria, c'est moins le fait de s'investir dans tel ou tel organe que soutenir au jour le jour son enfant. "C'est important d'avoir des parents qui pensent que l'éducation est importante. Ce qui est important, c'est que l'enfant se sente soutenu. Il y a des parents qui ne savent ni lire ni écrire, mais qui malgré tout soutiennent leurs enfants en les encourageant, en étant fiers d'eux…"


 

Selon les témoignages de ces femmes, il semble donc que les projets collectifs et l'investissement dans les organes représentatifs de l'école ne concernent qu'une minorité de femmes issues de l'immigration. Quoi qu'il en soit cette minorité de femmes peut peut-être changer la donne et impulser un changement dans la participation parentale de manière générale.  Cette minorité de femmes, ces "femmes exceptionnelles et d'exception" ne seraient-elles pas d'excellents moteurs et de précieuses personnes ressources pour notre société que nous voulons démocratique ?


Myriam fait partie de ces "femmes exceptionnelles et d'exception" tant elle est investie. Elle nous parle de ses motivations à faire partie de l'association de son école : "Etant impliquée déjà dans l'associatif, je trouve que participer à la vie de l'école est un enjeu important ! C'est important d'avoir un pied dans l'association de parents, tant pour mon épanouissement personnel que pour mieux cerner la vie scolaire de mes enfants. Je trouve aussi important d'apporter ma petite contribution par rapport à l'école. J'ai remarqué que beaucoup de parents d'origine magrébine subissaient leur statut de parents. Je me suis dit qu'il y a des incompréhensions à l'école et qu'il faut aussi être là pour dénoncer ces incompréhensions, y réfléchir, trouver des solutions, remettre en question certaines idées et préjugés. Cela fait cinq ans que je suis dans le comité de l'association de parents et je n'arrive pas à lâcher ! En étant dans l'AP, on a accès à une information que les autres parents n'ont pas. Le fait, par exemple, de préparer notre intervention pour le conseil de participation nous donne un regard non seulement sur l'école mais aussi sur la gestion de l'école. Les résultats obtenus (par ex. : aménagements des abords plus sécurisés de l’école) est une satisfaction et change la vie de l'école. Aussi, le fait que je sois la seule femme d'origine magrébine à m'impliquer me donne encore plus l'envie de prendre une place dans l'AP afin de donner ce regard interculturel sur l'école, cette sensibilité. Il est important de réfléchir au comment approcher les parents d'une autre origine, d'une autre culture". Myriam ajoute : "Depuis que je suis dans l'AP, le regard du directeur comme celui des enseignants a changé".


 

L'école, image de l'autorité suprême ?

Auprès des femmes issues de l'immigration, l'école a souvent cette image de toute puissance, d'autorité suprême, d'autorité responsable qui doit gérer. Elle est "la" structure à qui on confie les enfants pour accéder au savoir. Peut-être est-ce aussi pour cette raison que les femmes issues de l'immigration ne voient pas toujours l'utilité de participer outre mesure à la vie l'école.


Séverine explique : " Les femmes nous disent aussi que c'est à l'école à gérer ! Je ne sais pas si c'est de la démission parce qu'elles ont leurs limites (langues, etc.)… "

Aïcha explique" On vient d'une culture où l'école a une grande importance. Si c'est le directeur qui donne une explication sur l'école et qui situe qui est qui en début d'année, cela aura beaucoup plus d'impact que si ce sont les parents qui l'expliquent à d'autres parents".

Cassilda explique que les parents mettent toute leur confiance dans l'école. Ils sont contents quand l'école les convoque, les informe ou quand on leur explique ce que l'enfant a fait à l'école. Ils se sentent alors considérés et ils sentent une reconnaissance. Bien sûr, dans le secondaire, avec des enfants plus âgés, c'est parfois différent parce qu'ils se sentent vite dépassés. "Le savoir des adolescents ou des jeunes adultes étant parfois plus grand que ceux des parents, ces derniers ont parfois tendance à démissionner. Ce n'est pas qu'ils ne veulent pas ou plus s'impliquer, c'est qu'ils se sentent dépassés", explique encore Cassilda.


Une cause de la non implication : le repli sur soi ?

Une des causes principales de la non implication des femmes issues de l'immigration à l'école est aussi le repli sur soi.

Maria, Séverine et Cassilda témoignent : "Depuis 10 ans, nous ne cessons de faire des animations sur le repli communautaire parce qu'actuellement on entend un discours chez les femmes que l'on n'entendait pas avant. Nous sommes basées à Bruxelles et la réalité n'est pas la même que dans le Brabant-Wallon ou ailleurs. Nous constatons qu'il y a, soit par choix, soit par pression sociale, un climat identitaire exacerbé à Bruxelles. Il y a de plus en plus un discours excluant. On met l'accent sur les différences plutôt que sur ce qui nous unit. On reste beaucoup dans l'entre -soi, et les choses se règlent entre soi. Les femmes marocaines restent entre elles, idem pour les femmes turques, les femmes syriennes, etc. Parfois, il y a des amitiés transnationales qui se créent, mais ce n'est pas la généralité. On est de plus en plus dans le communautarisme. Il y a une régression, un recul terrible et inquiétant ! De nombreux facteurs expliquent ce repli (le problème des religions, des différences culturelles, la radicalisation, le phénomène des écoles et des quartiers ghettos…). Il y a quinze, vingt ans, les femmes nous disaient qu'elles avaient plus facile à parler le français parce qu'il y avait des belges dans le quartier. Les femmes sont les premières sur lesquelles on met la pression sociale et communautaire. Nous travaillons à cette prise de conscience de la liberté du choix de vivre dans l'entre-soi".

Pour certains groupes de femmes, la vie sociale se fait au sein de la communauté d'origine, donc pas besoin de faire l'effort de rencontrer d'autres nationalités à l'école. D'ailleurs certains d'entre nous expatriés à l'étranger ne font- ils pas pareil en se réfugiant dans un petit cocon ?

Le repli sur soi est dû également à une pression sociale forte qui met l'accent sur les religions, les différences culturelles… Aujourd'hui, certaines personnes issues de l'immigration se réfugient en communauté et entretiennent un climat identitaire fort. La radicalisation de certains quartiers de Belgique en est la preuve inquiétante et concrète.

Alors comment expliquer ce repli sur soi ? Vaste question complexe qui est une analyse en soi. Ce repli sur soi est-il un libre choix et il y aurait moyen d'y déroger ?

Une enquête de la Fondation Roi Baudoin explique déjà un point important qui provoque ce repli : la discrimination. D’après cette enquête, la discrimination sur le marché de l’emploi ou à l’école, dont souffrent régulièrement les jeunes d’origine immigrée constitue une cause de repli… Les stéréotypes diffusés par les médias ; le poids de la colonisation continue à se faire sentir. Les expériences négatives vécues par l’entourage des populations issues de l’immigration, le racisme et certains facteurs exogènes viennent renforcer l’ampleur des conséquences désastreuses de la discrimination et joue un rôle sur le repli sur soi. « L’accumulation d’expériences négatives dans divers domaines, couplée à une situation socio-économique précaire, au manque de capital social « utile » et au manque de pratique professionnelle, renforce encore ces processus d’exclusion »[20].

Nous posons-nous toujours les bonnes questions sur ce repli et examine-t-on suffisamment nos propres responsabilités ?

Incompréhensions entre l'école et les familles

La participation et l'implication des parents à l'école permettent, pour les familles, de mieux connaître l'école, les enseignants et l'objectif des cours. Elles permettent également aux enseignants de mieux connaître la réalité, l'environnement, les coutumes ou soucis des familles. Mais parfois, n'y a-t-il pas des incompréhensions de part et d'autre ? La formation initiale et continue des enseignants ne devrait-elle pas être améliorée afin de mieux coller aux réalités multiculturelles ?

Pour certaines familles maghrébines, la sphère privée est très importante et très intime. Certaines intrusions de l'école peuvent choquer, voire blesser. Certains codes culturels sont à respecter.


Maria met en garde : "Attention aux intrusions intempestives des écoles envers certaines familles. Certaines écoles ont fait des dégâts et pourtant elles ont cru bien faire… ".


 

L'école semble parfois croire que certains parents ne s'intéressent pas à la vie scolaire de l'enfant alors qu'il n'en n'est rien.


Maria explique aussi qu'il y a sans doute de grosses incompréhensions entre les attentes de l'école et celles des parents. Il faut trouver les moyens de les clarifier. Beaucoup de femmes ne sont pas allées à l'école. Elles font confiance à l'école, à l'institution. L'école est, dès lors, sacralisée. Les écoles doivent prendre conscience de cela. Elles doivent comprendre aussi que du côté des parents ce n'est pas pour autant le néant ! Les parents font confiance, ce n'est pas pour cela qu'ils ne s'intéressent pas à la scolarité de leurs enfants."


 

Certaines incompréhensions de l'école pourraient, semble-t-il, être clarifiées par une meilleure connaissance de la culture des parents. Dès lors, ne faudrait-il pas intégrer ce point dans la formation initiale et continue des enseignants ?

A cette question, le rapport de l'OCDE[21] donne une réponse : "Les enseignants ont également un rôle déterminant à jouer. Nombre d’entre eux reconnaissent la difficulté de la gestion de la diversité culturelle en classe. De fait, d’importants pourcentages d’enseignants estiment avoir besoin de davantage de formation continue dans le domaine de l’enseignement en milieu multiculturel ou plurilingue ».


Pour Séverine, c'est certain : "Il faudrait mieux former et outiller les enseignants aux réalités multiculturelles de notre société. Certains enseignants ignorent que certains parents ne savent pas lire ou écrire. D'autres ont peur de voir les parents débarquer, parce qu'ils sont méfiants, ils ont souvent peur des critiques".


 

Une dynamique d'école

La dynamique de l'école influence-t-elle la participation multiculturelle des parents ? Pour l'UFAPEC, c'est évident : "L’école est un lieu propice à la rencontre de la diversité et se doit donc d’assumer une large part du travail d’éducation à la multi culturalité ou à l’interculturalité"[22].

Les témoignages récoltés vont également dans ce sens. Il semble que lorsqu'il y a une véritable volonté d'aller vers les autres cultures, quand on inscrit cette volonté dans le projet d'établissement et quand cela se traduit dans les faits par des démarches concrètes des enseignants, on a de bonnes chances de voir les parents issus de l'immigration s'impliquer à l'école plus qu'ailleurs.


Maria nous donne un exemple concret : "Mes enfants étaient dans une petite école de quartier. A l'initiative d'une enseignante d'origine portugaise, nous avons créé le café des parents. Cette enseignante avait vraiment un bon feeling avec les parents. Ce sont aussi les professeurs qui créent une bonne dynamique dans l'école. Quand les professeurs, qui ont encore une fois une figure d'autorité, s'impliquent, c'est très positif. Cela devrait faire partie de leur boulot d'aller naturellement aux contacts".


 

Selon les mamans interrogées, il en va de même pour les langues. Il faut les dynamiser au sein des écoles. Garder le français comme langue officielle dans les communications aux parents, mais avoir une certaine ouverture d'esprit en traduisant certains documents dans certains cas.


Selon Séverine, même si on est en Belgique et que les parents sont censés parler la langue du pays, certaines écoles pourraient faire parfois l'effort de traduire certains documents en plusieurs langues. Séverine comprend les réticences, mais est intimement convaincue que cela pourrait aider à faire venir les parents à l'école.


 

Pour aider les écoles à favoriser ces contacts, il faudrait mobiliser beaucoup plus le monde associatif et les différents types d'acteurs jouant un rôle dans l'intégration.

Ce qui paraît aussi important dans cette dynamique, c'est le discours que l'on a envers les parents. Il ne doit ni infantiliser, ni être paternaliste !


" Beaucoup de femmes sont analphabètes, mais ce ne sont pas pour autant des idiotes. Analphabète ne veut pas dire qui n'a pas d'éducation, qui n'a pas de réflexion. La plupart des femmes ont une opinion quand on leur demande leur avis", affirme Maria.


 

Nous sommes dans une société en pleine expansion au niveau des nouvelles technologies, de l'écrit et du formel. Aussi, n'y a-t-il pas moyen de trouver d'autres moyens de communication pour toucher les femmes issues de l'immigration sans pour autant les infantiliser ? L'oralité (ex : capsules vidéo) est sans doute à privilégier avec ce type de public.

Conclusion

Comme nous l'avons exposé, le niveau d'implication des femmes issues de l'immigration dans les écoles dépend de nombreux facteurs. Le niveau d'implication est à considérer au cas par cas, en fonction du parcours de chaque femme, de son degré d'intégration, de sa capacité à maîtriser le français, du milieu dans lequel elle vit, de sa culture, de ses valeurs, de sa liberté d'action, de l'endroit où elle habite, du style d'école qu'elle côtoie, etc.

Nous l'avons vu, la participation parentale des femmes issues de l'immigration à l'école est un enjeu de société important, car elle a un impact manifeste sur le bien-être et la scolarité des enfants.

Il semble, cependant, très difficile de mobiliser les mamans issues de l'immigration à prendre une place à l'école. Il existe de nombreuses raisons à cette résistance :  la peur, la manière dont elles ont vécu leur propre scolarité, la méconnaissance du français, la méconnaissance de l'autre, la méconnaissance de l'école, l'incompréhension des codes de l'école, la peur de se dévoiler, les complexes, le regard des autres, le manque d'accueil, les préjugés et amalgames, la sacralisation de l'école, la confiance aveugle en l'autorité scolaire…

Une des causes principales de la non-implication des femmes issues de l'immigration à l'école est aussi l'inquiétant repli sur soi, le communautarisme, les quartiers et les écoles ghettos.

Pour les femmes issues de l'immigration, l'implication à l'école, c'est surtout veiller à ce que son enfant réussisse et ait un "meilleur avenir". Les projets collectifs et les organes de représentations sont souvent considérés comme superflus par rapport à leurs réalités quotidiennes (souci d'argent, de santé, de loyers, etc.). La plupart de femmes sont prêtes à s'investir dans des projets plus ponctuels où elles se sentent à l'aise.

La plupart ont conscience que la langue (le français), la scolarité, l'éducation, l'implication à l'école sont des outils qui permettent une plus grande émancipation sociale, dans le sens où elles pourront mieux dialoguer avec l'école et faire des choix pour leurs enfants.

Nous avons pu constater aussi qu'il y a souvent des incompréhensions entre les attentes de l'école et les attentes des parents. Il faudrait donc, si possible, les clarifier, en provoquant des rencontres (informelles) entre les familles et l'école.

L'UFAPEC estime que l'amélioration de la formation initiale et continue des enseignants est une nécessité pour mieux que les enseignants arrivent à mieux comprendre les réalités quotidiennes de ce public.

Bien consciente des difficultés rencontrées et forte de ces constats, l'UFAPEC aura à cœur de continuer ses actions de sensibilisation et d'incitation à la participation parentale des publics issus de l'immigration.

Puisque l'UFAPEC, depuis plus de 60 ans, prône le partenariat familles-école, elle pense aussi que pour aider les écoles à favoriser les contacts avec les personnes issues de l'immigration (et particulièrement les femmes puisqu'elles sont souvent les premières interlocutrices dans les écoles à encadrement différencié), il serait intéressant de mobiliser davantage le monde associatif et différents types d'acteurs périphériques à l'école (écoles de devoirs, AMO, etc.).

Certaines femmes issues de l'immigration sont de véritables personnes ressources pour un meilleur vivre ensemble. L’amélioration de l’image de ces femmes dans la société belge et la création de ponts entre les cultures sont des enjeux de société essentiels. Nous devons prendre conscience du rôle actif et positif de ces femmes dans nos écoles, et mettre en valeur la richesse de leur diversité professionnelle, familiale, sociale, culturelle.

Pour mener à bien ses actions, l'UFAPEC croit en l'importance de s'imprégner de conseils et de s'entourer d'associations partenaires œuvrant dans le domaine de l'intégration.

Tous ensemble, nous pouvons participer à un meilleur "vivre ensemble" !

 

France Baie

 


[1] Cette association travaille pour l’intégration des personnes étrangères et belges d’origine étrangère. Pour favoriser l’intégration, l’association donne des cours de français aux personnes étrangères et propose des formations à la citoyenneté. Elle organise également des groupes d’échanges et de réflexions interculturelles en travaillant sur des thématiques particulières et en y associant des « Belgo-belges ».

[2] Aïcha est d’origine marocaine et est arrivée en secondaire en Belgique.

[3] Myriam est d’origine marocaine et est née en Belgique.

[4] Cette seconde association travaille avec les femmes de manière à susciter une prise de conscience et à éveiller leur sens critique. Son objectif est de contribuer à l’amélioration des conditions de vie des femmes, à leur émancipation et de les aider à acquérir des outils en vue d’une plus grande jouissance de leurs droits et à un renforcement de leurs capacités de réflexion et d’action. Cette association féministe vise l’autonomisation des femmes issues de l’immigration et la lutte contre les discriminations et les violences à l’égard des femmes. Elle tente aussi de libérer les femmes de la domination des hommes et de lutter pour l’égalité et le rétablissement de l’équilibre des droits entre les hommes et les femmes.

[5] Maria est d’origine espagnole.

[6] Séverine est belgo-belge.

[7] Cassilda est burundaise et est arrivé en Belgique quand son fils était en secondaire.

[8] Voir à ce sujet les qualificatifs utilisés par la Commission des droits de la femme et de l’égalité des chances dans son rapport sur la situation des femmes issues de groupes minoritaires dans l’Union européenne, A5-0102/20004, p.5.

[9] Commission de l’emploi et des affaires sociales, Rapport sur la Communication de la Commission sur l’immigration, l’intégration et l’emploi, PE A5-0445/2003.

[10] http://www.lavoixdesfemmes.org/web/IMG/pdf/_4_livre_WEB.pdf – lien vérifié le 7 septembre 2016.

[11] Les usines Henricot à Court-Saint-Etienne ont fait appel à de la main d’&

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