Analyse UFAPEC octobre 2012 par A. Pierard

28.12/ Les jeunes profs et l’enseignement spécialisé

Introduction

Comme certains en témoignent dans différents médias (journaux, télévision, Internet,…), ce n’est pas toujours facile pour les jeunes diplômés de commencer une carrière dans l’enseignement.

Qu’en est-il pour ceux qui se dirigent vers l’enseignement spécialisé ?

Comment se passe le début de carrière des jeunes enseignants qui se voient offrir un poste dans l’enseignement spécialisé ?

Selon une étude flamande datant de 2003-2004[1], c’est dans l’enseignement fondamental spécialisé que le taux d’abandon des jeunes enseignants après cinq années dans le métier est le plus important. Contrairement à l’enseignement spécialisé secondaire pour lequel le taux est le plus faible.

Enseignement fondamental ordinaire

44%

Enseignement fondamental spécialisé

64%

Enseignement secondaire ordinaire

62%

Enseignement secondaire spécialisé

31%

 
Comment accompagner au mieux les jeunes qui se lancent dans une carrière d’enseignant dans l’enseignement spécialisé pour faire baisser ces taux ?  

Faudrait-il mettre des choses en place pour aider ces jeunes enseignants ? Y-a-t-il des choses qui se font déjà ?

Enseignement spécialisé[2]

Créé en 1970 pour accueillir des élèves ayant des besoins spécifiques, l’enseignement spécialisé a ses particularités avec lesquelles les enseignants et professionnels doivent composer.

Types et formes de l’enseignement spécialisé

Une première particularité concerne les types et les formes d'enseignement dans le spécialisé. L’enseignement spécialisé se décline en huit types distincts. Cette catégorisation a permis de constituer un enseignement adapté aux besoins éducatifs relatifs aux spécificités et difficultés des élèves appartenant à un même groupe.

Type d’enseignement

Niveau maternel

Niveau primaire

Niveau secondaire

1 : pour les élèves atteints d’arriération mentale légère

 

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2 : pour les élèves atteints d’arriération mentale modérée ou sévère

 

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3 : pour les élèves atteints de troubles du comportement et de la personnalité

 

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4 : pour les élèves atteints de déficiences physiques

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5 : pour les élèves malades ou convalescents

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6 : pour les élèves atteints de déficiences visuelles

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7 : pour les élèves atteints de déficiences auditives

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8 : pour les élèves atteints de troubles instrumentaux

 

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L’enseignant va donc devoir construire son cours en cherchant à répondre au mieux aux besoins spécifiques des élèves présents dans sa classe, selon le type de l’enseignement proposé dans son établissement scolaire.

Dans le secondaire spécialisé, en plus de la différenciation selon les types, il existe quatre formes d’enseignement. Selon les formes de l’enseignement spécialisé secondaire, l’enseignant travaillera avec ses élèves dans le but d’atteindre différents objectifs.

  • La forme 1 a pour objectif de travailler les aptitudes sociales des élèves en vue de leur intégration en milieu de vie adapté. Cette forme encourage l’épanouissement et l’autonomie des apprenants.
  • La forme 2 a pour objectif de donner une formation générale, sociale et professionnelle en vue de l’intégration des élèves en milieu de vie et professionnel adapté.
  • La forme 3 a pour objectif de donner une formation générale, sociale et professionnelle en vue de l’intégration des élèves en milieu de vie et professionnel ordinaire.
  • La forme 4 a pour objectif de donner une formation qui permette aux élèves de se préparer à la vie active, de poursuivre leurs études dans le supérieur et d’y obtenir un diplôme.

Forme d’enseignement

 

Type 1

Type 2

Type 3

Type 4

Type 5

Type 6

Type 7

1 : intégration en milieu de vie adapté

 

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2 : intégration en milieu de vie et professionnel adapté

 

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3 : intégration en milieu de vie et professionnel ordinaire

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4 : préparation à la vie active et l’enseignement supérieur

 

 

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Place de l’enseignant dans l’élaboration du PIA[3]

Rendu obligatoire par le décret du 3 mars 2004 organisant l’enseignement spécialisé, le PIA (plan individuel d’apprentissage), est un outil utilisé par les équipes éducatives des établissements de l’enseignement spécialisé pour permettre un suivi individualisé des élèves à besoins spécifiques.

Depuis les débuts de l’enseignement spécialisé en 1970 (alors nommé enseignement spécial), les enseignants sont amenés à travailler selon une approche individualisée : programmes éducatifs individualisés, objectifs individuels, plans individualisés d’apprentissage… L’approche individualisée favorise les apprentissages, le suivi des progrès et la continuité dans la scolarité de l’enfant à besoins spécifiques.

Le PIA est un outil important dans cette logique d’approche individualisée qui caractérise l’enseignement spécialisé. Il demande individualisation des objectifs pour chaque élève et coordination entre les membres de l’équipe éducative.  

La démarche dans laquelle s’inscrit le PIA permet aux enseignants de cerner les difficultés et les ressources de l’élève, de fixer des objectifs de travail, de déterminer les moyens pour y arriver et de définir les critères d’évaluation pour l’élève dont il est question.

L’enseignant s’approprie le PIA de l’élève pour une approche individualisée répondant aux projets personnels pensés au sein de l’équipe éducative pour les élèves de sa classe.

Enseignant dans l’enseignement spécialisé

« Le professeur est là pour accompagner, aider, baliser, réguler, alimenter. Il est personne ressource, conseiller, facilitateur de découverte et de socialisation. Il relève les potentialités, les difficultés, les attitudes comportementales et les besoins des jeunes. Il apporte les remédiations nécessaires.[4] »

Le jeune enseignant doit développer des méthodes de travail, une pédagogie différenciée et des techniques adaptées aux situations et types de handicap auxquels il devra faire face au sein de l’établissement scolaire dans lequel il est engagé.

« La pédagogie différenciée est une démarche d’enseignement qui consiste à varier les méthodes pour tenir compte de l’hétérogénéité de la classe : chaque élève a son propre mode d’apprentissage et son propre rythme d’apprentissage. Elle accorde à chaque élève le temps nécessaire pour acquérir les compétences. (…) Au lieu de privilégier la matière, l’enseignant met en œuvre les meilleurs moyens pour aider chaque élève.[5] »

On demande aux enseignants de l’enseignement spécialisé écoute, dynamisme, patience et disponibilité. Il est aussi nécessaire pour eux de développer un sens de l’observation et une capacité d’analyse des lacunes scolaires et des problèmes psychologiques de ses élèves.

Dans l’accompagnement des jeunes qui se lancent dans une carrière d’enseignant dans l’enseignement spécialisé, la collaboration et le travail en équipe ont une grande importance. La direction a un rôle à jouer à ce sujet.

L’amélioration du bien-être des jeunes enseignants et leur accompagnement peut prendre différentes formes : tutorat, mentorat, groupes d’échange, accompagnement par des experts,… [6]

Formation des enseignants

En Belgique, le diplôme requis pour enseigner dans l’enseignement spécialisé est le même que pour l’enseignement ordinaire.

« La formation initiale ne pourra jamais ambitionner de donner la maîtrise complète de la profession d’enseignant.[7] »

« Les étudiants ne sont pas formés à détecter et à accompagner les enfants qui présentent des troubles d’apprentissage, comme, par exemple, la dyslexie.[8] »

Les étudiants ne sont pas formés à faire face aux besoins spécifiques des élèves des différents types de l’enseignement spécialisé. On n’enseigne pas de la même manière à un jeune ayant un handicap mental, ou atteint de surdité ou de mal-voyance qu’à un jeune de l’enseignement ordinaire, n’ayant aucun besoin spécifique.

« Je n’ai pas vraiment été préparé à cela et, pendant plusieurs semaines, je me demande comment utiliser ce que j’ai appris pour préparer mes cours. Je dois bien me rendre à l’évidence ; mon crâne d’intellectuel bourré de belles connaissances ne m’est ici d’aucune utilité et il est nécessaire que je me confronte à la réalité qu’il m’est donné de vivre.[9] »

En France[10], une formation spécifique prépare les enseignants du spécialisé : le certificat d’aptitudes professionnelle pour les aides spécialisées, les enseignements adaptés et la scolarisation des élèves en situation de handicap (CAPA-SH). Ce certificat propose aux étudiants différentes options selon les handicaps.

Les missions et compétences qui sont attendues de cet enseignant sont pensées dans une recherche de conditions optimales d’accès aux apprentissages scolaires sociaux pour ses élèves à besoins spécifiques. L’enseignant spécialisé met en œuvre des compétences professionnelles particulières, complémentaires de celles d’un enseignant dans l’ordinaire.

« Il assure une mission :

-       De prévention des difficultés d’apprentissage ou d’insertion dans la vie collective,

-       De remédiation aux difficultés persistantes d’acquisition ou d’adaptation à l’école,

-       De promotion de l’intégration scolaire et de l’insertion sociale et professionnelle.

Il doit être capable :

-       D’apporter son concours à l’analyse et au traitement des situations scolaires qui peuvent faire obstacle au bon déroulement des apprentissages,

-       De contribuer à l’identification des besoins éducatifs particuliers,

-       De favoriser et de contribuer à la mise en œuvre d’actions pédagogiques différenciées et adaptées.[11] »

En Suisse aussi, une formation particulière est proposée aux enseignants qui travaillent avec des enfants, des adolescents ou des jeunes adultes ayant des difficultés et des handicaps qui entravent leur développement. L’enseignant spécialisé dispense « un enseignement adapté dans le cadre de classes ou de groupes restreints rattachés à une école ou à une institution, ou dans le cadre du soutien à des élèves maintenus dans des classes régulières. Leur rôle est de répondre aux besoins des élèves sur le plan cognitif, affectif et social, afin de leur permettre la meilleure intégration socioprofessionnelle possible. (…) L'effectif des classes est généralement limité ce qui permet un travail individualisé avec chaque élève.[12] »

Témoignages[13]

Jeunes enseignants

Une jeune femme de 28 ans travaillant dans des classes de langage en type 7 maternelle.

Comment êtes-vous arrivée dans l’enseignement spécialisé ?Lors de mes stages à l'école normale, j'ai vraiment préféré celui du spécialisé. J'ai donc fait la spécialisation en orthopédagogie et j'ai postulé essentiellement dans le spécialisé.

Aviez-vous des a prioriavant d’enseigner dans l’enseignement spécialisé ?Non car dans mon entourage, je connaissais beaucoup de personnes avec un handicap ou des difficultés.

Pourquoi avez-vous choisi de travailler dans l’enseignement spécialisé ? Que vous apporte ce travail ? Parce que je suis sensible aux difficultés des enfants. L'enseignement spécialisé permet d'avoir une approche plus individuelle avec les enfants. Cela permet de travailler les compétences scolaires (en tenant compte du niveau de chaque enfant) tout en développant aussi les compétences relationnelles (estime de soi, construction de soi, développement des moyens de communication,...). Cela permet aussi de travailler avec une équipe (kiné, logo,...).

Quels sont pour vous les aspects positifs de cette expérience professionnelle ?  L'échange avec les enfants. On s'investit beaucoup mais on reçoit beaucoup en retour des élèves aussi. Lorsque nous donnons aux enfants des moyens de communication (pictogrammes, signes,...), on peut observer que leur comportement change (moins d'angoisses, plus de confiance en soi,...) et c'est très chouette de voir cette évolution. Travailler en équipe permet d'avoir de multiples regards sur l'enfant.

Quels sont pour vous les aspects négatifs de cette expérience professionnelle ? Cela demande peut-être plus de travail que dans l'enseignement ordinaire.

Souhaiteriez-vous continuer carrière dans l’enseignement spécialisé ?Oui, sans hésitation!!!

 

Une jeune femme de 25 ans donnant cours de religion catholique dans une école secondaire de types 1 et 2.

Comment êtes-vous arrivée dans l’enseignement spécialisé ? Par hasard car j’ai cherché à travailler dans l’enseignement tout en passant l’agrégation. J’ai été engagée pour un contrat de remplacement dans cette école et j’ai tout de suite aimé travailler là. Pas pour le cours de religion car je suis sociologue de formation, mais pour la relation avec les élèves. En septembre, je viens de faire les démarches pour retourner dans cette école car je m’y suis vraiment plu, c’est une expérience positive.

Aviez-vous des a prioriavant d’enseigner dans l’enseignement spécialisé ?  Je n’ai pas eu d’information par l’école ou le recruteur avant de commencer à travailler, pour appréhender cet enseignement, mais j’avais quelques idées de ce qui m’attendait car j’ai des connaissances qui sont passées par l’enseignement spécialisé et je me suis renseignée sur les types 1 et 2 de l’enseignement spécialisé.

Que vous apporte ce travail ? La pédagogie à adopter durant les cours est une approche au cas par cas, selon les élèves. J’ai maximum 10 élèves en classe. J’affectionne cette manière de travailler, la possibilité de m’adapter aux besoins spécifiques des élèves que j’ai en face de moi. J’adapte mon cours non seulement au programme, mais aussi aux élèves.

Quels sont pour vous les aspects positifs de cette expérience professionnelle ?Le relationnel avec les élèves ! La relation avec les élèves a encore plus d’importance dans l’enseignement spécialisé. Ce qui est chouette avec le cours de religion, c’est que cela peut être le moment de créer du changement dans leur quotidien scolaire. Je peux utiliser différents locaux, du matériel,… Ce sont des moments privilégiés entre l’enseignant et ses élèves. Pour eux, sortir de leur classe les rend tous joyeux et leur donne une impression de liberté. Ce qui est chouette aussi, c’est la relation avec les autres enseignants. C’est un plus pour l’enseignant d’avoir une équipe sur qui compter. Par exemple, avec les autres profs de religions, nous avons une heure par semaine de réunion d’équipe pour construire nos cours ensemble et mettre en place des projets communs. Sur les 22 heures de mon temps plein par semaine, j’ai une heure de réunion avec les enseignants des cours de religions et une heure de conseil de classe.

Quels sont pour vous les aspects négatifs de cette expérience professionnelle? Comme je l’ai dit, je n’ai pas eu d’information au préalable par l’école concernant cet enseignement spécifique. Donc j’ai dû m’informer sur le tas auprès des autres enseignants qui ont tout de suite été sympas avec moi en me parlant de l’école, des élèves, des pistes pédagogiques... Ce qui est dommage, c’est au niveau de la formation. J’ai dû me former sur le tas, au sein de l’école, en arrivant car dans les cours de l’agrégation, nous n’avons pas de cours de didactique spécifique à l’enseignement spécialisé mais un cours de didactique générale.

Souhaiteriez-vous continuer carrière dans l’enseignement spécialisé ?Je ferais carrière dans l’enseignement spécialisé avec plaisir. Mais pas pour y donner le cours de religion qui n’est pas vraiment mon domaine. Ce serait le cas si on me proposait d’enseigner des matières qui se rapprochent plus de mes titres.

Enseignants un peu moins jeunes

Une femme de 35 ans enseignante en primaire types 1, 2 et 8.

 

Comment êtes-vous arrivée dans l’enseignement spécialisé ?  Directement après mes études d'institutrice. C'était une réelle volonté. 

Que vous apporte ce travail ?J'ai fait le choix dès le début de mes études de m'investir dans un travail alliant le social et le côté pédagogique. L'enseignement spécialisé me permettait d'allier les deux axes.

Quels sont pour vous les aspects positifs de cette expérience professionnelle ?  L'impression d'apporter un petit plus à des enfants différents. Le côté humain et psy qui sont plus mis en avant que le côté pédagogique.  La grande part d'autonomie dans les apprentissages, le programme.

Quels sont pour vous les aspects négatifs de cette expérience professionnelle ?Le manque de collaboration avec les différents organes (PMS, SAJ, SPJ,...). Le manque de moyen matériel et humain mis à notre disposition. Le manque de formation quant aux troubles des apprentissages durant la formation initiale.

Souhaiteriez-vous continuer carrière dans l’enseignement spécialisé ? Non car j'ai également une licence en psychopédagogie grâce à laquelle je  travaille avec des adultes en reconversion professionnelle et également comme indépendante avec des enfants présentant des troubles des apprentissages.  Mais si je n'avais pas ce second diplôme, j'y resterais probablement. 

 

Un homme de 38 ans enseignant en primaire types 1 et 8.

Comment êtes-vous arrivé dans l’enseignement spécialisé ?  Par hasard 

Aviez-vous des a prioriavant d’enseigner dans l’enseignement spécialisé ?  Oui, pour moi « enseignement spécialisé » rimait avec « enfants caractériels » et donc ingérables...

Quels sont pour vous les aspects positifs de cette expérience professionnelle ? Moins monotone que l'enseignement ordinaire. On ne fait pas que voir un programme. On a l'impression d'être plus utile car les enfants ont besoin de plus d'aide. On a plus de liberté pédagogique.

Quels sont pour vous les aspects négatifs de cette expérience professionnelle ? Les élèves viennent souvent d’un milieu précarisé et vivent des difficultés familiales. C’est difficile de gérer leur agressivité et celles de leur famille.

Souhaiteriez-vous continuer carrière dans l’enseignement spécialisé ?En tant que titulaire de classe oui.

 

Une femme de 39 ans enseignante en primaire type 2. 

Comment êtes-vous arrivée dans l’enseignement spécialisé ?  Un congé de maternité et j'étais sans emploi.

Que vous apporte ce travail ?C’est pour moi dans cette forme d'enseignement que je peux mettre en pratique toutes mes connaissances d’institutrice maternelle et primaire. Ce travail m'apporte beaucoup au point de vue affectif et dans la reconnaissance des enfants.

Quels sont pour vous les aspects positifs de cette expérience professionnelle ?   Reconnaissance des enfants et des parents, aspect humain et affectif de l'apprentissage.  

Quels sont pour vous les aspects négatifs de cette expérience professionnelle ?Le manque de suivi (SAI, SAJ, psycho, AS,....) on se retrouve souvent seuls face à une problématique et il n'y a pas souvent de continuité dans nos constatations.

Souhaiteriez-vous continuer carrière dans l’enseignement spécialisé ? OUI sans aucun doute !

Logopèdes dans l’enseignement spécialisé

Une jeune fille de 26 ans, logopède en intégration.

Comment en êtes-vous arrivée à exercer ce métier dans l’intégration scolaire ?J'ai tout d'abord effectué un remplacement de congé de maternité dans l'école spécialisée secondaire attachée à l'école spécialisée primaire. A la rentrée suivante (2009), l'école primaire m'a contactée pour m'occuper de 4 projets d'intégration. A présent, je suis 13 élèves en intégration.

Aviez-vous des a prioriavant de travailler avec ces élèves à besoins spécifiques?Aucun, bien que je n'avais pas eu d'expérience durant mes stages auprès d'enfants à besoins spécifiques

Que vous apporte ce travail ?Je suis un membre de l'école spécialisée détaché dans les écoles ordinaires. Cela m'enrichit au niveau du travail d'équipe, de la collaboration. Une fois par mois, nous nous réunissons entre membres de l'équipe intégration (2 logo, 1 instit maternelle, 1 psychomotricien, 4 instits primaire) et nous échangeons sur nos expériences, les difficultés rencontrées, du matériel concret,... Nous invitons 4 fois sur l'année les instituteurs des écoles ordinaires à se joindre à nous.

Quels sont pour vous les aspects positifs de cette expérience professionnelle ?Les échanges entre professionnels et le bonheur de voir les progrès des élèves tant au niveau social, scolaire que dans leur plaisir qu'ils avaient perdu de venir à l'école.

Quels sont pour vous les aspects négatifs de cette expérience professionnelle ?Les déplacements entre les différentes écoles.

Souhaiteriez-vous continuer carrière dans le suivi des élèves en intégration ?Oui, à condition de limiter les déplacements afin d'avoir plus de temps pour échanger avec les écoles ordinaires.

 

Une jeune fille de 30 ans, logopède ayant travaillé dans différentes écoles de l’enseignement spécialisé.

Comment en êtes-vous arrivée à exercer ce métier dans l’enseignement spécialisé ?J’y suis arrivée par hasard car le premier poste qui m’a été proposé à la fin de mes études était dans une école de l’enseignement spécialisé. J’avais envoyé mon CV à différentes écoles, de l’ordinaire comme du spécialisé et c’est une école de l’enseignement spécialisé qui m’a répondu. Depuis ce premier intérim, j’ai fait d’autres intérims de un ou deux mois dans différentes écoles de l’enseignement spécialisé et j’ai eu l’occasion de rester un an dans une école. J’ai donc pu travailler avec des élèves des types 1, 2, 3 et 8 dans 9 écoles différentes. Même si maintenant c’est dans une école de l’enseignement ordinaire que j’ai trouvé une place, j’ai toujours cherché à travailler dans l’enseignement spécialisé suite à mon premier intérim. Je ne postule d’ailleurs que dans des écoles primaires de l’enseignement spécialisé, je ne vise pas les écoles de l’enseignement ordinaire. Je préfère l’enseignement primaire spécialisé car je suis plus à l’aise avec les plus jeunes et surtout, je m’y sens plus utile car l’évolution des élèves est plus flagrante, les progrès sont plus visibles.

Aviez-vous des a prioriavant de travailler avec ces élèves à besoins spécifiques?Je connaissais le monde du handicap et l’enseignement spécialisé avant d’y travailler car mon frère est atteint de handicap mental modéré et je suis investie depuis mes études supérieures dans une ASBL de loisirs pour personnes handicapées qui accueille entre autres mon frère. C’est sûrement le handicap de mon frère qui m’a poussée à diriger ma carrière vers l’enseignement spécialisé

Quels sont pour vous les aspects positifs de cette expérience professionnelle ? Le plus chouette, c’est de voir l’évolution des élèves; évolution qui peut se voir très fort pour certains. C’est d’ailleurs une satisfaction personnelle. L’aide à apporter à ces élèves est ponctuelle et précise, on répond à ses besoins spécifiques. C’est d’ailleurs un plaisir d’aider ces élèves qui en veulent, qui sont motivés pour dépasser leurs difficultés. Il y a aussi la satisfaction de savoir que des élèves du type 8 que j’ai suivis passent dans l’enseignement ordinaire en secondaire. Actuellement, même si je ne travaille pas dans l’enseignement spécialisé, je travaille avec des enfants paumés, qui ont aussi des besoins spécifiques donc je m’y retrouve. Je pars du principe qu’il faut aider tout le monde et être logopède dans l’enseignement spécialisé me permet d’être présente pour des élèves à besoins spécifiques.

Quels sont pour vous les aspects négatifs de cette expérience professionnelle ?Je trouve qu’il ne faut pas trop cloisonner les enfants en difficultés dans l’enseignement spécialisé car certains pourraient s’en sortir dans l’enseignement ordinaire avec un suivi adapté. Mais ils restent dans l’enseignement spécialisé…

Souhaiteriez-vous continuer carrière dans le suivi des élèves en intégration ?J’ai toujours essayé d’y travailler et je continuerai comme cela car c’est dans ces écoles que je veux travailler. J’adore travailler avec les élèves à besoins spécifiques. Si on me propose un poste dans l’enseignement spécialisé, je n’hésiterai pas et je ne prendrai pas le temps de réfléchir, je dirai tout de suite « oui ».

Futurs enseignants

Certains étudiants entament des études d’enseignant en voulant se diriger vers l’enseignement spécialisé ou développent cette vocation suite à un stage ou une autre confrontation avec l’enseignement spécialisé.

Comme exemple illustratif, voici le témoignage d’une étudiante sur Enseignons.be.

« Je suis étudiante en dernière année d'un régendat en français-français langue étrangère. J'ai récemment effectué une semaine de stage dans l'enseignement spécialisé et ça m'a beaucoup intéressée et j'espère même faire carrière dans ce type d'enseignement.[14]»

Une expérience enrichissante

Ghislain Carlier[15], professeur à la faculté des Sciences de la motricité de l’UCL, exprime que « la notion de plaisir me semble incontournable et au cœur de la pratique du métier. On ne reste pas dans l’enseignement si l’on n’éprouve pas de plaisir. (…) [Il faut] permettre aux élèves et aux professeurs d’admettre que le plaisir est également une clé de la réussite des élèves. » . Il ajoute que « le plaisir est lié à la connivence et aux interactions avec les élèves, à une approche non dictatoriale de la transmission des savoirs ; ce qui, a priori,sont des éléments englobés dans le concept de bon prof. »

Comme l’illustrent les témoignages précédents, la relation privilégiée avec les élèves est un élément essentiel pour les jeunes enseignants dans leur plaisir d’exercer ce métier et leur envie de continuer carrière dans l’enseignement spécialisé.

Ce qui est enrichissant selon les enseignants et professionnels de l’enseignement spécialisé interrogés dans le cadre de cette analyse, c’est surtout la relation établie avec élèves, mais aussi la liberté pédagogique qui leur est laissée et la satisfaction de voir l’évolution et les progrès des élèves.

L’approche individualisée pensée au sein de l’enseignement spécialisé est perçue de manière positive par les jeunes enseignants car elle permet de s’adapter aux besoins des élèves, de travailler les compétences scolaires en tenant compte du niveau de chaque enfant mais aussi de travailler les compétences relationnelles. Etre enseignant dans l’enseignement spécialisé permet d’allier le social et le pédagogique.

Conclusion

Etre enseignant dans l’enseignement spécialisé, c’est pouvoir accueillir des élèves ayant des besoins spécifiques et développer une approche individualisée (prenant entre autres la forme d’un PIA) ainsi que des techniques et des méthodes de travail adaptées pour répondre au mieux aux besoins spécifiques de ces élèves.

« Être prof, c’est justement ça : rencontrer l’autre dans ses différences, lui transmettre le meilleur de nous et lui révéler ses potentialités, l’amener à être lui-même. Surtout si l’autre est un adulte en devenir, car il est plus fragile qu’un adulte construit et mérite donc davantage d’attention. Surtout si l’autre provient d’un milieu défavorisé, car, pour lui, l’école représente une chance de réussir, une possibilité de s’épanouir.[16] »

Pour les jeunes enseignants de l’enseignement spécialisé, la collaboration et le travail en équipe ont une grande importance, non seulement concernant l’élaboration du PIA mais aussi pour, ensemble, répondre aux besoins des élèves de l’enseignement spécialisé.

Comme l’a écrit Anne Floor,« il y a fort à parier que cet esprit d’entraide et de collaboration aura des effets positifs sur l’ambiance générale dans les classes. La qualité des relations élèves et enseignants en sera à coup sûr améliorée.[17] »

Même si c’est une réelle volonté pour certains de devenir enseignant dans l’enseignement spécialisé, ils considèrent que leur formation d’enseignant ne les prépare pas à la spécificité de l’enseignement spécialisé et demandent alors une meilleure formation pour appréhender au mieux ce milieu et les besoins spécifiques de ses élèves.

A ce sujet, l’UFAPEC souhaite que la formation initiale des enseignants soir revue pour répondre au mieux aux réalités du terrain en rendant obligatoires des stages dans des écoles à encadrement différencié et des écoles de l’enseignement spécialisé pour tout futur enseignant.

Terminons en citant Frank Andriat dont les propos illustrent très bien le rôle de l’enseignant dans l’enseignement spécialisé : « Mes élèves « difficiles » me le font comprendre très rapidement. Plutôt que de les assommer sous des tonnes de matières que, de toute façon, ils n’utiliseront jamais dans leur existence, il faut que je parte d’eux, de ce qu’ils connaissent et que je leur apprenne à souffler sur les petites flammes de leurs potentialités pour transformer celles-ci en foyers lumineux et ardents.[18] »

 

Alice Pierard

 

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Nous sommes à votre service pour organiser des activités sur cette thématique.


[1]LEMAIRE I., « Jeunes profs : le désamour du métier », 5 mars 2012, consulté sur http://www.lalibre.be/debats/opinions/article/723781/jeunes-profs-le-desamour-du-metier.htmlen septembre 2012

[2]Pour plus d’informations sur l’organisation de l’enseignement spécialisé, voir HOUSSONLOGE D., LONTIE M. et PIERARD A., L’enseignement spécialisé : l’élève et son projet de vie, Etude UFAPEC 2011 N°32.11

[3]Pour plus d’information sur le PIA, voir PIERARD A.,Le Plan Individuel d’Apprentissage de l’élève et ses enjeux, Analyse UFAPEC 2012 N°11.12

[4]CHOUKART D., SCHMITZ-BALBEUR L., VANHAM E, … Enseignant, mon nouveau métier dans l’enseignement spécialisé organisé par la Communauté française, 2006, p 22.

[5]Idem, p 9.

[6]Cela a été traité par Anne Floor :

FLOOR A., Améliorer le bien-être des jeunes enseignants : rôle de la direction et des collègues, Analyse UFAPEC 2011 N°34.11

FLOOR A., Améliorer le bien-être des jeunes enseignants : groupes coopératifs, encadrement par des experts, aide à distance, Analyse UFAPEC 2011 N°35.11

[7]FLOOR A., Jeune enseignant : pourquoi tu pars ?, Analyse UFAPEC 2011 N°27.11, p 6.

[8]Idem, p 7.

[9]ANDRIAT F., Vocation prof, Editions Labor Education, 2008, p 30.

[10]« Devenir enseignant spécialisé du premier degré », consulté sur Eduscol, le portail national des professionnels de l’éducation

[11]« Devenir enseignant spécialisé du premier degré », consulté sur Eduscol, le portail national des professionnels de l’éducation

[12]Enseignant spécialisé/ enseignante spécialisée, consulté sur Orientation.ch, le portail suisse de l’orientation scolaire et professionnelle

[13]Pour respecter l’anonymat des personnes interrogées, leurs noms ne sont pas cités.

[14]http://www.enseignons.be/forum/specialise-f58/topic18025.html

[15]LEMAIRE I., « Enseigner, une partie de plaisir ? », 14 mai 2012, consulté sur http://www.lalibre.be/debats/opinions/article/737683/enseigner-une-partie-de-plaisir.htmlen septembre 2012

[16]ANDRIAT F., Vocation prof, Editions Labor Education, 2008, p 10.

[17]FLOOR A., Améliorer le bien-être des jeunes enseignants : rôle de la direction et des collègues, Analyse UFAPEC 2011 N°34.11, p 9.

[18]ANDRIAT F., Vocation prof, Editions Labor Education, 2008, p 30. 

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