Analyse UFAPEC décembre 2015 par A. Pierard

29.15/ Conseils Communaux des Enfants et des Jeunes, quelle participation citoyenne ?

Introduction

La participation, la prise en compte de l’opinion des enfants dans les décisions les concernant est un des quatre principes de la convention internationale relative aux droits de l’enfant (CIDE) de 1989[1] ratifiée par la Belgique.

Article 12 de la CIDE 1. Les Etats parties garantissent à l’enfant qui est capable de discernement le droit d’exprimer librement son opinion sur toute question l’intéressant, les opinions de l’enfant étant dûment prises en considération eu égard à son âge et à son degré de maturité.

L’intention est de leur donner la possibilité de se faire entendre, leur donner les lieux où ils pourront s’exprimer et participer à des projets citoyens.

Proche des citoyens, la commune est un acteur clef en matière de politique d’enfance et de jeunesse : accueil des enfants, enseignement, accueil temps libre, soutien aux organisations de jeunesse, maisons de jeunes… les enfants peuvent avoir leur mot à dire sur les matières qui les concernent : sport, culture, espace public, mobilité, environnement, cohésion sociale…

Dans ce sens, les communes peuvent être un agent d’innovation par une politique participative, notamment en mettant en place des Conseils Communaux des Enfants et des Jeunes, structures de participation à la vie locale et de mise en place de projets citoyens pour et par les enfants et les jeunes. En quoi consistent ces Conseils communaux ? Quels sont leurs objectifs ? Permettent-ils une réelle participation citoyenne ?

Conseils Communaux des Enfants (CCE)

Les CCE sont conçus et organisés en collaboration avec les écoles primaires locales pour les moins de 12 ans, souvent à l’initiative de l’élu communal en charge des matières de la jeunesse et/ou de l’enseignement. On en compte plus de 160 sur les 262 communes wallonnes. Il s’agit de proposer aux enfants un espace de parole, de leur permettre de poser des actes citoyens et de vivre la démocratie au quotidien, de s’impliquer dans la vie sociale, de créer des projets d’intérêt collectif. « Le Conseil Communal des Enfants est une structure participative, mise à la disposition des enfants par la commune pour qu’ils s’impliquent dans la vie sociale et développent une citoyenneté active. Il s’occupe de sujets liés à la vie de la commune. Les enfants y sont particulièrement sensibles puisqu’ils sont issus des quartiers de leur commune qu’ils investissent et qu’ils connaissent bien.[2] »

Dès la constitution du CCE, il est important de définir les rôles de chacun (enfants élus, animateur, élus adultes…) et l’engagement supposé des enfants élus, le ROI (Règlement d’Ordre Intérieur) et les modalités de fonctionnement. Il semble judicieux que l’organisation et le règlement soient instaurés par les enfants. Comment établir ce ROI ? Comment donner leur réelle place à tous les enfants élus dans cette co-construction du fonctionnement ? Comment organiser les élections préalables ?

Il y a effectivement des élections, sur base volontaire. Après information à l’école sur les instances communales, les enfants domiciliés dans la commune peuvent proposer leur candidature. Pour s’assurer de l’accord des parents, une autorisation parentale[3] est demandée.

Le CCE est encadré par un animateur formé : un membre du conseil communal, un enseignant, un éducateur d’un service d’accueil extrascolaire… Il a pour missions d’animer et structurer le Conseil mais aussi de faire le lien avec les élus adultes. Quel est le profil idéal de cet animateur ?

Les qualités qui paraissent importantes sont l’honnêteté, l’écoute, la neutralité, le respect et la reconnaissance des enfants comme des individus à part entière. Il vise la mise en application d’un « fonctionnement démocratique idéal »[4] : expliquer de manière claire et compréhensible les enjeux de la participation, donner la parole à chacun, garantir la participation de tous, aider les jeunes à développer leurs projets, transmettre les messages sans les déformer, établir les liens, faire appliquer et respecter les mesures de protection des enfants (respect de la vie privée, base volontaire de la participation, respect de chacun, confidentialité, droit à l’image…).

Conseils Communaux des Jeunes (CCJ)

« Les Conseils Communaux de Jeunes (CCJ), ou Conseils Locaux de Jeunes, sont des structures de participation à la vie locale s’adressant principalement à des jeunes dont la tranche d’âge est comprise entre 12 et 18 ans. Nous expliquons cette tranche d’âges restrictive par le fait qu’à partir de l’âge de 18 ans le jeune est éligible et peut donc se présenter sur une liste électorale.[5] » Les CCJ sont moins nombreux : ils sont présents dans près de 40 communes sur les 262. Comme l’explique Evelyne Waonry, coordinatrice-chef de service au CRECCIDE[6], différents facteurs peuvent jouer : milieu rural ou citadin, absence d’établissement scolaire secondaire et/ou de structure jeunesse, motivation des jeunes…

D’où la question : comment arriver à motiver les jeunes ? Souvent, c’est dans une commune où il y a eu un CCE actif qu’est mis en place un CCJ sur base volontaire des enfants qui ont grandi et désirent toujours s’investir. Il semble important que l’initiative vienne des jeunes-eux-mêmes pour que cela fonctionne.

Comme les enfants, les jeunes choisissent eux-mêmes leurs domaines d’action : culture, aménagement du territoire, bibliothèque, nature, protection animale, sport, déchets, enseignement, espaces publics, handicap, plaines de jeux, pollution, protection du patrimoine… Les projets mis en place peuvent brasser large et toucher une grande partie de la population. Tout ce qui touche à l’environnement profitera à toute la population de la commune. Des projets sont parfois menés avec la collaboration de personnes âgées…

Dans les CCJ, l’animateur est avant tout un facilitateur, à l’écoute des jeunes et créateur d’un climat de confiance.

Collaboration avec l’Ecole

L’école est le siège du développement du sens civique, de l’apprentissage de la tolérance et du respect mutuel. L’éducation à la citoyenneté a une place importante dans nos écoles :

  • Dans une optique de construction d’une pédagogie à la citoyenneté démocratique dans les écoles, le décret Missions du 24 juillet 1997 demande aux établissements « de préparer tous les élèves à être des citoyens responsables, capables de contribuer au développement d’une société démocratique, solidaire, pluraliste et ouverte aux autres cultures. » (article 6 § 3)
  • Le décret citoyenneté du 12 janvier 2007 demande aux établissements la mise en place d’activités interdisciplinaires pour une citoyenneté responsable et active et de structure participative pour les élèves.

Pour les CCE, le partenariat est important car c’est dans les écoles que l’on vient parler du Conseil aux enfants et leur proposer de s’impliquer. L’école est le lieu privilégié d’information sur le fonctionnement de la commune, de déroulement des élections, de rencontre entre élus et électeurs, d’écoute des propositions des élus et d’avancée dans les projets mis en place.

Cette collaboration avec l’école pose question pour les enfants qui suivent leur scolarité dans une autre commune que celle de leur domicile. Il semble important de tenir compte de la spécificité de ces enfants en permettant l’information et l’élection, l’avancée dans les projets en dehors de l’école. La question se pose aussi dans un autre sens : quelle place donner à l’enfant qui vient d’une autre commune quand on avance sur les projets du CCE en classe ?

L’éducation à la citoyenneté menée dans les CCE et CCJ mais aussi à l’école est un ensemble de savoirs, de savoir-être et de savoir-faire à développer de manière transversale. Selon le CEF, il s’agit d’une éducation à la pratique de la vie de citoyen, au vivre ensemble, à la citoyenneté traversant les programmes comme partie intégrante de la mission de chaque acteur de l’enseignement[7].

L’éducation à la citoyenneté« doit faire l’objet d’une politique, d’une philosophie commune dans toute l’école. Chaque membre de l’équipe doit y participer, le pouvoir organisateur, les enseignants, les auxiliaires d’éducation. L’enfant a des droits qui doivent être reconnus et respectés. Construire une culture citoyenne, c’est amener chaque membre de l’équipe à s’accorder sur la signification des mots qui définissent la citoyenneté et à décider de ce qui va être mis concrètement en place dans l’école pour y parvenir. Bâtir une culture citoyenne, c’est collectivement se prononcer sur les places qui vont être octroyées à chacun. C’est déterminer des règles et des chartes qui vont régir l’école et s’accorder sur une même façon d’agir, lorsque celles-ci sont transgressées.[8] » C’est la même chose pour les CCE et les CCJ, tous les adultes gravitant autour du Conseil doivent collaborer avec les enfants et les jeunes dans la construction d’une culture citoyenne.

Participation citoyenne

La participation citoyenne est un réel enjeu éducatif et démocratique. Elle permet aux enfants et aux jeunes de s’exprimer et de participer à la mise en place de projets collectifs sur base volontaire. « Participer, c’est définir des objectifs, décider d’activités à mener ; s’organiser, se répartir les tâches ; devenir autonome, prendre ses responsabilités ; développer sa créativité et ses capacités d’organisation ; se connaître soi-même et apprendre à connaître les autres ; apprendre à négocier, à argumenter ; être solidaire, s’engager, apprécier ses succès, apprendre de ses erreurs…[9] »

Les CCE et CCJ ne sont pas les seuls lieux de participation citoyenne pour les enfants et les jeunes en Belgique francophone. Diverses initiatives sont mises en place à différents niveaux : des conseils provinciaux de la jeunesse, Place aux enfants, Communes jeunes admis, le Festival 0-18…

Les motivations derrière toutes ces initiatives vont dans le même sens : la sensibilisation des enfants et des jeunes à la vie politique, la pratique de la négociation et de la prise de décisions.L’objectif représente un enjeu de société fondamental : que ces enfants et ces jeunes deviennent des CRACS, c’est-à-dire des citoyens responsables, actifs, critiques et solidaires. L’enfant ou le jeune membre d’un CCE ou CCJ va avoir l’occasion de développer ses capacités critiques, son ouverture à la différence, son désir de compréhension des choses et d’investissement pour la collectivité…

A quelles conditions ces conseils permettent-ils une réelle participation citoyenne ou un apprentissage à la participation citoyenne pour les jeunes ? Un des éléments essentiel est selon nous la motivation et l’implication des partenaires concernés : enfants, jeunes et adultes.

Nous pensons comme l’Observatoire de l’Enfance, de la Jeunesse et de l’Aide à la Jeunesse que plusieurs critères sont à respecter pour garantir une réelle participation citoyenne des enfants :« Le processus doit être transparent et informatif, volontaire, respectueux, pertinent, adapté aux enfants, inclusif, soutenu par une formation, sûr et prenant en compte tous les risques, et responsable.[10] ». Ces éléments varieront d’un CCE ou CCJ à l’autre, d’un animateur à l’autre, d’une commune à l’autre. Chaque CCE ou CCJ est unique.

Richesses des CCE et CCJ

Ces Conseils Communaux ont une valeur ajoutée pour les enfants et les jeunes participants mais aussi pour les décideurs politiques. Pour les adultes élus, ceux-ci entendent les enfants et les jeunes et s’assurent de cette manière de prendre des décisions en adéquations avec leurs demandes. Pour tous, c’est avant tout une possibilité d’échange, de dialogue sur la vie de la commune. Pour les enfants et les jeunes, il s’agit de se faire entendre, de développer la confiance en soi, la curiosité et l’ouverture d’esprit, de se responsabiliser, de participer au développement de projets, d’apprendre les processus démocratiques.

Les facteurs de réussite sont :

  • un cadre de référence ;
  • le partage de valeurs et concepts ;
  • l’implication de l’ensemble des acteurs concernés ;
  • l’explication et le respect du fonctionnement démocratique.

Les CCE et CCJ visent l’épanouissement de l’enfant et du jeune, son intégration dans la vie publique et sa participation à la définition et la mise en œuvre des politiques communales le concernant.

Limites et freins des CCE et CCJ

Des limites et freins ont pu être repérés dans l’organisation des CCE et CCJ :

  • un manque de connaissance et de mise en pratique de la part des enfants et des jeunes en matière de politique ;
  • le refus de projets proposés par les enfants ;
  • un découragement des enfants si les projets n’avancent ou n’aboutissent pas ;
  • les déplacements selon les communes (trafic dans les grosses communes, espacement entre les villages dans d’autres, moyens de transport…) ;
  • la différence de réalité et des publics selon les communes ;
  • l’absence d’établissements scolaires secondaires et/ou de structures jeunesse dans certaines communes ;
  • le manque de volonté de la part d’enfants et de jeunes.

Des moyens peuvent être développés et mis en place pour favoriser le fonctionnement des CCE et des CCJ. Voici plusieurs propositions.

  • Permettre l’acquisition et la mise en pratique des connaissances nécessaires en matière de participation citoyenne

Dans ce sens, il semble essentiel d’être transparent et de fournirl’information sur l’organisation de la participation, son ampleur, son but et ses impacts. « Pour exercer une citoyenneté pleine et entière, l’acquisition de connaissances est une condition nécessaire mais pas suffisante ; il faut également la mettre en pratique.[11] »

  • Proposer une participation et une implication au rythme de l’enfant

Il s’agit de concerter les enfants pour ce qui est de l’organisation et du planning des réunions. Il faut pouvoir aussi s’adapter aux capacités et aux besoins des enfants par exemple en ne prévoyant pas de réunions trop tard en soirée, en permettant un accès aux lieus pour un enfant en chaise roulante...

  • Adapter les structures au public et non l’inverse mais aussi justifier les refus de projets et s’assurer de l’aboutissement de ceux-ci

Il parait judicieux d’être à l’écoute des enfants, de ne pas les laisser avancer dans un projet qu’on sait qu’il ne sera pas accepté, de les encourager et les soutenir dans la construction de leurs projets. « Cela signifie consulter les enfants afin d’identifier leurs besoins quant au mode de fonctionnement, aux horaires, à l’organisation ; les informer sur ce que l’on attend d’eux en amont de la mise en place du conseil afin que ceux qui se présentent aux élections sachent exactement à quoi ils s’engagent ; ne pas laisser développer par les enfants des projets dont on sait qu’ils seront refusés mais surtout les laisser développer des projets d’enfants (autonomie accrue) et justifier de façon claire et pertinente les refus.[12] »

  • Apporter un réel soutien aux animateurs, doter les structures d’un accompagnement adapté et professionnel

Il semble important de soutenir les animateurs dans leur travail pour un accompagnement fort des enfants. Ce soutien devrait venir des politiques. « Former les animateurs/coordinateurs et leur proposer des rencontres entre pairs et des échanges de bonnes pratiques.[13] »

  • Trouver d’autres moyens pour mobiliser les jeunes

On ne peut pas compter sur l’école comme pour les CCE pour mobiliser les jeunes. Comment les toucher, comment les mobiliser ? Est-ce le rôle du CRECCIDE ? « Il faut envisager d’autres stratégies pour rencontrer les jeunes et leur proposer de participer à un Conseil.[14] »

Les chiffres montrent que les CCE et les CCJ ne sont pas présents dans toutes les communes : 160 CCE et 40 CCJ sur les 262 communes wallonnes. Pourquoi n’y en a-t-il pas dans toutes les communes ? Cela peut s’expliquer par les différents freins présentés plus hauts, la volonté des politiques, l’investissement demandé, les moyens nécessaires… Toutes les communes ne sont pas égales dans la mise en place de ces Conseils Communaux mais peuvent être aidées par le CRECCIDE qui forme les animateurs et met différents outils à disposition.

Le CRECCIDE joue aussi un rôle important en organisant un rassemblement annuel des CCE et un rassemblement annuel des CCJ. Ces évènements permettent la rencontre, la présentation de projets… Les enfants et les jeunes sont impliqués car cela est organisé en collaboration avec un CCE ou un CCJ selon le rassemblement et la thématique développée est choisie par ce Conseil.

Dans ce sens et au vu des bénéfices pour les membres, nous nous demandons s’il ne faudrait pas penser la généralisation des CCE et des CCJ afin de permettre à tous les enfants et les jeunes de s’inscrire dans cette participation citoyenne.

Conclusion

Les CCE et CCJ permettent aux enfants et aux jeunes de vivre une expérience de citoyenneté active et responsable, de participer aux décisions qui les concernent. Ces conseils rendent la commune « enfants et jeunes admis ».

La participation citoyenne implique des relations marquées par le respect de chacun, la construction de projets d’intérêt collectif, un sentiment d’appartenance… Les CCE et les CCJ, tout comme l’école, sont des lieux privilégiés où développer le vivre-ensemble et la formation à une citoyenneté responsable, active, créative et solidaire.

L’existence des CCE et CCJ va dans le même sens que notre demande de mise en place de structures du type « conseils de citoyenneté »[15] dans les écoles. Effectivement, l’UFAPEC estime, plus que jamais, important de permettre aux jeunes une éducation et une réelle participation citoyenne, à l’école, mais aussi de manière plus générale dans la société.

 

Alice Pierard
 
 
 


[2] Participation citoyenne : mode d’emploi. Guide pour la mise en place et le suivi des structures participatives pour enfants et jeunes, CRECCIDE ASBL Carrefour Régional et Communautaire de la citoyenneté et de la Démocratie, 2010, p 48.

[3] Voir modèle en annexe.

[4] Participation citoyenne : mode d’emploi. Guide pour la mise en place et le suivi des structures participatives pour enfants et jeunes, op cit., p 107.

[5] Idem, p 117.

[6] Carrefour Régional et Communautaire de la Citoyenneté et de la Démocratie.

[7] Pour une éducation à la citoyenneté transversale aux apprentissages en Fédération Wallonie-Bruxelles, dossier d’instruction du Conseil de l’Education et de la Formation, janvier 2014, p 23.

[8] Pour une éducation à la citoyenneté transversale aux apprentissages en Fédération Wallonie-Bruxelles,op cit., p 27.

[9] Participation citoyenne : mode d’emploi. Guide pour la mise en place et le suivi des structures participatives pour enfants et jeunes, op cit., p 28.

[10] « La participation des enfants aux décisions publiques. Pourquoi et comment impliquer les enfants ? », Vade-mecum de l’Observatoire de l’Enfance, de la Jeunesse et de l’Aide à la Jeunesse, 2014, p 11.

[11] Participation citoyenne : mode d’emploi. Guide pour la mise en place et le suivi des structures participatives pour enfants et jeunes, op cit., p 20.

[12] Idem, p 152.

[13] Idem.

[14] Idem, p 119.

[15] Mémorandum UFAPEC, p 22. 

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