Analyse UFAPEC 2010 par J. Vieslet

34.10/ Jeunes et cannabis : quel(s) danger(s) ?

Introduction

Utilisé en Chine depuis des milliers d’années comme psychotrope[1], le cannabis est aujourd’hui bien présent en Europe et dans notre pays. Ce sont les jeunes qui consomment le plus, tout du moins, les premières expériences de consommation se font à l’adolescence. L’usage du cannabis par les jeunes est-il vraiment problématique ?

Consommation de cannabis chez les jeunes

En Europe, ce sont les 15-24 ans constituent la tranche d’âge qui consomme le plus de cannabis[2]. On remarque également que la consommation est plus importante chez les jeunes qui fréquentent les rassemblements musicaux, discothèques ou bars. Parallèlement, les chiffres semblent actuellement stables ou en baisse pour l’ensemble de l’Europe[3].
La Belgique ne fait pas exception. En 2008, on estime que les plans qui ont été saisis auraient pu générer un gain de 70 millions d’euros ![4] C’est dire l’ampleur que prend cette substance dans notre pays. L’enquête réalisée par le CRIOC en 2009 auprès de 2630 jeunes de 12 à 17 ans[5] ne fait que confirmer les premières impressions. Plus d’un jeune interrogé sur quatre a déjà consommé du cannabis, et plus d’un jeune sur dix en consomme toujours. Même si les consommateurs sont en nombre plus que réduit à 12 ans, la moitié des jeunes de 17 ans a déjà consommé. Mieux encore, six jeunes sur dix combinent souvent alcool et cannabis.
Ces jeunes consommateurs n’ont, pour la majorité, pas envie de stopper leur consommation, et 25% des utilisateurs se sentent dépendants du produit. Face à cela, il est légitime de se poser des questions. Qu’est-ce qui attire autant les jeunes dans le cannabis ? Dans quels contextes les adolescents consomment-ils ? Avec qui ? Et surtout, pourquoi ?

Quel usage ?

Fort heureusement, cette enquête du CRIOC nous révèle aussi que la majorité des jeunes n’ont jamais consommé seuls, mais principalement avec des amis. Cela va de pair avec l’affirmation « on peut mieux s’amuser avec du cannabis » que 29% des sondés approuvent. La consommation de cannabis serait donc avant tout liée à la fête et au groupe. Pour certains jeunes, fumer un joint est presque un rite d’initiation dans un groupe[6]. Sur le même principe que la cigarette ou l’alcool, être le seul dans un groupe de pairs qui ne consomme pas peut mettre le jeune à l’écart, volontairement ou non. Avec le cannabis (et l’alcool), il s’ensuit que le jeune non-consommateur ne se trouvera pas dans le même état euphorique que ses amis, et cela peut également le pousser à consommer.
C’est ce que l’on appelle « l’usage récréatif ». Les jeunes recherchent des sensations d’euphorie, de légèreté, de rire, et bien souvent ces effets sont atteints. Le cannabis a pour effet principal de modifier/stimuler l’imagination, l’humeur, les sensations et le comportement[7]. Il réduit également les inhibitions, c’est certainement pour cela que les jeunes le consomment majoritairement dans un contexte festif.
Malheureusement, les effets, comme ceux de toute drogue, peuvent parfois être imprévisibles. C’est le cas lorsque le cannabis est consommé avec de l’alcool par exemple (ce que beaucoup de jeunes font), lorsqu’il est consommé en grande quantité, ou encore selon le mode de consommation. Les effets secondaires d’une prise de cannabis peuvent être : perte temporaire de mémoire, diminution de la concentration, troubles des mouvements, hypoglycémie, augmentation du temps de réaction et baisse du rythme général[8]. Les effets ressentis dépendent surtout du dosage en substance active du produit. Le cannabis peut se présenter sous forme d’herbe (« beuh »), de résine (« shit ») ou d’huile, chacun de ces produits renfermant une quantité de plus de plus importante de substance active[9]. Bien sûr, le plus souvent il est fumé, mais il peut aussi être ingéré dans des préparations de nourriture, gâteaux (« space cake »), omelettes etc. Dans ce cas, il est plus difficile de contrôler sa consommation et les effets peuvent venir d’un coup.
Il va de soi que, comme pour toute substance, si les effets positifs ressentis lors des premières prises sont supérieurs aux effets négatifs, il y a plus de chances que l’expérience ait de nouveau lieu[10]. Si l’expérience a lieu plusieurs fois, en augmentant les doses, ou de plus en plus souvent, cela augmente les chances de passer d’un usage « récréatif » à un usage plus problématique.
Dans l’enquête du CRIOC, 25% des consommateurs interrogés disent se sentir dépendants du produit. Cela va de l’obligation de consommer pour s’amuser à une fête par exemple, jusqu’à l’obligation de consommer pour dormir, ou pour être relaxé. Certains jeunes interrogés ont dit ressentir des effets négatifs lorsqu’ils ne pouvaient pas fumer de cannabis pendant un certain temps : distraction, irritabilité, nervosité, angoisse,… Un usage posant certains problèmes est donc présent chez certains jeunes mais la majorité d’entre eux se contente d’un usage « récréatif » et festif.

Rapport à l’interdit

Au vu de la tolérance développée face à la consommation de cannabis dans notre pays[11], il y a lieu de se demander si elle n’amènera pas les jeunes à consommer d’autres drogues que le cannabis, selon le principe de « l’interdit attire ». C’est le principe de « l’escalade » ou la théorie de « la porte d’entrée » selon laquelle, consommer du cannabis toujours illégal amène à fréquenter des endroits où l’on est plus susceptible de se voir proposer d’autres substances[12]. Il ne faut pas généraliser cette théorie, qui ne concernerait que les personnes les plus vulnérables. Et même si l’adolescence est une période où les jeunes sont assez influençables, certains sont plus forts que d’autres et sauront faire la part des choses entre le cannabis et une drogue de synthèse par exemple. C’est d’ailleurs sur base de cette « théorie » que les Pays-Bas ont créé les coffee shop, où il est possible de se procurer du cannabis jusqu’à 5 grammes par jour, afin de « casser le lien entre le marché du cannabis et celui des drogues dures »[13]. Il ne faut donc pas créer de rapport trop rapidement entre la certaine tolérance actuelle face à la consommation de cannabis chez les personnes majeures et l’escalade vers la consommation de drogues dures.

Que faire ?

Rencontrer un adolescent consommateur de cannabis n’est donc pas un fait rare. Les effets repérables par les proches ont été cités plus haut, auxquels il faut ajouter le plus voyant, le blanc de l’œil rougi, et le plus odorant, l’effluve particulier que dégage le cannabis fumé.
L’accent est mis sur la prévention des risques dans les endroits où le cannabis est susceptible d’être consommé (par exemple, les festivals de musique). Bon nombre d’associations existent et tentent d’agir soit en évitant la première consommation, soit en cadrant l’usage afin qu’il ne devienne pas « problématique ».
Les parents de mineurs en possession de cannabis sont toujours avertis par la police lorsque celle-ci les repère. De plus leur cannabis est saisi. Si toutefois cela devait se produire, tentez de savoir quel usage votre enfant fait du cannabis, quand il le consomme, avec qui, comment ? Le dialogue sera toujours plus constructif que la réprimande directe. Il existe également des brochures informatives sur les risques de la consommation de cannabis (voir bibliographie).

Conclusion

En Europe comme en Belgique, nombreux sont les adolescents qui consomment où ont déjà consommé du cannabis. La consommation a lieu le plus souvent en groupe, avec des amis, pour atteindre un état d’euphorie et de bien-être. Cet usage « récréatif » est celui de la majorité des consommateurs. Néanmoins, certains consommateurs ne se limitent pas à cet usage « social » et passent à une consommation qui peut leur poser plus de problèmes : consommer seul, pour dormir, ou pour éviter d’être angoissé ou nerveux. C’est face à cet usage qu’il y a lieu d’être vigilants, la consommation de cannabis ne doit pas avoir d’empreinte sur la vie sociale ou scolaire des adolescents. De nombreuses actions de prévention sont actuellement menées, mais le dialogue avec l’adolescent ne pourra que renforcer les « vraies » idées qu’il se fait du cannabis et l’informer au mieux de ce qui peut se passer, et comment gérer sa consommation.
Retenons que les chiffres européens sur la consommation sont actuellement stables ou en baisse, preuve que ces actions de prévention ont un effet bénéfique. De plus, la tolérance établie en Belgique pour la possession de cannabis ne concerne aucunement les mineurs, et ne devrait pas, à l’heure actuelle, les pousser d’une quelconque manière à consommer d’autres drogues.
 
 
 
Jessica Vieslet
 
 
 
 
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[1] Un psychotrope est une substance qui agit principalement sur l'état du système nerveux central
[2] Observatoire Européen des Drogues et des Toxicomanies, Rapport annuel 2010 : État du phénomène de la drogue en Europe, p49
[3] Idem, p41
[4] Idem p48
[5] Centre de Recherche et d’Information des Organisations de Consommateurs (CRIOC), Jeunes et drogues, février 2010, 45p
[6] Interview de Jean-Michel Costes, directeur de l’Observatoire français des drogues et des toxicomanies, pour arte.tv
[7] Infor-drogues.be
[8] Infor-drogues.be
[9] La substance active du cannabis est le tétrahydrocannabinol, THC
[10] Observatoire Européen des Drogues et des Toxicomanies, Rapport annuel 2010 : État du phénomène de la drogue en Europe, p52
[11] Voir à ce sujet l’analyse ufapec n°   
[12] http://www.infordrogues.be
[13] L. Descamps, C. Hayez, Génération Cannabis, paroles de jeunes paroles d’experts, p 232

 

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