Analyse UFAPEC 2009 par F. Baie

04.09/ Le rôle des grands-parents dans la scolarité des enfants

Introduction

La famille s’est vue, au cours des âges, soumise à des rétrécissements successifs. En effet, de communautaire, elle serait passée, au 19ème siècle, en occident, à une forme restreinte dite « nucléaire ». Au 21 ème siècle, elle s’apparente à une forme décomposée voire recomposée. A n’entendre que les propos pessimistes au sujet de l’évolution de l’institution familiale (individualisme, conflits, violences, divorces, séparations etc.), on oublierait facilement d’entrevoir certains aspects positifs qui peuvent également y régner.
 
En effet, face aux aléas de la vie, n’y aurait-il pas tout un mécanisme de solidarité intergénérationnelle qui se mettrait aujourd’hui en place et, plus particulièrement, cette solidarité ne jouerait-elle pas en faveur de la garde et du soutien scolaire des enfants ?
 
« L’idée circule que la famille se désagrège, que ses liens se distendent. Les enquêtes montrent au contraire que les solidarités existent, faites d’échanges de services et de biens. Les grands-parents en sont de plus en plus le pivot », affirme Claudine Attias-Donfut[1].
 
De nombreuses études montrent que la population vieillit, que la famille se transforme... Trois voire quatre générations peuvent interagir au sein de notre société. Les personnes âgées, encore actives et de plus en plus nombreuses, c’est-à-dire les grands-parents issus du baby-boom (nés entre 1946 et 1964), peuvent-elles devenir une nouvelle ressource pour notre société en matière de garde des enfants et de soutien scolaire ? Faut-il envisager avec un regard neuf ces nouveaux acteurs et les appeler à des missions de solidarités essentielles pour notre société ?
 
Véritable enjeu pour notre mode de vie, la population vieillissante ne doit-elle pas être vue comme une ressource humaine plutôt qu’un poids ? La difficulté des parents à concilier la vie familiale et la vie professionnelle nous amène à envisager toutes les solutions pour garantir aux enfants une garde et un soutien scolaire de qualité. La solidarité entre générations prendra-t-elle le dessus dans les années à venir ? Et les familles seront-elles égales face à cette solidarité ? C’est ce que notre analyse tente d’examiner.
 
 
 
Bonne lecture !
 

La solidarité, un concept à définir

 
Mendras (1984) souligne que toute vie sociale est faite d’échanges. La démarche de réciprocité traverse en effet, comme une exigence les relations humaines ; « c’est à mon tour de rendre », « mes parents ont fait ce qu’ils avaient à faire, à moi maintenant de les aider ».
On peut donc envisager la relation de solidarité intergénérationnelle d’un point de vue d’égalité où chaque partie échange avec l’autre pour obtenir ce qui lui manque (Bernadette Puijalon-1989).
 
Pour Serge Paugam[2], la solidarité constitue le socle de ce que l’on pourrait appeler « l’homo sociologicus » : «  l’homme est lié aux autres et à la société non seulement pour assurer sa protection face aux aléas de la vie, mais aussi pour satisfaire son besoin vital de reconnaissance, source de son identité et de son existence en tant qu’homme ».
 
Le fondateur de la sociologie française, Emile Durkheim[3], à la fin du 19ème siècle insistait déjà pour que la société prenne conscience de son unité, renforce ses liens et combatte l’égoïsme : «  Il n’y a aucune diminution à être solidaire d’autrui et à en dépendre, à ne pas s’appartenir tout entier à soi-même ». Aujourd’hui, en tant que contrat social, la solidarité doit être réévaluée, comme le souligne encore Serge Paugam, à l’aune des défis auxquels les sociétés modernes sont confrontées en ce début du 21ème siècle.
 
Dans la famille actuelle, au sens élargi du terme, on retrouve cette solidarité tant prônée par Emile Durkheim et Serge Paugam. Claudine Attias-Donfut[4] en fait également l’éloge en l’abordant sous l’angle intergénérationnel: « La solidarité existe dans la famille moderne, toutes les enquêtes le démontrent. Elle est faite d’un mélange de sentiments et d’obligations, de contraintes formelles ou informelles. Elles se concrétise dans des pratiques familiales d’entraide qui recouvrent un large éventail d’échanges, domestiques, matériels, financiers, des aides au logement, des services de toute nature. Ces solidarités s’exercent en majeure partie le long de la chaîne générationnelle, entre grands-parents, parents, enfants ».
 

Définition des concepts de solidarité mécanique et organique

Émile Durkheim oppose la solidarité mécanique à la solidarité organique.
·  la solidarité mécanique caractérise les "communautés". Les individus se ressemblent, sont interchangeables, leurs consciences sont toutes entières occupées par la morale et les croyances collectives : la conscience collective l’emporte sur la conscience individuelle
· la solidarité organique caractérise les "sociétés" composées d’individus nettement différenciés par l’effet de la division du travail et dont les consciences individuelles s’émancipent largement de la morale et des valeurs du groupe.
Pour des groupes sociaux plus restreints tels que les familles, nous pouvons émettre l’hypothèse que la solidarité mécanique n’a pas forcément disparu sous prétexte que nous sommes dans une société moderne. En effet, les valeurs partagées au sein d’une famille élargie peuvent très probablement unir les individus et permettre la cohésion sociale. C’était déjà le cas dans les sociétés primitives où l’on connaissait une très faible division du travail, où les activités étaient identiques et où l’attachement au groupe prenait le dessus. Dans le cas de la solidarité mécanique, ce sont les activités similaires d’une famille (en l’occurrence, ici, le besoin de garder et d’éduquer les enfants) qui maintiennent le groupe soudé.
 

Inégalités des familles face à la solidarité

Même si de nombreuses recherches montrent que les solidarités intergénérationnelles témoignent dans l’ensemble d’une grande vitalité, il existe néanmoins un « bémol ». En effet, la solidarité semble être inégalement développée selon les familles. Claudine Attias-Donfut[5] l’affirme en ces termes : « Les différences entre les solidarités familiales s’expliquent tout d’abord par les inégalités de ressources. La capacité potentielle d’aide, en argent, en moyens matériels, en capital social et en temps, favorise le développement de l’entraide (plus on possède, plus on peut donner et recevoir. Mais si le niveau de ressources a une influence certaine, il ne joue pas seul. De nombreux autres facteurs interviennent… ».
 
D’un type de famille à l’autre, les ressources acquises et les sacrifices consentis ne sont pas les mêmes. Dans les familles « héritières », de la classe dominante, les grands-parents semblent tenir à transmettre un héritage culturel, fait de valeurs et de savoirs, à leurspetits enfants. Pour Michel Lallement[6], «l’héritage culturel reste toujours un facteur important du succès scolaire…Mobilisé par une série de stratégies qui engagent parents et grands-parents (apprentissage précoce de la lecture, sensibilisation aux sciences, choix de l’établissement scolaire), l’héritage familial explique le parcours sans faute, pour ne pas dire exceptionnellement rapide, de ce bataillon d’élite »
 
La solidarité intergénérationnelle fluctue en fonction du type de famille mais également en fonction de la proximité géographique de ses membres. Aujourd’hui, notre société fait de plus en plus souvent le curieux compromis entre l’individualisme et l’interdépendance. Nous désirons être proches tout en gardant notre intimité. Comme le souligne Martine Segalen[7] : « L’indépendance résidentielle permet de respecter l’intimité de chacun, on est là lorsque le besoin se fait sentir sans être intrusif pour autant » La situation géographique et les distances qui séparent les éléments d’une famille conditionnent donc également les rencontres et les types de services susceptibles d’être échangés, tels que la garde des petits-enfants ou les soins apportés aux parents âgés dépendants.
 
Catherine Bonvalet[8] montre que la solidarité intergénérationnelle est surtout mobilisée dans des moments difficiles : divorce, chômage, problème de santé…Selon elle, les jeunes, les familles monoparentales, les femmes profitent d’avantage de cette solidarité.

Une population vieillissante

La Direction générale Statistique et Information économique du SPF
Economie[9] a rassemblé un certain nombre de faits et de chiffres pertinents au
sujet des seniors : « début 2007, notre pays abritait 2,36 millions de personnes de plus de soixante ans contre 2,06 millions en 1991 ce qui représente une croissance moyenne de 18
900 unités par an. La part des personnes très âgées (personnes de 80 ans et plus)
dans le groupe des seniors est à la hausse. Au 1er janvier 2007, elles étaient 484
000 contre 353 000 à la même date en 1991, soit une augmentation de plus d’un
tiers (plus 37%) ».
 
Le vieillissement de la population va devenir une question importante pour notre société dans les prochaines décennies. « Au début des années nonante, pour une personne de 65 ans ou plus, la population comptait quatre personnes âgées de 20 à 65 ans. Cette proportion passera à une personne sur trois en 2020 et même à une sur deux en 2040 »[10].
 
Face à ce constat, notre société devra « évoluer » et proposer de plus en plus à nos aînés d’autres schémas participatifs. Serge Paugam[11] met également en avant la dynamique démographique des grands-parents qui deviendra pour notre société une source de défis mais également une ressource potentielle : « Les travaux du livre vert de la Commission européenne mettent bien en lumière ce phénomène sur la période 2000-2050. Dans l’Europe à 25, le nombre de jeunes adultes âgés de 25 à 39 ans diminuera de 25, 8% alors que les 65-79 gagneront 44,10% et les plus de 80 ans progresseront de 180,5% ».
Les progrès de la médecine permettent aux personnes âgées de vivre plus longtemps et de manière plus active. Notre société doit donc s’adapter à une population en perpétuelle évolution.
 
« L’augmentation spectaculaire de la longévité et la chute de la fertilité ont dessiné une nouvelle famille : plus réduite au niveau d’une génération, mais plus étendue verticalement, avec trois ou quatre générations qui coexistent » affirme encore Claudine Attias-Donfut[12].
« C’est la première fois dans l’histoire de l’humanité que l’on voit coexister massivement quatre générations d’une même famille ; ce changement concerne la totalité du monde occidental. D’où la question de la grand-parentalité aujourd’hui », renchérit Barbara Couvert[13]
 
«  Il est évident que les transformations démographiques en cours- avec le triple phénomène d'une diminution importante du nombre d' «actifs» par rapport aux «inactifs», d'un nombre
important de retraités en pleine santé et majoritairement détenteurs du patrimoine et de la progression spectaculaire de personnes très âgées - vont bouleverser de façon radicale notre
société : débat sur les équilibres financiers des régimes de retraite ; nouveaux problèmes de santé et coûts correspondants; adaptation de toutes les structures de la vie publique et
de la vie quotidienne ; transformation de l'emploi et des emplois ; solidarités intergénérationnelles au sein des familles maintenant très souvent composées de 4 générations, parfois 5 ; place des retraités dans la vie sociale et le développement du
lien social ;… » affirme encore Dominique Thierry, vice-président de France Bénévolat.[14]
 

Des grands-parents « baby boomers » dynamiques

Aujourd’hui, bon nombre de personnes âgées de soixante ans sont encore en forme physiquement et intellectuellement. Les grands-parents baby-boomers (nés entre 1946 et 1964) font partie de la « génération sandwich ».Pris entre leurs parents, leurs enfants et petits-enfants, ils mènent parfois encore de front une vie professionnelle (avec les perspectives du départ à la retraite), la garde des petits-enfants et le soutien aux parents âgés.
 « Cet âge intermédiaire exprime son nouveau modèle de vieillissement dans des types divers d’engagements attestant d’un investissement important dans la société et de son intérêt constant pour le monde qui l’entoure. Ainsi la vie des solidarités informelles est largement entre les mains des jeunes retraités qui par cette forme d’action font reconnaître leur utilité sociale »[15]De plus en plus souvent, les grands-parents offrent leurs services auprès des écoles, des centres sociaux, des maisons de quartier et se voient très souvent parachutés baby-sitters, gardes-malades ou aussi à la tête d’une « petite école de devoirs familiale ».Comme le souligne Frédérice Praud[16], «  La personne âgée peut devenir un acteur du maillage social, la transmission de son savoir le prétexte pour créer un lien intergénérationnel, un prétexte pour redonner un rôle social à de nombreuses personnes en situation d’exclusion intellectuelle et physique ».
 
Gilles Marchand[17] insiste, lui aussi, sur les rôles sociaux que peuvent désormais assumer les nouveaux séniors hyperactifs : « La frontière entre actifs et retraités n’est plus pertinente pour distinguer jeunes et vieux. Le troisième âge d’antan est maintenant divisé en un troisième et un quatrième âge. Le premier recouvre maintenant une période allant de 60 à 70-75 ans, avec un rôle social qui gagne en ampleur : la génération des nouveaux grands-parents, véritable pivot des autres strates familiales. Nombreux sont ceux qui assurent la garde, régulière ou occasionnelle, des petits-enfants, tout en aidant leurs enfants à accéder à la propriété ou à faire face à une période de chômage, et en s’occupant de leurs propres parents ».
 
Des grands-parents, plus actifs, plus participatifs et surtout plus concernés par les phénomènes sociaux vont-ils pouvoir devenir solidaires des parents pour pallier à certaines difficultés provoquées par les remous de notre société ? Martine Fournier[18] explique que de nombreux sociologues de la famille montrent dans leurs travaux qu’il existe une extraordinaire vitalité des liens familiaux : « Ainsi, Martine Ségalen et Claudine Attias-Donfut ont montré qu’avec l’allongement des durées de vie, les échanges entre enfants, parents, grands et arrières grands-parents sont devenus importants : ils se manifestent par une solidarité affective (devant les difficultés de la vie comme les périodes de chômage ou les ruptures de couples), accompagnée aussi de soutiens matériels ».
 

Une difficulté de poids : Concilier la vie familiale et la vie professionnelle

D’un point de vue parental, il devient de plus en plus difficile de concilier la vie professionnelle et la vie familiale. Face à cette pression, les grands-parents ne pourraient-ils pas devenir une bouée de sauvetage pour les parents presque noyés?
 
Au 21ème siècle, les parents sont souvent pressés, stressés, tenaillés entre le travail et la vie familiale… Dans notre société, le travail symbolise la reconnaissance sociale et l’apport d’un revenu pouvant subvenir au besoin de toute une famille. Selon Serge Paugam[19], «  Au niveau micro-individuel et familial, la montée de l’égalité entre hommes et femmes remet en cause la division des tâches domestiques et les dynamiques de carrières. Elle peut favoriser une meilleure solidarité au sein d’un couple plus égalitaire, avec une plus grande interchangeabilité des rôles féminin et masculin. Mais la dimension « critique » se voit par exemple dans l’apparition de nouvelles concurrences, parfois féroces entre hommes et femmes, et dans la surcharge de travail vécue par de nombreuses femmes cherchant à concilier l’exercice d’un métier à temps plein et le soin des enfants ». Dans un tel contexte, la prise en charge des enfants après le temps scolaire pose certainement question dans notre société.
Pour le couple qui se voit obligé de travailler de concert et à temps plein ou le parent solitaire (veuf, divorcé, …), les choses ne sont pas faciles. Ils n’ont en effet pas d’autres solutions que de mobiliser un réseau extérieur pour subvenir à la garde des enfants après le temps scolaire : garderie, étude, baby-sitter, étudiants, activités para-scolaires…. Le coût de ce genre d’activités peut se révéler assez cher pour les familles sans compter les liens affectifs qui ne sont pas toujours présents dans ces relations. Alors certaines familles se dirigent vers une autre solution : la garde des enfants par les grands-parents. Selon Claudine Attias-Donfut[20], la garde régulière des petits-enfants s’adresse plus particulièrement aux foyers dans lesquels la jeune mère travaille : « La garde de l’enfant par la grand-mère témoigne ainsi d’une solidarité féminine intergénérationnnelle. C’est le signe d’un changement dans l’éducation des filles et d’une complicité mère-fille dans la lutte pour l’égalité entre les sexes ». Martine Segalen[21] rejoint l’idée de Claudine Attias-Donfut : « On observe maintenant un véritable rapprochement entre les femmes, particulièrement entre la génération des 50 ans (celles qui avaient 20 ans en 1968) qui ont été actrices du changement des normes et de la promotion de nouvelles valeurs, et celles des 24-30 ans. Les premières sont aujourd’hui très engagées dans le soutien à leurs filles- lorsque celles-ci commencent à travailler, s’installent dans la vie ou deviennent elles-mêmes mères ».
 

Les grands-parents : un renfort dans l’éducation et le soutien scolaire?

Frédéric Serrière[22], dans le cadre d’une interview accordée l’association « apprendre à apprendre »[23], a répondu à la question de savoir si les grands-parents actuels ont un rôle majeur à jouer dans la réussite scolaire de leurs petits enfants : « La présence des grands-parents peut soulager la charge de travail des parents. Les grands-parents peuvent apporter une autre vision du monde : ils ont l’expérience de la vie et sont mieux à même d’aider leurs petits-enfants à surmonter les épreuves, comme un redoublement, un examen raté, par exemple. Les grands-parents peuvent apporter un formidable soutien, notamment dans la méthode de travail des jeunes pour peu, aussi, qu’ils comprennent le mode d’apprentissage de leurs petits-enfants ». Pour Frédéric Serrière, les papy et mamy-boomers sont vraisemblablement solidaires de leurs enfants et petits-enfants mais ils le sont tout en gardant leur liberté. « C’est quand ils veulent, et s’ils n’ont rien programmé d’autre dans le cadre de leurs propres activités » nous explique-t-il par téléphone. Pour lui, nous devons nous attendre à un réel changement pour la société : « les relations entre les enfants et les grands-parents s’intensifieront dans les prochaines années simplement du au fait que le nombre de ces derniers va augmenter. Certaines études notent le rôle plus important des grands-parents dans l’éducation de leurs petits-enfants ».
 
La nouvelle génération de grands-parents, celle des baby-boomers, est très fortement et étonnamment impliquée dans la garde des petits-enfants . En France, « 85% des grands-mères et 75% des grands-pères fournissent ce service à leurs enfants de façon occasionnelle ou pendant les vacances »[24]. Claudine Attias-Donfut ajoute : «Certains s’y investissent même davantage en assurant une garde hebdomadaire (38% des femmes, 26% des hommes). L’aide que reçoivent les jeunes pour la garde dépasse ainsi en fréquence celle qu’ont reçue les deux générations précédentes ». Ces chiffres sont assez interpellants. On parle d’individualisme, d’indépendance, d’activité professionnelle fréquente des grands-parents et pourtant cette solidarité intergénérationnelle est bien réelle.
 
Pour Peggy Edwards et Mary Jane Sterne[25], la garde des petits-enfants n’est pas laissée au hasard car les « jeunes » grands-parents ont de plus en plus d’activités mais en cas de « pépins » ils s’adaptent assez facilement : « la vie du 21ème siècle est trop frénétique pour nous permettre d’avoir un emploi du temps rigide. Le yin et le yang des grands-parents d’aujourd’hui s’appellent « organisation » et « souplesse ».
 

Un besoin de transmettre pour construire la « personne »

Au regard de nos lectures scientifiques, les nouveaux grands-parents souhaiteraient, aujourd’hui, transmettre à leur progéniture un héritage qui est moins de l’ordre pécuniaire que de l’ordre des valeurs dans un but d’ascension sociale et d’épanouissement de la personne.
La famille, au sens large du terme, a un rôle déterminant dans la construction de l’identité individuelle de l’enfant. Les parents mais aussi les grands-parents modèlent leur progéniture en leur transmettant une manière d’être (concept d’habitus de Bourdieu : incorporation de comportements vécus et pensés comme innés) et des modèles conscients ou inconscients (processus d’identification décrits par la psychanalyse). Pour Barbara Couvert, « une part des stratégies familiales s’exprime sous la forme des « solidarités familiales » qui font circuler des biens dans les quatre générations de la plupart des familles actuelles ; biens dont les formes sont variées : argent, temps (garde des enfants, visite aux grands-parents), richesse sociale (soutien scolaire, vacances, appui à l’emploi) ou affection ». Les grands-parents d’aujourd’hui sont majoritairement les pivots de ces solidarités. Le noyau familial fait ainsi l’objet de ce que Serge Moscovici[26] appelle « l’altruisme participatif », celui qui s’adresse à une communauté à laquelle on s’identifie.
 
Des études parues récemment démontrent toute l’importance du rôle et de l’apport essentiel des grands-parents : «  Auprès de leurs petits-enfants, ils ont un rôle de soutien affectif, de guide, de conseiller et d’écoute. Ils sont des exemples de vie, des modèles et c’est par eux que les traditions et les valeurs familiales sont transmises. De plus, il faut mentionner que l’impact de la présence des aînés même sans enfant auprès de leurs petits enfants adoptifs est aussi grand et les effets aussi bénéfiques pour l’un que pour l’autre…Très souvent, les grands-parents peuvent aider leurs enfants à mieux comprendre leurs petits-enfants car ils ont une vision différente des choses et un recul plus objectif. La garde des petits-enfants brise non seulement leur solitude mais entretient aussi leur estime de soi, leur sentiment d’utilité et leur valorisation personnelle… C’est donc toute la société qui a à gagner avec de meilleures relations intergénérationnelles dans les familles. Les grands-parents et les aînés ont le potentiel et la capacité pour améliorer ces relations mais encore faut-il leur en donner la possibilité. Ils ont un rôle essentiel à jouer dans les familles…Plus que jamais, la société a besoin d’eux, de leur apport pour faire face aux changements sociaux de plus en plus rapides »[27]
 

Conclusion

Le vieillissement de la population va devenir une question importante pour notre société dans les prochaines décennies.L’augmentation spectaculaire de la longévité et la chute de la fertilité ont dessiné une nouvelle famille étendue verticalement, avec trois ou quatre générations qui coexistent. 
 
Dans les années à venir, la population des grands-parents sera majoritaire. Aujourd’hui déjà, à la sortie des écoles, ils attendent, en grand nombre, leurs petits-enfants. Les grands-parents soulagent leurs enfants en leur proposant de s’occuper des « petits ». Le mercredi après-midi est un moment phare pour s’apercevoir de leur dynamisme. De plus en plus de couples travaillent de concert, de plus en plus de parents séparés n’ont de choix que de demander de l’aide aux aînés pour subvenir aux besoins de la famille.
 
Nos recherches montrent que la solidarité entre générations existe encore dans la famille moderne. Et c’est tant mieux puisque la solidarité constitue le socle de ce que l’on pourrait appeler « l’homo sociologicus ». Cette solidarité intergénérationnelle est faite d’un mélange de sentiments et d’obligations. Elle se concrétise dans des pratiques familiales d’entraide qui recouvrent un large éventail d’échanges et de services de toute nature. L’intergénération est ainsi aujourd’hui présente dans les pratiques quotidiennes des aînés qui, comme citoyens, sont plus que jamais, acteurs des solidarités collectives et productrices de cohésion sociale.
 
Néanmoins, il faut également garder à l’esprit que certains parents ne peuvent pas bénéficier du soutien des grands-parents parce que ceux-ci sont décédés, malades, plus âgés ou éloignés. D’autres alternatives s’offrent alors à ces familles comme les écoles de devoirs dans lesquelles, encore une fois, de plus en plus de séniors s’investissent.
 
Sans se substituer aux parents, l’UFAPEC pense que les grands-parents jouent un rôle essentiel dans le paysage scolaire car les grands-parents «  baby-boomers » sont solidaires dans la garde et le soutien scolaire des enfants. Ils sont aussi transmetteurs de valeurs humaines et affectives. Cet apport majeur des grands-parents ne doit évidemment pas encourager une attitude démissionnaire ou une dé-responsabilité chez certains parents.
 
L’UFAPEC est attentive à ce nouveau public scolaire qui côtoie de plus en plus les différents acteurs de l’enseignement. Face à ce constat, notre société devra évoluer et proposer de plus en plus à nos aînés d’autres schémas participatifs. Nous devrons tenir compte de ces nouveaux partenaires.
 
Dans cette perspective, l’UFAPEC pense qu’il est nécessaire de renforcer, d’étayer, d’aider au maintien des solidarités entre les générations. Cette ambition doit être collective. En effet chacun de nous peut être porteur de cette solidarité humaine ne serait-ce que dans sa famille, dans son quartier, dans son village, dans sa ville, dans sa vie professionnelle, et bien sûr aussi dans son école pour un mieux être en devenir !
 
 
France Baie
 
 

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Animation, conférence, table ronde... n’hésitez pas à nous contacter,Nous sommes à votre service pour organiser des activités sur cette thématique.

 


[1]http://www.scienceshumaines.com - « Familles : des générations solidaires »- Claudine Attias-Donfut
[2] PAUGAM S., « Repenser la solidarité- l’apport des sciences sociales », Presses Universitaires de France, p. 950, 2007
[3] DURKEIM E., « La science sociale et l’action », Cours de science sociale, Leçon d’ouverture, 1888, p109-110, 1970
[4]http://www.scienceshumaines.com - « Familles : des générations solidaires », Claudine Attias-Donfut
[5]http://www.scienceshumaines.com - « Familles : des générations solidaires », Claudine Attias-Donfut
[6]http://www.scienceshumaines.com - LALLEMENT M. , « L’excellence scolaire : une affaire de famille. Le cas des normaliennes et normaliens scientifiques »
[7] htpp://www.scienceshumaines.com – « Familles : de quoi héritons-nous ? Entretien avec Martine Segalen »
[8] BONVALET C, MAISON D., ORTALDA L., « Les moments difficiles. L’entraide au sein de la parenté selon l’enquête « Proches et Parents », in Ménages, familles, parentèles et solidarités dans les populations méditerranéennes, Séminaire internationnal d’Aranjuez (27 au 30 septembre 1994), Association internationale des démographes de langue française, 1994
[9]http://www.statbel.fgov.be/press/pr109-fr.pdf
[10]http://www.statbel.fgov.be/press/pr109-fr.pdf
[11] PAUGAM S., « Repenser la solidarité- l’apport des sciences sociales », Presses Universitaires de France, p. 341, 2007
[12]http://www.scienceshumaines.com - « Familles : des générations solidaires »- Claudine Attias-Donfut
[13] http://www.reseau-parental50.net/comptes-rendus/rd2005-barbara-couvert.htm
[14] www.francebenevolat.org/PDF/17.pdf - « La solidarité intergénérationnelle »
[15]www.unaf.fr/pf/IMG/doc/Démographie et solidarité intergeneration.doc
[16] www.parolesdhommesetdefemmes.fr/memoires-croisees-la-memoire-source-de-lien-social-rubrique3.html - 24k
[17] MARCHAND G. « Vieillissement » -htpp://www.scienceshumaines.com
[18] FOURNIER M. http://www.scienceshumaines.com - « Famille »
[19] PAUGAM S., « Repenser la solidarité- l’apport des sciences sociales », Presses Universitaires de France, p. 493, 2007
[20]http://www.scienceshumaines.com - « Familles : des générations solidaires », Claudine Attias-Donfut
[21]http://www.scienceshumaines.com - « Familles : de quoi héritons-nous ? Entretien avec Martine Segalen»
[22] Expert internationnal sur la question des Seniors, fondateur du réseau d’experts « Seniorstratégic » et éditeur du site « LemarchedesSeniors.com »
[23]www.apprendreaapprendre.com – (portail d’information sur l’éducation et la pédagogie) -interview réalisé par Jean-François Michel le 24/08/2004
[24] Attias-Donfut, C. et Segalen M. , « Grands-Parents –La famille à travers les générations », Odile Jacob, 1998[25] EDWARDS P. et STERNE M.-J., « Les nouveaux grands-parents » -Repenser le rôle des baby-boomers dans le contexte familial d’aujourd’hui, Les éditions de l’homme, p209, 2007.
[26] MOSCOVICI S., « Psychologie sociale des relations à autrui », Nathan, 1994.
[27]www.unaf.fr/pf/IMG/doc/Démographie et solidarité intergeneration.doc

 

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