Analyse UFAPEC 2008 par B. Loriers

07.08/ La participation des jeunes à l’école secondaire en Communauté française de Belgique

La participation des élèves : contexte

L’UFAPEC, asbl d’éducation permanente des adultes créé il y a 52 ans, incite les parents à réfléchir toujours davantage sur le fonctionnement de notre système scolaire en Communauté française.

Toujours soucieuse d’améliorer le fonctionnement de notre enseignement, l’UFAPEC se pose la question de l’efficience de la participation des élèves dans nos écoles secondaires. Le décret « Missions » du 24 juillet 1997 a rendu cette participation des élèves obligatoire, via leurs représentants, au sein d’un Conseil de Participation pour l’enseignement secondaire.

Afin d’aider les jeunes à être pro-acteurs, l’UFAPEC dispense également des formations à la participation dans les écoles depuis plus de 10 ans. De ce travail sur le terrain, nous dégageons des constats et des interrogations.

Au sein de la famille, les jeunes bénéficient d’une certaine part de manœuvre, voire de décisions: ils peuvent souvent choisir leur école, des options, des loisirs, des horaires…. Ils ont davantage « droit au chapitre ». Internet leur offre des ressources d’informations quasi-illimitées. De l’autre côté, plus carrée, l’école arrive-t-elle à suivre, elle qui est essentiellement basée sur le cognitif(2) ? Laisse-t-elle la part active que les jeunes souhaitent ?
Ce thème de la participation des jeunes nous semble crucial ; son enjeu est énorme au vu du nombre d’heures que les élèves passent sur les bancs. Et ce temps de passage peut déboucher sur le pire : sentiment d’échec, d’impuissance ou d’amertume face à un cadre monolithique, qui ne laisserait place ni à l’initiative, ni au dialogue, ni à la responsabilisation constructive(3) .

Faire semblant ?

Une enquête(4) vient de sortir et ses conclusions révèlent que la participation des élèves en Communauté française relève plutôt de la forme que d’un véritable contenu qui concernerait l’organisation de l’établissement scolaire.
Les jeunes portent sur leur réalité de la participation un regard sévère qui révèle un fort décalage avec leur image idéale de la participation. Ils affirment que ce qu’ils vivent est davantage de l’ordre du formel : bien sûr ils ont le droit de participer, ils ont effectivement l’occasion de dire leur avis, ils font généralement confiance à leurs représentants. Mais ils soupçonnent que les adultes ne s’intéressent guère à leur avis car ils ne les écoutent pas vraiment et les suivent rarement(5).


La participation des élèves, à quelles conditions ?

L’enjeu est ici de repérer les facteurs favorables à cette participation des élèves.

  • La capacité de l’élève à
    -comprendre le discours des adultes lors d’un conseil de participation par exemple, et les textes écrits dans le cadre de ces réunions de partenariat.
    -dégager un consensus à partir d’avis contradictoires
    -établir des priorités
    -transmettre l’avis du groupe sans le déformer
    -traduire, dans la réalité, les décisions prises
    -surmonter un conflit de manière positive
    -trouver le juste équilibre entre les intérêts collectifs et les aspirations individuelles.
     
  •  La possibilité matérielle pour l’élève de participer aux réunions : leur laisse t-on un moment, un lieu ?
     
  • Le droit de participer à la vie de l’école.

Une étude a répertorié 7 niveaux(6) de participation pour les élèves :
- être informé et recevoir passivement des décisions
- contribuer aux ressources ou au matériel
- contribuer par la participation aux réunions
- participer à la conception de stratégies ou à la planification de programmes
- coopérer pour l’application de programmes
- être consulté pour la définition de problèmes et la préparation des décisions
- participer à la prise de décisions, initiatives, application de solutions et évaluation des résultats

  • L’adhésion et la motivation de l’équipe éducative, qui doit croire que la participation des élèves peut réellement être un plus pour l’école.



Facteurs d’échec de la participation (cercles vicieux)

Au sein du conseil de participation, les délégués représentant les élèves ne sont pas toujours entendus. Fort d’une pratique de plus de 13 ans, nous avons détecté plusieurs freins lors de nos formations et de nos rencontres informelles avec les jeunes :

  • leur manque de formation et d’expérience pour prendre la parole et à partager leur avis
  • leur manque d’information sur le fonctionnement de l’école
  • le manque de soutien des enseignants
  • leur jeune âge qui les discrédite
  • l’obligation décrétale du Conseil de Participation

Les habitudes de l’institution scolaire changent avec lenteur, tant la machine Ecole est lourde, et le fait de donner la parole aux jeunes demande parfois un certain aménagement dans les us et coutumes de l’école. C’est un tout autre monde, chargé légalement de transformer son fonctionnement traditionnellement autoritaire en un système participatif. La culture de participation a encore besoin de temps, d’énergie et de volonté pour se développer.

Contre la participation des élèves ?

Les résultats d’une étude européenne(7) sur la participation des élèves font apparaître que d’autres obstacles à l’apprentissage participatif des élèves sont fréquents dans toute l’Europe.

  • les jeunes n’ont pas l’habitude d’être consultés et ne tirent pas profit de ce droit. De nombreux élèves considèrent la consultation et les délibérations démocratiques comme des activités purement symboliques.
  • De nombreux adultes sont aussi mal à l’aise par rapport au changement que supposent les processus participatifs.
  • Les pratiques participatives sont exercées souvent après les heures de cours, et ne font pas partie intégrante du cursus.
  • Le fait de désigner comme représentants de la communauté scolaire ceux qui sont les plus sûrs d’eux-mêmes et qui savent le mieux se faire entendre, s’exprimer en public, peut involontairement conduire à diminuer la motivation et les possibilités de ceux qui s’expriment moins facilement, en particulier ceux qui auraient le plus besoin de faire entendre leur voix.
     

Avantages essentiels
de l’apprentissage de la démocratie à l’école

Ces difficultés énumérées doivent être prises en compte pour y pallier. L’enjeu en vaut la chandelle, car cet apprentissage de la participation offrira plusieurs éléments positifs pour le jeune et l’équipe éducative, éléments qui produiront des cercles « vertueux ».

  • en donnant aux élèves la possibilité de participer activement à l’organisation des activités quotidiennes de l’école, on leur apprend à se faire mutuellement confiance et à se sentir responsables vis-à-vis des autres, mais aussi à se sentir davantage responsables de tout ce qui se passe dans l’école.
  • en affrontant les problèmes et conflits qui existent au sein de la communauté scolaire dans une plus grande transparence, les élèves pourront acquérir des compétences démocratiques ; les meilleurs arguments pourront prévaloir et les décisions prises de manière démocratique seront acceptées par la communauté scolaire.
  • l’apprentissage de la démocratie aura un effet positif sur le comportement démocratique, les jugements de valeur et les opinions, le développement des facultés cognitives ; il aura aussi des effets positifs sur l’ambiance de l’école en général.



Des formations comme tremplins

Formations pour les délégués-élèves
Ces formations restent un maillon utile dans cet apprentissage de la participation : prendre la parole, mettre sur pied un projet et le faire aboutir, cerner leurs droits et devoirs, connaître leurs partenaires, se faire connaître(8) … voilà ce qui proposent nos formations, afin de permettre au Conseil de Participation de chaque école de devenir un lieu privilégié de véritables débats entre tous les partenaires de la communauté éducative.
Depuis 13 ans, l’UFAPEC forme des délégués de classe élèves, dans le cadre de la mise sur pied des Conseils de participation. En effet, outre la formation et l’information destinées aux parents et aux associations de parents, l’UFAPEC s’est donnée pour objectif de former davantage les jeunes, futurs adultes de demain (en écho à notre mission d’éduc perm ;-) qui souhaitaient prendre part aux décisions de leur établissement scolaire. Sous l’impulsion du Ministre Hazette, des dizaines de formations ont été données aux jeunes de 12 à 18 ans, dans toute la communauté française. Le principe de démocratie participative ne s’improvise pas mais nécessite conseils, formation, évaluation permanente, exercice et partage d’expériences(9).
Les subsides offerts tinrent le temps d’une législature. Quelle Politique à long terme offre –t-on à tous ces jeunes qui souhaitent s’investir dans l’école, mais qui trop souvent manquent de connaissances, de compréhension de leur système scolaire ? Leur fonction nécessite aussi un apprentissage sérieux pour arriver à dégager leur avis, le discuter, le défendre, entrer dans un rapport de force avec les décideurs, et enfin pour appliquer les décisions.

La formation des adultes-ressources
Une formation pour les délégués-élèves nécessite aussi parallèlement une formation d’adultes-ressources qui pourront encadrer le conseil des élèves. Cette formation doit situer la participation dans le contexte plus général de l'éducation à la citoyenneté. Elle devrait donner des outils pour (re)travailler le Conseil des élèves comme un véritable projet de l'institution en permettant de revisiter les fondements propres au projet de participation démocratique des étudiants à travers le Conseil des élèves.

L’école est le lieu où les jeunes ont pour une des premières fois affaire à une institution sociale, et à des adultes extérieurs à leur cercle familial. Cette expérience précoce doit être considérée comme un facteur influençant de manière décisive leurs futures attitudes à l’égard de la Politique. Une bonne école pourrait être le lieu où les aptitudes nécessaires pour bien mener sa vie peuvent être acquises. Elle doit donc proposer un espace dans lequel de nombreuses possibilités sont offertes pour le débat politique, ainsi que pour l’acquisition de compétences sociales et démocratiques, de qualifications dont les jeunes auront besoin pour remplir leur futur rôle de citoyens informés, responsables et actifs.

 

Bénédicte Loriers 

 

(1) article 69 §2 à 9
(2) Entre rondes familles et école carrée, le choc ?!, par Danielle Mouraux, in www.changement-egalite.be.
(3)Vers une citoyenneté critique et responsable, Cécile GOUZEE, Programme Jeunesse Fondation Roi Baudouin.
(4)Enquête sur la participation des enfants et des jeunes de 10 à 18 ans, avril 2007, enquête de l’observatoire de l’enfance, de la jeunesse et de l’aide à la jeunesse de la Communauté Française, p.186.
(5)Extrait de la conclusion du rapport final de l’enquête sur la participation des enfants et des jeunes de 10 à 18 ans, avril 2007, enquête de l’observatoire de l’enfance, de la jeunesse et de l’aide à la jeunesse de la Communauté Française, p.186.
(6)typologie in « éducation à la citoyenneté démocratique. L’école : une communauté d’apprentissage de la démocratie. Etude Paneuropéenne sur la participation des élèves. »
(7) « Education à la citoyenneté démocratique 2001-2004. L’école : une communauté d’apprentissage de la démocratie. Etude Paneuropéenne sur la participation des élèves. », par Dr Karlheinz Dürr.
(8) Fascicule « Formations délégués-élèves UFAPEC ».
(9)Extrait de la circulaire n°00525 de la Communauté Française du 20 mai 2003.
 

 

 

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