Union des Fédérations
des Associations de Parents
de l’Enseignement Catholique asbl

CYBERLETTRE

n°34 - 1er juin 2010

Plus un élève est aidé, moins il progresse

ou du subtil dosage entre l'aide et l'assistanat quand on est parents ?

Deux recherches de grande envergure menées l’une en France[1] et l’autre en Angleterre[2] arrivent au constat suivant : Plus un élève est aidé, moins il progresse. Les chercheurs britanniques ont été tellement surpris des résultats de leur étude qu’ils ont sollicité une année supplémentaire pour identifier les raisons de cet échec.

Ils ont relevé plusieurs raisons pour expliquer cette contre-performance. Les modalités de l’encadrement jouent un rôle énorme dans l’efficience ou non d’une remédiation.
 
En effet, dans le contexte britannique, les enfants en difficulté sont soustraits de leur classe pour bénéficier d’activités de soutien. Mais pendant qu’ils rattrapent lentement leur retard, la classe « soulagée » des élèves en difficulté avance plus vite et dans un climat plus serein.
Une relation plus individuelle, plus affective se construit avec l’assistant chargé de la remédiation tandis que, de retour en classe, l’élève se retrouve, de par le grand nombre, dans une atmosphère plus froide, plus académique. Il se sent dès lors moins impliqué.
Les enseignants se déresponsabilisent petit à petit dans le sens où ils ne se sentent plus responsables de faire réussir tous les élèves de leur classe.

Une étude française qui évalue l’impact d’un accompagnement psychopédagogique sur des élèves en difficulté confirme les résultats de l’analyse britannique, à savoir une contre-performance du système. Les chercheurs soulignent l’effet pervers de l’étiquetage « mauvais élève ». Finalement les acteurs de la remédiation (enfant, parent, enseignant, psychopédagogue) finissent par se convaincre que l’enfant est un mauvais élève puisqu’il a besoin de soutien. Il se crée dès lors un consensus négatif autour de l’élève qui peut même conduire dans des cas extrêmes à sa régression.
 
Faut-il pour autant renoncer à tout accompagnement individualisé, à la remédiation ?
« Non, bien sûr », répond Jean-Pierre Degives[3] du SeRDeP. Pour ce chercheur, une remédiation efficace doit se réaliser en respectant certaines conditions :  
  1. Laisser aux enseignants la responsabilité de la réussite de tous les élèves de leur classe.
  2. Privilégier l’intervention d’un second enseignant au sein de la classe à l’accompagnement des enfants en dehors de la classe. Cela permet d’éviter un enseignement à deux vitesses et l’étiquetage « élève en difficulté ».
  3. Pratiquer la pédagogie différenciée en sollicitant les élèves bien à jour pour épauler, accompagner les élèves qui le sont moins.
  4. S’assurer d’une meilleure formation des enseignants (tant en formation initiale qu’en formation continuée) pour qu’ils décèlent les difficultés des élèves et appliquent une pédagogie différenciée.
  5. Définir clairement les objectifs de la remédiation : veiller à ce que ceux qui en bénéficient restent acteurs de leurs apprentissages et ne s’enferment dans un rôle d’assistés.

On peut dans ce contexte-là se poser la question de la place des parents dans l’accompagnement scolaire. Jean-Pierre Degives parle de subtil dosage entre l’aide et l’assistanat : « Les parents peuvent difficilement assurer de la remédiation dans la mesure où ils ne connaissent généralement pas suffisamment les matières enseignées à l’école. Il faut être très prudent au niveau du contenu (les dénominations changent, …). Il faut plutôt accompagner l’enfant au sens d’être à côté, de valoriser le travail scolaire. Veiller à rendre l’enfant autonome et à développer un véritable partenariat entre famille et école afin que l’enfant ne se sente pas en conflit de loyauté ».

L’UFAPEC initie par cette cyberlettre une réflexion sur les alternatives à l’échec scolaire ; nous approfondirons cette thématique dans nos prochaines publications (dans la revue « les parents et l’école », dans certaines analyses publiées sur le site, lors de conférences,…). A suivre donc. 


[1] Référence de l’étude française :Alain MINGAT, Marc RICHARD, Evaluation des activités de rééducation GAPP à l’école primaire, 1991.
[2] Référence de l’étude britannique : Peter BALTCHFORD, Paul BASSETT, Penelope BROWN, Clare MARTIN, Anthony RUSSELL, Rob WEBSTER, Deployment and impact of support staff project, Institute of Education, University of London, août 2009.
[3] DEGIVES Jean-Pierre, intervention lors de la soirée de réflexion politique UFAPEC du 20 mai 2010 (chercheur au SeRDeP : Service de recherche et de Développement Pédagogique du SEGEC) 

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