Analyse UFAPEC février 2013 par A. Pierard

01.13/ Passage des élèves du primaire type 8 de l’enseignement spécialisé vers le secondaire

Introduction

Depuis sa création, l’enseignement spécialisé est divisé en huit types selon les besoins spécifiques auxquels il cherche à répondre auprès de ses élèves.

Le type 8, consacré aux élèves atteints de troubles de l’apprentissage, n’existe qu’au niveau de l’enseignement primaire. Ces troubles ne sont pas repérables plus tôt, c’est la raison pour laquelle il n’est pas organisé en maternelle et l’objectif de ce type de l’enseignement spécialisé est de permettre à l’élève de réintégrer l’enseignement ordinaire au plus tard au niveau du secondaire.

Comme le confirme le Ministère de la Fédération Wallonie-Bruxelles, les élèves du type 8 n’atteignent pas tous cet objectif de réinsertion. « L’enseignement spécialisé de type 8 vise la réintégration dans l’enseignement ordinaire: on observe toutefois que cet objectif n’est que partiellement atteint puisqu’à la sortie de cet enseignement, un élève sur deux seulement passe dans l’ordinaire, essentiellement en 1B, alors que les autres élèves sont orientés vers d’autres types d’enseignement spécialisé, tant dans le primaire que dans le secondaire.[1] »

Que deviennent les élèves à besoins spécifiques ayant bénéficié d’un enseignement spécialisé primaire de type 8 ? Commet se passe le passage de ces élèves vers l’enseignement secondaire ? Où retrouve-t-on les élèves qui ne vont pas dans l’enseignement ordinaire ?

L’enseignement spécialisé de type 8

Créé en 1970 pour accueillir des élèves ayant des besoins spécifiques, l’enseignement spécialisé a ses particularités. La plus importante est sa typologie, déclinant l’enseignement spécialisé en huit types distincts. Cette catégorisation a permis de constituer un enseignement adapté aux besoins éducatifs relatifs aux spécificités et difficultés des élèves appartenant à un même groupe. Comme le dit le décret, les besoins éducatifs « sont déterminés en fonction du handicap principal commun à ce groupe [2] ».

 

Type d’enseignement

Niveau maternel

Niveau primaire

Niveau secondaire

1 : pour les élèves atteints d’arriération mentale légère

 

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2 : pour les élèves atteints d’arriération mentale modérée ou sévère

 

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3 : pour les élèves atteints de troubles du comportement et de la personnalité

 

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4 : pour les élèves atteints de déficiences physiques

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5 : pour les élèves malades ou convalescents

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6 : pour les élèves atteints de déficiences visuelles

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7 : pour les élèves atteints de déficiences auditives

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8 : pour les élèves atteints de troubles de l’apprentissage

 

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Organisé uniquement au niveau primaire, le type 8 s’adresse aux enfants présentant des difficultés importantes dans le développement du langage, de la parole ou dans l'apprentissage de la lecture, de l'écriture, du calcul. Soit les enfants « dys »[3] pour qui les difficultés sont telles que, dans un premier temps, une intervention particulière dans le cadre de l'enseignement ordinaire ne peut suffire.

Les troubles de l’apprentissage

Il faut pouvoir distinguer les élèves ayant des troubles de l’apprentissage de ceux qui éprouvent quelques difficultés scolaires ou apprennent plus lentement pour d’autres raisons, sans avoir besoin d’une intervention particulière de l’enseignement spécialisé.

Selon Philippe Tremblay, P29 : « La définition qui semble servir de référence mondiale est celle de l’OMS, le CIM-10. La Classification statistique internationale des Maladies et des Problèmes de Santé connexes (CIM). L’OMS utilise le terme de « Troubles spécifiques du développement des acquisitions scolaires ». Ces troubles se définissant ainsi : Troubles dans lesquels les modalités habituelles d'apprentissage sont altérées dès les premières étapes du développement. L'altération n'est pas seulement la conséquence d'un manque d'occasions d'apprentissage ou d'un retard mental et elle n'est pas due à un traumatisme cérébral ou à une atteinte cérébrale acquise » (OMS, 1994, p. 399). (…) Ces troubles ont comme caractéristiques communes « d’avoir un début obligatoirement dans la première ou la seconde enfance, de présenter une altération ou un retard du développement de fonctions étroitement liées à la maturation biologique du système nerveux central et une évolution continue, sans rémission ni rechute. Dans la plupart des cas, les fonctions atteintes concernent le langage, le repérage visuo-spatial et la coordination motrice » (OMS, 1994, p. 396). Ils diminuent progressivement avec l'âge, des déficits légers peuvent néanmoins persister à l'âge adulte.[4] »

Comme l’expose Marie-Dominique Simonet, Ministre de l’Enseignement obligatoire et de la promotion sociale, « Les troubles de l’apprentissage sont des troubles complexes qui se manifestent sous diverses formes. Les plus connues sont la dyslexie, la dysorthographie, la dyscalculie, la dysphasie, la dyspraxie. Le trouble déficitaire de l’attention avec /ou sans hyperactivité en est un autre.[5] ». Le type 8 de l’enseignement spécialisé a été pensé pour donner aux « dys » des moyens, des outils, des stratégies leur permettant de dépasser leurs troubles. Troubles qui resteront ancrés en eux car ils ne disparaîtront pas totalement. On reste « dys » toute sa vie !
 

 

GUÉRIT-ON D’UN TROUBLE D’APPRENTISSAGE ? [6] 

Non, on ne guérit pas d’un trouble d’apprentissage ! Même après une rééducation, l’élève «dys » ou TDA/H ne voit pas ses troubles disparaitre. Par contre, il a pu apprendre les stratégies efficaces pour compenser ses troubles. Stratégies qu’il devra continuer à utiliser toute sa vie, dans tout processus d’éducation ou de formation. Ainsi que dans sa vie professionnelle future. Les effets négatifs de ses troubles peuvent donc avoir disparu, mais pas les troubles eux-mêmes.

Le type 8

Le décret de 2004définit le type 8 comme l’enseignement : « destiné aux élèves pour lesquels l’examen pluridisciplinaire conclut que, tout en ne manifestant pas de troubles de l’intelligence, de l’audition ou de la vision ils présentent des troubles qui se traduisent par des difficultés dans le développement du langage ou de la parole et/ou dans l’apprentissage de la lecture, de l’écriture ou du calcul et dont la gravité est telle qu’une intervention particulière dans le cadre de l’enseignement ordinaire ne peut suffire [7]».

Révélés au préalable dans la scolarité de l’élève, les troubles d’apprentissages nécessitent l’intervention particulière de professionnels de l’enseignement spécialisé.

L’enseignement ordinaire ne comblant, ne répondant pas à suffisant pas à ses besoins éducatifs, l’enfant est réorienté vers le type 8 de l’enseignement spécialisé pour apporter réponse à ses besoins dans un objectif de retour vers l’enseignement ordinaire. Retour qui sera possible une fois que l’élève aura appris et développé des stratégies efficaces pour compenser ses troubles d’apprentissage.

Depuis les modifications du décret enseignement spécialisé en 2009[8] pour penser et permettre l’intégration dans l’enseignement ordinaire, une partie des élèves ayant des troubles d’apprentissages sont suivis par des professionnels de l’enseignement spécialisé d’écoles du type 8 tout en étant intégrés dans des établissements de l’enseignement ordinaire. Le processus d’intégration a déjà été sujet d’analyses de l’UFAPEC[9] et peut être une réussite comme un échec selon les cas : cela dépend de l’élève, des enseignants, de l’école, du nombre d’élèves en intégration dans la classe. Ce dernier point est important car pour un élève, celui-ci a droit à la présence et au soutien de l’enseignant du spécialisé pendant 4 heures. Mais si on a plusieurs élèves en intégration dans une même classe, l’enseignant peut être plus présent et donc mieux collaborer avec l’enseignant de la classe.

Au sujet des possibilités au niveau de l’enseignement secondaire pour ces élèves, Marie-Françoise Dispa cite une directrice d’école déplorant l’absence du type 8: « En primaire, les jeunes dyslexiques ont donc le choix.  « Mais dans le secondaire, il n’y a plus ni enseignement de type 8 ni classes intégrées, déplore Anne de Borrekens, directrice de l’école privée Saavutus, qui prépare de jeunes dyslexiques aux jurys de la Communauté française. Tout se passe comme si, après le CEB (Certificat d’Etudes de Base), ils étaient censés être « guéris ». Résultat : ils ne parviennent pas à suivre, se démotivent, et arrivent très abîmés dans des écoles comme la mienne, où tout ce qui les handicape dans l’enseignement traditionnel –pénalisation pour l’orthographe, obligation de prendre note au vol, etc. - est supprimé.[10] »

Passage en secondaire

L’enseignement spécialisé de type 8 n’étant pas organisé au niveau secondaire, les élèves concernés sont redirigés soit vers l’enseignement ordinaire, soit vers un autre type de l’enseignement spécialisé, parfois pour un suivi en intégration.

L’objectif de la Fédération Wallonie-Bruxelles est d’amener un grand nombre d’élèves sortant du type 8 vers l’enseignement ordinaire et, dans les faits, c’est le cas pour un bon nombre d’entre eux (48% en 2009-2010[11]). Parmi ceux-ci, plus de 80% rejoignent le degré différencié[12].
 

Schématiquement, à la fin du primaire en type 8, soit l’élève:

  • Obtient le Certificat d’Etudes de Base, ce qui est assez exceptionnel, et va en première commune de l’enseignement ordinaire secondaire ;  
  • Est orienté en première différenciée ;
  • Est réévalué par un centre PMS, et se voit orienté vers un autre type de l’enseignement spécialisé secondaire.

 

Comme nous l’annoncions déjà dans notre étude de 2011 sur l’enseignement spécialisé, l’UFAPEC s’interroge sur « cette suppression pure et simple sans que des adaptations spécifiques ne soient mises en place pour ces élèves. Le passage du primaire au secondaire est déstructurant pour la grande majorité des enfants ; cela ne peut l’être que davantage pour les enfants dyslexiques, dysorthographiques, dysphasiques, dyspraxiques ou dyscalculiques puisqu’ils ont une difficulté supplémentaire à gérer. Et ce n’est sans doute pas un hasard si le différencié prend en charge quatre élèves sur cinq dans l’ordinaire : classes plus petites, souplesse des contenus, heures de remédiation permettent aux élèves « dys » d’avoir plus de temps pour effectuer les tâches demandées. Mais cela induit un double effet pervers. D’une part, les « dys » sont en soi tout-à-fait capables d’appréhender des contenus aussi complexes que ceux proposés en 1ère commune. Cela leur nécessite simplement des aménagements structurels et matériels (plus de temps lors des interrogations et examens, agencement des questionnaires, absence de recto/verso,…) mais on ne leur en laisse pas nécessairement la possibilité. D’autre part, le premier degré différencié, s’il autorise un retour en 1ère année commune, mène, à terme, les élèves vers l’enseignement qualifiant. Et on se retrouve dès lors face à des situations absurdes où des enfants dyspraxiques ou dyscalculiques sont aiguillés vers des filières techniques et professionnelles encore moins appropriées à leurs difficultés.[13] »

De plus, de nombreux enfants du type 8 (42% en 2009-2010[14]) sont redirigés vers d’autres types de l’enseignement spécialisé, lesquels ne répondent pas directement à leurs particularités. On les retrouve généralement dans le type 1 (handicap mental léger) et plus rarement dans le type 3 (troubles du comportement).

En comparant ces chiffres à ceux de  l’année scolaire 2006-2007, on peut constater qu’il n’y a pas une réelle évolution de la situation.

  • Cette année-là, 52% des élèves se retrouvent dans l’enseignement secondaire ordinaire, principalement en première différenciée.
  • Et 40% des élèves restent dans l’enseignement spécialisé, majoritairement dans le type 1, type répondant aux besoins spécifiques d’élèves atteints de handicap mental léger.

Concernant la suite du parcours des élèves passés dans l’enseignement ordinaire, comme le dit le Ministère de la Communauté française, « l’entrée en 1B d’élèves provenant de l’enseignement primaire spécialisé mène quasi systématiquement vers l’enseignement professionnel [15] ». La 1B citée par le Ministère est l’ancienne première accueil, mais le constat reste le même concernant le premier degré différencié.

Vers l’ordinaire

L’objectif attribué au type 8 de l’enseignement spécialisé est celui d’une réintégration de ses élèves dans l’enseignement ordinaire.

Cette réintégration se fera suite à « une décision d’un conseil de classe assisté par le CPMS de guidance de l’école spécialisée. Cependant, il est à noter qu’un retour en enseignement ordinaire, hors projet d’intégration partielle ou permanente, s’accompagne d’un arrêt total de l’intervention scolaire spécialisée.[16] »

Même si cette réintégration peut déjà se faire en primaire selon l’évolution de l’élève, « la finalité de réintégration est surtout comprise par les acteurs du système scolaire comme étant liée au passage à l’enseignement secondaire.[17] »

Marie-Dominique Simonet fait part de l’importance de la mise en place de l’intégration dans le processus de réinsertion. Concernant l’objectif de retour dans l’enseignement ordinaire pour les élèves du type 8, « Les seules statistiques auxquelles nous pouvons nous référer proviennent d’une recherche longitudinale sur les élèves de type 8 réalisée par M. Philippe Tremblay à Bruxelles en 2003. Il en ressortait que les élèves ayant obtenu ou non leur CEB et qui ont été orientés vers l’enseignement secondaire ordinaire s’y maintiennent au-delà des deux premières années. C’est assez encourageant. Les conclusions du chercheur, qui prônait une intervention précoce dans l’enseignement ordinaire, ont trouvé une réponse concrète depuis le décret du 5 février 2009. On constate une augmentation considérable du nombre d’élèves de type 8 en intégration. Si l’intégration ne vise pas uniquement ces élèves, elle leur convient particulièrement bien, l’objectif étant qu’ils obtiennent leur CEB grâce à un accompagnement adapté qui garantit une prise en charge efficace de leurs besoins spécifiques.[18] »

Ayant évalué, à partir de parcours scolaires d’élèves, l’atteinte de l’objectif de réintégration dans l’enseignement ordinaire, Philippe Tremblay pose un bémol face à l’enthousiasme de la ministre. « Pour les élèves réintégrés en enseignement secondaire ordinaire (+/-50%), sur les trois années étudiées, on remarque que ceux-ci s’orientent en grand nombre vers des filières professionnelles, moins exigeantes sur le plan des matières « classiques » (langues, mathématiques, etc.). Cette orientation en enseignement professionnel est, de plus, très rapide. Très peu d’élèves iront vers un enseignement général ou technique, même ceux ayant la possibilité de le faire. Trois années après la sortie, il reste moins de 4% des étudiants en enseignement général et technique. Par exemple, un seul élève sur 486 sera en 3e année secondaire général après trois ans.[19] »

Les élèves sortant de l’enseignement spécialisé de type 8 sont capables de suivre leur scolarité dans l’enseignement secondaire général. Il faut seulement leur permettre d’utiliser les outils et stratégies développés en primaire pour continuer leur parcours scolaire. Pour cela, il serait intéressant de mettre en place un passeport dyslexie, comme aux Pays-Bas.
 


UN « PASSEPORT DYSLEXIE » DANS L’ENSEIGNEMENT SECONDAIRE[20]

Depuis 2007, les Pays-Bas ont pris à bras le corps le problème des troubles d’apprentissage et ont lancé ce qu’ils appellent le « Master Plan Dyslexie ». Il s’agit d’informer à large échelle les écoles, les enseignants, les parents de ce que sont ces troubles et des mesures de compensation qui peuvent être prises pour aider les élèves qui en souffrent. Mais aussi d’encourager activement leur utilisation dans les écoles.

Pour cela, l’un des outils proposés est le « dyslexiepas », ou « passeport dyslexie », que reçoit l’élève dont les troubles d’apprentissage sont avérés. Ce « passeport » atteste de son trouble, mais aussi contient une description précise des mesures de compensations qu’il est en droit de demander à ses enseignants. Temps supplémentaire pour les exercices et les examens, travail à domicile adapté, possibilité d’oraliser certaines évaluations, aide à la lecture des textes par un autre élève, etc.

L’objectif est à la fois de garantir à l’élève que ses besoins spécifiques seront pris en compte, mais aussi de le rendre acteur de son propre parcours, puisqu’il présente lui-même son passeport à ses nouveaux enseignants. Cet outil est particulièrement utile dans l’enseignement secondaire, étant donné le nombre d’enseignants avec lesquels l’élève suit ses cours.

 

La Fondation Dyslexie a engagé une réflexion pour donner un statut aux élèves ayant des troubles de l’apprentissage, statut qui leur donnerait droit aux aides et aménagements pédagogiques dont ils auraient besoin dans leur parcours scolaire. C’est pourquoi la Fondation souhaite mettre en place un « passeport Pass Inclusion », reconnu par les autorités politiques et professionnelles, qui servira de clé d’activation et de concertation sur les actions à mener et les aménagements à mettre en place pour ces élèves reconnus comme ayant des besoins spécifiques.

Le Pass Inclusion a pour but de rendre l’élève autonome en lui apportant l’aide et le soutien pour répondre à ses besoins spécifiques. Il s’inscrit dans un processus concerté qui donne droit à une méthodologie et aide les acteurs scolaires à mettre en place des aménagements et des interventions raisonnables en fonction des besoins spécifiques des élèves « dys ».

Processus d’intégration

Une partie des élèves du type 8 atteignent l’objectif de réinsertion dans l’enseignement ordinaire avec l’aide de l’enseignement spécialisé. Ces élèves sont en intégration dans des établissements de l’enseignement ordinaire en bénéficiant du soutien de professionnels de l’enseignement spécialisé. Seulement, comme il n’existe pas de type 8 dans l’enseignement secondaire, ces élèves sont suivis par des enseignants liés à des établissements du type 1 (handicap mental léger) ou, moins souvent, du type 3 (troubles du comportement).

Comme nous l’avions précisé dans une analyse sur ce processus d’intégration, « Il faut bien garder en tête que l’intégration n’est pas possible pour tous, c’est UNE réponse possible pour les élèves ayant des besoins spécifiques. Cela peut très bien marcher pour certains alors que d’autres réussiront mieux leur parcours scolaire dans l’enseignement spécialisé. L’intégration n’est effectivement pas toujours souhaitable. Les projets d’intégration ne sont pas toujours des réussites, il y a aussi des échecs. L’intégration n’est pas la solution idéale pour tous les élèves ayant des besoins spécifiques.[21] »

L’école La Cime, école secondaire de types 1, 2 et 4 ayant deux implantations, l’une à Genval et l’autre à Forest, accompagne en intégration des élèves provenant du type 8. En 2011, la direction a eu un contact avec une école primaire de type 8 qui lui demandait si la Cime  pouvait suivre en intégration au niveau secondaire des élèves provenant de cette école. Le projet s’est mis en place. Pour l’année 2012-2013, sur les 24 élèves que l’équipe de La Cime suit en intégration, la moitié provient du type 8.

La direction explique aussi que des parents, alors que leur enfant en aurait besoin, renoncent à l’intégration pour celui-ci car ils ne veulent pas l’assimiler au type 1. Leur enfant n’est pas handicapé mental ! Ces élèves se retrouvent dans l’enseignement ordinaire sans bénéficier de l’aide de l’enseignement spécialisé et peuvent éprouver des difficultés. Un parent est d’ailleurs revenu voir Monsieur Watterman, le directeur de l’école La Cime, vu les difficultés de son enfant dans l’enseignement ordinaire, mais celui-ci n’a rien pu faire car l’enfant ne pouvait plus bénéficier d’un suivi en intégration.

Vers un autre type de l’enseignement spécialisé

Les recherches de Philippe Tremblay montrent qu’une trop grande partie des élèves du type 8 sont réorientés vers un autre type de l’enseignement spécialisé lors de leur passage vers le secondaire. « Dès la première année secondaire, nous pouvons observer un recours massif à des structures d’enseignement spécialisé. Environ la moitié des élèves sortants de l’enseignement spécialisé de type 8 seront amenés à fréquenter un enseignement secondaire organisé pour des élèves avec un retard mental léger ou des troubles du comportement (types 1 et 3). Ces réorientations s’expliquent par l’impossibilité de proposer une réintégration en enseignement ordinaire secondaire (le niveau scolaire et la décision du conseil de classe). Cette orientation en enseignement spécialisé secondaire limite de manière drastique leur espérance scolaire et leurs choix scolaires, bien qu’ils puissent avoir accès à une formation professionnalisante.[22] »

Ce passage vers un autre type de l’enseignement spécialisé est un échec du système : « Si tous les enfants du type 8 étaient devenus capables de réintégrer l’enseignement ordinaire au plus tard au moment de passer en secondaire, son efficacité serait maximale. Ceci avait été l’espoir du législateur, en 1970, en ne prévoyant pas l’organisation d’enseignement spécial de type 8 au niveau secondaire… La situation s’est avérée moins optimiste. (…) Sur 1337 élèves passés en 2009-2010 en secondaire, 569 (soit 42%) ont été orientés vers le spécialisé en type un surtout, deux et trois dans une moindre mesure. (…) Ainsi, à l’issue de l’école primaire, une grande partie des élèves du type 8 ont été « réévalués » en type un. On passe clairement à côté de l’objectif premier qui est le passage en remédiation spécialisé pour un retour dans l’ordinaire ! [23]»

Conclusion

L’absence de type 8 au niveau de l’enseignement secondaire a un impact important sur la suite du parcours des élèves sortant de ce type de l’enseignement spécialisé à la fin du primaire.

Quelques-uns atteignent le but de réinsertion dans l’enseignement ordinaire, mais une grande partie de ces élèves, dirigés vers une première différenciée, terminent leur parcours dans le professionnel, alors qu’ils pourraient rester dans le général si on leur donnait la possibilité d’utiliser les moyens adaptés à leurs besoins. D’autres sont suivis en intégration par des professionnels de l’enseignement spécialisé (si ceux-ci et leurs parents acceptent d’être assimilés à un autre type de l’enseignement spécialisé) dans des établissements de l’enseignement ordinaire. D’autres encore, trop nombreux, sont réorientés vers un autre type de l’enseignement spécialisé, généralement le type 1. Mais ce n’est pas normal que des élèves ayant des troubles de l’apprentissage doivent suivre un enseignement répondant aux besoins spécifiques d’élèves ayant un handicap mental.

Comme Philippe Tremblay, nous pensons que « le nombre important d’étudiants allant vers l’enseignement secondaire spécialisé de types 1 et 3 et en enseignement secondaire professionnel révèlent un échec important dans l’atteinte de la finalité de réintégration tant sur le plan quantitatif que qualitatif.[24] »

L’UFAPEC rejoint l’avis de Jean-François Delsarte, Conseiller pour l’enseignement spécialisé au Cabinet de la Ministre de L’Enseignement Obligatoire, qui souhaite la création d’un type 8 dans l’enseignement secondaire, pour le suivi des élèves en intégration dans l’enseignement ordinaire. C’est une erreur de ne pas avoir pensé le type 8 pour l’enseignement secondaire dès la création de l’enseignement spécialisé, en 1970. Quand on est « dys », on le reste toute sa vie. Il faut donc permettre aux « dys » de bénéficier des outils nécessaires pour faire face à leurs besoins spécifiques tout au long de leur scolarité.

La création d’un type 8 dans l’enseignement secondaire spécialisé pour assurer le suivi des élèves « dys » en intégration pourrait contribuer à l’objectif donné au type 8, la réussite de ces élèves dans l’enseignement ordinaire. Tout comme l’affirme Caroline Désir, députée au Parlement de la Fédération Wallonie-Bruxelles, membre de la commission Education, « il apparaît, sur la base de l’étude du professeur Tremblay, qu’une fois que ces enfants arrivent à s’y intégrer, ils deviennent des élèves comme les autres.[25] »

Pour que l’intégration soit la plus profitable possible, et mène effectivement à la réussite dans l’enseignement ordinaire, il faut avant tout former les enseignants du secondaire ordinaire aux troubles de l’apprentissage et veiller à ce que chaque école secondaire bénéficie de personnes-ressources spécialement formées, qu’il s’agisse d’enseignants du spécialisé ou non, pour encadrer le personnel enseignant qui éprouve des difficultés avec les élèves atteints de troubles de l’apprentissage et prendre à part ces élèves en remédiation si cela s’avère nécessaire. Pour favoriser la réussite des élèves « dys » dans l’enseignement ordinaire, il faut que l’équipe enseignante dans sa totalité et la direction soient partie prenante du projet.

 

Alice Pierard

 

 

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[1]Indicateurs 2008 du Ministère de la Communauté française, ETNIC 2008 (ressource 4878), www.enseignement.be/download.php?do_id=4878&do_check=

[2]Décret de la Communauté française « organisant l’enseignement spécialisé », du 3 mars 2004 et publié au moniteur belge le 3 juin 2004. http://www.gallilex.cfwb.be/document/pdf/28737_004.pdf

[3]Dyslexie, dysorthographie, dysphasie, dyspraxie et dyscalculie.

[4]TREMBLAY Philippe, « Évaluation de la qualité de deux dispositifs scolaires –l’enseignement spécialisé de type 8 et l’inclusion dans l’enseignement ordinaire – destinés à des élèves de l’enseignement primaire ayant des difficultés/troubles d’apprentissage », thèse de doctorat, ULB, 2010, p 29

[5]« Enseigner aux élèves avec troubles d’apprentissage », réalisé par le Ministère de la Fédération Wallonie-Bruxelles, 2012, p 1

[6] Idem., p 20

[7]Décret de la Communauté française « organisant l’enseignement spécialisé », du 3 mars 2004, op cit.

[8]Décret de la Communauté française « relatif à l’enseignement intégré », du 5 février 2009 et publié au moniteur belge le 10 avril 2009. http://www.gallilex.cfwb.be/document/pdf/28737_004.pdf

[9]Voir les deux analyses :

  • HOUSSONLOGE D., L’intégration des élèves porteurs d’un handicap dans l’enseignement ordinaire... enfin possible en 2009 ?, Analyse UFAPEC 2008 N°29.08
  • PIERARD A., Intégration dans l’ordinaire, prémisse à l’insertion sociale des élèves à besoins spécifiques?, Analyse UFAPEC 2012 N°18.12

[10]DISPA Marie-Françoise, « Dyslexie : quel(s) enseignement(s) ? », article du 3 décembre 2010, consulté sur le site du Collège Notre-Dame de la Paix Erpent, http://www.cndp-erpent.be/dyslexie10.htm

[11]Source : Agers, Service général de pilotage du service éducatif – Données pilotage.

[12]Afin de remédier aux 15 % des élèves qui ne maitrisent pas les savoirs de base à la sortie du primaire, la Communauté française a adopté le décret modifiant le premier cycle du secondaire. Depuis septembre 2008, les élèves n’ayant pas obtenu leur CEB à l’issue des primaires ont accès à la 1ère année différenciée. A l’issue de cette 1ère année, s’il réussit le CEB, l’élève peut soit passer dans l’année complémentaire, soit rejoindre la 1ère année commune. Dans tous les cas, il lui faudra trois ans pour terminer le premier degré. Certains élèves ayant obtenu leur CEB mais éprouvant des difficultés en 1ère commune peuvent bénéficier de deux heures de rattrapage par semaine en plus de leur bloc habituel de 32h. Si les difficultés perdurent, l’élève pourra rejoindre le différencié en année complémentaire.

[13]HOUSSONLOGE D., LONTIE M. et PIERARD A., L’enseignement spécialisé : l’élève et son projet de vie, Etude UFAPEC 2011 N°32.11, pp 16-17

[14]Source : Agers, Service général de pilotage du service éducatif – Données pilotage.

[15]Indicateurs 2008 du Ministère de la Communauté française, ETNIC 2008, op cit.

[16]TREMBLAY Philippe, « L’enseignement spécialisé de type 8 aujourd’hui », chapitre de l’étude de l’observatoire A.S.P.H. de la personne handicapée, La personne handicapée face à l’enseignement d’aujourd’hui, 21 novembre 2007, p 66.http://www.asph.be/NR/rdonlyres/D07D8A2C-D36E-464E-A3FA-5351166F9BF7/0/asphHandicapetenseignement.pdf

[17]Ibidem.

[18]Réponse de Marie-Dominique Simonet, Ministre de l’Enseignement obligatoire et de promotion sociale, à une interpellation de Caroline Désir relative à « l’évaluation de l’enseignement de type 8 et la réintégration vers l’enseignement ordinaire », le 26 octobre 2010.

http://archive.pfwb.be/10000000106205a

[19]TREMBLAY Philippe, « L’enseignement spécialisé de type 8 aujourd’hui », op cit., p 69

[20]« Enseigner aux élèves avec troubles d’apprentissage », op cit., p 27

[21]PIERARD A., Intégration dans l’ordinaire, prémisse à l’insertion sociale des élèves à besoins spécifiques?, Analyse UFAPEC 2012 N°18.12, p 11

[22]TREMBLAY Philippe, « L’enseignement spécialisé de type 8 aujourd’hui », op cit., p 68

[24]TREMBLAY Philippe, « L’enseignement spécialisé de type 8 aujourd’hui », op cit., p 70

[25]Interpellation de Caroline Désir à Marie-Dominique Simonet, op cit.

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