Analyse Ufapec février 2014 par B. Loriers

04.14/ La simplicité volontaire, à l’école aussi ?

Introduction

« Maman, tu ne te rends pas compte, c’est ringard d’avoir un GSM qui a douze mois… » Nous vivons dans un système où il faut du neuf à tout prix, tout le temps, et nos enfants en sont les premières « victimes », ils sont pris dans la spirale de la surconsommation. Que faire pour changer notre façon de vivre, et par la même occasion celle de nos enfants ? Que nos enfants-élèves deviennent des citoyens actifs, solidaires et responsables, c’est le défi donné aux éducateurs, parents et équipes éducatives, notamment par le décret Missions de 1997. Le mode de vie de la simplicité volontaire, sur lequel nous nous arrêtons ici, a le mérite de faire réfléchir, notamment nos enfants, sur notre façon de penser, de vivre et de consommer.

Qu’est-ce que ce mouvement ? Une utopie réservée à une minorité de doux rêveurs ou une philosophie de vie applicable à tout un chacun et notamment dans le cadre de l’école ? Réduire les consommations matérielles, sensibiliser les enfants et les jeunes à leurs propres consommations, leur façon de vivre, et mettre l’accent sur un mode de vie harmonieux, cela peut constituer une des tâches passionnantes de l’école et de tous ses partenaires. Mais nous verrons également quels sont les nombreux blocages et critiques à l’adoption de cette philosophie de vie.

Origines et définition de la simplicité volontaire

Ezio Gandin, membre d’un groupe de simplicité volontaire et des Amis de la Terre, aborde dans un article[1] les origines de ce concept, relativement récent. « La simplicité volontaire, on en parle dans les pays francophones depuis une dizaine d’années. Toutefois ce concept est d’abord apparu aux Etats-Unis, au milieu des années 1970, dans ce pays champion de la surconsommation et de l’endettement des ménages. C’est ensuite à partir du Canada grâce à Serge Mongeau et au réseau de simplicité volontaire du Québec que cette expression s’est propagée vers l’Europe et la Belgique francophone en particulier. »

S’il est possible de fournir autant de définitions de la simplicité volontaire qu’il n’y a de simplicitaires[2], la définition du Réseau Québécois de la Simplicité Volontaire nous semble approcher de prêt cette notion. Pour ce réseau, la simplicité volontaire est[3] « un courant social, un art de vivre ou une philosophie de vie qui privilégie la richesse intérieure par opposition à la richesse matérielle manifestée par l’abondance de la consommation ». C’est une approche multiforme, qui peut toucher tous les aspects de la vie, se manifester de bien des façons et se pratiquer pour toutes sortes de raison. C’est aussi une réalité qui porte des noms multiples, selon les priorités et les pays : simple living, mouvement « slow », good life, décroissance, etc. C’est une façon de vivre qui cherche à être moins dépendante de l’argent et de la vitesse, et moins gourmande des ressources de la planète. C’est découvrir qu’on peut vivre mieux avec moins, c’est alléger sa vie de tout ce qui l’encombre, par un recours plus grand à des moyens collectifs et communautaires, pour répondre à ses besoins et donc un effort pour le développement d’une plus grande solidarité.

C’est privilégier l’être plutôt que l’avoir, le « assez » plutôt que le « plus », les relations humaines plutôt que les biens matériels, le temps libéré plutôt que le compte en banque, le partage plutôt que l’accaparement, la communauté plutôt que l’individualisme, la participation citoyenne active plutôt que la consommation marchande passive. C’est enfin vouloir une plus grande équité entre les individus et les peuples dans le respect de la nature et de ses capacités pour les générations à venir. Ce courant social tente de répondre à des problèmes de société de plus en plus pressants : course folle de la vie moderne, endettement excessif, insatisfaction malgré une consommation débridée, épuisement professionnel, gaspillage et épuisement des ressources naturelles, et désintégration du tissu social.

Retrouver les plaisirs simples et le partage

Ce mode de vie est d’abord individuel, car chacun l’adapte en fonction de ses propres valeurs. Mais la simplicité volontaire ne se vit pas seul dans son coin : très vite, cette démarche individuelle a des implications sociales par le débat, les actions collectives, et la force de l’exemple qu’elle induit.[4]

Depuis 2005, grâce notamment aux actions des Amis de la Terre en Belgique, la simplicité volontaire s’est diffusée via des groupes qui rassemblent généralement une dizaine d’adultes habitant à proximité les uns des autres. « Le point fort des rencontres est le partage de leur expérience de vie dans une attitude de profond respect envers les choix de chacun[5]. » En Belgique, les simplicitaires ne sont qu’un demi-millier reconnus « officiellement », c’est-à-dire des citoyens qui participent à des réunions mensuelles, afin de remettre leur pendule à l’heure, afin de réfléchir ensemble sur leur façon de vivre, leur rythme de vie, leurs expériences, etc.

Le fait de faire partie d’expérimentations collectives comme les SEL[6]  (Système d’échanges locaux), les habitats groupés comme la ferme de Vevy Wéron[7] à Wépion (près de Namur), les GAC, groupements d’achats collectifs, s’intègre à ce mode de pensée et de vie, car ces expériences ont un dénominateur commun : retrouver le sens du partage et donc retrouver le sens et le bonheur de tisser des liens sociaux.

Freins et critiques

Une des principales critiques est que si cette philosophie de vie de la simplicité volontaire se répandait à grande échelle, elle risquerait de provoquer une diminution des emplois disponibles, et donc une hausse du chômage. Notre économie se verrait ralentie, notre système de sécurité sociale serait mis en danger, il serait difficile de payer les enseignants, infirmiers, fonctionnaires…

D’un point de vue plus individuel, certains soulignent la difficulté de revenir à un mode de vie antérieur, car la globalisation a aussi des effets positifs sur notre qualité de vie, notamment en matière d’éducation et de santé.

Certains mettent le doigt sur la difficulté de changer leurs habitudes, la peur de l’inconnu, la précarisation financière si on diminue son temps de travail (nous vivons dans une société du « paraître »). D’autres détracteurs pointent le gaspillage de temps que l’on passe à aller d’un petit commerce local à l’autre.

Enfin, certains adversaires de la simplicité volontaire affirment que ce courant social attire surtout les couches moyennes ou supérieures de la société. Il arrive souvent que des personnes vivent « à la façon de » la simplicité volontaire, sans l’avoir choisi, parce qu’ils ne peuvent consommer à outrance et gaspiller. Les familles qui vivent avec un faible revenu, ou qui se retrouvent parfois dans des situations précaires suite à une perte d’emploi, un divorce, … ces personnes ne partent pas en vacances, ne s’offrent pas d’extras. En bref, elles vivent dans une simplicité « involontaire ».

Quoi qu’il en soit, nous retenons de la simplicité volontaire qu’elle est un état d’esprit à acquérir et que chacun peut adopter librement et de façon personnalisée, que cette philosophie de vie porte le nom de simplicité volontaire ou pas. La simplicité volontaire se veut être à l’opposé du diktat de la société de consommation et comprend d’abord le mot liberté.

Simplicité volontaire, aussi à l’école ?

Les discussions en famille et en classe permettent de prendre du recul par rapport au mode de vie que l’on peut décider d’adopter ou pas. Refuser de se soumettre à la surconsommation ambiante, c’est acquérir davantage d’autonomie, c’est prendre du temps pour créer, customiser de vieux vêtements, décorer sa chambre avec des matériaux de récup’ et un peu de créativité, oser des fêtes avec les copains faites de petits plaisirs simples et démocratiques, cultiver son jardin, réparer son vélo, récupérer, lire, rencontrer, discuter, contempler.

Les enfants, même petits, peuvent accrocher à ce mode de vie. Les adolescents peuvent convaincre leurs parents, et dans l’autre sens, les parents peuvent faire comprendre à leurs jeunes l’importance de réfléchir à notre mode de vie, spirale consumériste si on se laisse envahir par les publicitaires et autres dictats. La simplicité volontaire peut se vivre chacun à sa manière, mais aussi être inculquée par des actions mises en place au sein de l’établissement scolaire. Voici quelques pistes concrètes et exemplatives pour les enseignants.

 

Au niveau de toute l’école

  • Organiser une bourse aux livres d’occasion, romans et manuels scolaires
  • Inciter au co-voiturage
  • Lancer une campagne de sensibilisation pour organiser les trajets maison-école à vélo
  • Réparer plutôt qu’acheter : faire réparer son vélo, son cartable plutôt que d’en acquérir un nouveau
  • Privilégier les transports en commun
  • Préférer les achats groupés de matériel didactique, de bricolage pour lequel le respect de l’environnement est pris en compte
  • Consacrer une journée ou quelques jours à instaurer dans l’école un mode de vie plus simple
  • Organiser une bourse aux vêtements au sein de l’école

 

En classe

  • Réaliser un potager avec la classe, retrouver avec les élèves le contact ressourçant avec à la nature (visite en forêt, etc.)
  • Recréer des liens autour de l’école : bibliothécaire, commerces de proximité, maison de repos…
  • Sensibiliser à la manipulation : les jeunes sont des victimes de la publicité agressive et de la mode
  • Sensibiliser aux achats durables
  • Sensibiliser aux garde-robes qui débordent de vêtements qui sont peu (ou pas) portés
  • Utiliser le cours de sciences qui met l’accent sur notre empreinte écologique, sur les désastres que provoque notre surconsommation
  • Diminuer le chauffage d’un degré (apporter un gros pull) certains jours
  • Visiter un magasin « bio » avec les plus jeunes
  •  …

 

Les cantines scolaires[8]

Les responsables des repas chauds à l’école peuvent aussi participer à une certaine forme de simplicité volontaire en mettant l’accent, quand l’occasion se présente, sur des choix réfléchis, et ils peuvent en informer les élèves, les parents et l’équipe éducative.

  • Aliments de saison
  • Aliments qui proviennent de la région
  • Produits qui voyagent un minimum
  • Produits qui respectent l’environnement
  • Non-gaspillage, diminution des déchets
  • Diminution des emballages
  • Produits frais
  • Diminution de la consommation de viande
  • Compost non loin des cuisines de l’école, pour les établissements scolaires situés en milieu rural
  •  …

Conclusion

Peu d’entre nous sont prêts à changer radicalement leur façon de vivre, et pourtant, la crise que nous vivons fait petit à petit changer les mentalités. Moins de stress, plus de rencontres, une reconnexion avec sa vie intérieure, la philosophie de la simplicité volontaire ne doit pas être perçue comme un appauvrissement, mais comme un enrichissement personnel, où l’on apprend à vivre de manière plus autonome, en étant plus soi-même, en privilégiant le savoir-être et le savoir-faire. Revoir nos modes de vie, produire moins, consommer moins pour diminuer notre impact sur l’environnement, la simplicité volontaire est un mode de pensée et de vie qui peut nous aider à vivre dans ce sens, même si ce mode de pensée ne résoudra pas à lui seul les crises économiques et sociales que nous connaissons. Inculquer à nos enfants le fait que l’on peut être pilote de sa vie, que chaque citoyen a le pouvoir de choisir plutôt que de subir. Ce courant social émergeant peut inspirer nos familles d’abord, nos écoles ensuite, et peut dans une certaine mesure faire de nos adultes en devenir des citoyens engagés et réfléchis. Parce que cela est crucial, c’est à cette réflexion que l’UFAPEC veut inviter.

 

Bénédicte Loriers

 

 

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Nous sommes à votre service pour organiser des activités sur cette thématique.



[1]GANDIN Ezio, La simplicité volontaire ou vivre plus simplement pour vivre mieux, in revue « Terre », n°135, hiver 2011.

[2]Terme qui désigne les personnes qui adhèrent à cette philosophie de vie de la simplicité volontaire.

[3]La Simplicité Volontaire : http://simplicitevolontaire.info/la-simplicitevolontaire/définition/

[4]La simplicité volontaire, http://www.amisdelaterre.be/spip.php?rubrique32, p.4, lien consulté le 17 février 2014.

[5]GANDIN Ezio, op cit.

[6]Pour en savoir plus sur les systèmes d’échanges locaux : http://selcoupdepouce.be, lien consulté le 17 février 2014.

[7]Pour en savoir plus sur l’habitat groupé de la ferme de Vevy Weron :: http://www.vevyweron.be

lien consulté le 17 février 2014.

[8]Au sujet des cantines scolaires, l’UFAPEC a publié une analyse sur le sujet, rédigée par LONTIE Michael, Les cantines scolaires, octobre 2013 : http://www.ufapec.be/files/files/analyses/2013/2413-cantines.pdf, lien consulté le 17 février 2014.

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