Analyse UFAPEC mars 2012 par B. Loriers

07.12/ La motivation en contexte scolaire : quel est le rôle de l’Ecole ?

Introduction

Directement liées au décrochage scolaire, les questions de motivation sont l’objet de défis pour l’environnement éducatif de l’élève: la famille[1], les enseignants, les autres professionnels de l’éducation. La motivation est en partie intrinsèque à l’élève, mais dépend aussi du milieu dans lequel il apprend. Cet environnement extérieur est un puissant moteur qui peut favoriser sa motivation, dont l’Ecole et tout ce qui la compose : l’équipe éducative, mais aussi le fonctionnement de l’institution scolaire. C’est cet environnement que nous approchons de plus près dans cette analyse.

Face à la crise de sens que connaît l’école, face à l’échec de trop nombreux élèves, les enseignants rêvent de pouvoir remotiver. Mais comment soutenir l’engagement des apprenants dans leur apprentissage, comment redonner goût à l’étude au sein de structures qui ne conviennent pas à tous ? Les moyens, les méthodes et les lieux scolaires sont-ils toujours en concordance avec les évolutions de notre société ? Le nombre important de jeunes qui sont en décrochage et qui ne terminent pas leurs études pose la question de l’efficacité de notre système scolaire. Il apparaît aussi que le manque de motivation ne concerne pas uniquement les élèves en difficulté, mais une grande partie des élèves.

Les profs face à la démotivation des élèves

Les enseignants, pour motiver leurs élèves, doivent se montrer eux-mêmes engagés. Le métier de prof est intense : en cours, il faut répondre, écouter, se déplacer, écrire, maintenir l’ordre, éduquer, gérer la dynamique de grands groupes, évaluer. A la maison, les enseignants doivent préparer, corriger, actualiser, … D’autre part, le corps enseignant souffre d’un manque de reconnaissance de la part d’une société prompte à tenir l’école responsable de tous ses dysfonctionnements[2]. Les candidats à la profession sont aujourd’hui moins nombreux que les postes disponibles. L’épuisement physique et moral est légion dans cette profession, et la formation initiale des enseignants ne prépare pas à toutes les difficultés rencontrées sur le terrain. Quoi de plus violent pour un prof que de se trouver devant des jeunes démotivés ? L’attitude de désengagement des élèves peut vite remettre en cause le sens du métier d’enseignant.

Valeurs et culture de l’institution scolaire 

Le système scolaire actuel a été fondé, conçu et organisé à une autre époque. Il est forgé autour d’évaluations, de compétitions, de disciplines, d’horaires, de programmes, qui ne sont pas toujours faits pour épanouir tous les enfants. Certains ont juste envie de bouger, de rire, de bavarder avec leurs copains, certains s’ennuient car cette « structure » scolaire ne leur convient pas. Contraintes et manque d’autonomie peuvent tuer l’intérêt pour un apprentissage. A force d’être assis, l’élève n’existe plus, il est maintenu dans un carcan rigide.

Auparavant, il suffisait de travailler dur, d’avoir de bons résultats, un diplôme, et on obtenait un travail ; ce n’est plus le cas de nos jours. Même les diplômés de l’enseignement supérieur ne sont plus vaccinés contre le chômage[3]. L’Ecole est censée conduire à l’insertion sociale en fonction des diplômes obtenus; un fameux stress lié à des comportements de compétition en classe, stress vécu par l’élève et par sa famille. Ce stress lié à la course aux diplômes rend le parcours scolaire de plus en plus long, avec des résultats incertains.

Roland Viau[4] écrit que les écoles qui mettent l’accent sur le rendement scolaire et la compétition plutôt que sur l’apprentissage en soi et la collaboration minent la motivation des élèves plus qu’elles ne la suscitent.

D’autre part, l’institution scolaire se retrouve ébranlée par les évolutions de notre société. Le développement des medias et d’internet, devenus de nouveaux lieux d’apprentissage, remettent aussi en cause les modes de la transmission et les manières dont on apprend à l’école[5]. Ne voit-on pas certains enseignants se faire expliquer les nouvelles technologies, voire les savoirs par leurs élèves ?Une autre difficulté est à pointer, avec laquelle les enseignants doivent composer ; les troubles de concentration de nombreux élèves, qui se retrouvent noyés d’informations : télé, radio, internet, réseaux sociaux…

Permettre l’erreur et l’analyser

Les adultes doivent rassurer l’élève en lui faisant comprendre qu’un résultat négatif ne remet en cause ni sa valeur personnelle, ni son intelligence. Les échecs peuvent être expliqués comme des occasions de se relever, de progresser dans les apprentissages. Le sens que l’enseignant donnera à l’erreur permettra à l’enfant en difficulté de rebondir,… ou pas. L’un des principaux objectifs de l’Ecole devrait être de faire connaître le succès. Les enfants ne peuvent s’éveiller sur le plan intellectuel ou social que s’ils sont valorisés.

Lutter contre l’échec scolaire, motiver les élèves en décrochage supposent que l’enseignant permette l’erreur, et que cette dernière soit exploitée. Le changement pour l’égalité (CGé) propose de dissocier l’évaluation où l’erreur est permise et analysée, de la certification. Pour cela[6], il faudrait dissocier la fonction d’enseignant-formateur de celle d’évaluateur- certificateur – à l’image de ce qui se fait pour le CEB de 6e primaire où l’instituteur prépare l’élève et où la Communauté française évalue et certifie (…).

Et sur le bulletin, le CGé recommande des commentaires significatifs qui aident l’élève à comprendre en quoi il répond aux attentes de l’enseignant et ce qu’il doit encore approfondir. Plus l’enseignant sera explicite et précis, plus l’élève sentira qu’il a du pouvoir sur sa réussite.

Le CGé relève aussi qu’il y a deux moyens d’évaluer un enfant: on peut tenir compte du chemin parcouru par l’enfant ou du chemin qu’il lui reste à parcourir. Il n’est pas question de nier la pertinence d’évaluer la distance encore à parcourir pour atteindre des objectifs, mais d’équilibrer cette évaluation par la prise en compte du chemin parcouru.Pour ce faire, il faudrait renforcer toutes les pratiques qui amènent les élèves à accorder de la valeur à tout ce qu’ils ont acquis, réussi, obtenu (…). Concrètement ? CGé donne l’exemple du portfolio dans lequel l’élève conserve des traces de réussite pour différents domaines de sa scolarité. On y valorise ce qui est acquis.

Relations prof-élève

Favoriser la clairvoyance des élèves sur ce que la situation scolaire attend d’eux est un levier efficace pour les aider à mieux se comporter, et donc à être davantage estimés. Nombreux enseignants apprécient les élèves qui coopèrent (partagent avec les autres), qui ont du répondant, qui respectent les règles de la classe, etc. Voilà des compétences qui participent à la socialisation de l’élève, et qui sont valorisées par  certains enseignants qui mettent l’accent sur l’apprentissage de la citoyenneté.  Les relations prof-élève jouent un rôle dans la motivation, et donc la réussite de l’apprenant. Les élèves de faible niveau scolaire se caractérisent plus souvent par un manque ou une absence d’effort pour se confronter à certaines règles du « jeu scolaire »[7].

Pour Viau[8], un enseignant considéré comme chaleureux suscitera la motivation de ses élèves, s’il sait créer une atmosphère favorable à l’apprentissage en les mettant à contribution dans les décisions relatives à la gestion tout en leur faisant respecter les règles de travail et de conduite qui en découlent.

Quelles conditions doivent remplir les activités pédagogiques pour motiver ?

Roland Viau[9] propose six conditions importantes à remplir pour susciter la motivation des élèves :

Avoir une certaine signification pour les élèves, c’est-à-dire que les activités pédagogiques  doivent correspondre à leurs champs d’intérêt, s’harmoniser avec leurs projets personnels et répondre à leurs préoccupations ;

  • Représenter pour eux un défi à relever ;
  • Mener à des réalisations semblables à celles qu’ils retrouvent dans la vie courante, comme une affiche, une vidéo, un spectacle ;
  • Etre d’un niveau de difficulté qui exige de s’engager sur le plan cognitif ;
  • Les responsabiliser en leur permettant de faire des choix ;
  • Comporter des objectifs et des consignes clairs.

La motivation est une construction permanente

Avec une grande motivation, l’être le moins favorisé peut réaliser des exploits, alors que sans motivation, la personne la plus douée intellectuellement peut rester sur ses acquis et ne rien faire de transcendant[10].Il n’y a pas une seule recette pour motiver l’élève… la motivation est une construction permanente, et tout ce qui a été détruit peut se reconstruire. La motivation à apprendre est une alchimie, un processus dynamique, qui peut engendrer, ou non, le cercle vertueux de la réussite.

Nombreuses sont les recettes des enseignants pour remotiver leurs troupes, et elles varient d’une classe à l’autre : certaines activités vont motiver certains élèves, pas d’autres. C’est pourquoi les temps de paroles « libres » en classe sont précieux, car ils permettent à l’enseignant de percevoir les intérêts des uns et des autres.

Les milieux « naturels » offrent du sens et permettent de construire les apprentissages de manière durable. Aller en excursion, rencontrer des pensionnés ou des parents qui ont exercé tel métier ou telle passion, faire des liens avec la théorie, voilà encore des clés pour l’Ecole, dont le défi est énorme : maintenir les enfants intéressés par les apprentissages. Autre piste : travailler par projets, réfléchir et apprendre à partir d’expérimentations. Tout en fixant les apprentissages de base, partir de l’élève, de son vécu et de ses intérêts, de ses attentes : voilà une autre clé pour motiver les élèves. Mais n’est-ce pas une chimère alors que notre système scolaire instaure des classes de plus de 20 enfants, avec chacun des rêves différents? D’autre part, existe-t-il de réelles valorisations pour les enseignants qui sont continuellement en recherche ? Ne sont-ils pas vite stigmatisés par leurs collègues qui se contentent de donner la matière du programme pour le même salaire ?

 

Bénédicte Loriers

 

 

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[1]Lire à ce sujet notre analyse sur : Quel est le rôle des parents dans la motivation à apprendre ?, in http://www.ufapec.be/nos-analyses/2911-motivation-parents/

[2]FOURNIER M., Pourquoi apprendre ?, revue Sciences humaines n°230S, octobre 2011, p.55.

[3]FOURNIER M., Pourquoi apprendre ?, revue Sciences humaines n°230S, octobre 2011, p.39.

[4]VIAU R., La motivation en contexte scolaire : les résultats de la recherche en quinze questions, in Revue Vie pédagogique, n°115, avril et mai 2000, p.5 à 8.

[5]FOURNIER M., ibidem, p.35.

[6]Le Soir, lundi 16 janvier 2012, Accepter l’erreur pour mieux l’éviter.

[7]Ibidem.

[8]VIAU R., La motivation en contexte scolaire : les résultats de la recherche en quinze questions, in Revue Vie pédagogique, n°115, avril et mai 2000, p.5 à 8.

[9]VIAU R., Ibidem.

[10]KULECZKA P., La motivation scolaire, CPMS libre de Saint-Gilles (Bruxelles). http://www.stus.be/_docs%20pdf/circulaires2008/LA_MOTIVATION.pdf

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