Analyse UFAPEC 2010 par M-N. Tenaerts

09.10/ Les stratégies motivationnelles

Introduction

Nous nous attarderons dans ces lignes à développer les facteurs qui agissent sur la motivation des élèves. Nous avons évoqué, lors de l’analyse sur la motivation en contexte scolaire[1], quatre types de facteurs : les facteurs relatifs à l’école ; les facteurs relatifs à la vie de l’élève ; les facteurs relatifs à l’enseignant et enfin, les facteurs relatifs à la société. En outre, nous donnerons des pistes concrètes aux parents pour développer une stratégie motivationnelle efficace.

Les incitants à la réussite scolaire

Inciter, encourager, obliger les enfants à aller à l’école, à avoir un beau bulletin, à réussir ne relèvent pas de comportements anodins. Beaucoup de parents avouent devoir jouer les fins stratèges pour parvenir à leurs fins : avoir un beau bulletin qui garantit la réussite de mon enfant, et de surcroit, aura une garantie pour son avenir. 

Pour Claude Levy-Leboyer, « la motivation dépend de plusieurs paramètres. Tout d’abord, elle est étroitement fonction de l’image de soi. En effet, personne n’est prêt à faire des efforts sans avoir la conviction qu’il est capable de réussir »[2]. Croire en soi est donc une des conditions qui peuvent être mises en place. Mais pour que chaque élève ait confiance en lui, il est un truisme de rappeler que les renforcements négatifs perpétuels ne contribueront pas à aller dans ce sens. De même, une surévaluation de son enfant peut avoir comme incidence de le confronter en permanence à l’échec. Il convient d’apprendre à apprendre, avec l’enfant lui-même et d’éveiller de cette manière toute forme de curiosité mais aussi de s’auto-évaluer au regard des activités à réaliser en se posant la question des ressources nécessaires que l’on peut solliciter pour pouvoir y parvenir.
 
Huart nous renseigne sur les stratégies motivationnelles qui peuvent être mises en place par l’élève lui-même. « Ces stratégies d’autorégulation consistent à manier soi-même la carotte et le bâton. L’élève peut ainsi se convaincre de l’importance de ce qu’il fait pour son futur, imaginer le produit fini afin de se redonner de l’allant, se créer ses propres défis, se récompenser par de petites pauses entre des exercices compliqués ou par une partie sur sa playstation®, etc. »[3]. Et de poursuivre : « comme les autres stratégies d’auto-régulation, cette responsabilisation de ses apprentissages est une importante finalité à poursuivre en contexte scolaire. En effet, dans une société où apprendre devient un réel impératif d’adaptation, les enfants doivent être amenés à se prendre en main, afin que leurs activités d’apprentissage ne soient plus tributaires du suivi d’un enseignant dont le passage dans leur vie n’est que provisoire. La régulation externe que peut mettre en place un enseignant des plus compétents doit être progressivement – mais rapidement – délaissée au profit d’une régulation interne, c'est-à-dire opérée par l’apprenant lui-même »[4].

Réactions affectives dans la dynamique motivationnelle

Selon le modèle de Roland Viau cité par Huart, « la manière dont un élève se perçoit face à des activités d’enseignement et d’apprentissage influence son choix de s’engager cognitivement dans celles-ci et de persévérer jusqu’à son accomplissement »[5]. Par ailleurs, dans son développement, Huart développe le rôle des attributions dans la motivation selon Weiner. Cet auteur précise la notion de la perception de soi. En effet, pour ce dernier, « la dimension d’internalité-externalité est en rapport direct et unique avec le construct affectif d’estime de soi : les attributions du succès à des facteurs internes augmentent la valeur de soi, tandis que de telles attributions en cas d’échec diminuent l’estime de soi »[6].

Weiner va plus loin dans le sens où il intègre dans son analyse les émotions c'est-à-dire les réactions affectives : « attribuer l’échec d’autrui à une cause qui était de son ressort engendre un sentiment de mépris et de colère envers cette personne. Cette même attribution à propos de son échec propre suscite un sentiment de culpabilité, tandis qu’invoquer une cause incontrôlable entraîne la honte […] Plus précisément, les affects relatifs à la honte (déshonneur, gêne et/ou humiliation) sont liés à un échec dû à de faibles aptitudes, tandis que ceux relatifs à la culpabilité (regrets et/ou remords) sont associés à un échec dû à un manque d’efforts »[7]. Huart cite alors des auteurs tels que de Hoffman, Wicker et al. « Au point de vue des répercussions motivationnelles, la culpabilité provoque une activation de comportements plus adéquats, tandis que la honte suscite une inhibition et des comportements de retrait »[8].   
 
Pour Levy-Leboyer, « si la motivation n’est pas un trait de personnalité, elle dépend cependant de la personnalité, et en particulier du niveau d’anxiété qui caractérise le sujet et peut déterminer sa confiance en lui. Ainsi que de ce qu’on nomme le « lieu de contrôle », c'est-à-dire le fait de se sentir capable de maîtriser son destin (lieu de contrôle interne), ou au contraire, la tendance à considérer que les évènements qui nous surviennent sont surtout dus à des facteurs extérieurs, tels que l’action d’autrui ou le hasard (lieu de contrôle externe) »[9].
 
Rolland Viau nous propose une série de conditions qui aident les élèves à être motivés ou à se motiver eux-mêmes[10].
 
  • L’activité proposée doit être signifiante aux yeux de l’élève. Il faut donc qu’elle ait du sens et qu’elle corresponde pour partie au champ d’intérêt de l’élève et qu’elle soit adaptée.
  • L’activité doit être diversifiée et s’intégrer aux autres activités. En effet, les méthodes pédagogiques employées par l’enseignant doivent rompre la monotonie.
  • L’activité doit représenter un défi pour l’élève. Selon Rolland Viau, l’activité ne doit ni être trop facile, ni être trop difficile. Le désintérêt pourrait être vite marqué en cas de succès pour une activité jugée trop facile. Il en est de même pour une activité jugée trop difficile.
  • L’activité doit être au moins pour partie authentique. Il faut éviter que l’élève ne se dise : ça ne sert à rien. La réalisation d’un projet ou d’un produit aura davantage de succès qu’une simple tâche d’exécution.
  • L’activité doit exiger un engagement cognitif de l’élève. Un engagement cognitif se produit quand l’élève met en place des stratégies d’apprentissage qui lui permettent de relever un défi, de surmonter un obstacle et donc qui peuvent l’aider à comprendre.
  • Responsabiliser l’élève en lui permettant de faire des choix. Certains aspects des activités peuvent être laissés à la discrétion de l’élève : les membres de son groupe, le choix du sujet de travail, etc.
  • Permettre à l’élève d’interagir et de collaborer avec les autres. Pour Viau, « une activité d’apprentissage doit se dérouler dans une atmosphère de collaboration et amener les élèves à travailler ensemble pour atteindre un but commun ». Dans ce cadre, la compétition est donc une technique peu recommandable : elle ne peut motiver que les plus forts.
  • Avoir un caractère interdisciplinaire. Le découpage des disciplines en grilles horaires, telles que nous les connaissons, ne motive que très peu les élèves. Ils n’ont pas de vision globale de ce que peut leur apporter telle ou telle dimension. Dès lors, des activités interdisciplinaires permettent de solliciter les disciplines pour soulever les différents obstacles observés.
  • Comporter des consignes claires. Plus l’élève aura une vision claire de ce qui est attendu de lui, plus vite il pourra se mettre au travail de la manière la plus efficace.
  • Se dérouler sur une période de temps suffisante. Si l’activité est complexe et que le temps imparti est trop court, l’élève se sentira frustré de ne pas avoir pu accomplir sa tâche. A l’inverse, si l’activité se révèle peu complexe et que le temps est long, les élèves risqueront vite de s’ennuyer.
En paraphrasant Lacroix et Lemelin, « pour contribuer au développement de la motivation chez leurs élèves, les intervenants scolaires doivent favoriser une perception positive de la valeur des activités ou de la matière (intérêt, importance, utilité) et soutenir le développement du sentiment d’efficacité interpersonnelle et du contrôle sur les tâches d’apprentissage. Les indicateurs de la motivation scolaire doivent être utilisés non seulement à des fins d’évaluation, mais aussi dans le but de favoriser le développement de l’engagement face à la tâche. Enfin, il faut rappeler que les enseignants ont le pouvoir d’influencer la motivation de leurs élèves, principalement en agissant sur les éléments liés à leur enseignement. Par l’utilisation de stratégies d’intervention et d’apprentissage fondées sur des données probantes, ils développeront le goût de l’effort et de la persévérance »[11]. Ainsi voit-on corrélées le sens et la motivation, il est donc important de prendre ces données en considération en expliquant les finalités des activités auxquelles les élèves sont confrontés.

Conclusion

L’UFAPEC préconise une attention particulière à l’apprentissage de l’autoévaluation et des renforcements faits dans ce sens. Comme nous l’avons abordé au fil des trois analyses portant sur ce thème, la motivation intrinsèque est la plus efficace. Bien que certains parents emploient des stratégies de marchandage ou de récompenses matérielles, ces méthodes ne sont efficaces que sur le très court terme. Dès lors, apprendre à apprendre, éveiller la curiosité et prendre conscience des enjeux des missions de l’école, etc. sont des dimensions à prendre en compte dans l’éveil de la motivation personnelle.

 
 
 
 Marie-Noëlle Tenaerts
 
 
 
 
 
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[1] Voir analyse UFAPEC n°08.10 : « La motivation en contexte scolaire, pourquoi certains sont-ils motivés et d’autres pas ? »
[2] LEVY LEBOYER C., « Le cœur à l’ouvrage » in Sciences Humaines, n°92, mars 1999, p.2
[3] HUART T., « Un éclairage théorique sur la motivation scolaire : un concept éclaté en multiples facettes », in Cahiers du Service de Pédagogie expérimentale, Université de Liège, 7-8/2001, p. 233
[4] BOCKAERTS et SIMON cité par HUART T., HUART T., « Un éclairage théorique sur la motivation scolaire : un concept éclaté en multiples facettes », in Cahiers du Service de Pédagogie expérimentale, Université de Liège, 7-8/2001, pp. 233-234
[5] HUART T., « Un éclairage théorique sur la motivation scolaire : un concept éclaté en multiples facettes », in Cahiers du Service de Pédagogie expérimentale, Université de Liège, 7-8/2001, p. 222
[6] WEINER cité par HUART T., « Un éclairage théorique sur la motivation scolaire : un concept éclaté en multiples facettes », in Cahiers du Service de Pédagogie expérimentale, Université de Liège, 7-8/2001, p. 228
[7]Idem, p. 229
[8] HOFFMAN, WICKER et al. Cités par HUART T., « Un éclairage théorique sur la motivation scolaire : un concept éclaté en multiples facettes », in Cahiers du Service de Pédagogie expérimentale, Université de Liège, 7-8/2001, p. 229
[9] LEVY LEBOYER C., « Le cœur à l’ouvrage » in Sciences Humaines, n°92, mars 1999, p.2
[10] VIAU R., « Des conditions à respecter pour susciter la motivation des élèves », Volume 5, n°3, février 2000
[11] LACROIX M-E et LEMELIN A., « La motivation et les engrenages de la réussite », présentation atelier A, Innover pour la réussite.  

 

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