Analyse UFAPEC juillet 2019 par A. Floor

11.19/ Devoir de discrétion et secret professionnel à  l'école

De manière générale, la communication entre l’équipe éducative, l’équipe du Centre PMS, les parents et l’élève lui-même est empreinte de respect et de discrétion à l’égard de la vie privée de l’enfant et de sa famille. C’est l’intérêt supérieur de l’enfant qui prévaut toujours lors de la circulation d’informations à son sujet ainsi que dans la mise en place d’actions visant à l’accompagner et le soutenir.

SeGEC

Introduction

Nous sommes parfois interloqués par le manque de discrétion et de respect de la vie privée de la part de certains membres de l'équipe éducative à l'égard des familles. Il arrive que, lors des réunions de parents, des copies d'un élève soient présentées aux parents d'un autre élève ou d'entendre un enseignant soupirer et se plaindre du manque d'éducation dans telle famille devant d'autres parents… Une demande adressée à la direction pour bénéficier du fonds de solidarité ne devrait-elle pas rester confidentielle ? Et, en cas de changement d'école, les directions communiquent entre elles ; tout peut-il être dit dans ce cadre-là ? A partir de quand un enseignant ou une direction d'école dépassent-ils les limites du respect de la vie privée ? Quel est leur cadre déontologique de travail ? Sont-ils concernés comme les acteurs du secteur d'aide à la jeunesse par le secret professionnel ? Que recouvre cette notion de secret professionnel ? Comment s'applique-t-elle dans nos écoles ? Les enseignants et les personnels des CPMS sont-ils logés à la même enseigne ? Que risquent-ils en cas de non-respect de la loi ? Et les présidents d'associations de parents (AP) qui sont au courant des situations particulières de certaines familles, jusqu'où peuvent-ils parler, communiquer avec l'école ? Nous avons décidé de nous pencher sur la question, car les conséquences de bavardages maladroits au sein des écoles ou sur le trottoir peuvent s'avérer très préjudiciables pour les personnes concernées et en particulier pour les élèves.

Respect de la vie privée

Le respect de la vie privée est une liberté fondamentale posée par l'article 8 de la Déclaration universelle des droits de l'homme : Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance[1]. La Loi prévoit néanmoins des cas exceptionnels où les pouvoirs publics peuvent s’immiscer dans la sphère privée des personnes : lorsque la sécurité nationale ou publique ou le bien-être économique du pays est en danger, pour prévenir des désordres ou des faits délictueux, pour protéger la santé, les bonnes mœurs ou les droits et libertés d'autrui. En Belgique, c’est la loi relative à la protection des personnes physiques à l'égard des traitements de données à caractère personnel du 30/07/2018[2] qui vise à protéger ce droit.

Il nous semble important de rappeler ici que TOUT citoyen ne peut révéler inutilement des confidences qui lui sont faites. Nous sommes tous concernés par le devoir de discrétion que nous soyons simple quidam, enseignant, éducateur, directeur d'école ou membre d'un comité d'association de parents. Le devoir de discrétion est une obligation de prudence qui s’impose à tous de ne pas révéler inutilement ou de manière préjudiciable des faits ou des informations dont la diffusion est susceptible de nuire à un individu d’une manière ou d’une autre[3]. Ce devoir de discrétion concerne d’ailleurs aussi des informations qui ne sont pas apprises dans un contexte professionnel. Par ailleurs, s’il y a un dommage direct dû à ces révélations, la personne peut demander réparation. La personne qui aurait subi un dommage en raison de cette révélation peut demander des dommages et intérêts en réparation d’une faute. L'article 1382 du code civil stipule que tout fait quelconque de l'homme, qui cause à autrui un dommage, oblige celui par la faute duquel il est arrivé, à le réparer.

Secret professionnel : définition, raison d’être et intervenants concernés

Le principe du secret professionnel apparait dans le code pénal, dans les textes instaurant les Droits de l’Homme, dans la Convention Internationale des Droits de l’Enfant et dans la Constitution.

Article 458 du code pénal : Les médecins, chirurgiens, officiers de santé, pharmaciens, sages-femmes et toutes autres personnes, dépositaires par état ou par profession, des secrets qu’on leur confie qui, hors le cas où ils sont appelés à rendre témoignage en justice ou devant une commission d'enquête parlementaire et celui où la loi les oblige à faire connaître ces secrets, les auront révélés, seront punis d’un emprisonnement d’un an à trois ans et d’une amende de cent euros à mille euros ou d’une de ces peines seulement[4].

Le principe édicté dans cet article est donc bien l'obligation de se taire (et non un droit de se taire) sous peine de poursuites pénales en cas de non-respect. Le secret professionnel poursuit deux objectifs : offrir à la personne qui se confie la liberté de le faire en toute sécurité et offrir à l’intervenant la sécurité de travailler en toute liberté.

Corinne Villée, juriste au SDJ (Service droit des jeunes) de Bruxelles, évoque aussi les notions d'intérêt social et d'ordre public ainsi que celle d'intérêt particulier : l'intérêt social et l'ordre public : il est de l'intérêt de tous qu'il puisse exister des endroits où chacun peut se confier en toute liberté. L'intérêt public et l'ordre social commandent aux autorités de mettre leurs administrés à l'abri de situations génératrices de tension ou de crainte telles qu'ils hésiteraient à se faire donner les soins ou à demander les conseils nécessaires à la sauvegarde de leur santé ou leur sécurité ; - l'intérêt particulier : chacun a droit au respect de sa vie privée[5].

La cour de cassation a développé une conception plus large des professionnels concernés ; à côté d'une liste de métiers nommément cités, il est aussi envisagé toutes les autres personnes, dépositaires par état ou par profession, des secrets qu'on leur confie. Cet article 458 du code pénal doit être appliqué indistinctement à toutes les personnes investies d'une fonction ou d'une mission de confiance, qui sont constituées par la loi, la tradition ou les mœurs, dépositaires nécessaires des secrets qu'on leur confie[6]. Les professionnels concernés sont appelés les dépositaires nécessaires des secrets qu'on leur confie, ce qui veut dire que ce n'est pas le diplôme du professionnel qui est l'important, mais la fonction ou la mission de confiance qui lui est dévolue. Ce professionnel doit pouvoir inspirer une entière sécurité aux personnes qui doivent se confier à lui de telle sorte que la mission sociale du professionnel ne soit pas compromise[7].

L'article 458 du code pénal ne définit pas la nature du secret professionnel. Mais l'article 7 du code de déontologie de l'Aide à la Jeunesse précise : Sans préjudice des dispositions prévues à l'article 12, tout renseignement de nature personnelle, médicale, familiale, scolaire, professionnelle, sociale, économique, ethnique, religieuse, philosophique, relatif à un bénéficiaire de l'aide ne peut être divulgué. Il ne peut être transmis qu'à des personnes tenues au secret professionnel, si cette communication est rendue nécessaire par les objectifs de l'aide dispensée et si elle est portée préalablement à la connaissance du bénéficiaire et, s'il échet, de ses représentants légaux[8]. Le Répertoire pratique du Droit belge définit ainsi le champ du secret professionnel : il s'agit de faits ignorés, de nature à porter atteinte à l'honneur, la considération, la réputation ou dont la non-révélation a été demandée : ce sont les faits que l'on a intérêt à tenir cachés[9].

Est-ce que les enseignants et les directions d'école sont liés par ce secret professionnel ?

Sur une journée d'école, les enseignants ne se contentent pas de transmettre des savoirs, mais jonglent bien souvent avec plusieurs casquettes : enseignant, psychologue, assistant social, confident… Et ces multiples casquettes risquent de créer des amalgames, d'entrainer de la confusion. Nous n'allons pas dans cette analyse aborder la problématique de la maltraitance faute de place. Rappelons que le CPMS est le premier partenaire et interlocuteur de l'enseignant qui se questionne sur le bien-être d'un de ses élèves[10].

L'article 18 du décret de la Communauté française fixant le statut des membres du personnel subsidiés de l'enseignement libre subventionné précise que les membres du personnel ne peuvent révéler les faits dont ils auraient eu connaissance en raison de leurs fonctions et qui auraient un caractère secret. Font-ils pour autant partie de ces professionnels dépositaires par état ou par profession des secrets qu'on leur confie ?

  • Retour en arrière

Dans une brochure éditée par l'AGERS en 2006 intitulée "Le secret professionnel et les enseignants - pistes de gestion", la réponse est positive ; les enseignants peuvent être soumis au secret professionnel[11]. Il ressort en outre de l’analyse menée par le Service juridique de la Communauté française et celui de la Direction générale de l’enseignement obligatoire qu’un enseignant, un éducateur d’école ou d’internat et un chef d’établissement peuvent être aux yeux de l’article 458 du code pénal assimilés « à des personnes dépositaires par état ou par profession des secrets qu’on leur confie »[12]. Selon M. Rothschild, Directeur des Affaires juridiques et contentieuses, les enseignants et les membres du CPMS font partie de la même équipe pédagogique et peuvent donc discuter et échanger des informations sur un élève. En ce qui concerne les relations entre enseignants et membres des CPMS, « on peut considérer qu’un enseignant et une personne travaillant pour le PMS font partie de la même équipe pédagogique et peuvent discuter ensemble de la situation familiale pénible d’un élève (sans tierce personne et sans révéler le secret à des tiers), à l’instar du médecin et de ses collaborateurs qui forment une équipe médicale » (M. Rothschild, Directeur des Affaires juridiques et contentieuses)[13].

Cette brochure date de plus d’une dizaine d’années, mais avait à l’époque fait l’objet d’un article contradictoire et critique dans le Journal du Droit des Jeunes n°265 de mai 2007[14], article signé par Corinne Villée. Les conclusions de cet article étaient catégoriques : erreurs juridiques manifestes, conclusions hâtives… Pour le Service Droit des Jeunes, le secret professionnel tel qu’énoncé à l’article 458 du Code pénal n’est pas d’application pour les enseignants, alors qu’il l’est bien pour les agents des CPMS. Les enseignants sont cependant tenus à un devoir de réserve : Par contre, il est important de rappeler aux enseignants qu’ils ont un devoir de réserve vis-à-vis de tous les faits secrets dont ils auraient connaissance. Par ailleurs, la collaboration entre l’école et le centre PMS se fera toujours dans l’intérêt particulier de l’élève[15].

  • Et aujourd'hui ?

Sur le site officiel Belgium.be dans l'onglet justice et secret professionnel[16], il est indiqué que les enseignants sont soumis au secret professionnel au même titre que les agents de police ou les assistants sociaux :

Certaines professions sont soumises au secret professionnel. Par conséquent, les personnes exerçant ces professions ne peuvent divulguer aucune information qui leur a été transmise dans le cadre de leur fonction. Il s’agit des professions suivantes :

  • les métiers de la santé et du bien-être (médecins, pharmaciens, assistants sociaux …)
  • les agents de police
  • les enseignants
  • les travailleurs qui, de par leur profession, sont au courant de secrets de fabrication, d'affaires ou d’autres secrets[17].

Dans le petit guide du jeune enseignant[18] qui se trouve sur enseignement.be et qui constitue un guide pour les premiers pas de l'enseignant qui entre en fonction, l'article 18 du décret de la Communauté française fixant le statut des membres du personnel subsidiés de l'enseignement libre subventionné est interprété plus strictement et le secret professionnel est écrit en toutes lettres : Dans la limite de ces informations à caractère secret (énoncés d’examens avant leur passage, informations qui seraient communiquées par des agents PMS à l’occasion d’une délibération ou d’une procédure d’exclusion, informations médicales sur les élèves…), ils sont soumis à un véritable secret professionnel. La révélation de ces secrets est donc punie pénalement sauf dans un certain nombre d’hypothèses constituant des exceptions (…)[19]

En revanche, dans sa newsletter n°90 de novembre 2018[20],, le SeGEC a publié une information sur la "Collaboration école-centre PMS : le secret professionnel et le devoir de discrétion" à destination des écoles fondamentales, secondaires et des centres PMS. Il y est explicitement indiqué que les agents PMS sont bien soumis au secret professionnel alors que les enseignants, les directeurs d’école et autres membres de l’équipe éducative ne le sont pas. Les agents des centres PMS sont soumis à ce secret professionnel tant par leur statut que par leur profession. Les membres de l'équipe éducative sont soumis à un devoir statutaire de discrétion quant aux informations auxquelles ils ont accès dans l’exercice de leur fonction. Depuis 2006, ils sont cependant soumis au secret professionnel quant à la conception et au passage des épreuves externes certificatives.

Rappelons également le huis clos et le secret des délibérations du Conseil de Classe. La communication des résultats est organisée par l'établissement selon les dispositions du règlement des études. Quelques situations concrètes spécifiques méritent d’être épinglées et requièrent de votre part la plus grande vigilance. Citons par exemple : celle de la communication à l’issue des délibérations du conseil de classe, des résultats obtenus par les élèves lors d’épreuves internes ou d’évaluations externes certificatives. Elles ont un caractère confidentiel. L’enseignant ne peut communiquer ces résultats qu’aux parents de l’élève concerné (…)[21]

A l’issue des délibérations du conseil de classe, la communication de la motivation précise d'une décision d'échec ou de réussite avec restriction sera fournie par le chef d'établissement ou son délégué à la demande expresse de l'élève majeur ou ses parents ou la personne responsable d'un élève mineur. Nonobstant le huis clos et le secret des délibérations, le chef d'établissement ou son délégué fournit, le cas échéant, par écrit si la demande expresse lui est formulée par l'élève majeur ou les parents ou la personne responsable d'un élève mineur, la motivation précise d'une décision d'échec ou de réussite avec restriction prise par le Conseil de classe ou d'un refus d'octroi du certificat de qualification pris par le Jury de qualification. En outre, dans l'enseignement spécialisé, le chef d'établissement fournit la motivation de la décision d'inscription dans une forme et du passage d'une forme d'enseignement à une autre selon les mêmes modalités[22].

Les avis restent donc contradictoires.

Pour approfondir la question, nous avons suivi deux journées de formation organisées par le service Jeunesse et Droit sur le secret professionnel. Xavier Polfliet, permanent au SDJ de Bruxelles, conseille pour identifier quel professionnel est lié par le secret professionnel de répondre à la question "Est-ce que le cœur du travail de ce professionnel fonctionne grâce aux confidences de l'autre ?" Si la personne travaille au cœur de la vie privée des gens, alors il y a secret professionnel. Or la mission première d'un enseignant est la transmission de savoirs ; il n'est donc pas concerné par le secret professionnel. Sa mission ne demande pas une garantie de confidentialité pour être exercée. Cependant, il peut arriver que, dans le cadre de leur travail, les enseignants soient informés de faits secrets au sujet de leurs élèves (maladies graves, placement en IPPJ[23]…). Intervient alors, selon Xavier Polfliet, l'obligation statutaire de devoir de discrétion via l'article 18 du décret de la Communauté française fixant le statut des membres du personnel subsidiés de l'enseignement libre subventionné. Les membres du personnel ne peuvent révéler les faits dont ils auraient eu connaissance en raison de leurs fonctions et qui auraient un caractère secret.

  • Relations avec les CPMS

Ce questionnement sur le secret professionnel des enseignants a une incidence évidente sur leur collaboration avec les CPMS. En effet, il ne peut être question de secret professionnel partagé entre enseignants et personnel des CPMS puisqu'une des conditions de ce secret professionnel partagé est que les deux parties soient liées par le secret professionnel. Il s'agira dès lors pour le personnel des CPMS de veiller au respect du secret professionnel dans la transmission des informations vers les écoles : Cependant, les équipes éducatives sont des partenaires professionnels privilégiés des centres P.M.S. Il s’agira pour ceux-ci de traduire les informations dont ils disposent pour aider l’école dans sa mission éducative. La manière de communiquer ces informations mérite une attention toute particulière. Elles doivent être utilisables par les enseignants et ne pas trahir le secret professionnel[24].

Devoir de discrétion, de réserve et de loyauté à l'école

  • Devoir de discrétion

Thierry Moreau, professeur à l’UCL et avocat au barreau du Brabant wallon, constate qu’au niveau de la déontologie ou du contrat de travail, l’obligation de discrétion ou de confidentialité est très souvent mise en épingle pour les professions non liées par le secret professionnel. Il est fréquent que les règles de déontologie de professions qui ne sont pas tenues au secret professionnel (p. ex. les enseignants (73), les banquiers (74), les aides familiales (75) …) insistent lourdement sur l’obligation de discrétion ou de confidentialité qui est la leur. Toutefois, cette obligation ne s’assimile pas au secret professionnel. D’une part, si le titulaire d’une de ces professions révèle une information apprise dans l’exercice de son travail, il ne commet pas une infraction pénale. Tout au plus, si par cette révélation, il cause un dommage, celui qui en est victime pourra demander au juge civil la réparation de son préjudice. Éventuellement, pour autant que la profession soit contrôlée par une instance ayant un pouvoir de contrainte sur le plan déontologique, la violation de l’obligation de discrétion ou de confidentialité pourrait également entraîner une sanction disciplinaire[25].

Ainsi, la mention d’obligation de secret professionnel dans le contrat de travail d’une direction d’école ou d’enseignant signifie que, s’ils outrepassent ce secret professionnel, ils seront susceptibles de subir une sanction disciplinaire ou un renvoi au tribunal civil[26] puisqu'ils sont comme tout citoyen soumis au devoir de discrétion. Le devoir de discrétion est une obligation de prudence qui s’impose à tous de ne pas révéler inutilement ou de manière préjudiciable des faits ou des informations dont la diffusion est susceptible de nuire à un individu d’une manière ou d’une autre[27]. Ce devoir de discrétion concerne d’ailleurs aussi des informations qui ne sont pas apprises dans un contexte professionnel.  Mais ils ne seront pas renvoyés au niveau pénal, car l’article 458 ne s’applique pas à eux, le cœur de leur travail ne résidant pas dans le recueil des confidences des gens.

  • Devoir de loyauté et devoir de réserve pour les enseignants

La fonction enseignante en Fédération Wallonie-Bruxelles n’est pas régie par un code de déontologie, comme peuvent l’être d’autres professions. En 2016, dans le cadre d’une question parlementaire portant sur les critiques publiques de certains enseignants sur le niveau de difficulté de l’épreuve de français du CE1D (« La profession est ulcérée du non-niveau de ces épreuves externes »), la ministre de l’enseignement a rappelé les devoirs et obligations des enseignants qu’ils sont tenus de respecter par statut. Ces obligations consistent notamment :

— à ne pas révéler les faits dont ils auraient eu connaissance en raison de leurs fonctions et qui auraient un caractère secret ;

— en un devoir de loyauté ;

— à être tenu à la correction la plus stricte tant dans leurs rapports de service que dans leurs rapports avec le public et les parents des élèves. De même, le statut des membres du personnel précise les peines disciplinaires qui peuvent être infligées aux membres du personnel, nommés à titre définitif, qui manquent à leurs devoirs[28].

Dans le guide du jeune enseignant, le devoir de loyauté est défini comme le respect des principes du régime démocratique et de l’enseignement dispensé en Communauté française : Enfin, les enseignants sont également tenus à un devoir de loyauté qui leur impose de s’abstenir de tout comportement ou propos qui entre en contradiction manifeste avec l’un des principes essentiels du régime démocratique, ainsi que de tout comportement ou propos qui pourrait porter gravement atteinte à la confiance du public dans l’enseignement dispensé en Communauté française. Le devoir de réserve concerne, quant à lui, le respect de sa fonction : ce devoir porte tant sur la forme (il fait preuve de modération lorsqu’il exprime publiquement une opinion en lien avec ses fonctions et, de manière générale, évite les propos publics outranciers ou insultants), que sur le fond (il ne tient pas publiquement de propos incompatibles avec les valeurs de base de la société ou susceptibles d’ébranler la confiance du public dans les écoles organisées ou subventionnées par la Fédération Wallonie-Bruxelles)[29].

Conclusion

Les enseignants tout comme les directions sont par statut contraints de ne pas révéler des faits secrets dont ils auraient eu connaissance via leur fonction. Mais le devoir de discrétion auquel tout citoyen est soumis concerne aussi des informations qui ne sont pas apprises dans un contexte professionnel. Pour l’UFAPEC, il est important d'aborder ces questions de déontologie et de respect de la vie privée tant lors de la formation initiale que lors de l'entretien d'embauche et tout au long de la carrière des enseignants. Pour ce faire, il est indispensable que les acteurs concernés reçoivent des informations claires et non contradictoires, à l'inverse de ce qui se fait malheureusement actuellement. La distinction entre secret professionnel et devoir de discrétion doit être bien comprise par tous les acteurs du monde scolaire : parents, enseignants, direction, éducateurs, personnel des CPMS. Le secret professionnel partagé ne peut être mis en œuvre et respecté qu'entre des acteurs soumis au secret professionnel. En rappelant clairement qui est ou non soumis au secret professionnel, les relations entre CPMS et monde enseignant ne pourront que s'apaiser. Ce dernier acceptera plus facilement que le CPMS ne transmette que les informations qui vont dans le sens de l’intérêt de l’enfant, de ses apprentissages scolaires et de son bien-être moyennant l’autorisation de l’élève ou de ses parents.

Au fil de leur carrière, les enseignants se sentent parfois démunis face aux problématiques vécues par leurs élèves. La tentation est alors forte de partager ces souffrances constatées ou confiées par l'élève, dans des endroits inappropriés comme la salle des professeurs ou le trottoir des écoles où de petites et grandes oreilles traînent. Ce partage d'informations au tout venant ne pourra qu'être néfaste pour l'enfant et la famille. Rappelons que les CPMS et les PSE[30] sont des partenaires privilégiés des enseignants. Ce sont des professionnels spécialisés vers lesquels les enseignants peuvent se tourner pour construire la meilleure (ou du moins la moins mauvaise) manière d’intervenir dans des situations particulières.

Gardons tous à l'esprit que c'est l'intérêt de l'enfant qui doit primer et que le dévoilement de son intimité aura de multiples conséquences pour l’enfant (honte, peur, perte de confiance dans le monde adulte, sentiment de trahison…). En ce sens, il convient de prendre toutes les garanties afin que ce qui lui arrive ne devienne pas « le » sujet de conversation entre enseignants ou entre parents à la sortie de l’école ! Si la parole de l’enfant est entendue et transmise aux personnes qui pourront l’aider sans qu’il se sente trahi ou jugé, l’enseignant aura accompli sa part du travail pour aider cet enfant[31].

 

 

Anne Floor

 

 


[3] T. MOREAU, « Le code de déontologie des psychologues et le respect des dispositions légales relatives au secret professionnel » in Journal du Droit des Jeunes, n°340, décembre 2014, p. 34. http://www.aemtc.ulg.ac.be/uploads/images/Commentaires%20r%C3%A8gles%20d%C3%A9ontologiquesdu%20%
20psychologue.pdf

[5] C. VILLEE, « Secret professionnel à l’école », in Journal du Droit des Jeunes, n° 265, mai 2007, p. 18.

[6] Cass., 20/02/1905, Pas. 1905, I, p. 141.

[7] C. VILLEE, op.cit., p. 18.

[9] CONSEIL SUPERIEUR DE LA GUIDANCE PSYCHO-MEDICALE-SOCIALE ET DE L’ORIENTATION SCOLAIRE ET PROFESSIONNELLE, Le Secret professionnel des membres du personnel des Centres Psycho-médico-sociaux, Avis n°13/1205, p. 3.

[10] SOS FAMILLE ET HELMO, Mal-traité èmoi, Manuel de l’enseignant niveau secondaire, Liège, 2012.

[11] AGERS, Le secret professionnel et les enseignants Pistes de gestion, Bruxelles, p. 1. http://www.comitedevigilance.be/IMG/pdf/secret_professionel_enseigants.pdf

[12] AGERS, op.cit., p. 5.

[13] AGERS, op.cit., p. 9.

[14] C. VILLEE, op.cit.

[15] C. VILLEE, op.cit, p. 23.

[16] Consulté ce 6 mai 2019.

[18] Consulté ce 6 mai 2019.

[20] SeGEC, Collaboration école-centre PMS : le secret professionnel et le devoir de discrétion, Newsletter n°90 de novembre 2018. http://enseignement.catholique.be/libreavous/Libre_a_vous_90.htm

[22] Article 96 du Décret définissant les missions prioritaires de l'enseignement fondamental et de l'enseignement secondaire et organisant les structures propres à les atteindre. https://www.gallilex.cfwb.be/document/pdf/21557_010.pdf

[23] Institutions publiques de protection de la jeunesse.

[24] Conseil supérieur des centres psycho-médico-sociaux, Les Centres P.M.S. et le secret professionnel. « Vingt fois sur le métier et remettez votre ouvrage », avis n° 37, mars 2014. file:///C:/Users/anne/Downloads/CSCPMS%20-%20Avis%20n%C2%B0037%20-%20Conseil%20superieur%20des%20Centres%20P.M.S.%20-%20les%20centres%20P.M.S.%20et%20le%20secret%20profe%20(ressource%2010665)%20(4).pdf

[25] T. MOREAU, op.cit., p. 34.

[26] Article 1382 du Code Civil.

[27] T. MOREAU, op. cit., p. 34.

[30] Promotion de la santé à l’école.

[31] SOS FAMILLE ET HELMO, Mal-traité èmoi, Manuel de l’enseignant niveau secondaire, Liège, 2012, p. 11.

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