Analyse UFAPEC Mai 2012 par B. Loriers

14.12/ Quelle est la place des relations sociales dans la dynamique motivationnelle de l’élève ?

Introduction

Une des préoccupations majeures de notre mouvement parental est la lutte contre l’échec scolaire, or la réussite de l’élève dépend notamment de sa motivation à apprendre. Les questions de (dé)motivation scolaire sont l’objet de défis pour l’environnement éducatif de l’élève[1], mais aussi pour l’élève lui-même. La motivation à apprendre est une histoire d’interactions entre des facteurs individuels propres à l’élève, et des facteurs contextuels. Loin d’être exhaustive, cette analyse offre quelques pistes de réflexion en tentant d’approcher les objectifs sociaux qui interviennent dans la dynamique motivationnelle des élèves. Le fait de se sentir en harmonie avec les autres serait-il une des clés de la réussite scolaire ?

Pourquoi apprendre ?

Etymologiquement, le terme motivation a pour origine « movere », qui signifie mettre en mouvement, pousser à. On peut être motivé à apprendre pour être compétent, performant dans tel ou tel domaine. L’élève peut aussi vouloir apprendre pourdémontrer son niveau par rapport aux autres, dans un souci de compétition. L’apprenant peut aussi réaliser certaines tâches scolaires pour le plaisir d’apprendre, bonheur que connaît bien l’autodidacte.                                                                                                                                                                                                                                      L’élève peut aussi être motivé pour réaliser ses tâches scolaires dans un but de reconnaissance sociale, pour être accepté par les autres, se faire des amis, se montrer coopératif avec les enseignants.

Un enfant serait motivé dans la mesure où il sent, souvent inconsciemment, que les situations scolaires lui permettent de satisfaire trois besoins fondamentaux[2] :

  • Besoin de compétence : est-ce que je fais tout ce qu’il faut pour réussir ? est-ce que je suis à la hauteur dans mes apprentissages ?
  • Besoin de lien social : est-ce que je me sens bien dans mes relations avec les autres ?
  • Besoin d’autonomie : est-ce que je travaille à l’école parce que cela m’intéresse ou pour faire plaisir à mes parents, au prof ?

Pour Roland Viau[3], les sources de motivation les plus importantes sont :

  • la perception qu’un élève a de la valeur de l’activité à accomplir ;
  • la perception qu’il a de sa compétence à la réussir ;
  • la perception de contrôle qu’il a en l’accomplissant.

Dimension sociale de la motivation à apprendre

Une des motivations de l’apprenant, correspondant à un besoin de lien social vu ci-dessus, peut aussi d’être accepté par ses pairs et son enseignant, d’avoir bonne réputation auprès de son entourage. Ces buts sociaux guident le comportement de l’apprenant, et les efforts que l’élève fournit dans ses interactions sociales influencent ses performances scolaires[4]. Comment expliquer ce lien ? Faire des efforts avec les autres, comprendre leurs émotions, leur donner des conseils, ou parfois même trouver une issue à un conflit, demandent certaines capacités comme l’anticipation ou l’écoute. Ce sont des habiletés identiques qui sont sollicitées pour réaliser les activités scolaires. Ce qui peut expliquer qu’un enfant qui « sait s’y prendre » avec les autres est aussi un enfant qui réussit mieux en classe[5].

Nombreux enseignants apprécient les élèves qui coopèrent, partagent avec les autres, qui ont du répondant, qui se plient aux règles de la classe, etc. Voilà des compétences qui participent à la socialisation de l’élève. Les relations prof-élève jouent un rôle dans la motivation, et donc dans la réussite de l’apprenant. Les élèves de faible niveau scolaire se caractérisent plus souvent par un manque ou une absence d’effort pour se confronter à certaines règles du « jeu scolaire »[6]. Côté élèves, certains nous racontent qu’ils travaillent mieux pour un enseignant qu’ils estiment. D’autre part, ils fourniront moins d’énergie dans leur tâche scolaire pour un prof qu’ils considèrent comme incompétent. L’affectivité joue un rôle important dans la motivation à apprendre : certains enfants auront besoin d’être dans une relation affective avec l’enseignant, et travailleront afin de maintenir cette bonne relation.

Relations entre élèves et motivation

Julien est populaire et va à l’école uniquement pour les récrés, mais Marie, timide, a horreur des moments libres à l’école, elle fuit les contacts avec les autres élèves … Concernant ses relations avec ses pairs, un enfant qui a des copains et qui est populaire est souvent plus motivé qu’un enfant isolé. Cet élève populaire ira plus facilement demander de l’aide auprès de ses pairs, sans crainte de se faire rabrouer.

De plus certains élèves peuvent être motivés à réussir parce qu’ils ont envie de suivre leur groupe-classe l’année suivante. Ils sont pris dans une dynamique de réussite pour continuer dans la même année que leurs copains.

Pour l’enfant impopulaire, les soucis relationnels peuvent occuper une bonne part de ses ressources cognitives, l’amenant à consacrer moins d’attention aux tâches scolaires, ce qui affecte ses performances[7]. L’enfant rejeté par ses pairs risque d’abandonner plus vite les bancs de l’école.

Mais privilégier  ses relations avec les autres peut dans certains cas avoir des conséquences pernicieuses plus que salutaires sur les performances scolaires. Dans certains groupes d’adolescents notamment, les valeurs prônées sont en décalage avec celles de l’école : écouter au cours ou entretenir une relation positive avec l’enseignant est dévalorisé, et transgresser les règles constitue un passeport pour être accepté, même si cela va à l’encontre des acquisitions[8].

Pour les élèves, ce qui aide à être motivé est de se situer dans un environnement positif où les pairs trouvent un sens à leurs apprentissages et le chemin de la réussite scolaire. Cet environnement propice peut faire œuvre de contagion, et par émulation rendre du sens à l’élève démotivé. On détecte ici l’importance du groupe et des pairs chez les jeunes. C’est peut-être la raison pour laquelle certains parents sont attentifs à choisir des écoles où il y a un bon climat, une bonne entente et de bonnes relations entre élèves, et où le respect et la solidarité se vivent sur le terrain.

Des élèves témoignent que leur motivation à apprendre diminue dans une classe où il n’y a pas d’écoute mutuelle. Au bout d’un moment, l’élève décroche et s’isole au milieu du tintamarre.

Nous rencontrons de nombreux enseignants qui possèdent cette capacité d’encourager les compétences relationnelles entre élèves. Certains enseignants ont compris la priorité d’une bonne entente au sein de la classe et consacrent du temps à gérer les conflits, à susciter plus de respect, de cohésion, de solidarité entre élèves, notamment par des sorties, excursions et voyages avec la classe.

Gérer ses émotions pour des relations harmonieuses

Ce matin, Aurore n’avait pas la tête en classe, elle était préoccupée par la dispute qu’elle a entendue entre ses parents hier soir…La motivation à apprendre ne suffit pas toujours pour réussir, il faut aussi être capable notamment de maitriser ses émotions ?. On parle ici d’intelligence émotionnelle. Elle permet d’identifier et gérer ses émotions pour les utiliser positivement[9]. Pouvoir développer son intelligence émotionnelle, c’est maîtriser ses émotions et pouvoir différer la satisfaction de ses désirs, maintenir un équilibre émotionnel, être empathique et entretenir des relations harmonieuses avec les autres, savoir se motiver et faire preuve de persévérance malgré les difficultés à affronter. [10]

Pour Joseph Chbat, professeur canadien de philosophie, si les états émotionnels de l’élève sont positifs (maîtrise des pulsions, optimisme, espoir, rire), la performance de l’élève est alors meilleure et le succès plus assuré. Si, au contraire, ces états sont négatifs (’anxiété,  soucis, pessimisme), la performance est alors inférieure et l’échec survient.[11]

Confiance en soi grâce à son entourage ?

Nous nous investissons rarement dans des activités pour lesquelles  nous pensons que noschances de progrès ou de réussite sont faibles. La confiance en mes capacités d’apprendre dans un domaine est donc un élément crucial pour mon engagement dans ce domaine. Pour Benoît Galand[12], cette confiance en ses capacités a notamment comme source les messages de l’entourage concernant mes capacités dans un domaine : encouragements, attentes, félicitations, critiques, etc. Ces messages de parents et parfois d’enseignants fournissent des informations sur le niveau de compétence.

La confiance en mes capacités a comme autre source les performances d’autres personnes, surtout si elles me ressemblent en termes d’âge, de genre et de groupe d’appartenance. Les réalisations d’autrui peuvent avoir un double effet contrasté. D’une part, elles peuvent me servir de modèle m’indiquant des pistes d’améliorations possibles (« Ah, voilà comment il fait ! » « Si elle sait le faire, pourquoi pas moi ? »). Benoît Galand ajoute qu’ elles peuvent servir de point de comparaison m’indiquant où je me situe par rapport à d’autres. Mais des comparaisons défavorables répétées risquent d’ébranler ma confiance en moi. Trop de compétition peut nuire aux apprentissages et décourager les plus faibles.

Conclusion

Tout apprentissage nécessite une implication de l’apprenant, et les sources de la motivation sont propres à chaque élève et peuvent varier au fil des événements. Quoi qu’il en soit, quand l’enfant peut apprendre en intégrant ses envies, ses valeurs, ses besoins, son énergie peut être renforcée et il peut plus facilement emprunter le chemin de la réussite. Un de ses besoins est souvent d’être intégré parmi ses pairs, mais aussi être perçu positivement par ses enseignants, ses parents, bref par son entourage. À l’heure où le savoir-vivre ensemble est une priorité de l’école, aider à être bien avec les autres représente un enjeu important.

 

Bénédicte Loriers

 

 

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[1]LORIERS B., Quel est le rôle des parents dans la motivation à apprendre ?, Analyse UFAPEC décembre 2011, et LORIERS B., La motivation en contexte scolaire : quel est le rôle de l’école ?, Analyse UFAPEC mars 2012.

[2]FILISETTI L., WENTZEL K., Motivation sociale et apprentissage : les enjeux liés aux buts sociaux des élèves, in GALAND B., BOURGEOIS E. (sous la direction de), (Se) motiver à apprendre,  Presses universitaires de France, 2006, p.80.

[3]VIAU R., La motivation en contexte scolaire : les résultats de la recherche en quinze questions, in Revue Vie pédagogique, n°115, avril et mai 2000, p.5 à 8.

[4]FORD M., Effects of social stimulus value on academic achievement and social competence, in Journal of educational psychology, n°6, 1984.

[5]FILISETTI L., WENTZEL K., Motivation sociale et apprentissage : les enjeux liés aux buts sociaux des élèves, in GALAND B., BOURGEOIS E. (sous la direction de), (Se) motiver à apprendre,  Presses universitaires de France, 2006, p.78.

[6] Ibidem.

[7] Ibidem.

[8] Ibidem.

[9] HOUSSONLOGE D., L’intelligence émotionnelle, une des clés de la réussite scolaire, Analyse UFAPEC janvier 2012.

[10] Mélanie Germain et Nicole Royer, L’intelligence émotionnelle. EduTIC Mauricie, Université du Québec à Trois-Rivières. http://www2.uqtr.ca/hee/site_1/index.php?no_fiche=1298

[11] CHBAT J. , professeur au Collège André-Grasset, L’intelligence émotionnelle selon Daniel Goleman. – Montréal - http://www.cvm.qc.ca/aqpc/Auteurs/Chbat,%20Joseph/Chbat,%20%20Joseph%20(15,3).pdf

[12] GALAND B., Même les ânes ont soif de quelque chose, in Revue Traces, n°200, Pourquoi on apprend ?, avril 2011.

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