Analyse UFAPEC août 2015 par A. Pierard

14.15/ L’inclusion des enfants ayant un handicap dans les activités de loisirs

Introduction

Les activités de loisirs jouent un rôle important dans le développement de l’enfant : acquisition de savoirs, rencontre de l’autre, apprentissages variés, développement de capacités et de valeurs, citoyenneté… Dans ce sens, comme le précise la Convention internationale relative aux droits de l’enfant, tout enfant a « droit au repos et aux loisirs, de se livrer au jeu et à des activités récréatives propres à son âge et de participer librement à la vie culturelle et artistique.[1] ». Qu’en est-il du respect de ce droit pour les enfants ayant un handicap ?

Aux côtés de l’enseignement, les activités de loisirs sportives, culturelles, artistiques… ont effectivement une place dans l’éducation des enfants. L’intégration d’enfants ayant un handicap dans le groupe lors de ces activités permettrait l’ouverture et la sensibilisation au handicap des enfants par le partage d’activités communes, mais donnerait aussi sa place à l’enfant ayant un handicap de manière plus générale dans notre société. Les activités de loisirs sont un lieu de socialisation et d’épanouissement personnel et se doivent donc d’être accessibles à tous. Concrètement, l’inclusion demande des adaptations en matière d’accessibilité des lieux, de formation des encadrants, de contenu des activités proposées… Un accompagnement et une sensibilisation sont-ils nécessaires auprès des animateurs et des familles pour inclure les enfants avec handicap ? Qu’est ce qui est mis en place pour accueillir les enfants ayant un handicap dans les activités de loisirs ? Quelle adaptation de ces activités est faite pour s’ouvrir à la différence ? Quels bénéfices les enfants (ayant un handicap ou non) peuvent-ils retirer de cette expérience ?

Inclusion extrascolaire

Il y a une différence à faire entre le fait d’intégrer ou d’inclure quelqu’un. Intégrer, c’est partir de la personne et l’accepter en lui demandant de s’adapter au milieu qui l’accueille, de « rentrer dans le moule ». « L’Intégration : est un " processus qui consiste à favoriser l’adaptation de la personne en situation de handicap, dans un milieu ordinaire : ses comportements doivent correspondre aux normes et aux valeurs sociales dominantes et la personne en situation de handicap doit développer des stratégies pour être reconnue comme les autres".[2] ». C’est par exemple accepter la présence d’un enfant ayant un handicap physique dans un groupe de mouvement de jeunesse sans proposer d’adaptation pour les activités plus sportives où il restera sur le côté.

Inclure, c’est permettre à la personne de venir parmi les autres, en adaptant le milieu pour accepter sa différence et répondre à ses besoins particuliers. « L’Inclusion: est un "processus dialectique où d’un côté la personne en situation de handicap cherche à s’adapter le plus possible aux normes sociales, et de l’autre, les normes sociales s’adaptent pour accepter les différences : développement de stratégies par lesquelles chaque population, avec ses spécificités, devrait trouver sa place".[3] ». C’est par exemple accepter ce même enfant ayant un handicap physique dans un groupe de mouvement de jeunesse en préparant les grandes balades pour passer par des chemins accessibles en chaise roulante, en lui donnant un rôle d’arbitre lors d’activités sportives, en organisant une course en chaise roulante…

L’intégration dans les activités de loisirs, comme nous l’entendons, c’est de l’inclusion extrascolaire. Nous rejoignons donc la définition donnée par Rose Eboko qui dit que « L’inclusion extrascolaire c’est accueillir des enfants en situation de handicap au sein de milieux d’accueil extrascolaire non spécialisé, avec des enfants du même âge et n’ayant pas de handicap.[4] ». L’inclusion signifie que l’enfant appartient au groupe. Elle permet la rencontre en acceptant la différence et en tenant compte des spécificités de chacun. Il y a un pas à faire dans les deux sens. Le milieu d’accueil et le groupe s’ouvrent, s’adaptent pour inclure l’enfant ayant un handicap et celui-ci développe un savoir-être, accepte ses capacités et ses limites pour s’intégrer au mieux.

Expériences d’inclusion

A la base de projets d’inclusion, l’on peut retrouver un milieu qui se veut accueillant envers la différence ou des parents qui recherchent l’épanouissement de leur enfant et sa socialisation par les activités de loisirs, parfois celles où sont présents les frères et sœurs. La pratique de l’inclusion sera différente selon les projets. Elle est fonction du milieu d’accueil, de sa réflexion sur le sujet, de sa préparation mais aussi de l’enfant intégré, de son handicap, de sa sociabilité… De plus, il peut s’agir d’une inclusion collective ou individuelle, ce qui pourra aussi avoir un impact sur la dynamique du groupe.

Même si on vit dans une société qui prône de plus en plus l’inclusion, tous les lieux de loisirs de sont pas forcément dans une logique d’intégration et accessibles pour tous. Il n’est donc pas toujours facile pour les parents de trouver une activité de loisirs pour leur enfant ayant un handicap. Il faut encore sensibiliser à l’inclusion des personnes handicapées et parfois accompagner les animateurs et encadrants dans cette optique (comme le fait l’ASBL Badje présentée en annexe). Quelle est la responsabilité des pouvoirs locaux à ce niveau ? Les communes devraient-elles mettre des choses en place dans ce sens ?

Vous trouverez en annexe des exemples d’intégration possible dans les activités de loisirs. Ces exemples ne constituent pas une liste exhaustive. L’inclusion peut se penser dans les mouvements de jeunesse, les activités ludiques, les activités sportives, les activités artistiques et culturelles… selon les limitations de l’enfant par son handicap mais avant tout selon ses envies afin que l’activité soit source de plaisir, d’épanouissement personnel, de découverte, de rencontre…

Bénéfices de l’inclusion

L’inclusion extra-scolaire est bénéfique pour les différentes parties concernées de par la rencontre, l’expérience d’ouverture et de découverte de l’autre et le développement de valeurs comme le respect, la tolérance, l’entraide et la fraternité.

Le premier concerné est l’enfant ayant un handicap. « L’inclusion offre plus d’occasions à l’enfant de faire partie intégrante de la société, d’être reconnu avant tout comme un enfant au sein d’un groupe de pairs sans besoins particuliers. L’inclusion permet à l’enfant à besoins spécifiques d’améliorer sa communication, ses compétences, son autonomie et ses qualités relationnelles avec tous les enfants. L’inclusion lui permet aussi d’élargir ses connaissances du monde qui l’entoure.[5] »Ses qualités, ses compétences et ses potentialités sont reconnues car il est considéré comme un enfant à part entière. L’inclusion extrascolaire est pour les enfants ayant un handicap « Une manière d’avoir une vie sociale de se faire des copains comme leurs frères et sœurs. C’est une source de joie pour la majorité d’entre eux.[6] »

Témoignage de Juliette, adolescente de 15 ans atteinte d’une invalidité motrice cérébrale : Le samedi après-midi, Juliette s’accorde toutefois le temps de participer à un mouvement de jeunesse. « C’est ma respiration. C’est le seul moment où je suis bien, où je suis heureuse, ressent-elle. Et le dimanche, bah !, je bosse, je bosse pour l’école. » Dans le cadre de son mouvement de jeunesse, Juliette fait du théâtre. « J’adore ça !, sourit-elle, les yeux brillants. J’ai même déjà monté ma propre pièce de théâtre. Quand je joue, je suis à l’aise, je ne bégaie pas. ». [7]

Cette ouverture à la différence est pour les autres enfants du groupe source d’égalité, d’équité, de respect de chacun dans sa spécificité et leur permet de construire un regard positif et de développer de nouveaux savoirs face au handicap. Ils apprennent la tolérance, l’entraide, la solidarité… « Les enfants sont confrontés à la différence et peuvent plus facilement acquérir des attitudes plus ouvertes, accepter les différences individuelles et développer plus de tolérance. Ils peuvent mieux comprendre le handicap en le côtoyant et ainsi le démystifier.[8] »

Témoignage d’enfant : Dans mon groupe, il y a un enfant handicapé, il n’est pas comme nous mais il est gentil. [9]

Rencontrer et comprendre la différence de l’autre et ses implications permet aussi aux enfants d’accepter leurs propres faiblesses et limites dans un cadre qui tient compte des besoins de chacun.[10]

Témoignage d’animateur : Lorsqu’on accueille un enfant handicapé dans notre groupe, on se rend compte que la plupart des enfants font face au handicap pour la première fois, cela leur permet de devenir plus indulgents et d’accepter les autres malgré leur différence. [11]

Les professionnels et/ou bénévoles encadrant l’activité peuvent aussi retirer beaucoup de cette expérience : valorisation de leur action, rencontre, développement de leurs compétences professionnelles, ouverture, adaptation des pratiques…

Témoignage d’organisateur : Cette réflexion autour de l’intégration d’un enfant handicapé dans notre structure nous a permis de repenser nos pratiques professionnelles, impulsant une nouvelle dynamique au sein de notre équipe pédagogique. [12]

Pour les parents aussi l’inclusion peut être vécue positivement : reconnaissance de leur enfant dans son intégrité, temps de répit… Ils sont heureux de voir leur enfant intégré, épanoui au sein du groupe.

Témoignage de parents : Notre fille a toujours été bien accueillie par les chefs comme par les autres animés. Ce qui nous a beaucoup plu, c’est que certains chefs et certaines guides étaient particulièrement attentifs à elle.[13]

La promotion de la diversité défendue dans les projets d’inclusion extrascolaire est source d’enrichissement pour tous. L’inclusion extrascolaire permet une sensibilisation, la démystification du handicap par la rencontre, l’acceptation et le respect de la différence. Elle favorise les liens entre enfants handicapés ou non qui peuvent jouer, vivre et grandir ensemble. L’inclusion est source pour tous d’épanouissement et d’accomplissement personnel.

Témoignages d’enfants :

> Je comprends pas parce qu’elle veut jouer à tous les jeux en même temps mais je joue quand même avec elle. J’avais peur la première fois mais maintenant non.

> J’aime bien Robin parce qu’il est super marrant. Il a pas vraiment de différence, c’est parce que lui je l’aime bien pour certaines choses et d’autres pour d’autres choses.

> Il faut les accepter comme ils sont, c’est pas leur faute ![14]

Freins à l’inclusion

Même si elle peut apporter les bénéfices évoqués (et d’autres, la liste n’est pas exhaustive) quand elle est réussie, l’inclusion extrascolaire n’est pas toujours facile à mettre en place. Divers éléments peuvent constituer des obstacles à la mise en place et à la réussite d’un projet d’inclusion dans les activités de loisirs :

  • le regard sur le handicap et la différence ;
  • le manque d’information auprès des encadrants, des autres enfants et de leurs parents ;
  • les craintes et oppositions suscitées par ce manque d’information ;
  • le manque d’ouverture et/ou de formation de certains encadrants ;
  • l’accessibilité des lieux et/ou de l’activité.

Pour les encadrants, accueillir un enfant ayant un handicap au sein de l’activité nécessite d’être préparé, de pouvoir bénéficier de formations adaptées et, dans certains cas, d’être en plus grand nombre pour pouvoir accorder la présence et l’accompagnement nécessaire à cet enfant.[15]

Les comportements de l’enfant et du groupe peuvent aussi être des freins à l’inclusion. Si l’enfant ayant un handicap ne fait pas d’efforts pour aller vers les autres et s’intégrer au mieux au groupe ou si les autres ne sont pas ouverts à sa différence, le rejettent, l’inclusion sera difficile à mettre en place…

Au vu de ces freins à l’inclusion, il ressort qu’une intégration réussie doit être bien préparée avec les différentes parties. Les ingrédients essentiels pour la réussite du projet sont l’implication et la motivation de toute l’équipe encadrante mais aussi l’information et l’acceptation, l’ouverture des enfants et de leurs parents. L’adhésion de tous est nécessaire pour la réussite d’un projet d’inclusion.

Conclusion

Penser l’inclusion extrascolaire, c’est s’ouvrir à la différence, proposer des aménagements, adapter l’environnement et les animations afin de permettre la participation et l’épanouissement des enfants ayant un handicap par les activités de loisirs.

Pour une inclusion réussie, il semble essentiel d’impliquer parents et encadrants dans une logique de collaboration, de respecter les besoins et les limites de l’enfant tout en valorisant ses compétences et d’informer les différentes personnes concernées par l’activité en vue de l’adhésion de tous.

Dans une société qui se veut de plus en plus inclusive, il semble important de promouvoir l’accessibilité des activités de loisirs pour tous dans un esprit d’ouverture et de solidarité. C’est pourquoi l’UFAPEC prône le développement de l’inclusion extrascolaire afin de changer les regards, de s’enrichir mutuellement et de permettre la pleine participation et l’insertion sociale des personnes ayant un handicap dans le respect de la différence.

L’inclusion dans les activités de loisirs ouvre« une trajectoire qui contribuera à l’essor d’une société ouverte à la différence où les personnes en situation de handicap sont réellement prises en considération dans toutes leurs spécificités[16] ».

 

Alice Pierard

 

 

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[1]Article 31 de la Convention internationale relative aux droits de l’enfant de 1989.

[2]EBOKO Rose, « Place aux enfants à besoins spécifiques : l’inclusion des enfants handicapés », Analyse ASPH, 28 juillet 2014, p 6.

[3]EBOKO Rose, op cit., p 6.

[4]Idem, p 7.

[5]« Principe d’inclusion », Site internet d’Inclur, Organisme de formation qui regroupe des spécialistes de la Petite Enfance et du Handicap.

[6]DE LA GOUTTE Caroline, « Des loisirs, des danses et… des questions », Ombres & lumière, n°203, Fondation Office chrétien des personnes handicapées, p 11.

[7]BOCART Stéphanie, « Je veux montrer qu’on peut faire du théâtre même si on est handicapé », La Libre Belgique, lundi 17 novembre 2014, p 5.

[8]« Principe d’inclusion », op cit.

[9]D’QUAL, L'accueil d'enfants handicapés en structure de loisirs : Guide pratique à l'usage des organisateurs d'accueils de mineurs et de leurs équipes éducatives, p 6.

[10]« Principe d’inclusion », op cit.

[11]D’QUAL, op cit., p 6.

[12]Idem.

[13]FASTREZ Anne-Charlotte, Billet d’humeur « Scoutisme et handicap : une richesse pour chacun », revue Les parents et l’école, N°73, UFAPEC, décembre 2011, p 4.

[15]« Principe d’inclusion », op cit.

[16]EBOKO Rose, op cit., p7. 

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