Analyse UFAPEC 2011 par D. Moret

15.11/ Les voyages forment la jeunesse. Les programmes d’échanges interculturels et linguistiques

 Introduction

Tout au long de la scolarité, l’apprentissage des langues étrangères peut être complété par des programmes d’échanges linguistiques organisés au sein de l’école ou en dehors via des organismes agréés. L’objectif poursuivi est généralement double : découvrir une autre culture et approfondir ou s’initier à une nouvelle langue. La Communauté française propose aux écoles différents projets assortis de bourses pour les financer. Cette analyse n’a pas l’ambition d’être exhaustive mais d’éclairer les parents sur les opportunités d’échanges possibles dans le fondamental et le secondaire. En quoi consiste ces projets, qui peut en bénéficier et qu’apportent-ils aux enfants, seront les principales questions posées.

Les programmes d’échange européens

La Communauté française participe à un vaste programme européen d’échanges entre pays partenaires qui permet aux élèves du maternel, du primaire, du secondaire, du supérieur et même à l’équipe éducative d’aller à la rencontre d’une autre culture dans le cadre scolaire.

Le programme pour l’éducation et la formation tout au long de la vie (Long Life Program) lancé en 2007 est la nouvelle stratégie intégrée de l’Union européenne créée en adéquation avec les enjeux et les ambitions de l’Europe en relation directe avec le citoyen. Ce nouveau programme lance de nouveaux défis et propose quatre sous-programmes : Comenius, Erasmus, Grundtvig et Leonardo da Vinci, ainsi qu’un programme transversal qui s’adresse aux directions d’école et à l’administration.

Le programme Erasmus accessible dans le supérieur est déjà bien connu du grand public. Depuis son lancement en 1987, il connaît un succès toujours grandissant permettant aux étudiants européens de participer à un programme d’immersion dans une école supérieure ou une université dans un des 32 pays partenaires[1]. Grâce aux bourses européennes d’un montant de 415 millions d’euros, 213.000 étudiants sont partis à l’étranger en Erasmus pendant l’année académique 2010-2011[2]. Depuis sa création, deux millions et demi de jeunes ont déjà vécu l’expérience répondant ainsi à une demande croissante de nouvelles exigences dans le milieu du travail.

Comenius pourrait être considéré comme l’équivalent de l’Erasmus mais pour les plus jeunes et essentiellement dans des projets de classe. Créé lui en 2007, il est accessible à toutes les écoles de la Communauté française de la maternelle au secondaire et propose aux enfants et aux enseignants de développer leurs connaissances et leur compréhension de la diversité des cultures et des langues européennes.

Léonardo da Vinci permet aux élèves de l’enseignement technique et professionnel la participation à des stages à l’étranger.

Le programme Grundtvig s’intéresse plus particulièrement aux formations professionnelles pour adultes.

Comenius sous la loupe

Objectifs

Le programme Comenius a pour objectif premier de promouvoir la compréhension des différentes cultures européennes par le biais d’échanges et de projets de coopération entre des écoles de différents pays. En développant dès leur plus jeune âge de nouvelles compétences, il donne aux jeunes les outils pour développer une citoyenneté européenne active.

Quelques chiffres

Chaque année, en Europe, Comenius relie 11.000 établissements, 100.000 enseignants et 750.000 élèves.

En Communauté française, actuellement une centaine d'écoles participent à ce programme permettant à pas moins de 9.000 élèves et près de 700 professeurs de bénéficier ou de s’impliquer dans un projet européen.

En pratique

Ces échanges se font sous la forme de partenariats scolaires entre élèves et enseignants de pays européens autour d’une thématique choisie en commun : arts, sciences, langues, développement durable, patrimoine culturel, lutte contre l’échec scolaire,… Idéalement, les activités du projet sont intégrées au programme scolaire des élèves qui y participent. Les équipes pédagogiques de différents établissements européens s’engagent pour 2 ans dans une collaboration autour d’un projet commun et se rencontrent pour échanger lors de réunions et de visites.

Ces partenariats peuvent être de deux sortes :
  • Soit multilatéral,il s’agit d’élaborer un projet impliquant au moins trois pays participants. Il n’y a pas spécialement une mobilité des élèves.
  • Soit bilatéral, il s’adresse alors aux écoles secondaires et il propose des projets à orientation linguistique comportant deux échanges réciproques de classes d’une durée minimale de 10 jours chacun.

L’eTwinning ou le jumelage via le net[3]

L’opération eTwinning est une des actions du programme Comenius qui aide les enseignants de l’enseignement fondamental et secondaire à mettre sur pied des échanges à distance à l’aide des technologies de l’information et de la communication (TIC), entre, au minimum, une classe d’ici et une autre classe d’un des autres pays européens participants.

L'action eTwinning poursuit les objectifs du Comenius ainsi que le développement de compétences en matière de nouvelles technologies. Elle s’adresse aux élèves de tous les établissements de l’enseignement obligatoire, fondamental et secondaire organisé ou subventionné par la Communauté française, tous réseaux, niveaux, types et formes d’enseignement.

Les échanges peuvent être mis sur pied à l’initiative du chef d’établissement, d’un ou de plusieurs enseignants de n’importe quelle discipline ou de tout autre membre du personnel éducatif, à travers n’importe quel thème ou discipline, à n’importe quel moment de l’année, pour n’importe quelle durée. A partir du moment ou un partenariat est conclu avec une école en Europe, il peut s’ouvrir à n’importe quel autre partenaire en Belgique ou dans le monde.

Evaluation de l’impact

On le voit, les opportunités sont multiples et offrent aux classes qui le souhaitent des moyens pour s’ouvrir à d’autres cultures principalement européennes. Mais quand on regarde de plus près les chiffres, on pourrait se demander pourquoi sur 2000 écoles en Communauté française, seulement une centaine y participe ! Selon Suzy Vercammen, chargée de mission Comenius à la Communauté française, même si le programme est en croissance chaque année, seulement 75% du budget est utilisé car les demandes ne sont pas assez nombreuses. Un tiers des dossiers sont refusés en raison de la qualité du projet ou du refus du partenaire proposé. La mise en place de ces programmes nécessite un investissement en temps de la part des équipes éducatives souvent bénévolement.

En 2008, près de 8000 enseignants européens ont répondu à une enquête sur l’impact des partenariats scolaires Comenius dans leur établissement[4]. 80% des enseignants ont remarqué un gain d’intérêt des élèves pour d’autres pays et cultures. Plus de 75% des élèves sont plus motivés pour apprendre des langues étrangères ; 62% ont fortement amélioré leurs compétences en anglais et 23% dans une autre langue. Plus de 70% des élèves ont amélioré leurs compétences sociales et leur aptitude à travailler en équipe et deux tiers leurs compétences dans les TIC, leur confiance en eux et leur autonomie. L’étude a révélé que les partenariats Comenius ont amélioré le climat d’apprentissage dans 60% des cas.

A propos de l’eTwinning, le bureau d’assistance européen a mené également une enquête auprès des participants[5]. 1308 réponses valides ont été enregistrées. Il ressort que la gestion du temps et les compétences en TIC sont les principaux obstacles et défis rencontrés (autour des 25%) et que par contre le manque de soutien des élèves ou des parents viennent en dernière position (moins de 4%). Par ailleurs, dans 25% des projets, les parents ont été impliqués. Concernant l’impact sur les enseignants, il ressort dans 80% des cas une amélioration de leurs compétences en langues, en TIC et de façon générale de leur pratique d’enseignant. La découverte de nouvelles méthodes et d’autres systèmes scolaires sont bénéfiques pour leurs cours mais se répercutent également sur les élèves en augmentant leur motivation, sur les relations qu’ils entretiennent avec leurs profs, et développent leur autonomie et leurs compétences d’apprentissage. Bref, tout le monde en sort grandi !

La mobilité individuelle[6], la nouveauté de 2011 !

A partir de la rentrée de 2011, des élèves de l’enseignement secondaire âgés d’au moins 14 ans pourront passer tout ou partie de leur année scolaire dans une école et une famille d’accueil à l’étranger, pendant minimum 3 mois et maximum une année scolaire. 17 pays européens participent à l’action : Autriche, Belgique, Danemark, Espagne, Estonie, Finlande, France, Italie, Liechtenstein, Lettonie, Luxembourg, Norvège, Pologne, République tchèque, Slovaquie, Slovénie, Suède.

Ce programme n’est accessible qu’aux élèves d’écoles qui ont été partenaires dans un même partenariat scolaire Comenius (multilatéral ou bilatéral) depuis 2000.[7] Ce sont les écoles qui sélectionnent les candidats au départ. Pour la première édition, ils sont 13 à avoir été choisis au sein de deux écoles. Agés de 16 et 17 ans, ils partiront pour 3 mois vers le Luxembourg, l’Italie, l’Espagne ou l’Autriche. Accueillis par une famille dans le pays d’accueil, ils suivront les cours selon un programme qui aura été convenu au préalable entre l’école d’envoi et l’école d’accueil. En janvier ce sont leurs homologues étrangers qui seront accueillis en Belgique.

Cette nouvelle possibilité est très importante car elle permettra à l’avenir à l’instar d’autres pays de valider une année complète effectuée à l’étranger. Grâce à ce programme, les adolescents intéressés par une expérience scolaire à l’étranger pourront réellement s’immerger dans une autre culture pendant leur cursus et non plus à la fin de leur scolarité en faisant une « seconde rhéto ». La mobilité individuelle de Comenius, si elle se développe, permettra une réelle démocratisation des échanges et un accès à des publics plus diversifiés. Le programme prend l’ensemble des frais en charge, les élèves sont suivis pédagogiquement par un professeur tuteur à l’étranger et un professeur de référence dans sa propre école. Etant donné la difficulté de suivre des cours dans une langue étrangères, ce sont plutôt les compétences acquises qui seront valorisées et serviront de référence pour la réussite de l’année.

Echanges intercommunautaires

Les programmes Comenius doivent impliquer des écoles de pays différents et donc ne sont pas possibles entre nos trois communautés. Le Fonds Prince Philippe[8] offre des bourses aux écoles qui mettent sur pied des projets entre francophones, néerlandophones ou germanophones dont l'objectif est à la fois linguistique et culturel et développent chez les participants un esprit d'ouverture et de tolérance.

Programmes d’immersion individuels

A côté des programmes subsidiés par différents fonds, il existe également des associations reconnues par la Communauté française[9] qui proposent de partir à la découverte d’autres cultures via des programmes qui s’insèrent également dans le cursus scolaire. Il est en effet actuellement possible de partir de 6 à 14 semaines en 4e ou 5e secondaire suivre les cours dans une école d’un pays européen. La démarche d’inscription est individuelle et même s’il existe sous certaines conditions des possibilités d’aide financière, le coût de la participation est totalement à charge des parents. D’autre part, l’expérience implique une réciprocité d’accueil et de la part de l’élève de récupérer la matière non vue par ses propres moyens.

Une initiative originale

L’association de parents du collège Saint Hubert de Watermael Boitsfort a répondu positivement à une offre d’échanges lancé par un papa gantois. Il a fallu plus d’une année pour construire ce projet, le proposer au conseil de participation, aux élèves et à leurs parents et au final ce sont 7 élèves de cinquième secondaire francophones et 4 élèves néerlandophones qui ont échangé leur place pendant trois semaines. Une expérience riche, qui en raison de l’accueil bénévole et de l’organisation prise en charge par l’AP n’a rien couté aux participants. Une initiative positive comme le confirment les témoignages de ces deux participants.

« J’ai amélioré ma compréhension orale du néerlandais malgré l’accent gantois qui n’est pas des plus faciles à comprendre. Si ce projet-pilote se refait l’année prochaine, ce que j’espère profondément, j’encourage un maximum de personnes à y participer, même si le rattrapage scolaire demande un effort. » Julien

« La première semaine, c’est la découverte d’une nouvelle école, avec une autre façon de penser que la nôtre, une école beaucoup plus grande, avec uniforme vert imposé….En d’autres mots, c’est le choc culturel ! Pour moi, la troisième semaine était de loin la plus chouette. On s’entendait bien avec les gens de notre classe, on a fait plus ample connaissance avec plus de monde, on ne se perdait plus dans l’école (ça m’est arrivé, hé oui !) Je suis le seul (malheureusement pour les autres) à être resté les week-ends et c’était génial ! D’abord parce que j’ai appris à mieux connaître ma super famille d’accueil, en faisant plein d’activités différentes, en visitant Gand et même en travaillant dans le jardin ! Mais aussi parce que je pense que j’ai bien amélioré mon néerlandais durant ces week-ends en parlant beaucoup avec ma maman d’accueil. » Elliott

Le point de vue de l’UFAPEC

L’UFAPEC ne peut qu’encourager la participation des écoles aux programmes proposés par la Communauté française dans le cadre de Comenius. Les apports sont multiples et essentiels. D’une part, l’amélioration des compétences linguistiques ou du moins un éveil aux langues avec un impact certain sur la motivation à apprendre. D’autre part, l’apport culturel et l’ouverture à d’autres modes de vies, modes de pensées et par là-même une éducation à la citoyenneté.

Ces échanges devraient être intégrés dans les programmes des écoles et reconnus par les politiques afin que toutes les écoles puissent y accéder.

Conclusion

Compléter l’apprentissage formel des langues par des contacts avec des jeunes d’autres cultures est certainement profitable pour l’ensemble des acteurs de l’éducation, tant les enseignants que les élèves. Bien sûr, cela demande un investissement en temps et des efforts  et tous les professeurs ne sont pas prêts à le prendre sur leur temps libre.

Dégager du temps sur les horaires et intégrer les projets dans les heures pourraient être une option et montreraient de la part des autorités un intérêt pour le développement d’une citoyenneté européenne active.

Il nous a semblé que trop peu de parents étaient au courant des opportunités offertes aux écoles et que peut-être une collaboration plus étroite entre parents et enseignants pourraient aboutir à ce que plus de projets voient le jour. A charge des parents de se faire entendre et de proposer leur aide pour des projets Comenius ou de développer des projets originaux comme l’a fait le Collège Saint-Hubert.

 
Dominique Moret 

 

 

 

Désireux d’en savoir plus ?
Animation, conférence, table ronde... n’hésitez pas à nous contacter
Nous sommes à votre service pour organiser des activités sur cette thématique.



[1] Les 27 États membres plus la Croatie, l'Islande, le Lichtenstein, la Norvège et la Turquie. La Suisse sera le 33ème pays participant à Erasmus dès 2011. http://ec.europa.eu/education/news/news2958_fr.htm

[2] SOREE Anaïs, Erasmus, toujours un succès, L’écho, 7 juin 2011, /www.lecho.be/nieuws/archief/Erasmus-_toujours_un_succes-.9067250-1802.art?highlight=erasmus&ckc=1

[4] Partenariat scolaire Comenius, Guide destiné aux établissements scolaires, Communautés européennes, 2008

[5] Bureau d’Assistance européen pour eTwinning, Au-delà des projets scolaires, rapport eTwinning 2008-2009, sept. 2008

[9] Circulaire n°00698 du 02/12/2003, actuellement AFS et YFU sont reconnus en tant qu’organismes de coordination. http://www.adm.cfwb.be/upload/docs/785_20031202_161644.pdf

Vous désirez recevoir nos lettres d'information ?

Inscrivez-vous !
En poursuivant votre navigation sur ce site, vous acceptez l'utilisation de Cookies pour vous proposer des publicités adaptées à vos centres d'intérêts, pour réaliser des statistiques de navigation, et pour faciliter le partage d'information sur les réseaux sociaux. Pour en savoir plus et paramétrer les cookies,
OK