Analyse UFAPEC août 2015 par A. Pierard

15.15/ Le vécu du handicap à l’adolescence

Introduction

L’adolescence est une période importante de la vie de chacun. Ceci car elle est source de changements : transformations physiques et psychiques, irruption de la sexualité, construction de soi… le jeune s’épanouit, devient un adulte. L’adolescent apprend à se connaitre à travers ses pairs et les adultes qui l’entourent (parents, enseignants…) qui sont pour lui des repères, des personnes de confiance. Dans cette phase de découverte de soi, il est amené à faire des choix : études et métier, amitiés et relations, loisirs…

Ce moment clef de la vie n’est pas toujours facile à vivre, qui plus est quand on a un handicap. L’insertion sociale du jeune ayant un handicap n’est pas gagnée d’avance car il ne rentre pas dans la norme et a donc du mal à s’identifier à ses pairs. Dans sa recherche d’appartenance au groupe et de ressemblance aux pairs, l’adolescent est confronté à son handicap et doit accepter sa différence qui fait partie de son identité propre.

Désir d’intégration et d’autonomie, frustration, rejet, perte d’estime de soi, découragement, angoisses… L’adolescent ayant un handicap peut vivre un mal-être, doit se construire en acceptant sa différence et ses implications.

Dans le processus de construction de soi et de recherche de reconnaissance sociale enclenché à l’adolescence, quel vécu du jeune ayant un handicap ? Quelle construction de soi à l’adolescence quand on a un handicap ? Quelle prise de conscience et acceptation de sa différence ? Quelle estime de soi pour l’adolescent ayant un handicap ?

Adolescence et handicap

L’adolescent ayant un handicap n’a pas choisi d’être différent. Il voudrait d’ailleurs entrer dans le moule de la normalité pour s’intégrer plus facilement et appartenir au groupe. Il comprend, en se comparant aux autres et en subissant leurs regards interrogatifs et craintifs sur sa différence, qu’il n’est pas un adolescent « normal ».

C’est pourtant dans le regard des autres que l’adolescent se construit.« Lors de l’adolescence, le regard des autres est primordial. Pour une personne en situation de handicap visible, assumer sa différence est loin d’être évident et cela peut être source d’un certain mal-être. L’image de soi peut être durement entamée et devenir alors une source de dévalorisation, de doute, et tout cela ajoute parfois à la difficulté de pouvoir se confronter aux autres et de participer socialement à la vie quotidienne.[1] »

Le regard porté sur le handicap dans notre société individualiste, prônant la norme et la performance et encore trop peu inclusive, peut être pour le jeune ayant un handicap source de sentiment de rejet, de frustration et de révolte mais est avant tout source de questionnement. « En entrant dans l’adolescence, tu prends la mesure de ton handicap et de ses conséquences. Et petit à petit, c’est dans le regard des autres que tu perçois la différence. C’est aussi le moment des premières craintes: la peur de grandir, d’être confronté/e à l’autre, d’être rejeté/e… Surgissent alors des questions: dans quelle école pourras-tu suivre les cours? Vas-tu retrouver des amis? Est-ce que tu vas rencontrer un/e amoureux/se? Est-ce qu’on parviendra à s’intéresser à toi, au-delà de ta différence? Il faut bien l’avouer, ta recherche d’identité rencontre des obstacles bien spécifiques: les stéréotypes, les peurs et aussi la connerie! La faute à qui? À l’ignorance! Dans notre société, la différence, ça fiche la trouille et donc ça crée l’exclusion. Alors, tu te sens peut-être obligé/e de crier plus fort que les autres, de prouver davantage ta valeur. Ou au contraire tu te fais tout/e petit/e… S’accepter n’est facile pour personne, encore moins pour toi peut-être, mais c’est le travail de toute une vie. Tu as donc encore pas mal de temps devant toi pour y travailler! Oui, mais comment?[2] »

Importance des parents et adultes de confiance

A l’adolescence, les attentes de la société envers le jeune sont plus importantes mais elles sont loin d’être naturelles pour lui. Cela peut générer un sentiment de rejet, une perte d’estime de soi, du découragement, une augmentation du risque d’échec… De plus, les transformations physiques et psychiques lui posent question et peuvent être source d’angoisses. « Qu’est ce qui m’arrive ? » La prise de conscience de cette évolution personnelle est à l’origine de questionnement, de réflexion vers une acceptation de soi et de sa différence. Dans ce processus, le regard des proches est important et peut aider cette acceptation.

La recherche d’indépendance et les revendications de liberté liées à l’adolescence sont en contradiction avec la nécessité d’encadrement et de soutien dans la prise en charge du handicap. Comment faire pour concilier les deux ? Ce que les enfants ayant un handicap acceptaient comme traitement, soutien, encadrement auparavant risque d’être rejeté en bloc avec le désir d’autonomie de l’adolescence. Suivre un traitement médicamenteux, prendre du temps pour aller chez la logopède, un thérapeute… Tout cela peut devenir lourd surtout quand ils veulent être comme les autres, semblable à leurs pairs.

Le handicap interfère avec ou sur les libertés personnelle et le jeune va tester ses limites. D’où l’importance de la présence et du soutien des adultes de confiance (parents, enseignants, thérapeutes…). Ceux-ci peuvent accompagner le jeune en souffrance, trouver avec lui ce qui l’aidera à s’épanouir. Il est essentiel pour le jeune de trouver du soutien dans un des pôles : l’école, la famille et les amis. « Il est absolument indispensable d’aider un adolescent TDA/H qui vit des tensions dans les trois sphères principales de sa vie (famille, école, amis). Si dans aucun pôle, il ne peut se ressourcer, recharger ses batteries et réparer un tant soit peu son estime de soi, cela devient vraiment dangereux pour lui. D’où l’intérêt d’avoir une activité extra-scolaire dans laquelle il s’épanouit.[3] »

Le soutien apporté à l’adolescent peut prendre différentes formes :

  • l’aider à s’épanouir dans une activité extra-scolaire ;
  • bannir les étiquettes et apprendre à relativiser ;
  • susciter la motivation et développer la confiance en soi ;
  • valoriser ses compétences ;
  • développer la confiance en soi ;
  • fixer des petits objectifs, lâcher du lest petit à petit ;
  • permettre la discussion sur la différence.

Que dire à l’adolescent handicapé qui s’inquiète de sa non-normalité ? Si cette question surgit à l’adolescence, c’est sans doute que les parents tout au long de l’enfance ont nié le handicap, croyant et laissant croire à leur enfant qu’un jour il disparaitrait. Pourtant, c’est en portant très tôt un regard réaliste sur le handicap dont souffre leur enfant qu’ils lui donnent toutes les chances d’accéder à l’autonomie.[4]

Importance du groupe de pairs

Le groupe et le sentiment d’appartenance est un élément important dans le développement de tout adolescent et sa reconnaissance sociale. « L’échange avec d’autres adolescents du même âge est particulièrement important dans la période de la puberté. Les parents doivent faire confiance à leur enfant et le laisser inviter des amis ou se rendre chez d’autres adolescents du même âge. Le fait de mettre son enfant dans une association sportive, culturelle ou de l’intégrer dans les ULIS[5], peut être profitable. Les adolescents ont ainsi l’occasion d’y nouer des contacts et d’apprendre à mieux se connaitre.[6] » Si l’adolescent ayant un handicap ne trouve pas sa juste place dans un groupe de pairs, est rejeté par les autres, cela peut susciter divers sentiments et réactions négatifs : sentiment de rejet, frustration, révolte, perte d’estime de soi, attitudes défensives de repli, démotivation, dépression, contestation gratuite et incessante…

Le relationnel et l’inscription dans un groupe (avec des adolescents valides pour un sentiment d’intégration et/ou des adolescents ayant un handicap pour une compréhension et un soutien mutuels) va prendre des formes différentes selon l’adolescent, ses capacités, sa sociabilité, ses affinités, ses limites…« Une personne en situation de handicap, aura tendance à avoir deux sentiments, l’un serait l’envie de se faire plein d’amis, l’autre serait d’éviter toutes les relations pour ne pas souffrir, en considérant que tous les échecs relationnels, amicaux ou amoureux, sont liés à son handicap. Il est important d’apprendre à mieux s’aimer, en acceptant ses imperfections et en les relativisant, en essayant de s’entourer de personnes aimantes qui vous apprécient, en cultivant des pensées positives et valorisantes sur soi ; en prenant soin de son image et de sa façon de s’habiller en fonction de sa personnalité.[7] »

Difficile acceptation de sa différence

Quel que soit le handicap (mental, physique, sensoriel), l’adolescent doit faire un cheminement pas toujours facile dans l’acceptation de sa différence pour s’épanouir, se sentir bien dans sa peau.

Les adolescents ayant un handicap physique éprouveront plus de difficultés  à accepter leur corps et le regard des autres sur celui-ci. « L’image qu’a d’elle-même une jeune personne handicapée est plus altérée par un handicap visible sans limitation fonctionnelle que par un handicap invisible avec limitation fonctionnelle.[8] »

Un handicap non visible n’est pas facile à accepter non plus. Même si le regard des autres n’est pas centré sur sa différence car elle n’est pas apparente (un handicap mental léger ou modéré par exemple), le jeune pourrait se sentir mal en se comparant aux autres et en ayant à expliquer sa différence pour la faire connaitre et comprendre. « Si la victimisation par les pairs s’accompagne de plus de déclarations de symptômes dépressifs, anxiété sociale, solitude et problèmes de comportement, cet effet est plus important en cas d’affection non visible. Pour expliquer cette constatation, les auteurs émettent l’hypothèse que « comparés aux enfants sans signes visibles, ceux présentant d’évidentes différences reçoivent peut-être plus de soutien et de guidance de la part des parents, enseignants et camarades... ».[9] »

Plus le handicap est léger, plus il sera difficile à faire accepter par les autres et donc à accepter soi-même car la comparaison à la normalité est forte et demande d’y correspondre au mieux, d’entrer dans le moule. « Un paradoxe veut même que plus l’écart par rapport à la norme est grand, plus la comparaison avec la normalité est inepte et plus l’acceptation de cet état semble facilitée. En revanche, plus l’écart est réduit, plus il est potentiellement source de souffrance. La comparaison avec la normalité devient en effet pertinente, suscite, et dans certains cas exige une incessante et épuisante compétition anxieuse avec les adolescents « normaux ».[10] »

Conclusion

Dans sa recherche d’autonomie et de construction de soi, l’adolescent ayant un handicap a besoin encore plus que tout autre adolescent du soutien des adultes de confiance. Ses parents, enseignants et thérapeutes peuvent l’aider à se défaire de la surprotection, à lutter contre les barrières, à prendre conscience de ses aptitudes et compétences et à se lancer. L’adolescent va pouvoir développer la confiance en lui dans le regard de ses proches.

Pour s’épanouir, le jeune ayant un handicap doit pouvoir apprivoiser son corps, accepter sa différence, apprendre à vivre avec son handicap pour s’épanouir, se débrouiller seul, être acteur de sa vie.

A l’adolescence, la famille, les pairs et l’école ont un rôle à jouer auprès du jeune. La présence et le soutien de chacun sont essentiels pour l’adolescent ayant un handicap. Les parents sont les premières personnes de référence du jeune. Dans ce sens, l’UFAPEC soutient les parents dans leur rôle parfois complexe et difficile mais essentiel dans la construction de l’adolescent en restant dans l’écoute, l’attention, la communication, le soutien, la reconnaissance et la confiance.

Ces jeunes peuvent devenir des adultes responsables et faire de belles choses comme tout adolescent. Faisons leur confiance et encourageons-les dans leur construction identitaire. Dans ce sens, l’UFAPEC invite à généraliser à tout handicap ce que nous prônions déjà au sujet des adolescents TDA/H sous la plume d’Anne Floor : « Encadrer l’adolescent, l’encourager, le pousser vers une autonomie de plus en plus grande, c’est le travail de tout parent, de tout enseignant, de tout éducateur. Mais quand l’adolescent est aussi TDA/H, il est important d’en tenir compte, de revoir ses exigences en fonction de ce dont il est capable à ce moment-là. Avancer pas à pas, par étapes successives va exiger énormément d’énergie tant à l’adolescent qu’aux adultes qui l’éduquent. L’UFAPEC souhaite que ces parents puissent être écoutés dans ce qu’ils vivent avec leur enfant plutôt que d’être jugés préalablement comme étant des parents trop permissifs, dépassés…Et cela passe en priorité par une information professionnelle, objective et scientifique. Les groupes de paroles pour enfants, adolescents, parents et adultes TDA/H méritent d’être multipliés un peu partout dans le pays, leurs effets positifs témoignent de leur utilité.[11] »

L’UFAPEC défend l’idée qu’il ne faut pas entrer dans le jeu d’une société trop normative qui exclut les différences au nom d’une soi-disant égalité, mais plutôt être aux côtés des adolescents ayant un handicap dans leur processus de construction identitaire afin de leur donner leur place dans nos écoles, nos familles, nos bureaux… dans notre société qui a tout à gagner à s’ouvrir à la diversité.

 

Alice Pierard

 

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[1]MATTEI Yoann, « Adolescence et handicap, une transition délicate », sur HANDImarseille, le portail du handicap à Marseille, http://www.handimarseille.fr/le-magazine/societe/article/une-construction-identitaire

[2]« Le handicap, une autre façon d’être »,sur douzquinz.be, guide d’information généraliste destiné aux jeunes de 12 à 15 ans en Communauté française de Belgique, http://www.douzquinz.be/moi-moi-moi/se-sentir-bien-dans-son-corps/le-handicap-une-autre-facon-detre/

[3]FLOOR Anne, Pourquoi le TDA/H est-il encore plus difficile à vivre à l’adolescence ?, Analyse UFAPEC N°07.13, 2013, p 4.

[4]RUFO Marcel et SCHILTE Christine, Votre ado, Livre Hachette, 2003, p 231.

[5]En France, les ULIS (unités localisées pour l'inclusion scolaire) accueillent, au sein de certains collèges ou de certains lycées généraux, technologiques ou professionnels, les préadolescents ou adolescents dont le handicap a été reconnu.

[6]MATTEI Yoann, op cit.

[7]Idem.

[8]ALVIN Patrick, « Maladie et handicap à l'adolescence : le visible et le non-visible », in Enfances & Psy 2006/3 (n°32), p 28.

[9]Idem, p 30.

[10]Idem, p 32.

[11]FLOOR Anne, op cit., p 9.

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