Analyse UFAPEC septembre 2016 par A. Pierard

16.16/ Orientation abusive dans l'enseignement spécialisé ?

Introduction

Un certain nombre d’enfants sont orientés dans l’enseignement spécialisé alors qu’ils ne devraient pas forcément s’y retrouver. Il s’agit d’enfants de milieux populaire et précarisé, d’enfants issus de l’immigration, de primo-arrivants, mais aussi d’enfants placés en institution ou en famille d’accueil. Ces enfants sont principalement orientés sur base de leur situation socio-économique, en invoquant un handicap "social", dans les types 1 (retard mental léger), 3 (troubles du comportement) et 8 (troubles d’apprentissages). Ce sont des enfants vulnérables. Certains ne maitrisent pas la langue d'enseignement. Ils ont un vécu particulier, voire traumatisant. Ce vécu peut être source de difficultés scolaires et de comportements difficiles qui les conduit, selon les cas, à une orientation rapide dans l’enseignement spécialisé. Faudrait-il revoir les conditions d'orientation dans l'enseignement spécialisé et permettre à l'enseignement ordinaire d'accueillir convenablement et de garder en son sein ces élèves vulnérables ?

"En 15 ans, le nombre d'élèves intégrés dans le spécialisé a augmenté de 24 % dans le fondamental (maternel et primaire) et de 20 % dans le secondaire.[1]" Il y aurait confusion entre troubles d'apprentissages et difficultés scolaires liées à un milieu socioculturel modeste. Est-ce réellement la place de ces enfants de se retrouver en classe parmi des élèves ayant un handicap mental, de réels troubles du comportement ou d’apprentissage ? L'orientation de ces enfants dans l'enseignement spécialisé serait-elle abusive ? Pourquoi les enseignants et les Centres PMS en viennent-ils à opter pour cette orientation ? Est-ce une solution de facilité ? Le font-ils de bonne foi en croyant donner une seconde chance à ces enfants ? Quelle place et quelle parole pour les parents dans cette situation ? C'est à toutes ces questions que nous voulons essayer de répondre.

L’orientation dans le système actuel

  • Des chiffres

Le rapport de juin 2015 de McKinsey & Company, établi dans le cadre du Pacte pour un enseignement d'excellence, fait part d'un "lien très fort qui existe entre origine socio-économique et orientation vers le spécialisé : les 25 % des élèves issus des quartiers les moins favorisés d’un point de vue socio-économique (1er quartile d’ISE[2]) sont trois fois plus représentés dans le spécialisé que les élèves issus du quartile d’ISE le plus favorisé. L’iniquité liée à l’ISE des élèves est déjà présente dès l’enseignement fondamental, tant au niveau des résultats aux évaluations externes, que du retard scolaire. Ainsi, les élèves d’origine modeste accumulent plus de retard dès la 1ère primaire, avec 88 % d’élèves à l’heure pour le quartile d’ISE le plus faible contre 96 % pour le quartile d’ISE le plus élevé. Cet écart se renforce dans les années suivantes.[3]"

Le rapport soulève que l'origine socio-économique influence de façon importante le parcours des élèves. L'orientation dans l'enseignement spécialisé n'est qu'un des éléments soulevés à ce sujet, comme le présente le tableau ci-dessous.[4]

Tableau Influence de l'indice socio-économique sur le parcours scolaire

 

En parallèle, Alice Romainville, géographe membre de l'Observatoire belge des inégalités, "a épluché les statistiques relatives à cet enseignement afin d’identifier l’origine sociale des élèves (…). D’une façon générale, sur cent enfants du « décile 1 » (les enfants les plus défavorisés), 5,62 % sont scolarisés dans le spécial[isé]. Sur cent enfants du « décile 10 » (les enfants les plus favorisés), la part tombe à… 1,53 %. Le plus troublant, c’est que la surreprésentation des enfants d’origines défavorisées se vérifie dans chacun des 8 « types » qui structurent l’enseignement spécialisé (…). Etonnant puisque ces troubles ne semblent pas pouvoir s’expliquer par l’environnement social de l’élève.[5]"

De manière générale, "l’enseignement spécialisé connaît une croissance de sa population ces dix dernières années (+16 %), supérieure en terme relatif à la croissance de la population scolaire totale (+5 %). En conséquence, la part d’élèves pris en charge dans le spécialisé par rapport au nombre total d’élèves a cru significativement (+12 %). Cette croissance est particulièrement marquée dans les types 1 (37 % de la croissance totale), 2 (30 %), 3 (17 %) et 8 (8 %)[6]".

Tableau évolution population dans enseignement spécialisé

 

Qu'est ce qui pourrait expliquer cette croissance de la population de l'enseignement spécialisé ? Le système actuel créerait-il de la ségrégation ?

  • Une réalité

Comme nous l'avons évoqué précédemment, McKinsey & Company met en évidence le lien entre l'orientation dans l'enseignement spécialisé et l'indice socio-économique. "Les élèves à ISE faible sont surreprésentés dans l’enseignement spécialisé avec 5.8 % d’élèves dans le spécialisé pour le quartile inférieur d’ISE contre 2.0 % d’élèves pour le quartile supérieur. Cela s’observe également par une concentration dans le spécialisé d’élèves à ISE faible à tout âge.[7]"

D'autres acteurs s'interrogent aussi sur la question et souhaitent du changement. Qu'est ce qui pourrait expliquer ce lien ? Plusieurs éléments seraient à prendre en considération :

  • Une dépendance au bon vouloir des équipes;
  • Des enseignants qui orientent plutôt que de mettre des mots sur les difficultés de leurs élèves et les aider;
  • Une considération du spécialisé comme la solution pour ces élèves;
  • Des parents qui ne s'opposent pas à l'avis des experts.

L'enseignement ordinaire croit ne pas pouvoir compenser ces difficultés alors que l'enseignement spécialisé ne répond pas aux besoins de ces enfants qui y prennent des places, au détriment de ceux qui en ont réellement besoin. Comment combiner ces deux réalités ?

Jean-Pierre Coenen, président de la Ligue des droits de l'enfant, est scandalisé par la situation. "Ces milliers d’élèves sont littéralement « jetés » de l’enseignement ordinaire alors qu’ils ont les compétences intellectuelles adéquates, mais ont le malheur de provenir de milieux sociaux défavorisés ou précarisés et pour lesquels les écoles ne parviennent pas – ou ne veulent pas – mettre des dispositifs pédagogiques visant la réussite de tous en place. L’enseignement spécialisé est trop souvent la voie de garage par laquelle l’enseignement ordinaire se débarrasse de ses élèves les plus en difficulté.[8]"

Pour ces élèves injustement orientés dans l'enseignement spécialisé, il est difficile d'envisager un retour dans l'enseignement ordinaire. "La difficulté de la réintégration des élèves issus de l’enseignement spécialisé de type 8 dans le secondaire avait été également soulignée, plus de 90 % des élèves fréquentant le type 8 n’obtenant pas leur CEB et étant orientés vers une première année secondaire différenciée, début d’un parcours aussi chaotique que discriminatoire. Plus interpellant, 39 % de ces élèves qui, nous le rappelons, n’ont absolument aucun handicap, se voient, chaque année, orientés en fin d’école primaire vers l’enseignement spécialisé secondaire de type 1, l’enseignement de type 8 n’existant pas en secondaire.[9]" Comment rendre possible le maintien ou le retour dans l'enseignement ordinaire pour le plus grand nombre ? Il semblerait judicieux de changer les pratiques pédagogiques afin de viser une réussite de tous les élèves, en tenant compte de ceux qui ont plus de difficultés, en permettant la mise en place des aménagements nécessaires.

Le neuro-pédiatre Denis Verheulpen appuie les propos de Jean-Pierre Coenen. "Souvent les enfants avec des difficultés scolaires non-spécifiques sont orientés vers l’enseignement spécialisé juste parce que c’est trop difficile pour les enseignants du secondaire qui ont devant eux des classes de trente ! Du coup, ces enfants se retrouvent dans un enseignement soi-disant adapté qui ne l’est pas du tout, qui n’apporte aucune solution au problème. Et, sans vouloir stigmatiser, il y a des centres PMS et des régions où c’est systématique.[10]"

Monique Couillard, animatrice d’ATD Quart Monde, nuance ces propos. Elle explique que "les enseignants ont beaucoup de mal à comprendre un milieu auquel au départ ils sont totalement étrangers et dont ils ne perçoivent pas les logiques, les ressorts profonds. Et donc, sans même qu’ils s’en rendent compte, l’enfant est mis complètement en porte-à-faux par rapport à l’école. Ce que ces enfants vivent n’a pas de place à l’école, n’est pas compréhensible pour les enseignants et donc, les enfants ne savent pas le dire, n’osent pas le dire"[11]. Voilà comment des difficultés dues à une non maitrise de la langue d'enseignement ou une situation familiale particulière peuvent aboutir à une orientation rapide dans l'enseignement spécialisé car ce sont des obstacles lourds de conséquences dans l'incompréhension entre l'école et ces familles.

Selon les professionnels de l'enseignement, l'enseignement spécialisé est LA solution face aux difficultés scolaires. L'orientation est censée dispenser aux enfants des instruments que l'enseignement ordinaire ne leur donne pas. "Ils proposent cette orientation pour répondre aux difficultés matérielles. On se dit: là, ils vont avoir plus de soutien, il y a du transport scolaire, il y a une meilleure prise en charge... C'est une réponse immédiate qui peut sembler adéquate mais qui en fait est tout à fait significative d'une incompréhension profonde de la réalité."[12]

Jean-Paul Leclercq, psychologue, directeur de centres de réadaptation ambulatoire (C.R.A.) va plus loin dans l'explication de la situation. "L’erreur résulte de la méconnaissance de ce que masquent les deux symptômes troubles d’apprentissage (type 8 aussi appelé troubles instrumentaux) et troubles du comportement (type 3). L’augmentation du nombre d’enfants intégrés dans le « spécialisé » est indéniable. (…) Dans nos C.R.A., aussi, nous assistons à une explosion des demandes de traitement. Il y a concomitance de cette explosion avec l’augmentation des orientations vers le « spécialisé ». Cette concomitance n’est pas fortuite et ouvre la compréhension de l’augmentation du nombre d’enfants orientés vers le « spécialisé », à défaut de pouvoir rester intégrés dans « l’ordinaire ». Dans nos C.R.A., il nous faut regarder derrière les symptômes. Ce regard, plus profond, moins superficiel, nous confronte à une très nette augmentation des enfants en « mal-être » psychique, voire affectés de troubles envahissants du développement. Il existe malheureusement de plus en plus d’enfants mal structurés psychiquement, souffrant de failles narcissiques, à l’identité mal assurée, aux fondations psychiques bancales. Ces enfants ne sont pas vraiment « mentalement retardés » (…). Ils sont perturbés dans leur développement et n’ont pas atteint « l’âge de raison » qui leur permettrait d’apprendre normalement. Ces perturbations psychologiques sous-jacentes aux symptômes que sont les troubles instrumentaux et les troubles du comportement sont trop souvent méconnues."[13] Il est important, selon lui, de tenir compte de l'hypercomplexité de l'humain et des mutations conjointes de la société, des familles et de la psychopathologie infanto-juvénile mais aussi de ne pas faire de généralisation abusive.

Maud Stiernet, responsable presse de la Porte Ouverte (Asbl des familles d'accueil de Fédération Wallonie-Bruxelles), rejoint ces propos. "L’expérience traumatique et psychologique de l’enfant joue. Cela est lié à un manque de stabilité, des difficultés à « fixer » des matières, etc. Quand il y a du changement (remplacement de l’enseignant, évènement familial, etc.), il y a une prise de l’émotionnel sur le cognitif. Quand la situation perdure, les enseignants ne savent alors plus faire avec et disent « on a fait tout ce qu’on a pu » en proposant l’orientation dans l’enseignement spécialisé. Que répliquer en tant que parent ? Si on répond qu’il fait des progrès à la maison, dans d’autres contextes, comment le prouver ? On pourrait demander une évaluation avec des éléments mesurables pour montrer que ce n’est pas le cognitif qui pose problème à la base, questionner le mental et la fragilité. Laisser l’enfant dans une école où il y a autant de pression, aussi demandeuse, sans aide effective proposée, ce serait malmener l’enfant. C’est la fragilité de l’enfant et son vécu personnel qui le rattrapent. On ne s’interroge pas assez quant à l’impact psychologique du changement d’école sur l’enfant fragilisé."[14]

Maud Stiernet paramètre le terme abusif. Selon elle, il faut tenir compte du nombre d'élèves concernés et des barrières supplémentaires pour les personnes de contact. Des parents d'accueil ou éducateurs n'ont pas l'autorité morale et peuvent donc difficilement agir. Il y a de la discrimination car dans ces cas l'enseignement spécialisé n'est pas toujours un choix et les parents n'ont pas tous les informations et les mêmes moyens et ressources pour faire face. Cette réalité est source de questionnement. Quelles armes donner à tout parent pour qu'il obtienne les mêmes chances pour ses enfants que pour tout autre enfant, indépendamment de ses ressources sociales, culturelles, économiques ? Il est primordial de penser l'égalité des chances des enfants dans notre système scolaire, mais aussi de permettre à tout parent d'avoir les ressources et les informations pour jouer pleinement son rôle dans le cadre scolaire.

Bernard Devos, Délégué Général aux Droits de l'Enfant en Fédération Wallonie-Bruxelles, considère cette réalité inacceptable. "C'est d'une lâcheté incroyable ! Imaginez qu'on tolère aujourd'hui un système scolaire qui est supposé apporter des réponses de qualité à tous les enfants et qu'on relègue - disons les choses comme elles sont - des enfants qui ne souffrent d'aucun handicap dans une forme d'enseignement qui devrait être réservé exclusivement à des enfants souffrant de handicap ! C'est un scandale, il n'y a pas d'autres termes."[15]

Une mise en question du système

Des politiques se sont emparés du sujet. Des députés ont interrogé la ministre en charge de l'enseignement, entre autres:

  • Véronique Cornet et Gilles Mouyard (MR) ont questionné Marie-Martine Schyns en septembre 2013;
  • Christie Morreale (PS) a questionné Joëlle Milquet en juin 2015 et mars 2016.

Tous trois évoquent une surreprésentation des plus pauvres dans l'enseignement spécialisé, les conséquences négatives sur la suite de leur parcours et la nécessité de revoir la politique pour lutter contre l'orientation abusive et donner les mêmes chances de réussite à tous.

Les ministres ont toutes les deux évoqué des actions mises et à mettre en place (intégration, plan dyslexie, décolâge, pass inclusion, etc.) et un soutien à l'implémentation de bonnes pratiques pour améliorer la situation. Le cabinet ministériel est effectivement depuis plusieurs années dans une optique d'une école plus inclusive.

Un premier pas : revoir les conditions d’orientation dans les types 1, 3 et 8

La récente modification du décret organisant l'enseignement spécialisé[16] nous invite à repenser le soutien au parcours scolaire des élèves à besoins spécifiques dans l’enseignement ordinaire et la pertinence du passage de certains dans l’enseignement spécialisé, y compris dans le cadre de l’intégration. Cette modification du 14 juillet 2015 redéfinit les conditions d’orientation dans l’enseignement spécialisé et demande un renforcement de l’accompagnement des élèves ayant des troubles d’apprentissages dans l’enseignement ordinaire afin de favoriser un enseignement plus inclusif.

Article 12 § 1er : Pour les types 1, 3 et 8, le rapport d'inscription doit notamment décrire, le cas échéant, selon les modalités fixées par le gouvernement, l'accompagnement et les aménagements raisonnables mis en place dans l'Enseignement ordinaire et démontrer que ceux-ci se sont révélés insuffisants pour assurer un apprentissage adapté aux besoins spécifiques de l'élève. Un manque de maîtrise de la langue de l'enseignement ou l'appartenance à un milieu social défavorisé ne constitue pas un motif suffisant d'orientation vers l'enseignement spécialisé. [Inséré par D. 14-07-2015]

Après une année scolaire, quels sont les effets de la modification décrétale ? Les modalités ont-elles été fixées par le gouvernement ? Quelles sont-elles ?

Des questions soulevées par la modification décrétale restent actuellement sans réponse :

  • Qui détermine que tout a été mis en place et que cela s'avère insuffisant ? Quelle objectivité et quelle neutralité sont possibles à ce niveau ?
  • Qu'est-ce qu'on propose à ces enfants qu'on n'oriente plus ?

Joëlle Milquet répondait à Christie Morreale la questionnant sur la mise en pratique de cette modification décrétale en mars dernier que "le problème des modalités pratiques sera bientôt réglé. Je vais en effet proposer au gouvernement des modalités qui reposeront sur des réflexions menées par les acteurs du Pacte et qui demandent, en amont, de définir toutes les notions abordées. Qu’est-ce qu’un aménagement raisonnable? Quels sont ceux qui sont obligatoires ou conseillés? Comment les mettre pratiquement en place? Que recouvrent les notions de besoins spécifiques et de handicap? Les définitions sont très importantes. Par ailleurs, nous devons pouvoir fournir l’outillage nécessaire aux équipes pédagogiques."[17]

Nous sommes à l'UFAPEC favorables à cette modification décrétale qui remet en question l'orientation dans l'enseignement spécialisé. Il est, selon nous, effectivement important de repérer les difficultés des élèves et de mettre les moyens (accompagnement et aménagements raisonnables) en place pour leur permettre de poursuivre leur scolarité dans les meilleures conditions. Il ne faudrait pas non plus que rien ne soit fait pour ces enfants en difficulté parce qu'on les maintiendrait dans l'enseignement ordinaire…

Encore du chemin à parcourir…

  • Un soutien et une attention dès l’enseignement maternel

Les difficultés d’apprentissages pouvant apparaitre dès le début de la scolarité, il est nécessaire de porter une attention particulière à l’ensemble des élèves dès le maternel et tout au long de leur parcours scolaire. "Dans le cadre de l’école de la réussite pour tous, l’école maternelle représente un enjeu social et scolaire de taille : apprentissage du français, base de tous les apprentissages, mais aussi construction de soi et socialisation de l’enfant… L’enseignement maternel est la clé de l’accrochage scolaire des élèves, tout spécialement des élèves moins à l’aise avec le système scolaire. Parmi ces élèves, on retrouve une grande majorité d’élèves de milieux précarisés, d’origine immigrée ou non."[18] C’est en pensant à ces enfants-là que l’UFAPEC réclame, dans son Mémorandum de 2014, d’avancer l’obligation scolaire à 5 ans ; notamment pour permettre "de tisser des liens de confiance entre les familles et l’école"[19] au plus tôt.

  • L’intégration et une Ecole inclusive

L'intégration, instaurée depuis 2009, permet de rester dans l'enseignement ordinaire et de bénéficier d'une aide supplémentaire venant de l'enseignement spécialisé. L'idée est de donner des outils à l'enseignement ordinaire pour permettre à l’enfant en difficulté de progresser en même temps que tous les autres. L’intégration est à promouvoir, car elle est bénéfique pour tous.[20]

Par l'intégration, la mise en place d'aménagements raisonnables, un accompagnement adapté, etc., il est tout à fait envisageable d'être dans une Ecole plus inclusive. "L’intégration scolaire est l’avenir de l’Ecole. Chaque enfant a des compétences qu’il faut pouvoir pousser à leur maximum et cela ne peut se faire que dans un cadre coopératif, où tous les élèves, par-delà leurs différences, vont progresser ensemble afin d’un jour, pouvoir participer, toujours ensemble, à la construction d’une société inclusive et basée sur plus de justice."[21]

  • Une formation des enseignants à revoir

L'enseignant devrait acquérir lors de sa formation les compétences et ressources nécessaire pour faire face aux réalités du terrain. C'est pourquoi l'UFAPEC demande de "repenser la formation initiale des enseignants pour mieux coller à la réalité des classes et des écoles (…) [et] permettre à l’enseignant de déceler les difficultés (dont les troubles de l’apprentissage) rencontrées par ses élèves. Il faut former les enseignants à différentes formes de remédiation."[22]

  • Une meilleure information aux parents

McKinsey & Company le soulève, "certains parents, en particulier issus de milieux défavorisés, n’osent pas s’opposer à l’avis d’«experts», tels que les enseignants et les agents CPMS quand ceux-ci émettent un avis en faveur d’une orientation de leur enfant vers l’enseignement spécialisé."[23]

Il faut informer les parents de leurs droits, leur montrer le poids de leur décision pour leur permettre de trouver de l'aide et se faire conseiller afin de s'opposer à des orientations abusives.

Conclusion

Comme le montre, entre autres, le rapport de McKinsey et Company, il y a une réelle corrélation entre milieu de vie et orientation dans les types 1, 3 et 8 de l'enseignement spécialisé. Les enfants vulnérables ayant un vécu personnel source de difficultés scolaires sont injustement orientés dans l'enseignement spécialisé qui ne répond pas à leurs besoins.

Plutôt que de continuer à croire que l'enseignement spécialisé est la panacée et en faire une voie de garage pour ces enfants, il faut adapter l'enseignement ordinaire pour offrir des chances égales de réussite pour tous.

L'enseignement spécialisé est un enseignement adapté aux élèves à besoins spécifiques qui entrent dans les conditions des différents types. Pour les autres, l'enseignement ordinaire doit mettre en place un accompagnement approprié et des aménagements raisonnables pour un parcours scolaire positif et une réelle inclusion sociale de tous.

 

 

 

Alice Pierard

 

 


[1] Infor Jeunes Laeken, « L’enseignement spécialisé : orientation », p 2.

[2] Indice socio-économique par quartier.

[3] McKinsey & Company, Contribuer au diagnostic du système scolaire en FWB, Rapport dans le cadre du Pacte pour un enseignement d’excellence, 10 juin 2015, p 54.

[4] McKinsey & Company, op cit, p 56.

[5] BOUILLON Pierre, "Les pauvres sont surreprésentés dans l'enseignement spécialisé", in Le Soir, publié le 15 avril 2015.

[6] McKinsey & Company, op cit, p 174.

[7] McKinsey & Company, op cit, p 176.

[8] Ligue des droits de l'enfant, "Orientation abusive vers l'enseignement spécialisé", 1 février 2015.

[9] Idem.

[10] JANSSENS Françoise, "Martine va à l'école spécialisée", publié le 27 avril 2015.

[11] LEONARD Sophie, Viva For Life: les enfants précarisés discriminés à l'école, In RTBF.be, publié le 17 décembre 2015.

[12] LEONARD Sophie, op cit.

[13] LECLERQ Jean-Paul, "Nos enfants méritent mieux que des amalgames et des caricatures idéologiques", in Le Soir, publié le 17 septembre 2013.

[14] Extrait de l’entretien réalisé le 11 juillet. Pour l’entretien complet, voir en annexe.

[15] LEONARD Sophie, op cit.

[16] Pour accéder au décret dans son entièreté : http://www.gallilex.cfwb.be/document/pdf/28737_022.pdf

[17] Parlement de la Communauté française, Compte rendu intégral de la Commission de l'Education, séance du lundi 7 mars 2016, p 10.

[18] HOUSSONLOGE Dominique, Mieux accompagner les élèves précarisés en maternelle par une approche interculturelle et sociale de l'enseignement, Analyse UFAPEC N°32.15, décembre 2015, p 3.

[19] UFAPEC, Mémorandum 2014, p 9.

[20] Pour plus d’informations sur l’intégration, voir PIERARD Alice, L’intégration scolaire des élèves  à besoins spécifiques : six ans après le décret, où en est-on ?, Analyse UFAPEC N°08.15, juin 2015.

[21] Ligue des droits de l'enfant, "Orientation abusive vers l'enseignement spécialisé", 1 février 2015.

[22] UFAPEC, Mémorandum 2014, p 24.

[23] McKinsey & Company, op cit, p 179.

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