Analyse UFAPEC septembre 2015 par A. Floor

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17.15/ Enjeux d’une communication positive avec nos élèves, avec nos enfants

Introduction

Elever les enfants, enseigner aux enfants, c’est les porter vers le meilleur d’eux-mêmes. La parole peut être bienfaisante, motivante ou au contraire humiliante, destructrice, paralysante pour un être en construction comme un enfant ou un adolescent. Nous adultes savons tous pour l’avoir vécu combien il peut être difficile de dépasser les images négatives que les autres peuvent nous renvoyer. La confiance en soi est mise à mal, la peur de l’erreur paralyse ou provoque de nouvelles maladresses.  Il faut du temps, des renforcements positifs, de petites victoires pour oser à nouveau et ce surtout si l’on est en situation d’apprentissage. Comment guider l’enfant, donner un cadre à l’élève sans en venir à le paralyser et à lui faire perdre foi en ses compétences ? Comment trouver l’équilibre entre une parole qui construit, qui met en mouvement tout en mettant un cadre et en incitant à l’effort ? Faut-il apprendre à nos enfants à accepter les propos humiliants d’autres (pairs, adultes, enseignants) sous prétexte que la vie est dure et qu’il faut qu’ils apprennent ? Ou au contraire, en leur apprenant à refuser l’humiliation et le non-respect des autres à leur égard, ne leur donne-t-on pas une chance de développer eux-mêmes, à l’égard des autres, respect et bienveillance ? 

Apprendre, c’est se mettre en danger

Nous avons tous appris : à parler, à marcher, à écrire, … cela fait partie du processus de la vie. Les êtres humains ne peuvent survivre sans apprendre. Et pourtant, rien n’est plus complexe, plus fragile, plus incontrôlable que les processus d’apprentissage. Il se dresse en effet sur le chemin de l’apprentissage toute une série d’obstacles dont un en particulier qui est très paralysant : la peur de l’échec.

Etat d’impuissance

Selon Philippe Perrenoud, pour apprendre, l’élève est, pour un temps variable d’un individu à l’autre, mis en état d’impuissance, d’échec : On ne peut apprendre sans tenter de faire ce qu’on ne sait pas faire, puisqu’il s’agit d’apprendre en le faisant, non seulement dans le registre des actions concrètes mais aussi dans celui des opérations intellectuelles. L’expérience de l’apprenant est donc celle de ses propres limites[1]. Si l’élève apprend vite, il sera motivé à expérimenter à nouveau l’acte d’apprendre car ses efforts ont été récompensés. Par contre, si le temps d’impuissance dure, si l’élève est en difficulté, il y a un grand risque qu’il en vienne à fuir les situations d’apprentissage qui sont, pour lui, sources d’humiliation.

Ceux qui apprennent vite et bien sont prêts à continuer, puisqu’ils y trouvent leur compte ; les risques d’échec et d’humiliation les effraient donc de moins en moins, sauf dans le cas pathologique d’un désir de perfection absolue et immédiate. Ceux qui apprennent lentement et laborieusement perdent au contraire l’envie d’apprendre, le coût émotionnel l’emporte sur les profits promis, d’ailleurs à long terme et sans certitude[2].

Besoin de sécurité

Bruno Bettelheim, psychanalyste et pédagogue américain, souligne l’importance du sentiment de sécurité dans les apprentissages : ce n’est qu’après avoir fait la preuve répétée dans différentes situations que sa sécurité n’est pas en danger au moment des activités d’exploration entreprises avec sa maîtresse, que l’enfant sera éventuellement capable de devenir actif. Mais d’abord il ne le sera qu’à proximité de personnes dont il sait qu’il peut leur faire confiance[3].

L’être humain ne peut donner le meilleur de lui-même que dans un lieu où il se sent accepté pour ce qu’il est avec ses forces et ses faiblesses, où il peut avancer à son propre rythme, dans un lieu où les relations humaines prennent sens.

Erreur = faute

Dans notre société et à l’école en particulier, l’erreur est connotée négativement, elle est contaminée par la notion de faute. Des points sont enlevés, l’erreur est soulignée en rouge et parfois accompagnée de points d’exclamation et  de commentaires négatifs et il arrive régulièrement que la copie ne soit pas corrigée en classe et que l’élève ne comprenne même pas où est l’erreur. Avec cette transmutation de l’erreur en faute, les apprentissages deviennent plus lourds à supporter car l’apprenant est obsédé par la peur de se tromper[4]Daniel Pennac expose avec brio et humour, dans son livre « Chagrin d’Ecole », ses esquives, ses tentatives désespérées pour éviter la faute :

Un jour je t’ai demandé quoi faire d’une fraction que tu avais sous les yeux. Tu m’as répondu automatiquement : « Il faut la réduire au dénominateur commun ! » Comme j’insistais : « Réfléchis un peu, Daniel, il n’y a là qu’une seule fraction, donc un seul dénominateur », tu t’es foutu en rogne : « C’est le prof qui l’a dit ; les fractions, faut les réduire au dénominateur commun ! » (…) Les mots du professeur ne sont que des bois flottants auxquels le mauvais élève s’accroche sur une rivière dont le courant l’entraîne vers les grandes chutes. Il répète ce qu’a dit le prof. Pas pour que ça ait du sens, pas pour que la règle s’incarne, non, pour être tiré d’affaire, momentanément, pour qu’ « on me lâche ». Ou qu’on m’aime. A tout prix[5].

Et même si la société entière est concernée par ce lien erreur-faute, par cette course à la performance, les enseignants peuvent cependant à leur échelle devenir un modèle d’adulte plausible auquel les élèves peuvent s’identifier et qui se substitue au modèle de l’adulte infaillible, de plus en plus difficile à incarner[6]Mais un tel changement modifie profondément le rapport au savoir et au pouvoir, notre société est-elle ouverte à un tel bouleversement ?

Savoirs non neutres

L’élève aborde certaines matières avec joie, avec un sentiment de maîtrise, d’autres avec appréhension. Dans certains cas, il est sur la défensive, dans la méfiance. Ses rapports aux savoirs se construisent tout au long de sa carrière d’élève et au fil de ses expériences.

Nul n’aborde un savoir sans représentations préalables, nous disent les didacticiens. Et nul n’aborde un savoir de façon neutre, en quelque sorte sans préjugés, nous disent les psychanalystes et les sociologues. « Encore des maths » exprime un rapport au savoir, de même que « Non, pas une recherche » ou « Je n’aime pas les énigmes »[7].

Mesnier[8] et Aumont[9] ont d’ailleurs observé chez certains enfants un blocage des mécanismes intellectuels dès qu’il y a  crainte, ennui, frustration, insécurité, peur. Il y a alors focalisation de l’apprenant sur ce qui lui manque et non sur ce qu’il possède[10].  

Le rapport positif ou négatif des enfants  aux  différents savoirs est aussi tributaire de ce qu’ils ont reçu comme message à la maison. Le moment des devoirs n’est pas toujours serein, il arrive que le parent se métamorphose en professeur particulier et qu’il perde son calme. Selon Bruno Humbeeck[11], l’énervement du parent peut bloquer chez l’enfant ses capacités d’apprentissage :

Pendant les devoirs, si l’enfant considère qu’apprendre met ses parents dans un état épouvantable, il va renoncer à apprendre et surtout, il va perdre l’aptitude à générer des endorphines au moment où il apprend quelque chose. Hurler des questions, en poser trois les unes à la suite des autres ou donner des questions et des réponses en même temps éteint toute activité cérébrale de l’enfant[12].

Pour l’enseignant, tout l’enjeu sera de faire évoluer ce rapport au savoir dans le cas où son élève a construit un rempart défensif, de la méfiance face à une discipline, une notion… Et pour le parent « énervé », tout le défi sera de céder la main à l’enseignant si un devoir ou une leçon pose problème, sans doute est-ce le signe que les connaissances ne sont pas acquises.

Pour Albert Bandura[13], le sentiment de croyance sur son auto-efficacité est à la base même de la motivation et du bien-être. Si les personnes ne sont pas convaincues d’arriver aux résultats qu’ils souhaitent grâce à leur propre action, ils seront peu motivés pour agir ou persévérer face aux difficultés. Selon Bandura, pour faire évoluer le sentiment d’efficacité personnelle de l’élève, il y a plusieurs voies complémentaires : la politique des petits pas, le renforcement positif et des feed-back appropriés.

Politique des petits pas

Il s’agira de combiner un objectif à long terme avec une série de sous-objectifs accessibles et fournissant des récompenses immédiates.

Nous avons rencontré Catherine Stevens lors d’un atelier consacré à l’estime de soi en milieu scolaire, atelier organisé par le SeGEC pendant l’Université d’été en 2010. Elle est éducatrice à l’Institut Saint-Joseph de Ciney et a suivi une formation en coaching qu’elle met en pratique depuis 1 an dans son école. Les entretiens sont ouverts à tous les élèves et le service est tout à fait gratuit.

Je pratique tout d’abord l’écoute active, je reformule ce qu’ils me disent et déjà en leur renvoyant ce qu’ils me disent d’eux-mêmes, bien souvent ils voient plus clair en eux.

Je vais ensuite les amener à se questionner sur eux-mêmes, sur leur potentiel afin qu’ils résolvent leurs propres problèmes. Qu’ont-ils fait dans le passé qui était porteur pour eux ? L’idée est vraiment de s’interroger sur sa manière de fonctionner propre afin de trouver dans le présent des clés pour se projeter dans l’avenir.

L’élève se fixe ensuite des objectifs réalisables à court terme, l’idée étant d’avancer par paliers. Les solutions ne viennent jamais du coach mais du jeune lui-même qui, par le processus du questionnement, se réapproprie ses outils. Il a juste besoin d’être soutenu dans sa démarche de changement. C’est pour cette raison que les rencontres se  font de manière très régulières en tout cas au début (une fois par semaine) pour s’espacer au fur et à mesure que le jeune se sent approcher de son objectif.

En tant que parent, nous pouvons aussi jouer un rôle d’apaisement face à un objectif de grande envergure en aidant l’enfant à procéder par étapes, à en lui donnant les outils pour s’organiser (planning, retour sur ce qui est déjà accompli, réflexion par rapport aux aides appropriées…). Un enfant qui, par exemple, est en échec scolaire dans plusieurs matières peut se fixer comme objectif de réussir dans deux matières pour le bulletin suivant.

Impacts des images négatives et renforcement positif

Se centrer sur les progrès plutôt que sur les résultats lointains sera particulièrement efficace pour les élèves qui n’ont aucune confiance en leurs capacités et qui ont donc besoin d’être régulièrement rassurés sur le fait qu’ils ont tout ce qui est nécessaire pour réussir. Ce regard valorisant est aussi en jeu dans l’esprit de la résilience : face à un enfant en difficulté, le tuteur de résilience considère l’enfant comme porteur de ressources personnelles et sociales, l’essentiel étant de l’aider à découvrir et à mobiliser ces ressources pour grandir. Les enseignants tuteurs de résilience ont l’art de valoriser les réussites[14]. Le regard valorisant d’un enseignant qui joue le rôle de tuteur induit une autre image pour un enfant en difficulté scolaire, intimidé ou en perte de confiance et pourrait modifier sa propre perception de lui-même et l’aiderait à retrouver un certain sentiment de compétence scolaire et /ou de sécurité intérieure. Achmed est soutenu par du tutorat en mathématiques et témoigne d’une confiance retrouvée en ses capacités :

Depuis que je fais un tutorat en math, j’ai aussi de meilleurs points dans d’autres cours, comme en économie, ma branche principale. Quand on n’est pas bon quelque part, on a aussi plus de mal à se concentrer dans d’autres cours et on finit par laisser tomber. Mais si on sent qu’on va réussir dans un cours difficile, on peut mieux se concentrer sur d’autres choses.  Maintenant j’envisage beaucoup plus de poursuivre mes études alors qu’avant, je pensais que je n’en serais pas capable. Parfois, j’ai envie d’étudier toute une journée[15].

Diane Finkelsztein et Pierre Ducros ont rédigé une étude portant sur l’enseignement par élèves-tuteurs comme moyen de lutte contre l’échec scolaire[16]. Ils tentent de démontrer  qu’en plaçant des enfants en situation d’échec scolaire grave dans un contexte où ils auront l’occasion de manifester leurs capacités de réussite, la spirale de l’échec sera interrompue. Au terme de multiples observations réalisées dans des classes, les auteurs formulent la conviction selon laquelle l’échec scolaire est intimement lié aux images pessimistes que se sont forgées les adultes à l’égard de certains élèves. Les enfants se conforment très vite à l’étiquette, à l’image qui leur est attribuée selon un processus systémique qui fait qu’une prévision se réalise. Un rapport de l’Institut de Recherche en Education de l’Université de Bourgogne démontre que les élèves en difficulté scolaire qui sont extraits des classes pour bénéficier de remédiation souffrent des effets d’étiquetage négatif associés à l’envoi en rééducation : l’élève qui en fait l’objet, mais aussi ses parents, l’enseignant et le psychologue lui-même finissent par se convaincre inconsciemment qu’il est un « mauvais » élève. Si bien que cette projection dans une image négative réussit à annihiler tous les efforts déployés pour l’aider[17].

Tout l’enjeu pour les parents comme pour les enseignants sera de résister à cette contamination du négatif et de mettre en avant les progrès, les réussites et ce aussi en dehors du scolaire. Pour son estime de soi, il est important que l’enfant en difficulté dans un domaine puisse vivre des réussites dans d’autres. Il apprend ainsi dans la sécurité physique et affective et dans le respect de soi et des autres, et façonne sa personnalité en étant fier de lui. S’il est par exemple en échec à l’école, on peut gager que de vivre une activité qui le renforce ou le connecte à un de ses talents, que ce soit dans un domaine sportif, artistique,… protégera un tant soit peu son estime de lui.

Feed-back appropriés et bulletins

Et la troisième vise à fournir des feed-back appropriés : lors de la remise des évaluations, des commentaires dans les bulletins ou par une attention différente… Un enseignant qui souligne la qualité du travail d’un élève facilite le développement du sentiment d’efficacité personnelle, contrairement à celui qui souligne la quantité de travail fourni sans référence à la qualité[18]. Dans leur étude portant sur « les commentaires dans les bulletins », Jean-Marie De Ketele et Geneviève Frères[19] se demandent quelle est la fonction principale du bulletin : outil de communication entre l’école et la famille ? Carnet qui acte simplement la réussite ou l’échec ? Simple relevé de points ? Il ne s’agit pas d’un réel outil de communication puisque celle-ci se fait dans un seul sens. En effet, aucune place n’est prévue pour que les parents puissent répondre ou formuler des questions. Il n’y a pas de case non plus pour l’élève, hormis parfois la possibilité de signer le bulletin. A côté des notes, des espaces sont prévus pour que les enseignants puissent y transcrire des commentaires. Les chercheurs ont observé que, pour bon nombre d’enseignants, l’échec et l’absence de progrès sont liés à un manque de travail. Or envisager le travail comme le seul remède face aux difficultés de l’élève, c’est le laisser seul face à celles-ci avec le danger que les lacunes s’amplifient. L’élève en difficulté est mis régulièrement sous pression avec l’espoir qu’il s’y mette alors qu’il a besoin d’encouragements plutôt que de critiques qui renforcent l’image déjà négative d’eux-mêmes.

J’étais une nullité scolaire et je n’avais jamais été que cela. Bien sûr le temps passerait, bien sûr la croissance, bien sûr les événements, bien sûr la vie, mais je traverserais cette existence sans aboutir jamais à aucun résultat. C’était beaucoup plus qu’une certitude, c’était moi. De cela, certains enfants se persuadent très vite, et s’ils ne trouvent personne pour les détromper, comme on ne peut vivre sans passion ils développent, faute de mieux, la passion de l’échec[20].

Les chercheurs épinglent aussi une tendance majoritaire dans les commentaires à rendre l’élève responsable de changement, c’est lui qui détient les clés pour s’en sortir. A la fois, ces commentaires sont porteurs d’espoir, aux yeux des enseignants, puisqu’il revient à l’élève de s’y mettre, par contre, ils sont culpabilisateurs aux yeux de l’élève qui se retrouve seul avec ses difficultés sans qu’une aide concrète ne soit formulée[21].

Or ce qui va faire évoluer l’élève en difficulté, ce sont précisément des explications sur ses difficultés pour l’aider à comprendre ce qui se passe et réfléchir ensemble à comment y remédier. L’élève a besoin de se doter d’une image positive pour évoluer mais celle-ci ne peut être invalidée par des appréciations qui seraient contradictoires avec les résultats obtenus, d’où l’importance, pour l’enseignant, de mettre en évidence les points positifs et les aspects sur lesquels on va travailler pour faire évoluer les choses[22]. Nous avons interviewé une enseignante[23] qui a suivi la formation personne-relais dyslexie et qui nous a expliqué combien cela a changé son regard sur les élèves en difficulté scolaire :

(…)  je crois sincèrement que le premier outil, c’est la bienveillance et de rester conscient des difficultés de l’élève, de ne pas tomber dans le travers de penser que c’est un gros profiteur ou un fainéant et de trouver chaque fois des petites choses qui peuvent l’aider. Sans estime de soi et confiance en ses capacités, pas d’apprentissage possible ! Je n’ai pas l’impression que cela demande beaucoup de travail en plus. Au niveau de la relation avec les parents, c’est la confiance qui prime. Personnellement, j’aime bien aussi entendre le vécu qu’ils ont avec l’enfant à la maison. On n’a qu’une facette de celui-ci ; on est incapable d’évaluer le temps qu’il passe sur ses cours. C’est intéressant de pouvoir échanger à la fois pour les parents comme pour les enseignants. Quand on a face à nous un élève qui rate son interro, on ne sait pas toujours ce qui a pu se passer. N’a -t-il rien fait ? Il y a peut-être 4 h de travail derrière lui ? Peut-être est -ce de la mauvaise volonté ? Ou un gros stress qui lui a fait perdre ses moyens?

Elle souligne également l’importance de travailler et de rencontrer parents et élèves dans un climat positif :

Quand on parle de l’école, que ce soient les parents, la presse, c’est souvent des points négatifs qui sont relevés et cela a un impact sur la motivation des enseignants. Alors qu’il y a tant de choses qui fonctionnent bien. Il faut les souligner aussi !

Quand on est parent d’un enfant qui a des difficultés, il y a tellement d’émotionnel. On souffre avec lui. Et inversement, les profs ont des retours de manivelle alors qu’ils s’investissent parfois beaucoup.

Dans mon école, il y a une impulsion de la part de la direction : mail disant d’être positif dans les remarques des bulletins et de veiller à valoriser l’élève. J’apprécie cette vision: être davantage soucieux de mettre en avant ce qui fonctionne avant de souligner les lacunes.

Lors des rencontres parents-enfant-enseignants (remises de bulletin ….), et surtout si les prestations scolaires de l’enfant déçoivent l’enseignant, ne devrions-nous en tant que parents  essayer de réorienter la réunion de telle sorte qu’elle reste positive en  demandant par exemple de souligner les points forts de l’enfant ?

Prendre soin de la relation pour accompagner l’élève ou l’enfant dans ses apprentissages

Authenticité, respect et empathie

Carl Rogers, un des grands noms de la psychologie humaniste, a beaucoup insisté sur la nécessité que l’enseignant établisse une relation de personne à personne avec l’élève[24]. Selon lui, trois qualités humaines dans le chef de l’enseignant sont indispensables dans le processus d’apprentissage : l’authenticité, la considération pour l’élève et la compréhension empathique. David Aspy et Flora Roebuck[25] ont étudié la justesse de cette affirmation et consigné les résultats de leur enquête dans un ouvrage au titre évocateur : « On n’apprend pas d’un prof qu’on n’aime pas ». Les chercheurs ont choisi au hasard 25 enfants de six ans travaillant avec un enseignant à haut niveau d’interactions facilitantes et 25 autres enfants du même âge ayant un enseignant à bas niveau d’interactions facilitantes. Ils ont fait passer un test de Q.I. aux uns et aux autres, en début et en fin d’année. Les élèves du premier groupe ont gagné en moyenne 9 points de QI alors que les autres n’ont fait aucun progrès significatif. Ils sont allés plus loin en mettant sur pied un programme destiné à élever le niveau d’authenticité, de considération positive et d’empathie des enseignants d’une école située dans un environnement socio-économique très faible, les effets suivants ont été constatés :

  • l’école a eu le taux d’absentéisme le plus bas de son histoire (8,8%) en 45 ans d’existence ;
  • le pourcentage de démission des enseignants est passé de 80% à 0% ;
  • des enseignants d’autres écoles ont demandé leur mutation dans cette école ;
  • le vandalisme et le nombre de bagarres entre élèves ont diminué de manière significative ;
  • cette école a gagné neuf rangs dans l’échelle de compétence en lecture des élèves de la commission scolaire locale
  • en moyenne, les élèves de 7 à 10 ans de cette école ont fait plus de progrès en mathématiques que tous les élèves de la commission scolaire.

Le système éducatif doit placer les capacités relationnelles des enseignants et des personnels de l’éducation au même plan que celui des savoirs. Cela dès les recrutements et la formation, mais aussi dans le suivi et l’évaluation[26].

Dérive de cette communication positive 

Une dérive serait de vouloir à tout prix éviter à l’enfant ou l’adolescent les expériences négatives. A trop vouloir préserver l’estime de lui-même, le risque existe de trouver des causes extérieures aux échecs, aux difficultés de la vie et à le déresponsabiliser. Mieux vaut plutôt l’accompagner dans l’analyse de la situation et essayer d’en tirer les leçons. Qu’est-ce qui t’a mis en difficulté ? Qu’est-ce qui t’aurait aidé ? Si tu devais le refaire, comment agirais-tu ? Elever un enfant, ce n’est pas lui éviter à tout prix les épreuves, comme le dit Serge Hefez[27] : Une vie sans angoisse, sans tristesse et sans dépression, cela n’existe pas, et nos enfants s’y trouveront inévitablement confrontés. Il faut les sécuriser afin qu’ils vivent ces moments-là de la meilleure façon qui soit, mais nous ne devons ni leur éviter les épreuves, ni combler leurs manques[28].

Conclusion

Nous l’avons vu plus haut, la dimension psycho-affective est au cœur des apprentissages. Les mauvaises expériences laissent des traces et peuvent parfois précipiter les élèves dans des ornières. Tenter de les protéger à tout prix de ces expériences négatives n’est pas la solution. Ne risque-t-on pas alors de leur donner l’illusion qu’ils ne sont responsables de rien, qu’ils n’ont pas à changer ni à évoluer ? Par contre, recourir au forcing, au chantage, aux incitations qui font reculer au stade du conditionnement, mettre les difficultés d’apprentissage sur le compte de la bêtise, de la mauvaise volonté ou de la paresse, croire que la violence psychologique, la peur du ridicule ou la répétition jusqu’à la nausée aident quiconque à apprendre…semblent enliser davantage encore les élèves dans l’échec scolaire. L’équilibre se trouve peut-être au milieu en donnant à l’élève, à l’enfant les outils pour se relever et oser recommencer ? Les enseignants sont-ils formés à accompagner leurs élèves dans cette démarche ? La valeur accordée aux diplômes n’incite-t-elle pas les parents à passer au forcing, à contraindre leur enfant à ingurgiter la matière coûte que coûte ?  L’UFAPEC soutient l’idée que le parent est là pour veiller à ce que le partenariat école-famille soit bienveillant et soutenant pour l’enfant. La famille n’a-t-elle pas un rôle indispensable à jouer en termes de confiance en soi, d’encouragements, de soutien et d’amour au-delà des notes scolaires ?  Pour l’UPAPEC, l’école a pour mission d’enseigner à tous les élèves, de les mener, dans la mesure et le respect de leurs capacités, à la réussite.

 

Anne Floor

 

 

 

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[1] PERRENOUD, P., Qu’est-ce qu’apprendre ?, Enfance et Psy, n°24, 9-17 http://www.unige.ch/fapse/SSE/teachers/perrenoud/php_main/php_2004/2004
_08.html

[2] PERRENOUD, P., op. cit.

[3] BETTELHEIM, B.,  L’amour ne suffit pas, Paris, Robert Laffont, 1970, p. 157-158.

[4]FAVRE, D.,  L’erreur et la faute dans Ecole : changer de cap – contributions à une éducation humanisante, Chronique sociale, Lyon, 2007, p.53

[5] PENNAC, D., Chagrin d’école, Gallimard, France, 2007, p.22.

[6]FAVRE, D.,  op.cit., p.58.

[7] PERRENOUD, P., op.cit.

[8] Docteur en sciences de l'éducation de l'Université de Paris V - René Descartes, ancien enseignant en secondaire et responsable de formation au CAFOC (Centre académique de formation continue)  de Paris.

[9] docteur en sciences de l'éducation de l'Université de Paris V - René Descartes, Bernadette Aumont a fondé et dirigé le CEPREG (Centre de Perfectionnement de Responsables de Groupes) et enseigné à l'Université de Paris X - Nanterre.

[10] MESNIER, P.M. et AUMONT, B., Les rôles du formateur dans un dispositif d’apprentissage individualisé, Formation Développement, ADEP 74, pp. 21-39.

[11] Psychopédagogue au CPAS de Péruwelz et collaborateur scientifique au département Sciences de la Famille à l’Université de Mons.

[12] BONTRIDDER, I., Eduquer ensemble à l’école primaire, Couples et Familles. Analyse rédigée au  départ d’une rencontre-débat animée par Bruno Humbeeck dans le cadre des Midis de la Famille à Ixelles.

http://www.couplesfamilles.be/index.php?option=com_content&view=article&id=189:eduquer-ensemble-a-lecole-primaire&catid=6:analyses-et-reflexions&Itemid=9

[13] Psychologue canadien connu pour sa théorie de l'apprentissage social et son concept d'auto-efficacité.

[14] LECOMTE, J.,  Lesenseignants, tuteurs potentiels de résilience dans Ecole : changer de cap – contributions à une éducation humanisante, Chronique sociale, Lyon, 2007, p.181.

[15]Tous ces témoignages sont tirés de l’étude intitulée : Le tutorat d’étudiants exemples de bonnes pratiques en Belgique, B. BOSSAERTS, Fondation roi Baudouin, Bruxelles.

[16]FINKELSZTEIN, D. et DUCROS, P., Un dispositif de lutte contre l’échec scolaire : l’enseignement par élèves-tuteurs, Revue française de pédagogie, vol. 88 n°1, p.18, 1989.

[17] DEGIVES,  J-P.,  Plus un élève est aidé, moins il progresse !, Entrées libres, n°42, octobre 2009, p. 14.

[19] DE KETELE,  J-M. et FRERES, G., Les commentaires des enseignants et des élèves : Simples jugements ou processus évaluatifs ?, Les Cahiers de Recherche en Education et Formation, n°74, novembre 2009.

[20] PENNAC, D.,  Chagrin d’école, Gallimard, France, 2007, p.28

[21] DE KETELE, J-M. et FRERES, G., op. cit,  p.22.

[22] Ibidem, p.23.

[23]Propos recueillis par Anne Floor le 19 juin 2015.

[24]ROGERS, C.,  Liberté pour apprendre, Dunod, Paris, 2006.

[25] Ils sont tous deux chercheurs en sciences de l’éducation.

[26] PEIGNAULT, A.,  Les valeurs partagées, fondement de la démocratie à l’Ecole dans Ecole : changer de cap – contributions à une éducation humanisante, Chronique sociale, Lyon, 2007, p.130

[27] Psychiatre, Psychanalyste, thérapeute de couple et de famille, il est également responsable de l’unité de thérapie familiale du service de psychiatrie de l’enfant et de l’adolescent à l’hôpital de la Pitié-Salpêtrière, à Paris. 

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