Analyse UFAPEC novembre 2018 par D. Houssonloge

17.18/ Les jeunes lisent-ils encore ?

Je crois que la littérature, qui est probablement bien autre chose, est d'abord source de plaisir.

Jean d’Ormesson

 

Introduction

Les jeunes seraient de mauvais lecteurs. Les chiffres sont là : ils lisent de moins en moins de livres et lorsqu’ils en lisent, quels livres entend-on régulièrement ! Oubliée la littérature classique qui fleurissait dans les bibliothèques ? Oubliées, les bibliothèques ? Pour confirmer cela, les résultats aux tests des élèves de la Fédération Wallonie-Bruxelles en lecture sont faibles voire très faibles.

La faute à qui ? La société de l’image et, plus récemment, du numérique avec le développement d’Internet, du wifi, des smartphones est souvent pointée du doigt comme le met en scène l’acteur et humoriste Dany Boon dans son sketch : Les jeunes, vous n’avez plus aucun vocabulaire – Ils ne savent plus s’exprimer – Avec les réseaux sociaux, ils ne lisent plus – A quoi sert la grande littérature française si vous ne lisez plus ? – Il faut lire ![1]

Des inquiétudes sont exprimées : on craint un recul culturel ainsi que des difficultés pour les jeunes de se débrouiller dans la vie.

Face à ces affirmations, d’autres voix se font entendre : les jeunes lisent encore mais autrement et autre chose, le Net drainant avec lui de nouvelles pratiques de lecture. Certains soutiennent que la désaffection des jeunes pour la littérature est compréhensible, les livres qui leur sont proposés étant peu attractifs. D’autres affirment encore que pour que les jeunes s’intéressent à la lecture, il faudrait qu’ils aient pu y prendre goût et, sur ce point, c’est au tour de la famille et de l’école d’être remises en question dans leur capacité à donner le goût de lire.

Un constat

  1. Les jeunes mauvais en lecture

En primaire, l'enquête internationale PIRLS de 2016 qui analyse les capacités de lecture des élèves de 4e primaire (effectuée chez nous par l'ULG) révèle que les élèves francophones sont les plus faibles lecteurs d'Europe et qu'ils sont en recul par rapport aux enquêtes précédentes (2011 et 2006).[2]

En secondaire, la maitrise de la lecture est aussi en recul selon les résultats des élèves francophones à 15 ans présentés dans l'enquête PISA : Alors que les performances des élèves s’étaient sensiblement améliorées lors des deux derniers cycles, une baisse est enregistrée en 2015, et la proportion d’élèves aux compétences rudimentaires en lecture repart à la hausse.[3]

Toujours en 2015, la Fédération Wallonie-Bruxelles énonce encore d'autres constats préoccupants en matière de lecture et de maîtrise de la langue française :

  • D’après une récente étude de l’ONE, 50 % des enfants âgés de 30 mois présentent déjà un retard ou des troubles du langage.
  • La lecture, comme pratique culturelle, est en recul : les Belges sont 68 % à avoir lu un livre au cours des douze derniers mois et 37 % à avoir fréquenté une bibliothèque publique.
  • 15 % des jeunes quittent l’école secondaire sans diplôme et sans l’usage fonctionnel de la lecture [4].

On observe encore que la chute d’intérêt pour la lecture n’est pas nouvelle et ne fait que s’amplifier, que ce soit en Fédération Wallonie-Bruxelles ou ailleurs : Depuis une trentaine d'années [article écrit en 2012], c'est un fait : chaque génération lit moins que la précédente.[5]

  1. La lecture noyée parmi de nombreux loisirs

D’après une enquête française de l'IPSOS et du CNL de 2016 :

  • Les jeunes de 7 à 19 ans ont un très grand nombre d’activités de loisirs, en moyenne neuf par semaine.
  • La lecture arrive ainsi en 7e position des activités les plus pratiquées hebdomadairement derrière la TV (92 %), les vidéos (88 %), les amis (87 %), la musique (86 %), le sport (84 %) et Internet (84 %).
  • Au sein de leurs loisirs, les jeunes consacrent en moyenne trois heures par semaine à la lecture (pour huit heures sur Internet).[6]
  • Les genres de livres le plus lus chez les jeunes sont les romans et les BD : Harry Potter est le livre préféré à la fois par les filles et les garçons et par toutes les tranches d’âge : 6 % des lecteurs l’ont cité comme étant le livre qu’il préfère, devant Titeuf, Astérix, La cabane magique et Hunger Games.[7]
  • Il y a de fortes disparités entre les filles et les garçons : Les filles sont beaucoup plus lectrices de romans (69 % en lisent) : après Harry Potter, leurs livres préférés sont Twilight, Le journal d'Anne Frank, After et Violetta. Les garçons sont en revanche beaucoup plus lecteurs de BD (64 %) et de mangas (30 %) : après Harry Potter, leurs livres préférés sont Titeuf, Tintin, Astérix et Pokémon.[8]
  • Il y a aussi de fortes disparités en fonction de l’âge : Les plus jeunes lisent une plus grande variété de livres et sont significativement plus lecteurs de BD (65 %), de livres illustrés (61 %) et livres d’activités (40 %) : après Harry Potter, leurs livres préférés sont La cabane magique, Astérix, Pokémon, Max et Lili. Les plus âgés sont davantage centrés sur la lecture de romans (67 %) : après Harry Potter, leurs livres préférés sont After, Twilight, Hunger Games et les romans de Guillaume Musso.[9]
  1. A l’adolescence, l’intérêt pour la lecture chute

D’après cette même enquête, il apparait que l'intérêt pour la lecture diminue fortement en secondaire et après (on passe de 77 % de jeunes qui déclarent aimer lire en primaire à 41 % en secondaire et 31 % au-delà), les jeunes trouvant les livres proposés à l'école secondaire difficiles à lire mais surtout ennuyeux.[10]

Une autre étude de 2015 sur la lecture, toujours de l’IPSOS et du CNL, nous donne des résultats complémentaires sur les pratiques des jeunes. Cette étude indique notamment que les 15-24 ans :

  • lisent autant que leurs aînés, mais lisent essentiellement pour leurs études plutôt que pour leurs loisirs (nous distinguerons donc la lecture prescrite de la lecture choisie) ;
  • sont plus lecteurs de livres numériques étant plus sur le Net ;
  • lisent de manière moins régulière ;
  • lisent essentiellement des romans de science-fiction, des livres scientifiques, techniques ou professionnels ;
  • lisent moins de livres que leurs ainés et par ailleurs regrettent plus que leurs aînés d’avoir du mal à trouver des livres qui les intéressent ;
  • considèrent comme leurs aînés que c’est le manque de temps qui représente un frein à la lecture.[11]

Le débat est ouvert : lecture savante versus lecture numérique ?

  1. Des jeunes mauvais lecteurs et mal préparés pour le futur

Devant le manque de maitrise et d’intérêt pour la lecture chez les jeunes, certains comme Simon Casterman, vice-président de l’Association des éditeurs belges et directeur délégué de Casterman, sont plus qu’inquiets. Ils craignent un recul culturel comme des difficultés pour les jeunes de mener à bien des études, de se débrouiller dans la société et dans le monde du travail. C’est que la maitrise et la pratique de la lecture représentent un enjeu majeur dans la réussite scolaire. C’est aussi un élément d’émancipation et d’intégration de premier ordre dans la société : Les éditeurs belges de livres jeunesse et scolaires ne peuvent ignorer ce désastreux résultat, réagit Simon Casterman. En tant que professionnels du livre et de la lecture, on se doit de lancer ce cri d’alarme. Et de sensibiliser la société sur l’importance de la lecture. Dans dix ans, ces élèves de 4e primaire nous liront-ils encore ? Ou seront-ils des laissés-pour-compte ? […] Il faut que la lecture s’inscrive comme une priorité de société, afin de ne pas laisser quatre jeunes sur cinq dans une situation délicate, quant à ses capacités d’apprentissage, de formation et de développement futur. Chacun doit se sentir concerné.[12]


« Quand j'ai demandé à mes élèves de 5e s'ils préféraient lire sur papier ou s'asseoir devant un écran (pour des chats, des jeux, etc.), ils ont choisi l'écran à 99,9 % », soupire Aude Revol. Non pas, précise aussitôt l'enseignante, que ses élèves - de milieu populaire et d'ascendance étrangère, en majorité - ne lisent pas. « Les filles lisent des magazines, les garçons des mangas », indique-t-elle. Mais cette pâle nourriture risque d'en faire des "adultes désarmés", qui se feront facilement "exploiter". Surtout, se désole l'enseignante, « ils se privent d'un bonheur qu'ils n'imaginent pas. »

Témoignage d’une enseignante[13]


 

Comme le montre le témoignage de cette enseignante, certains voient dans le numérique la cause du déclin de la lecture chez les jeunes. Le philosophe et écrivain académicien français Alain Finkielkraut, explique : Je persiste dans mon inquiétude. Les jeunes lisent de moins en moins de livres. Et il est fort peu probable qu'ils en liront plus tard. Car ils ont changé d'élément : ils vivent dans le numérique. Dans le numérique, la lecture littéraire est un anachronisme. Elle se raréfiera donc inexorablement.[14]

Le philosophe italien Roberto Casati, auteur du livre Contre le colonialisme numérique - Manifeste pour continuer à lire[15], n’est pas opposé au numérique en soi, mais met en garde contre une volonté systématique de numériser la littérature : le livre papier est le seul à présenter l’avantage cognitif de capter l’attention alors que le numérique favorise la dispersion. Selon lui, l’école doit créer des espaces protégés où le jeune peut se consacrer des jours entiers à la lecture papier.[16]

Il y aurait donc la lecture classique, c’est-à-dire la lecture d’ouvrages sous format papier, lecture savante, profonde et attentive concurrencée par la lecture sur Internet, une pseudo-lecture, rapide, distractive et discontinue[17]dans laquelle les jeunes risquent de se perdre.

  1. Des jeunes lecteurs réguliers et outillés via des supports variés

Un autre point de vue défendu est celui-ci : avec le numérique, l’acte de lecture a évolué et les jeunes, eux, se sont adaptés. Le livre papier a perdu sa suprématie et est devenu un support de lecture parmi d’autres.

Pour le journaliste français Philippe Lefait, notre époque doit commencer par admettre la cohabitation du smartphone et du livre de papier.[18]

Les pessimistes comparent aujourd’hui le numérique à Alien, cette mécanique « xénomorphe », essentiellement agressive et parasite, parfaitement esthétique, fascinante comme un beau diable qui traque et engrosse Ripley à bord du Nostromo. Pauvre Sigourney Weaver…

Notre héroïne est l’incarnation d’un genre humain confronté à une technologie ambivalente de l’immatériel et de l’immédiateté qui tourneboule la civilisation, fait les printemps arabes, met la bibliothèque du monde à disposition, distrait le troisième âge, rend dépendant l’ado belliqueux, généralise les contrôles, régale la finance et goinfre la NSA.

L’optimiste que je suis se dit que dans un futur épisode, l’humaine et la bête cohabiteront mieux à bord du vaisseau, au profit d’un homo métabolisant à son avantage le numéricus.[19]

Certains affirment aussi que le numérique permettrait plus de liberté dans le choix de lectures et entrainerait une plus-value cognitive grâce à la navigation hypertextuelle[20]. On le voit, ce point de vue est à l’opposé de celui des défenseurs de la lecture papier.

Pour d’autres encore, le Net augmente considérablement les occasions de lecture et même (re)donne le goût de lire, spécialement chez les ados. Les réseaux sociaux peuvent aussi transformer la lecture en activité sociale : on y parle et on y échange sur ses lectures, ses coups de cœur. [21]

Quelques éclairages

Tout d’abord, si l'intérêt pour la lecture chute fortement à l'adolescence, c'est que c'est aussi l'âge où le jeune rejette en masse le monde des adultes y compris leur culture, la culture instituée : l’adolescence est par nature une période durant laquelle les jeunes souhaitent se démarquer de leurs parents pour s’affirmer. Pour ce faire, ne pas lire – ou tout du moins, opter pour des lectures différentes de celles de ses parents – peut être une option.[22] Cela ne veut pas dire pour autant que le jeune ne lit pas, il lit autre chose et autrement, souvent à l'écart de ses parents. Mais plus tard, jeune adulte, il reviendra généralement de lui-même aux modes de lecture développés pendant l'enfance.

Cela dit, le monde a changé et les pratiques de lecture ont évolué. Il y a trente ans, des chercheurs français voyaient déjà dans la multiplication des loisirs une raison principale à la chute de la lecture[23]. Depuis, ce que l’on pourrait appeler une société de l’hyperloisir s’est installée. Comme le montrent les chiffres présentés plus haut, les jeunes, mais aussi les adultes, ont souvent des agendas de ministre, les activités qui leur sont proposées foisonnent et laissent beaucoup moins de place aux livres. De la fête d’anniversaire des copains au cours de sport, du resto familial au stage de vacances, il reste peu de temps pour lire. Par ailleurs, l’audio-visuel s’est taillé une belle part dans le temps de loisir.

A côté de cela, la lecture n’est plus un marqueur social. Les Lettres ont perdu de leur superbe et dire que l’on aime lire peut même être dévalorisant.[24] Sylvie Octobre, sociologue française, explique : Les jeunes lisent moins de livres et, surtout, lisent moins pour le plaisir. La lecture n'est plus considérée comme la porte d'accès privilégiée au savoir et n'est plus synonyme de plaisir. Ce désamour pour les livres vient, à mon avis, du glissement de notre société de ce qu'on appelait les humanités vers le technico-commercial. Auparavant, les filières les plus prestigieuses nécessitaient une pratique assidue de la lecture. […] Le français laisse peu à peu la place aux mathématiques.[25]

Pour la chercheuse, il faut distinguer la littérature classique et la littérature drainée par les médias, comme il y a peu Harry Potter, Twilight, Nos étoiles contraires, fort appréciés des jeunes. Les recherches de Sylvie Octobre l’amènent à la conclusion que les jeunes n’ont jamais autant lu, mais autrement et autre chose : textos, blogs, wikipédia, textes, articles, pubs, ce qu’elle nomme la lecture HTML additive où les liens et les articles se superposent. Ce nouveau type de lecture nécessite des compétences de tri de l’information pour éviter de tourner en rond et d’arriver à la saturation.[26]

S’il est un lieu où le jeune est mis en contact avec le livre, c’est bien à l’école. De l’album illustré en maternelle au livre de plusieurs centaines de pages en secondaire, l’école a la mission de faire découvrir et, peu à peu, maitriser la lecture à l’élève. Et pourtant, nous l’avons vu plus haut, les élèves de la Fédération Wallonie-Bruxelles ont de mauvais résultats en lecture et même les pires d’Europe. Pourquoi ? Parce que notre système scolaire, souvent suivi ou même précédé par les parents, mise d’abord sur l’apprentissage et la maitrise de la lecture en oubliant de transmettre au préalable le goût de lire, ce qui est d’autant plus problématique dans une société où le livre est dévalué. Des visées trop techniques et utilitaristes de l’école diminuent ou même empêchent le plaisir de lire. Si la lecture est d’abord ramenée à des compétences de déchiffrage, de grammaire, de conjugaison, de syntaxe, d’orthographe, de compréhension de texte, quel jeune aura envie de s’y évader ?


Un non-lecteur ou un faible lecteur a souvent de bonnes raisons de ne pas lire. Il peut se sentir étranger au monde des livres et ne pas voir d’utilité à la lecture. Il est en effet difficile de devenir lecteur dans un milieu qui ne l’est guère ou qui ne valorise pas la lecture. La lecture n’est pas qu’une question de savoir-faire technique, elle est aussi une pratique sociale et culturelle. Partager ses représentations sur la lecture, se donner des raisons de lire et donc d’apprendre à lire, apprendre à s’orienter dans le monde des livres et dans les lieux du livre sans s’y sentir perdu, tels sont les objectifs des activités de familiarisation. Ces activités seront particulièrement utiles aux élèves issus d’un milieu étranger au monde des livres et/ou ne percevant pas de sens à la lecture.

Jean-Luc Vanschepdael, SeGEC[27]


 

Ensuite, l’école ne semble pas avoir pris conscience de l’évolution de la société : elle propose encore trop des lectures appartenant à la littérature classique, mais hermétiques et trop lointaines de la réalité des jeunes qui, dès lors, les jugent difficiles et ennuyeuses.[28] Les y amener peu à peu certainement, mais d’abord leur permettre d’accrocher à la lecture.

En 1992, alors qu’Internet ne peut pas encore être responsable de la chute de la lecture chez les jeunes, le professeur français Daniel Pennac, auteur du célèbre Comme un roman, apporte un éclairage intéressant sur le prétendu désintérêt des jeunes pour le livre. Pour Pennac, le problème vient des adultes : Le mal est plus originel. Il remonte à l'abandon de la lecture à voix haute que le père ou la mère faisait le soir à l'enfant. Il date de cet âge auquel prit fin la complicité avec l'adulte autour d'un livre qui donnait sens au monde.[29]

Pennac rend également l'école avec ses fiches de lecture et ses listes de textes obligatoires responsable de ce désamour pour la lecture en amenant les jeunes à confondre scolarité et culture. Il insiste sur l'importance de continuer à faire la lecture à l'enfant bien au-delà du moment où il sait lire seul pour lui donner le plaisir de la lecture.[30]

 


Les droits du lecteur selon Daniel Pennac :

  1. Le droit de ne pas lire.
  2. Le doit de sauter des pages.
  3. Le droit de ne pas finir un livre.
  4. Le droit de relire.
  5. Le droit de lire n’importe quoi.
  6. Le droit au bovarysme[31] (maladie textuellement transmissible).
  7. Le droit de lire n’importe où.
  8. Le droit de grappiller.
  9. Le droit de lire à haute voix.
  10. Le droit de nous taire.[32]

Mise en œuvre

Face au problème, le politique, inspiré notamment des travaux du Pacte pour un Enseignement d’excellence, s’est emparé de la question et a pris diverses mesures directes ou indirectes :

  • En 2015, la Fédération Wallonie-Bruxelles a présenté son Plan Lecture transversal pour remettre la lecture au centre des préoccupations éducatives et culturelles et axé prioritairement sur les 0-18 ans. Le Plan Lecture a pour objectif de remettre la lecture au centre des apprentissages et des pratiques éducatives et culturelles, en considérant que la lecture est un savoir essentiel au développement et à l’épanouissement des individus et d’une société démocratique.[33]
  • En 2017, le gouvernement renforce l’encadrement en maternel ainsi que l’aide administrative des directions du fondamental pour leur permettre d’être plus disponibles pour le pilotage pédagogique de leurs équipes. Des moyens financiers sont également dégagés pour des cours supplémentaires d’aide aux élèves dont le français n’est pas la langue maternelle.[34]

De nombreuses initiatives existent dans les écoles. Outre les collaborations avec les bibliothèques, citons entre autres les Ecrivains en classe mis en œuvre par la Fédération Wallonie-Bruxelles et qui permet aux élèves de rencontrer en chair et en os un écrivain et d’avoir le déclic d’avoir envie de lire, le rallye-lecture, un challenge sans compétition où on lit un maximum, le prix des lycéens ou encore le prix Versele, le quart d’heure quotidien de lecture, les mamys et les papys conteurs…

Ces mesures et projets sont certainement un soutien à l’apprentissage de la lecture dans les écoles. Mais cela sera-t-il suffisant ? Donner le goût de lire aux jeunes du XXIe, siècle ne demande-t-il pas un nouveau modèle ? C’est le point de vue de l’UFAPEC : seule une pédagogie de l’immersion dans l’univers du livre par la lecture à voix haute faite par un lecteur confirmé peut donner le goût de lire et dans un second temps, celui d’apprendre à lire. Cet accompagnement doit se faire en maternelle et en primaire, mais aussi en secondaire, tout spécialement pour les élèves éloignés de la culture du livre et de l’écrit.

Conclusion

Face aux faits et chiffres qui nous sont donnés à voir, il était intéressant d’investiguer plus en profondeur. Oui, les jeunes sont moins bons en lecture et lisent moins de livres qu’autrefois, mais pas par manque d’intérêt ou parce que leurs capacités ont baissé.

Notre société est devenue une société de l’hyperloisir laissant peu de place à la lecture reléguée derrière la télévision, les relations sociales, la musique, le sport et Internet.

La lecture comme pratique culturelle est en recul et l’école comme la société ne semblent pas prendre la mesure de cette évolution. Avoir en priorité des objectifs techniques et utilitaristes face à l’écrit, proposer des livres perçus comme hermétiques ne permet pas au jeune d’accrocher tout spécialement dans une société où le livre est dévalué. Le droit à l’éducation commence par le droit à un apprentissage de la lecture adéquat et adapté aux enfants d’aujourd’hui.

C’est en transmettant à l’enfant le plaisir de lire dès le plus jeune âge et de mille et une façons que l’apprentissage de la lecture pourra se faire avec succès. Pour développer le goût de la lecture, l’enfant et l’adolescent ont besoin d’être accompagnés par des personnes qui ont elles-mêmes du plaisir à lire. Lire, c’est plonger dans un autre monde, fantastique mais inconnu, où la présence d’un ainé rassure, encourage et donne envie d’aller plus loin.

C’est peut-être en ça que la lecture sur le Net, la lecture additive, attire les jeunes qui ont le droit tout à la fois de s’y tromper, de prendre du plaisir, de trouver de l’aide, des informations et des avis. Si on veut que les jeunes continuent à lire et apprécier la littérature classique qui forge notre identité culturelle, ne faut-il pas reconnaitre les œuvres amenées par les médias et le Net comme une littérature en soi ? Car oui les jeunes lisent encore, mais autrement et autre chose. À nous les adultes de leur donner également l’envie de dévorer des bibliothèques !

 

 

Dominique Houssonloge

 

 


[1] Vivement dimanche prochain - 12 novembre 2017, à partir de 3’43 -https://www.youtube.com/watch?v=nKvx5NQ3AYE, lien vérifié ainsi que les suivants le 15/09/2018.

[2] PIRLS (Progress in International Reading Literacy Study) Note de synthèse, 2016, Sous la direction scientifique de D. LAFONTAINE, voir notamment les pp. 6 et 10.

[3] Fédération Wallonie-Bruxelles, Les indicateurs de l’enseignement 2016. Bruxelles. Indicateur 22, Compétences des élèves de 15 ans – PISA 2015.

[4] Portail officiel de la Fédération Wallonie-Bruxelles, Plan Lecture : 30 nouvelles mesures pour les 0-18 ans en Fédération Wallonie-Bruxelles – http://www.federation-wallonie-bruxelles.be/index.php?id=plan-lecture Ces constats ont motivé la Ministre de l’Enseignement obligatoire, Joëlle Milquet à mettre en place en octobre 2015 d’un « Plan Lecture » pour les 0-18 ans. Voir Fédération Wallonie-Bruxelles, Un plan lecture pour la Fédération Wallonie-Bruxelles. Rapport à Madame la Vice-Présidente, Ministre de l’Education, de la Culture et de l’Enfance. Bruxelles, octobre 2015. Laurent Moosen, coordinateur transversal du Plan Lecture -  http://www.federation-wallonie-bruxelles.be/index.php?eID=tx_nawsecuredl&u=0&g=0&hash=78278c723c0b78ce171b296d7e1992deb6702f98&file=fileadmin/sites/portail/uploads/
PDF/Rapport-final-Ministre-Un-Plan-Lecture-en-FWB-2015.pdf

[5] C. SIMON, « Ados : zéro de lecture ? », in M Livres, mise à jour le 2 décembre 2012 - http://www.lemonde.fr/livres/article/2012/11/29/ados-zero-de-lecture_1797771_3260.html#YdsSIfsDsGISQUu3.99

[6] IPSOS - CNL (Centre National du Livre), Les jeunes et la lecture. Synthèse des résultats, juin 2016,  p. 54  /http://www.centrenationaldulivre.fr/fichier/p_ressource/13788/ressource_fichier_fr_les.jeunes.et.la.lecture.etude.2016.06.27.ok.pdf, p. 54.

[7] Idem, p. 60.

[8] IPSOS – CNL, Les jeunes et la lecture. Synthèse des résultats, op. cit., p. 60.

[9] Idem, p. 61.

[10] Idem, p. 6.

[11]  IPSOS – CNL, Les Français et la lecture, 2015, pp. 60-61.

[13] Cité par C. SIMON, « Ados : zéro de lecture ? », in Le Monde des livres, 29 novembre 2012, http://www.lemonde.fr/livres/article/2012/11/29/ados-zero-de-lecture_1797771_3260.html#hfBI7WKrCrFM5V5o.99

[15] R. CASATI, Contre le colonialisme numérique, Paris, Albin Michel, 2013.

[16] Voir aussi R. CASATI, Contre le colonialisme numérique, https://www.youtube.com/watch?v=pRdeoWF7cbA

[17] P. BARBAGELATA, A. INAUDI et M. PELISSIER, « Le numérique vecteur d'un renouveau des pratiques de lecture : leurre ou opportunité ? », in‪ Études de communication, vol. 43, no. 2, 2014, https://journals.openedition.org/edc/5965, pp. 10-13.

[18] P. LEFAIT « Un envers au clic : la lecture à l’heure du tout numérique ! Faire cohabiter l'Alien et Sigourney Weaver... », mis à jour le 28 juillet 2014 in Culturebox, https://culturebox.francetvinfo.fr/des-mots-de-minuit/lire/un-envers-au-clic-la-lecture-a-l-heure-du-tout-numerique-154477

[19] P. LEFAIT, « Un envers au clic : la lecture à l’heure du tout numérique ! Faire cohabiter l'Alien et Sigourney Weaver... »

[20] I. MAYEUR, Compte-rendu de l’ouvrage de Gaudric, Paul, Gérard Mauger et Xavier Zunigo, Lectures numériques. Une enquête sur les grands lecteurs, in Liens Socio, 2016, https://journals.openedition.org/lectures/21528, p. 1.

[21] «  Les jeunes et la lecture: comment redonner goût aux livres littéraires ? », in La Libre Belgique, mis à jour le 26 juin 2017 - http://www.lalibre.be/actu/belgique/les-jeunes-et-la-lecture-comment-redonner-gout-aux-livres-litteraires-594fd6d6cd70e30bb28a0c5d - Voir aussi F. LOUSSIER, « L’adolescent et la lecture, supports et pratiques nouvelles », in Le Monde des livres, mis à jour le 14 octobre 2015, https://mondedulivre.hypotheses.org/377

[22] E. DEVEL, « La fin du modèle des héritiers » dans Entrées libres, n°121, septembre 2017, http://www.entrees-libres.be/wp-content/uploads/2017/09/121_avis_recherche.pdf

[23] F. DURMONTIER, F. de SINGLY et C. THELOT, La lecture moins attractive qu’il y a vingt ans, 1990, https://www.persee.fr/doc/estat_0336-1454_1990_num_233_1_5466, pp. 70-71.

[24] F. LOUSSIER, « L’adolescent et la lecture, supports et pratiques nouvelles », p. 1.

[25] « Les jeunes lisent toujours, mais pas des livres », in Le Monde, 24 septembre 2014, https://www.lemonde.fr/campus/article/2014/09/24/les-jeunes-lisent-toujours-mais-pas-des-livres_4491903_4401467.html, p. 1.

[26] Idem, p. 2.

[27] J-L. VANSCHEPDAEL, Français. Guide pratique du Cadre de référence 1er degré différencié. A l’usage des enseignants, 2008.

[28] « Les jeunes lisent toujours, mais pas des livres », p. 2

[29]  J. SERRI, « Comme un roman par Daniel Pennac » in L’express, 1 novembre 2015, https://www.lexpress.fr/culture/livre/1992-comme-un-roman-par-daniel-pennac_810665.html

[30] Idem.

[31] Etat d'ennui qui pousse une personne à rêver d'un univers imaginaire d’après https://www.linternaute.fr/dictionnaire/fr/definition/bovarysme/

[32] Idem.

[33] Portail officiel de la Fédération Wallonie-Bruxelles, Plan Lecture : 30 nouvelles mesures pour les 0-18 ans en Fédération Wallonie-Bruxelles.

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