Analyse UFAPEC 2009 par B. Loriers

19.09/ L’éducation musicale, un atout pour le développement social de l’enfant

Constat

La pratique de la musique à l’école primaire répond à une réflexion globale sur les finalités de l’éducation. Veut-on former des têtes bien pleines, rentables dans nos sociétés où dominent la compétition et le profit, des hommes courant après le temps pour produire sans cesse, gagner toujours plus et acquérir des biens dont ils n’ont même pas le temps de jouir ? Ou des êtres à l’écoute des autres, qui ont le plaisir d’être ensemble, qui peuvent profiter des choses simples que la vie nous offre, qui osent s’exprimer librement, qui sont autonomes et créatifs ?[1]

L’enfant doit apprendre à prendre sa place sans prendre toute la place, et l’école, lieu de développement social, est un lieu où chacun peut apprendre cela. Une étude [2] de Denyse Blondin vise à mieux comprendre le rôle que peut jouer l’éducation musicale, comme discipline d’apprentissage social. Pour Denyse Blondin, l’objectif de cette recherche est d’évaluer la pertinence d’une démarche d’apprentissage coopératif en enseignement de la musique pour le développement social et d’observer l’évolution du statut sociométrique de l’élève[3] à la suite d’une expérimentation, d’une durée de neuf semaines, proposant des activités musicales coopératives. Les participants proviennent du 3e cycle du primaire et reçoivent des cours d’éducation musicale depuis la 1ère année.

Apprentissage coopératif : de quoi parle-t-on ?

L’apprentissage coopératif se définit comme un mode d’apprentissage orienté vers l’enfant, où la réussite personnelle est subordonnée à la réussite du groupe [4].
Cet apprentissage consiste à faire travailler des élèves ensemble au sein de petits groupes. Il comporte quatre caractéristiques[5] essentielles:
 
  • L’interdépendance positive: les efforts de chaque membre sont nécessaires pour le succès du groupe.
  • L’interaction facilitatrice: les membres s’encouragent et s’aident réciproquemen.
  • La responsabilité individuelle: personne ne peut faire «cavalier seul».
  • Le traitement cognitif par le groupe: les membres doivent régulièrement réfléchir ensemble sur leur façon de fonctionner.
Les résultats obtenus par l’apprentissage coopératif portent sur différents aspects de la vie en classe (en comparaison avec l’enseignement traditionnel) :
 
  • Sur le plan personnel: augmentation de l’estime de soi. Les interactions conduisent les élèves à se considérer compétents.
  • Sur les plans cognitif et scolaire: amélioration de la motivation à apprendre, de la complexité du raisonnement et des résultats scolaires, génération plus fréquente de nouvelles idées et solutions, meilleur transfert de ce qui est appris depuis une situation vers une autre. Les élèves apprécient également davantage l’enseignant: ils le perçoivent comme plus compréhensif et plus aidant.
  • Sur le plan relationnel et social: augmentation sensible de l’appréciation réciproque, baisse du racisme et du sexisme, des incivilités et de la délinquance, du harcèlement et de la violence, ainsi que de la toxicomanie, meilleure intégration des élèves handicapés, augmentation des comportements altruistes.

L’apprentissage coopératif dans l’éducation musicale favorise le développement social d’enfant

Dans des activités musicales coopératives, la contribution individuelle de l’élève se présente sous deux aspects[6]l’aspect académique et l’aspect social.
 
Le premier aspect comprend l’aptitude pour la musique et l’intérêt personnel. Il se manifeste par la justesse de l’oreille, la capacité d’utiliser sa voix et celle d’exprimer des émotions, l’emploi de ressources associées à la créativité et à l’imagination. De plus, l’aspect académique de la contribution individuelle comprend plusieurs habiletés liées à la motricité (pour jouer d’un instrument, pour exécuter des séquences rythmiques ou pour exprimer des émotions par le mouvement) et à l’intelligence (décoder, lire, inventer, mémoriser, conceptualiser, synthétiser).
 
Ce qui nous intéresse particulièrement dans cette analyse, c’est le deuxième aspect, qui comprend diverses habiletés sociales comme : la capacité de respecter des consignes, des opinions ou des préférences, l’attention aux autres, la tolérance, la capacité de communiquer et d’interagir avec les autres. Berthe Reymond-Rivier[7] ajoute que c’est en se frottant à ses semblables que l’enfant acquerra peu à peu son indépendance, et son autonomie, le sens de la réciprocité, de la solidarité, de la justice, de toutes ces qualités indispensables à la vie en groupe et à la coopération. 

La musique peut changer le «statut» de l’élève

Au cours de musique en primaire, l’apprentissage repose largement sur une pédagogie de l’éveil aux phénomènes musicaux. Pour Denyse Blondin[8], compte tenu du fait que la musique et les arts ne sont pas considérés comme des matières à promotion, l’aspect académique de la contribution individuelle de l’élève y est plutôt subordonné à l’aspect social des apprentissages et à la qualité de participation active qu’offrent ces disciplines.
 
L’élève qui a du talent pour la musique pourra voir son statut changé, puisqu’ une forme de reconnaissance se mettra en place, permettant parfois de mieux faire accepter ses idées, ses goûts et ses préférences par les autres. Dans ce contexte, le statut élevé provient des perceptions positives du groupe et il constitue un catalyseur d’attentes de compétences favorables de la part des pairs et de l’enseignant. Le fait que ces attentes de compétences puissent être transférées à d’autres situations académiques revêt une importance qui n’est pas à négliger.
 
Qu’entend-on par statut ?

Selon la sociologue Cecilia Ridgeway[9], le statut réfère à la position d’un individu dans la hiérarchie de groupe sur la base de critères tels que le prestige, l’honneur et le respect.

Cohen[10] identifie trois différents types de statut dans la classe :
 
  • Le statut social réfère à la représentation du monde extérieur dans la classe (sexe, âge, race, nationalité ou ethnie) ;
  • Le statut académique résulte des perceptions reliées au rendement scolaire, aux habiletés spécifiques en lecture, en mathématiques, en sports ou en arts ;
  • Le statut sociométrique se forme dans les relations interpersonnelles entre les élèves : sympathie, antipathie ou indifférence entre les membres d’un groupe.
De nombreuses recherches dont celles de Boivin et Bégin (1989), Ramsey (1995), Wentzel et Asher (1995) définissent cinq catégories de statut sociométrique. Ces catégories identifient ainsi l’élève :
 
a) populaire ;
b) rejeté ;
c) négligé ;
d) controversé ;
e) dans la moyenne.
 
Ainsi, la recherche de Denyse Blondin postule que grâce au cours de musique, le statut sociométrique régularise en quelque sorte l’état des relations au sein d’une classe.

L’exemple du chant choral à l’école

L’envie de créer ensemble et la motivation réciproque sont les moteurs de la chorale.[11] L’élève n’a pas besoin d’être très bon vocalement pour participer à des projets motivants : chacun a sa place dans le chœur, et tout le monde compte pour faire avancer le travail. De plus, le chant choral contribue à l’épanouissement personnel et permet de développer la confiance en soi, chacun étant écouté et encouragé dans son expression, sans crainte du jugement de ses camarades, ou de la notation par l’enseignant.

Enfin, la pratique chorale favorise le respect des règles de vie en groupe. L’intégration de ces valeurs communes ne pourra qu’accroître la cohésion de la classe et avoir des répercussions positives sur les apprentissages dans toutes les disciplines. 

Conclusion

D’un point de vue social, les activités musicales établissent des relations positives au sein de la classe. Les contacts physiques avec les autres sont constructifs, non agressifs et contribuent à un plus grand respect de l’autre. Le chant collectif, ou d’autres pratiques musicales collectives (accompagnement rythmique, danse, mise sur pied d’un spectacle, …) procurent un épanouissement personnel à l'élève et contribuent à former le futur citoyen par l'écoute et le respect de l'autre, ce qui favorise l'ouverture culturelle et la cohésion sociale au sein de l'établissement scolaire. Pour toutes ces raisons, l’UFAPEC soutient toutes les initiatives réfléchies qui apportent une éducation musicale dans les classes primaires, grâce à l’enseignant, la direction, le PO, et parfois sous l’impulsion de l’association de parents.


Bénédicte Loriers


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[1] MARTENS Edith et VAN SULL Vincent, Osez la musique, éveil des enfants au plaisir de la musique, éditions Labor, 1992.
[2] BLONDIN Denyse, musique et apprentissage coopératif au 3ème cycle du primaire: compte-rendu d’une démarche de recherche: http://www.mus.ulaval.ca/reem/REM26_Blondin.pdf
[3] le statut sociométrique se forme dans les relations interpersonnelles entre les élèves : sympathie, antipathie ou indifférence entre les membres d’un groupe. Lire : Ridgeway, C. (1991). « The social construction of status value: gender and other nominal characteristics ». Social Forces, 70 (2) : 367-386.
[4] CHAMBERLAND, G., Lavoie, L. et Marquis, D. (1995). Vingt formules pédagogiques. Sainte- Foy : Presses de l’Université du Québec.
[5] JONHSON D. W., Roger T. Jonhson et Mary Beth Stanne, Cooperative learning methods: A meta-analysis, 2000. www.clcrc.com/pages/cl-methods.html
[6] BLONDIN Denyse, musique et apprentissage coopératif au 3ème cycle du primaire: compte-rendu d’une démarche de recherche: http://www.mus.ulaval.ca/reem/REM26_Blondin.pdf
[7] REYMOND-RIVIER Berthe, Le développement social de l’enfant et de l’adolescent, éd. Mardaga, Bruxelles, 1980.
[8] BLONDIN Denyse, idem.
[9] RIDGEWAY C. (1991). « The social construction of status value: gender and other nominal characteristics ». Social Forces, 70 (2) : 367-386.
[10] COHEN E. G., Lotan, R. et Catanzarite L. (1990). « Treating status problems in the cooperative classroom». Cooperative Learning: Theory and Practice, édité par S. Sharan, p. 203-229. New York.
[11] CECCALDI Agnès, Chantons en chœur, éditions Nathan, 2006.

 

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