Analyse UFAPEC novembre 2015 par JP. Schmidt

20.15/ L’aide éducative au fondamental : une relation à découvrir ?

Introduction

Dans l’enseignement obligatoire, l’engagement d’éducateurs dédiés au fondamental est extrêmement minime voire inexistante et oblige de nombreuses écoles à bricoler. Par exemple, pour trois cents élèves l’école fondamentale ordinaire obtient une aide à concurrence d’un cinquième emploi temps plein alors que dans une école secondaire, pour le même nombre d’élèves, quatre équivalents temps plein sont accordés[1]… Lors d'une enquête de la Fédération de l'enseignement fondamental catholique (FédéFoc) auprès des directeurs du fondamental[2], il leur était demandé quelle affectation prioritaire ils privilégieraient pour des moyens supplémentaires. Si 36,5% d'entre eux se prononcent en faveur d'un accroissement du nombre d'enseignants, 52,5% plaident pour l'accroissement d'autres formes d'encadrement : éducateurs, aide aux directions...

Dans un premier temps, en tant que parents, il n’est pas nécessairement évident de comprendre et de percevoir l’intérêt d’une telle attente. En quoi cette aide spécifique pourrait être une plus-value réelle pour nos enfants, pour nous-mêmes ? Qu’est-ce qui explique l’insistance des directions du fondamental en la matière ?

Ce que nous pouvons supposer, c’est qu’une telle mesure soulève de nombreuses pistes d’exploration. En gardant à l’esprit que les pouvoirs organisateurs (PO) ont de plus en plus de mal à trouver des candidats directeurs. Apporter de tels soutiens, n’est-il pas une manière de valoriser les directeurs et les enseignants en leur permettant de se réapproprier la dimension pédagogique de leur métier ? Et au-delà de soulager la direction et les enseignants dans leurs tâches premières, n’est-il pas opportun voire judicieux pour nos jeunes têtes blondes d’avoir un accueil éducatif spécifique et essentiel lié à son développement personnel ?

Un métier à part, assurément.

 Aide éducative, qu’est-ce que c’est ?

On a pu l’observer, la fonction d’éducateur en milieu scolaire est quasi inexistante à l’école fondamentale mais effective à l’école secondaire. Cela reste une fonction peu ou mal reconnue. D’ailleurs, les prescrits et les contours de la mission paraissent encore flous pour tous les intervenants. Au quotidien, l’éducateur touche différents domaines : l’administratif, le relationnel, la surveillance, le soutien éducatif et l’accompagnement.

Par ailleurs, il est symptomatique de constater que très peu d’ouvrages sont dédiés aux éducateurs en milieu scolaire. Preuve du peu de délicatesse et, osons l’écrire, d’intérêt que la fonction inspire.

Pour mémoire, un projet de loi sur le statut est voté en avril 1994 et publié au moniteur belge en avril 1996. Cependant, les arrêtés d’application de cette loi n’ont pas vu le jour : un recours a été introduit par la Communauté flamande et la Cour d’arbitrage a annulé le premier article de la loi.[3] Par ailleurs, les acteurs de l’enseignement appellent à apporter une reconnaissance plus fine de la fonction d’éducateur en milieu scolaire en les nommant « surveillant-éducateur » ou personne d’auxiliaire d’éducation ». Pourtant quand l’éducateur est reconnu, celui-ci apparait comme un interlocuteur privilégié pour le jeune et sa famille. Il sert d’interface entre les différents acteurs et est un relais avec les parents. Le législateur en est conscient mais il ne se donne pas les moyens de cette ambition, malheureusement.

L'éducateur, comme tout acteur de l'enseignement, inscrit son travail dans plusieurs cadres, dont le plus large est la référence au Décret "Missions" de 1997. Plus spécifiquement, le réseau de l'enseignement catholique a élaboré en son sein quelques recommandations[4] relatives à la fonction d'éducateur en milieu scolaire à l’école secondaire.

  • L’éducateur fait partie d’une équipe d’intervenants en milieu scolaire ;
  • L’éducateur aura une représentation claire de l’organisation de l’établissement au sein duquel il travaille ;
  • Il est hautement souhaitable de confier à chaque éducateur une partie du nombre de classes ou d’élèves ;
  • L’éducateur gère les présences et les absences des élèves ;
  • L’encadrement des élèves en-dehors des temps de cours est attribué prioritairement aux éducateurs ;
  • L’éducateur, même s’il gère le "hors cours", est un levier important pour accompagner l’élève dans ses compétences tant transversales que disciplinaires ;
  • Surveiller devient «veiller sur», mieux connaître, mieux entrer en contact, accorder de l’importance à chacun ;
  • L’éducateur est un levier important en matière de participation des élèves à la vie de l’école ;
  • L’éducateur est un des garants du respect de la règle et de la loi ;
  • L’éducateur a aussi un rôle central en matière de prévention des violences, du vol, du racket, de la consommation de drogues, etc… ;
  • De par sa situation privilégiée qui résulte du contact journalier avec les élèves, l’éducateur est compétent pour émettre des avis lors des conseils de classe et des réunions de parents.

L’aideéducative spécifique au service de la direction, des équipes pédagogiques et des familles assure une nouvelle dynamique dans l’établissement. L’éducateur, nouvel acteur assure également une relation pour asseoir une certaine forme de sécurité et de bien-être dans l’établissement. Il peut également faciliter la vie à l’école à différents niveaux dont l’objectif est d’accroitre un partenariat efficace entre la famille et l’école.

Enfin, pour souligner un autre avantage de l’aide éducative, l’éducateur incarne la fonction de « pédagogue de la relation ». Il gère les séquences non didactiques de la vie scolaire. Il assume quotidiennement des missions essentielles au bon fonctionnement d'une école, notamment le respect des règles et des conventions que se donne la communauté éducative. En concertation et en accord avec la direction et l’équipe enseignante, l’éducateur en milieu scolaire et particulièrement dans le fondamental peut être le lien clef (qui manque ?) entre l’école et la famille. Un métier à part, certainement !

Perspectives et ambitions

L’objectif pour le fondamental, c’est bien entendu de tendre vers le schéma mis en place dans le secondaire dans bien des points mais à adapter au cadre des enfants de 2,5 ans à 12 ans. Par ailleurs, dans les petites structures qui ne disposent pas de personnel administratif, l’éducateur peut également s’occuper du secrétariat (administration des dossiers du personnel et des élèves, permanence téléphonique, etc.), de la technique (imprimerie, photocopies, gestion de la bibliothèque) ou encore de l’économat (gestion financière et matérielle de l’école, des commandes, préparation des budgets, comptabilité). Le métier mobilise diverses compétences que le législateur doit pouvoir déterminer quand l’aide sera effective structurellement à l’école fondamentale.

Un métier à part, indéniablement.

Avec l’aide éducative, il est possible de répartir la charge de travail que requiert un établissement tout en n’exonérant pas les responsabilités de chacun. L’équipe envisage un nouveau mode de fonctionnement et ce, au service de la collectivité et de l’enfant en particulier. L'enfant grandit et, peu à peu, doit s'intégrer dans des communautés de plus en plus larges jusqu'à être suffisamment mûr pour rejoindre, un jour, la société des adultes.

Au-delà du pédagogique, il est un lien supplémentaire pour favoriser le partenariat école-famille. A double titre d’ailleurs, pour lui-même dans sa fonction et sa reconnaissance, enfin pour libérer la direction et les enseignants de leur fonction première. Tout profit pour les familles et les enfants. Tout cela va dans le sens du partenariat école-famille que défend et met en avant l’UFAPEC dans son mémorandum[5]. Un partenariat qui se vit dans le respect et les choix pédagogiques portés par l’établissement. Cette structure éducative apportée aux enfants construit et charpente sa personnalité. L’enfant sent ce qu’il vit de positif et appréhende plus facilement l’école comme un terrain d’apprentissages multiples : connaissances et compétences, socialisation, autonomie, jeux… De plus, le psychologue Blaise Pierrehumbert insiste dans un article[6] sur le fait que l’attachement est source d’autonomie. L’attachement, pas seulement à ses parents mais aussi à des proches, peut devenir une base sécurisante pour l’enfant. « Cette base sécurisante joue un grand rôle dans le devenir de l'enfant qui apprend ainsi à partager ses émotions. Nous sommes des êtres sociaux et se lier, s'attacher aux autres paraît faire partie de notre nature. Mais ces liens ne retiennent-ils pas l'individu, l'empêchant de s'ouvrir au monde et d'affirmer son individualité ? La théorie de l'attachement illustre, au travers d'une approche à la fois clinique et scientifique, cette subtilité de nos comportements qui va permettre à l'individu d'utiliser les autres pour prendre son propre envol, s'aider du connu pour s'ouvrir à l'inconnu, s'appuyer sur le passé pour embrasser l'avenir. »

Evaluer cette aide spécifique ?

Affranchi par la question de savoir si l’enfant est ou non au centre du système éducatif, le législateur doit pouvoir faire le pas décisif. L’évidente question d’y mettre les moyens ouvre de belles perspectives d’encadrement supplémentaire pour les familles, les instituteurs et les directeurs. Tout cela pour un bénéfice réel offert à l’enfant. Evaluer quelque chose qui n’existe pas est sans doute provocateur voire abusif. En effet, chacun s’accorde sur l’idée d’une pluralité nécessaire d’intervenants soucieux d’œuvrer en synergie avec l’équipe éducative et pour l’intérêt de l’enfant. Ce n’est plus, d’un côté, la défense de la famille au sens large et, de l’autre, celle d’une éducation purement scolaire, mais la qualité des apprentissages pour «la réussite de l’enfant» qui importe[7]. Les parents sont alors eux-mêmes dans des situations où l’écoute, l’aide, l’accompagnement, le conseil, la médiation, sont devenus affaire de professionnels, où les métiers de la parentalité et de l’éducation se diversifient et précisent leurs rôles respectifs[8].

Un métier à part, nécessairement.

Conclusion

Pour l’UFAPEC, la fonction d’éducateur en milieu scolaire dans le fondamental apparait comme urgente. Dans son Mémorandum 2014, l’UFAPEC insiste sur l’éducation à la citoyenneté. Cette nouvelle relation peut y véhiculer l’esprit : « L’école est pourtant un lieu privilégié où le vivre-ensemble et la formation à une citoyenneté responsable, active créative et solidaire peuvent prendre corps autrement que dans le cercle familial. En effet, les enfants passent une bonne partie de leur journée dans un contexte social où ils rencontrent d’autres personnes, jeunes et adultes, venant d’autres horizons, ayant d’autres références sociales ou culturelles. L’école peut être le lieu où le respect de chaque personne est prôné dans la perspective d’une vie relationnelle, affective et sexuelle équilibrée à l’âge adulte.[9] » Celui-ci est aussi au cœur des préoccupations de prévention à la violence. De plus, l’éducateur peut être le ciment dans la relation avec la famille pour fluidifier le partenariat. « Faire des parents de véritables partenaires dans le parcours scolaire de leur enfant est l’une des clés essentielles de la réussite de l’école dans ses missions. De nombreuses difficultés surviennent à la suite de malentendus ou de vécus, de représentations très différentes à l’école et en famille[10]. »

Alors que tout est encore à construire pour l’école fondamentale, l’éducateur en milieu scolaire a besoin d’être reconnu et valorisé. L’éducateur se situe au cœur des interactions. Il faut déjà lui donner un cadre à part entière au regard des missions qui lui sont assignées et profiter de ce qui se vit à l’école secondaire pour avancer dans la bonne voie. Les réalités de terrain sont différentes d’une école à l’autre. Un climat de coopération entre tous les acteurs de la communauté éducative semble souhaitable voire nécessaire pour la réussite et l’épanouissement de l’enfant. Les parents peuvent et doivent aussi y jouer un rôle. La tâche est immense, la volonté est présente, les moyens doivent suivre. La construction, à nos yeux indispensable, d’un référentiel définissant clairement la fonction, la mission, les objectifs et les moyens d’y parvenir susciterait des vocations mais surtout une meilleure visibilité et une meilleure (re)connaissance de ce métier.

A noter que certaines écoles secondaires « prêtent » des temps d’éducateurs et d’aides administratives à des écoles primaires dont elles sont partenaires, preuve du besoin dans le domaine. Il faut réinvestir dans le fondamental car là, se scellent l’avenir des enfants. L’éducateur, en tant que pédagogue de la relation a une place essentielle à prendre dans une réforme du fondamental. Il est là pour sentir et accompagner les difficultés relationnelles rencontrées par les enfants, par-delà toute autre considération pédagogique. Il est un soutien, dans ce domaine et dans d’autres, pour les directions aujourd’hui engluées par la charge administrative. Il peut être des yeux, des oreilles… et un cœur ! Comme l’est certainement le directeur, mais sous un statut et un rapport différents, et donc avec un accès à l’information et une empathie nouvelles. Tous les acteurs du fondamental sont aujourd’hui en attente d’une respiration éducative.

Une nouvelle relation est à découvrir !

Un métier à part, manifestement ?

 

Jean-Philippe Schmidt

 


[2] Extrait du dossier sur les éducateurs paru dans « entrées libres n°29 » de mai 2008, p. 8 - http://www.entrees-libres.be/n29_pdf/dossier.pdf  - lien vérifié le 11 septembre 2015

[3] http://www.educ.be/carnets/histoire/statuteduc.pdf - lien vérifié le 18 septembre 2015

[5] Mémorandum 2014 UFAPEC p.10 et p. 31 - http://www.ufapec.be/files/files/Politique/memorandum/memorandum-2014.pdf  - lien vérifié le 17 septembre 2015

[8] ibidem

[9] Mémoradum 2014 UFAPEC – p.48-49

[10] ibidem

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