Analyse UFAPEC juin 2015 par A. Pierard

05.15/ Un passage vers l’ordinaire lors de la transition primaire-secondaire des élèves à besoins spécifiques : Quel réalisme ?

Introduction

La transition entre l’enseignement primaire et l’enseignement secondaire est une étape importante dans la vie de l’élève. Lors de cette transition, il est possible pour les élèves à besoins spécifiques de (ré) intégrer les rangs de l’enseignement ordinaire. Cette option est envisagée plus particulièrement, voir imposée pour les élèves de l’enseignement spécialisé de type 8 (destiné aux élèves présentant des troubles instrumentaux (perception, motricité, langage, mémoire) et des troubles d’apprentissage) vu l’absence de ce type au niveau secondaire.

Nous l’avons vu dans une précédente analyse[1], la majorité des élèves à besoins spécifiques restent dans l’enseignement spécialisé lors de la transition primaire-secondaire. Il faut aussi tenir compte de ceux qui passent dans l’enseignement ordinaire, en bénéficiant ou non d’un suivi en intégration, et voir ce qui peut être mis en place pour faciliter leur insertion sociale et contribuer à leur réussite scolaire.

Pour quels élèves cette possibilité est-elle envisageable ? Avec quels effets sur leur parcours scolaire et leur intégration sociale et professionnelle future ?

Comment se passe la transition pour ces élèves ? Quel est le réalisme de cette possibilité annoncée au jeune et à ses parents ?

Comment ce passage vers l’ordinaire est-il préparé à l’école et avec les parents ? Quels sont les moyens mis en œuvre pour permettre une intégration (ou son suivi) ou un retour dans l’enseignement ordinaire ?

Chaque partie de cette analyse sera illustrée d’extraits de témoignages de mamans pour compléter les propos. Vous pourrez trouver les témoignages complets en annexe.

Une décision qui demande réflexion

Lors du passage en secondaire d’un élève à besoins spécifiques qui pourrait être dirigé vers l’enseignement ordinaire, les questions à se poser sont les suivantes :

-          Quel parcours serait le plus bénéfique pour le jeune, en tenant compte de ses capacités, de son potentiel et de ses besoins spécifiques ?

-          Quels bénéfices le jeune pourra-t-il retirer d’une inscription dans l’ordinaire ?

-          Le jeune est-il apte à passer son Certificat d’Etudes de Base (CEB) ?

-          Comment l’accompagner au mieux ? Qu’est-il mis en place dans l’école ordinaire pour tenir compte de ses besoins ?

-          Faut-il organiser une intégration accompagnée par l’enseignement spécialisé ?

Un passage vers l’ordinaire est à envisager dans une optique d’inclusion sociale, de continuité de l’expérience éducative et de poursuite du développement personnel, tout en ayant en tête que ce choix a un impact important sur les possibilités du jeune lors du passage à la vie adulte : études supérieures, travail...

Maman de Simon : L’école primaire suivant l’intégration de Simon a été très présente à nos côtés dans notre réflexion. Nous avons aussi eu plusieurs réunions avec le Centre PMS. Étant donné son bon niveau scolaire et le fait que ses compétences sociales se sont beaucoup améliorées, nous avons envisagé ensemble toutes les solutions.

Maman de Sylvie :Concernant le passage en secondaire, la première question, abordée avec l’école primaire et le centre PMS, fut de savoir si Sylvie passerait son CEB. Nous avons ensuite visité des écoles secondaires ordinaires, car c’était celle-là notre optique pour Sylvie, lors de portes ouvertes et en rencontrant chaque fois deux personnes afin de voir qu’elle était l’accueil fait aux élèves ayant des troubles d’apprentissages.

Les préjugés laissent croire qu’un passage vers l’enseignement ordinaire favoriserait l’intégration sociale du jeune. Notre société se veut effectivement de plus en plus inclusive. Mais qu’en est-il réellement de l’accueil de tous dans les structures de l’enseignement ordinaire ? Notre enseignement est-il équitable dans les moyens mis à disposition et les volontés déployées pour permettre une transition vers le secondaire ordinaire des élèves à besoins spécifiques ?

Les possibilités de passage vers l’enseignement ordinaire

Un passage vers le primaire ordinaire

Quand un retour vers l’ordinaire est possible, il est parfois proposé que l’élève commence la transition spécialisé-ordinaire durant son parcours primaire et fasse donc une 6ème primaire ordinaire afin d’ensuite passer son CEB et continuer son parcours dans le secondaire ordinaire. Ceci permet de rejoindre les bancs de l’ordinaire dans la structure du primaire (avec un seul enseignant, dans un plus petit établissement) pour faire la transition en douceur, s’adapter plus calmement sans être directement confronté à la complexité du secondaire. Il faut se poser la question de voir si cela est réellement nécessaire pour l’élève, s’il en a besoin. Cela relève du cas par cas, selon les profils…

Un suivi en intégration dans l’enseignement ordinaire[2]

Depuis les modifications apportées en 2009 au décret organisant l’enseignement spécialisé, les élèves à besoins spécifiques peuvent bénéficier d’un accompagnement de l’enseignement spécialisé dans l’enseignement ordinaire par la mise en place d’un projet d’intégration. Qu’il ait déjà été intégré ou non en primaire, le jeune peut passer dans l’enseignement ordinaire secondaire avec un suivi en intégration assuré par le type de l’enseignement spécialisé dont il relève.

L’intégration nécessite un accord des différentes parties (les parents mais aussi les deux écoles concernées et les deux Centres PMS reliés à ces écoles) et permet un accompagnement par du personnel de l’enseignement spécialisé de l’élève, selon ses besoins, dans un établissement de l’enseignement ordinaire. La mise en place de l’intégration demande l’implication de l’équipe de l’école ordinaire, la construction progressive du projet, dans un esprit de collaboration.

Actuellement, les cas d’intégration sont plus nombreux en enseignement primaire qu’en enseignement secondaire car plus difficile à y organiser vu la complexité de ce niveau : plusieurs professeurs, pas forcément tous les cours dans la même classe, avec les mêmes camarades de classe (selon les options)…

Maman de Maxime :Après 8 mois dans l’enseignement ordinaire en 1ère secondaire, Maxime est parti dans l’enseignement spécialisé de type 4. Il a pu intégrer une 1ère-2ème et passer son CE1D là-bas. Il a été délibéré « réussite » et est retourné dans l’enseignement ordinaire technique, en 3ème secondaire, avec une logopède pendant 4 h qui vient de l’enseignement spécialisé de type 4. Un projet d’intégration a donc été mis en place avec la collaboration d’une école de type 4. Cette possibilité ne nous avait pas été annoncée par les écoles primaires car ils pensaient tous que comme l’enseignement de type 8 n’existe pas en secondaire, il n’y avait pas d’aide à l’intégration possible en secondaire. Dans l’école secondaire ordinaire, ils ne savaient pas que c’était possible de mettre en place des projets d’intégration. C’est l’école de l’enseignement spécialisé de type 4 qui a fait toutes les démarches auprès de la direction et du Centre PMS. Puis la logopède a rencontré chacun des professeurs et en leur expliquant comment aider Maxime. Parallèlement à cela, nous avons rencontré un maximum de professeurs à chaque réunion des parents.

Un passage vers le secondaire ordinaire

La transition vers l’enseignement secondaire ordinaire est possible pour tout élève sortant de l’enseignement primaire spécialisé, avec accord préalable du Centre PMS relié à l’école spécialisée car c’est celui qui a suivi cet élève. Son entrée en première commune ou différenciée dépendra de l’obtention ou non du CEB.Auprès des parents et de l’équipe éducative, le Centre PMS est compétent en matière de transition et d’un passage possible vers l’enseignement ordinaire : conseils de classe, rencontres avec les parents, réponses aux questions… « Lorsque les élèves de l’enseignement spécialisé ont 12-14 ans, plusieurs orientations sont possibles. Le jeune peut continuer ses études dans l’enseignement spécial, il peut, s’il a réussi son CEB rejoindre l’enseignement général et, s’il n’a pas obtenu son CEB, rejoindre les rangs de l’enseignement différencié. Mais ils rencontrent tous le PMS. C’est ce dernier qui rend un avis où il précise s’il considère l’élève « apte » ou « inapte » à suivre l’enseignement ordinaire. Cet avis motivé n’est pas contraignant, les parents restent responsables de l’orientation scolaire de leur enfant.[3] » Cette transition peut être source d’angoisse pour le jeune, mais aussi pour ses parents.

Maman de Maxime :Concernant le retour vers l’ordinaire, au début nous avons eu peur car nous savions qu’il allait être confronté à un milieu très différent. La petite école de l’enseignement spécialisé nous semblait beaucoup mieux adaptée à ses peurs. A partir de la Toussaint, Maxime a été accompagné psychologiquement pour mieux gérer ses peurs.

Maman de Simon :J’étais très angoissée concernant cette transition. J’avais peur que cela ne se passe pas bien, étant donné qu’en primaire le dispositif d’intégration était solide. Il y avait plusieurs enfants à besoins éducatifs particuliers dans sa classe, donc deux enseignants à temps plein (un de l’ordinaire, un du spécialisé) ainsi qu’un encadrement paramédical et une forte coordination.  Mais au fur et à mesure que la date de transition approchait, l’équipe réduisait son aide à Simon pour qu’il puisse s’en passer par la suite et que le passage vers le secondaire soit préparé.

Ce qui nous semble important, c’est de réfléchir ensemble, tous les partenaires concernés, au passage dans le secondaire car celui-ci aura un impact pour la suite possible à donner au parcours du jeune. Selon les cas, l’enfant pourra passer le CEB. S’il le réussit il pourra aller dans l’enseignement ordinaire, en secondaire générale ou professionnelle en fonction des capacités et des désirs du jeune. S’il le rate, le jeune pourra passer en primaire ordinaire ou première différenciée (si cela semble opportun) ou continuer son parcours dans l’enseignement spécialisé. L’idée est de poursuivre un parcours scolaire le plus approprié possible à ses besoins et compétences.

Dans toute cette réflexion et face à la possibilité d’intégrer une première différenciée, il faut tenir compte du fait que le nombre d’écoles proposant un premier degré différencié est en diminution, que cette offre n’est pas forcément à proximité du lieu de vie du jeune et de sa famille et voir quelle est la suite du parcours des élèves passant par le premier degré différencié.

Il faut aussi se rendre compte ce que cela signifie de passer dans l’enseignement ordinaire. Comme les trois mamans nous l’ont exprimé, il n’y a pas forcément d’adaptation faite pour accueillir le jeune à besoins spécifiques dans un établissement de l’enseignement ordinaire. Même si l’on parle d’intégration et d’aménagements raisonnables, les choses ne sont pas toujours connues et mises en place par les équipes éducatives.

Maman de Sylvie :Lors de la réflexion sur le passage en secondaire, nous avons constaté avec stupéfaction que rien n’est mis en place pour accompagner le passage de Sylvie de l’enseignement spécialisé vers l’enseignement secondaire ordinaire. Elle se trouve au même point qu’un autre élève. D’abord au niveau des inscriptions. En effet, elle ne peut pas bénéficier de la priorité « élève à besoins spécifiques » puisqu’elle n’est plus inscrite dans l’enseignement spécialisé. Pourtant jusqu’au 30 juin de sa 6e année primaire, elle est bien reconnue comme une élève à besoins spécifiques. Cette priorité aurait pu faciliter l’inscription dans une école secondaire qui a un projet pédagogique soutenant pour les élèves qui ont des troubles des apprentissages.

Spécificité des élèves relevant de l’enseignement spécialisé de type 8[4]

Le type 8 n’existe qu’au niveau primaire de notre enseignement. L’absence de type 8 au secondaire est un problème dont on a conscience et qui est évoqué par les parents eux-mêmes. Comment la transition primaire secondaire se passe-t-elle pour ces élèves ? Peuvent-ils bénéficier d’un accompagnement pour aider leur passage au niveau secondaire dans l’enseignement ordinaire ? Quelles difficultés le jeune, sa famille et l’enseignant risquent-ils de rencontrer avec cette orientation (en matières d’apprentissages scolaires, d’intégration au groupe, de développement de soi) ? Quel taux de réussite scolaire ?

Maman de Sylvie :Malheureusement, le type 8 n’existe pas en secondaire. Si on n’envisage pas la possibilité de les considérer comme des enfants sous le régime d’enseignement type 1 ou type 3, ces enfants n’ont aucune priorité au moment de l’inscription en secondaire. Les recherches pour une école sont donc un peu plus difficiles car il faut investiguer quelles écoles organisent le premier degré différencié (l’offre est très faible), comment les écoles mettent en place le Plan Individualisé d’Apprentissage pour les élèves en difficultés scolaires au premier degré et leur maturité par rapport à ce nouvel outil. Nous avons recherché l’école secondaire qui pourra l’encadrer au mieux.

Maman de Maxime :Je déplore évidemment qu’il n’existe pas d’enseignement spécialisé de type 8 dans l’enseignement secondaire. Que fait-on de ces enfants lors de leur passage en secondaire ? Soit on triche (certains ne font pas passer le CEB afin qu’ils bifurquent directement dans l’enseignement  ordinaire « professionnel », ce qui n’est pas une bonne idée pour les dyspraxiques qui ne sont de fait pas très doués naturellement pour les travaux manuels), soit ils font deux années scolaires en trois ans et puis ils bifurquent après 3 ans dans le technique ou le professionnel.

Maman de Simon :Le gros problème est que le type 8 ne continue pas dans le secondaire, il n’est donc pas possible de continuer le processus d’intégration que nous avions mis en place en primaire. Des parents aisés n’ont aucun souci pour trouver des experts en libéral qui peuvent aider à l’intégration. Les autres parents sont lésés et cela va contre le principe de l’égalité des chances. Faisant partie de ceux qui ont les moyens, j’ai donc choisi une intégration avec une psychologue ABA en libéral.

Comme le soulève la maman de Simon, face à l’absence de type 8 mais aussi de manière générale à la possibilité de passer dans l’enseignement ordinaire, les jeunes à besoins spécifiques ne sont pas tous égaux. Non seulement de par leurs compétences scolaires, mais aussi de par leur situation économique. S’ils ont besoin d’un soutien, certains parents peuvent le leur payer mais d’autres non. Cela ne respecte pas le principe d’égalité des chances et ne donne donc pas à tous les mêmes possibilités pour leur réussite scolaire et de manière indirecte, leur future insertion sociale et professionnelle.

Sur les 834 élèves provenant du type 8 et entrés en secondaire ordinaire en septembre 2007, leur position scolaire en 2012-2013 est la suivante :

-          1% en 6ème technique de qualification

-          14% en 6ème professionnelle de qualification

-          1% en 5ème technique de transition

-          5% en 5ème technique de qualification

-          17% en 5ème professionnelle

-          1% au deuxième degré du secondaire ordinaire de transition

-          3% au deuxième degré du technique de qualification

-          9% au deuxième degré du professionnel de qualification

-          9% dans l’enseignement en alternance (CEFA)

-          6% dans l’enseignement spécialisé

-          35% hors de l’enseignement obligatoire[5]

Un grand nombre de ces élèves finissent dans l’enseignement secondaire de qualification (50%) ou ne sont plus scolarisé (35%). Est-ce réellement voulu ? Est-ce dû à l’organisation de l’enseignement secondaire en Fédération Wallonie-Bruxelles et à la relégation vers ces filières des élèves présentant des difficultés scolaires ? S’agit-il plutôt des filières qui leur correspondent le mieux et donc d’un choix personnel ?

Maman de Maxime : L’enseignement technique lui correspond beaucoup mieux que l’enseignement général où le rythme était trop soutenu. Il a donc quelques belles réussites et ne doit pas travailler pendant des heures après les cours.

C’est peut-être un choix pour Maxime mais cela ne l’est pas forcément pour tous. Nous pensons qu’il y a des élèves présentant des troubles d’apprentissages qui sont inscrits dans l’enseignement ordinaire sans accompagnement, faute de moyens, et qui finissent dans l’enseignement qualifiant par relégation plutôt que par choix.[6] Il serait judicieux de s’intéresser au cursus scolaire de ces élèves pour voir si les choix lors de la suite de leur parcours sont des choix motivés ou des choix par défaut.

De plus, comme l’évoque la maman de Sylvie, ces élèves ne bénéficient d’aucune priorité pour l’inscription en première secondaire. Pour bénéficier de la priorité intégration, ils devraient être réorientés vers l’enseignement spécialisé de type 1 (…) ou 3 (…) afin de bénéficier d’un accompagnement de l’enseignement spécialisé en secondaire. C’est aberrant ! Ils étaient reconnus jusqu’en sixième primaire élèves présentant des troubles instrumentaux (perception, motricité, langage, mémoire) et des troubles d’apprentissage mais n’ont plus droit à cette reconnaissance et un enseignement adapté une fois qu’ils intègrent l’enseignement secondaire. Fin juin, ils sont encore élèves à besoins spécifiques mais deux mois plus tard, par enchantement ils n’auraient plus de besoins spécifiques ? Ces élèves devraient avoir une priorité dans leur choix d’école secondaire et leur transition dans l’enseignement secondaire devrait être accompagnée.

Vu le manque d’accompagnement et le système de relégation, L’UFAPEC estime qu’il faut aider la transition et permettre un encadrement adapté et demande la création administrative d’un type 8 au 1er degré du secondaire pour un suivi en intégration. « Si l’UFAPEC souhaite cela, c’est pour assurer le suivi des élèves qui étaient dans le type 8 en primaire et bénéficieraient ainsi des modalités de l’intégration dans l’enseignement ordinaire (ils ne seraient plus obligés de s’inscrire dans le type 1 ou le type 3, ce qui ne leur correspond pas, pour en jouir). En effet, un élève en intégration a droit à la présence et au soutien de l’enseignant du spécialisé pendant 4 heures. Quand on est « dys », on le reste toute sa vie. Il faut donc permettre aux « dys » de bénéficier des outils nécessaires pour faire face à leurs besoins spécifiques tout au long de leur scolarité.[7] »

Olivier Maroy, député wallon membre titulaire de la commission de l'Enseignement supérieur, de la Recherche et des Médias, va aussi dans l’optique d’une école ouverte aux troubles d’apprentissages : « L’objectif de la réintégration dans l’enseignement ordinaire n’est atteint que pour 57% des élèves en 2012-2013. Cet élément ne plaiderait-il pas en faveur de la création d’une formule de premier cycle secondaire adapté aux enfants ayant fréquenté le type 8 de l’enseignement spécialisé primaire ? Une fois sortis du type 8, ces enfants se retrouvent trop souvent livrés à eux-mêmes. (…) Je plaide avec force en faveur d’écoles dyslexiques friendly. En effet, placer des enfants dyslexiques, dyscalculiques ou dysorthographiques dans l’enseignement spécialisé, c’est du gâchis. Il faut aussi savoir que beaucoup d’enfants vivent mal cette relégation. Je soulève un dernier problème. Quand on a été dans le type 8 et lorsqu’on revient dans l’enseignement ordinaire secondaire, c’est la croix et la bannière pour trouver une école qui soit un peu dyslexique friendly.[8] »

Quelle prise en compte du projet de vie du jeune ?

Lors de la transition primaire-secondaire, les parents, l’école et le Centre PMS devraient se poser la question du projet de vie du jeune et essayer de voir avec lui ce qui est le mieux pour lui comme enseignement au niveau secondaire en tenant compte de ses compétences, de ses difficultés et de ses désirs pour sa vie future. Que veut-il faire quand il sera adulte ? Où se voit-il dans 10 ans ? Mais le jeune ne sait pas toujours répondre à ces questions, définir ou formuler son projet, ses désirs concernant sa vie future. Les adultes doivent prendre une décision en tenant compte des difficultés du jeune et en lui permettant la meilleure insertion sociale possible. Car, comme nous le précisions déjà dans notre étude de 2011, la socialisation est un élément clef de la réussite et du bien-être de chacun. « La capacité à se sociabiliser est un facteur clé de la réussite. D’où l’intérêt de mettre sur pied des programmes ajustés à cette problématique lorsque cela s’avère nécessaire, à l’école et hors école. L’acceptation du handicap, puis l’épanouissement personnel et l’épanouissement de l’entourage sont très importants dans le processus. Il faut pouvoir s’éveiller à ses envies, ses besoins et ses capacités[9] ».Il est donc important de pouvoir permettre à ces jeunes de trouver leur place auprès des autres, dans la structure de l’enseignement ordinaire.

Conclusion

Il n’est pas toujours facile de trouver l’école ordinaire adéquate pour accueillir ces élèves dans leurs spécificités, une école qui pourra aider leur intégration sociale et professionnelle en tenant compte de leurs besoins. Alors que les parents devraient avoir le libre choix de l’école pour leur enfant, on peut ici se retrouver dans des situations de non choix face à un manque d’offre dans le différencié et une disparité dans la prise en charge de TOUS les élèves dans nos écoles secondaires ordinaires.

Lors de la transition primaire-secondaire, il faut bien réfléchir à la situation et voir ce qu’il est le plus judicieux de faire selon le profil du jeune concerné en pensant son insertion dans notre société. La fréquentation ou non de l’enseignement ordinaire soulève des enjeux importants pour le jeune et son avenir : diplôme, intégration sociale, intégration professionnelle, possibilité de faire des études supérieures...

Il faut pouvoir préparer cette transition et soutenir les élèves à besoins spécifiques comme en témoigne la maman de Sylvie « tout le monde sait (parents, enseignants, éducateurs, …) combien la transition primaire-secondaire est complexe (multiplication des enseignants, rythme accéléré, quantité de matière plus importante…) et ce déjà pour un élève qui a fréquenté le primaire ordinaire. On peut donc facilement imaginer que, pour un élève qui a bénéficié d’un encadrement plus important (classe plus petite, logopédie à l’école, enseignants sensibilisés…), le fossé soit encore plus grand. »

En matière de transition primaire-secondaire, l’UFAPEC soutient les demandes suivantes :

-          Envisager la création administrative d’un type 8 au 1er degré du secondaire pour un suivi en intégration.

-          « Alléger la lourdeur des partenariats pédagogiques pour permettre de réels décloisonnements entre écoles primaires et secondaires ; améliorer ainsi la communication dans les deux sens (élèves à besoins spécifiques, évolution de l’élève revenant vers les instituteurs afin de leur permettre une auto-évaluation plus pertinente,…).[10] »

-          « Pour favoriser l’adaptation des élèves, être attentif à l’école d’origine des élèves lors de la formation des groupes-classes (la gestion des inscriptions au 1er degré doit assurer un terrain de confiance pour le jeune qui effectue son passage du primaire au secondaire).[11] »

-           « Encourager toutes les initiatives qui permettraient aux acteurs du primaire et du secondaire de se rencontrer et de rendre possible le passage de l’un à l’autre le moins déstructurant possible ainsi qu’une meilleure attention des particularités et besoins spécifiques de l’enfant.[12] »



[1]Pour plus d’information à ce sujet, lire Pierard A., Transition primaire-secondaire dans l’enseignement spécialisé pour les élèves à besoins spécifiques : un frein ou une chance pour poursuivre leur projet de vie ?, Analyse UFAPEC N°05.15, 2015.

[2]Pour plus d’information à ce sujet, lire Pierard A., Intégration dans l’ordinaire, prémisse à l’insertion sociale des élèves à besoins spécifiques ?, Analyse UFAPEC N°18.12, 2012.

[3]D’Hondt D., « Un passage très spécial », in Traces de Changements, revue du mouvement sociopédagogique Changements pour l’Egalité, n°215, mars avril 2014, p 7.

[4]Pour plus d’information à ce sujet, lire Pierard A, Passage des élèves du primaire type 8 de l’enseignement spécialisé vers le secondaire, Analyse UFAPEC N°01.13, 2013.

[5]Ces informations proviennent des indicateurs de l’enseignement de 2014. Indicateur 16 : flux entre enseignement ordinaire et spécialisé dans l’enseignement de type 8, pp 42-43.

[6]Lontie M., Nouveau regard sur l’enseignement qualifiant, Etude UFAPEC N°31.13, 2013.

[7]UFAPEC, Mémorandum 2014, pp 16-17.

[8]« Enseignement spécialisé de type 8 », interpellation de M. Olivier Maroy à Mme Joëlle Milquet, vice-présidente et ministre de l’Education, de la Culture et de l’Enfance, en date du 16 mars 2015, p 11 et 14.

[9]Houssonloge D., Lontie M. et Pierard A., L’enseignement spécialisé : l’élève et son projet de vie, Etude UFAPEC N°32.11, 2011, p 44.

[10]UFAPEC, Mémorandum 2014, p 9.

[11]Idem, p 10.

[12]Idem, p 19.

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