Analyse UFAPEC octobre 2013 par A. Floor

22.13/ Comment en tant que parent, accompagner son jeune dans son parcours d’orientation?

Introduction

Selon la majorité des managers RH, selon les recruteurs et les entrepreneurs[1], les jeunes n’ont pas une bonne connaissance de qui ils sont, de leurs aptitudes et compétences. Or une bonne orientation est celle qui correspond aux aptitudes, intérêts et compétences du jeune. Encore faut-il que le jeune sache identifier ses lignes de force et de faiblesse. Quelle sera la place du parent dans ce processus d’orientation ? Rester en retrait ? S’impliquer activement ? L’encourager, voire l’obliger à faire des démarches ?

Et si l’accompagner dans son orientation consistait d’abord à réfléchir ensemble au comment s’orienter plutôt que de se limiter à la sempiternelle question : « tu veux faire quoi plus tard ? »

Position particulière des parents

Selon les conseillers du Centre d’Information et d’Orientation de l’UCL (CIO), les parents sont, quelle que soit la place qu’ils prennent, présents dans le processus d’orientation et cela qu’ils le veuillent ou non. On ne peut en effet dissocier le jeune de son contexte familial, il en est imprégné et subit des influences : Les parents sont des éléments clés de l’environnement familial du jeune. La relation qu’il entretient avec eux tient donc une place particulière dans nos entretiens. Comment se situe-t-il dans sa destinée, dans le présent et dans l’histoire des destinées familiales ? Un travail de réflexion de cet ordre permet de sortir du déterminisme pour entrer dans une démarche plus consciente et du coup plus libre. Elle permet au jeune de se positionner en continuité ou en rupture de l’une ou l’autre destinée transgénérationnelle. Nous accompagnons ainsi une prise de conscience et invitons à un positionnement personnel du jeune.

Le CIO a même édité un carnet[2]spécialement adressé aux parents. L’objectif est double, à la fois éducatif et informatif. Educatif dans le sens où il fournit une grille d’analyse de leurs comportements et attitudes vis-à-vis de leur enfant, ainsi que des outils de réflexion et d’accompagnement pour évoluer si nécessaire dans leur relation avec leur enfant. La brochure est informative dans la mesure où elle explique le processus d’orientation et le paysage des études et des formations en Fédération Wallonie-Bruxelles.

Pour Fanny Defossez, directrice du centre Infor Jeunes de Namur, les blocages lors de l’orientation peuvent être de tous ordres : Parfois un jeune sait ce qu’il a envie de faire, mais se l’interdit. Parce qu’il craint que ses études coûtent trop cher. Parce qu’il a peur de déplaire à ses parents. Parce qu’il culpabilise à l’idée de partir loin de chez eux… Ces freins peuvent être réels ou émotionnels. Permettre au jeune de les exprimer librement et éventuellement les reformuler suffit parfois à lui faire réaliser que ces obstacles ne sont pas insurmontables[3].

Les jeunes sont, quant à eux, à la recherche d’un soutien, d’encouragements, de suggestions de pistes à explorer mais en aucun cas ils ne souhaitent que leurs parents choisissent à leur place[4].

Trouver la bonne distance, c’est visiblement toute la question. Côté parent, ne pas sous-investir ou, au contraire, surinvestir un terrain potentiellement miné ; côté adolescent, ne pas se soumettre passivement, ni s’opposer pour s’opposer : les écueils ne sont pas minces. (…) Il faut savoir rester à sa place, ne pas envahir le territoire de l’adolescent. Et ne pas lui demander ce qu’il attend de la vie, mais lui dire : la vie attend quelque chose de toi. Un beau challenge[5].

Comment accompagner son enfant ?

Pour cette partie, nous nous inspirons largement de la brochure du CIO citée plus haut. L’accompagnement peut se réaliser à plusieurs niveaux ; en aidant le jeune à mieux se connaitre sur le plan personnel, en l’encourageant à effectuer des démarches concrètes d’exploration des formations et des professions, en l’encourageant et en dédramatisant le processus d’orientation.

Aider le jeune à mieux se connaître sur le plan personnel

Dire au jeune ce que vous connaissez de lui

Le parent est celui qui a vu grandir et évoluer son enfant. Mettre des mots sur ses attitudes, ses qualités, ses comportements, relater des situations vécues qui mettent en lumière ses atouts et ses ressources constituent autant d’informations précieuses qui l’aideront à savoir qui il est. Il est évidemment essentiel de rester dans un échange constructif où le jeune se sent soutenu et non pas jugé. Ces échanges s’ils se déroulent dans un climat de confiance vont peut-être l’encourager à réaliser les mêmes démarches à l’extérieur : auprès de ses enseignants, d’amis, d’animateurs sportifs …

Toi, avec ton bagout, je te verrais bien dans une fonction commerciale. 

Je t’ai toujours perçu comme aimant étudier et apprendre. Je pense donc que tu pourrais te plaire dans des études où l’accent est mis sur la connaissance et à travers lesquelles tu pourras continuer à t’enrichir.

Tu vas vraiment te lancer dans une carrière médicale, alors que tu ne supportes pas la vue du sang ?

L’inciter à vivre de nouvelles expériences

Toute nouvelle expérience dit au jeune quelque chose de lui-même ; il y acquiert de la maturité, découvre de nouvelles situations auxquelles s’adapter, prend confiance en lui (quand elle est positive) ou au contraire découvre que cela ne lui convient pas.

Exemples d’activités : faire du bénévolat dans une association, participer à une pièce de théâtre à l’école, devenir animateur de mouvement de jeunesse, trouver un job d’étudiant pendant les vacances, partir un an à l’étranger…

Lui proposer de rencontrer un tiers, un professionnel de l’orientation

Si le jeune est en recherche sur lui-même, si le dialogue est difficilement constructif, mieux vaut s’adresser à un tiers. Il est parfois plus facile de se confier à une personne extérieure dans un cadre prévu à cet effet. Le professionnel de l’orientation[6]pourra analyser de manière impartiale son parcours personnel, ses expériences, ses atouts, ses limites, ses difficultés ainsi que prendre en compte le contexte et le vécu familial. Ensuite, il proposera aux jeunes des pistes concrètes d’investigation. Ce travail ne sera évidemment productif que si le jeune est volontaire et se sent acteur.

Encourager des démarches actives d’exploration et de confrontation

L’aider à s’y retrouver et à exploiter au mieux les différentes sources d’informations

Les Hautes Ecoles et les Universités ont besoin de « clients », le jeune a souvent une conception assez lointaine du monde professionnel. Il est utile qu’il confronte les sources d’informations pour se faire une idée plus réelle du métier ou du secteur professionnel qui l’intéresse. Selon la fonction de la personne qu’il va interroger (enseignant, étudiant, psychologue…), le point de vue sera bien entendu différent, il faut en tenir compte aussi. Prendre le temps de préparer ses visites à l’extérieur (salons, portes ouvertes, opération carrières…) : qui rencontrer ?, pour poser quelles questions ?, …

La tâche est d’autant plus difficile que ce sont les informations qui manquent. Il y en a partout et en même temps il n’y en a pas assez. Et puis les informations sont trop théoriques, trop classiques et trop générales… Pour choisir, ce n’est pas facile de se retrouver là-dedans. En plus je trouve qu’on ne nous fait pas suffisamment réfléchir sur ce que veut dire notre orientation. (…) on ne nous incite pas à penser sur soi, on nous balance des infos mais sans nous apprendre à se poser les bonnes questions…les infos on en a plein, trop même, mais si on ne se connait pas, on ne peut pas savoir ce qu’elles veulent dire pour nous[7]. Jean-Guillaume, 21 ans.

Se confronter à la réalité

Après avoir effectué un premier recueil d’informations plus générales, plus externes, la phase suivante va consister à se mettre dans le bain, à se mettre en situation en se rendant à des journées Portes Ouvertes des Hautes Ecoles et des Universités, en participant à des cours ouverts[8], en rencontrant des professionnels sur leur lieu de travail lors de stages ou de bénévolat.

Encourager, rassurer, dédramatiser le processus d’orientation

Dans ces moments-là où on ne sait pas, on a besoin d’être aidé et c’est vrai que les parents c’est très important parce qu’il faut qu’ils nous soutiennent… psychologiquement en fait. Pas pour nous couver, mais pour nous aider parce que c’est difficile de passer dans le monde des adultes. (…).  Ma mère, elle m’a beaucoup aidé par ses discussions mais aussi concrètement. C’est elle qui m’a poussé à aller dans un CIO, et puis après c’est elle qui m’a trouvé le BIOP[9], donc les parents c’est très important[10].Karim, 18 ans.

Dans leur brochure, les conseillers du CIO relèvent certaines attitudes parentales qui sont moins favorables que d’autres à l’orientation et à la prise d’autonomie du jeune : le parent qui n’arrive pas à faire confiance à son enfant et qui prend en main le processus d’orientation à sa place. Par ce manque de confiance, le parent exprime souvent ses propres angoisses et inquiétudes face à l’avenir incertain de son enfant[11]. Ou alors le parent qui donne trop de poids à des éléments extérieurs (débouchés, salaire, marché de l’emploi, côté prestigieux, sécurité matérielle…) au détriment des motivations et des aspirations du jeune. Faire passer ainsi en avant son inquiétude, des croyances, des idées reçues sur des professions sans tenir compte des envies et des aspirations de son enfant risque d’entrainer des réactions diverses de passivité, rejet, révolte, opposition systématique…

Mieux vaut donc positiver les démarches d’orientation selon les conseillers du CIO : En développant vous-même une conception positive de l’orientation et en manifestant des attitudes optimistes vis-à-vis de l’avenir, vous apportez un bon soutien à votre enfant et vous l’encouragez ainsi à se lancer dans des démarches actives d’exploration. (…) Ayez une écoute bienveillante des pistes émises et, si vous constatez des risques, sensibilisez-le à ces derniers sans pour autant déforcer trop rapidement ses projets. Essayez au contraire d’être constructif et proposez dans la mesure du possible des alternatives ou des moyens concrets pour dépasser les obstacles[12].

Les associations de parents ont-elles un rôle à jouer dans ce processus d’orientation ? Est-ce leur rôle ?

De nombreuses associations de parents proposent aussi des activités autour de la rencontre avec des professionnels dans le secondaire. Ces activités s’adressent principalement aux rhétoriciens. Le risque est de ne voir représentés à ces soirées que certains métiers. Et ce sont souvent ceux que les jeunes connaissent déjà. Or il est important de donner l’occasion au jeune de se confronter et de faire connaissance avec des professionnels de tous les horizons. Ces « soirées carrière » seront surtout porteuses pour les jeunes qui cherchent une confirmation de leur choix en rencontrant un ou des professionnels de terrain. A l’inverse, celui qui n’a aucune idée ne se trouvera que devant un panel assez restreint. L’UFAPEC encourage les associations de parents à répondre positivement à une collaboration avec l’école, mais estime que ce n’est pas son rôle que d’être l’initiateur de l’action. Cela fait partie des missions de l’école que d’organiser des activités d’orientation, ce n’est pas initialement le rôle de l’AP, celle-ci peut seulement être partenaire.

Conclusion

Apprendre à son enfant à faire des choix, à peser le pour et le contre est un processus qui s’apprend dès le plus jeune âge et qui lui sera bien utile à l’heure du choix d’études ou d’un métier. Inciter son enfant à assister à l’action « Place aux enfants[13] » organisée par les communes, se rendre ensemble aux journées « Découverte entreprises[14] », visiter EuroSkills[15], les villages des métiers[16]et les centres de technologie avancée[17]sont autant de portes ouvertes sur un monde parfois fort éloigné de notre quotidien, mais qui peut faire naître des vocations. L’UFAPEC soutient et encourage également les initiatives des écoles primaires qui vont dans le sens d’une sensibilisation et d’une découverte des métiers les plus divers. Rappelons combien il est important que les démarches d’orientation soient réellement mises en place au sein du 1er degré du secondaire comme c’est prévu dans le décret[18].  Les articles 21 et 22 du décret Missions stipule qu’àl’issue des huit premières années de la scolarité obligatoire, les élèves sont orientés vers la forme d’enseignement la mieux adaptée à leurs aspirations et à leurs capacités. Le conseil de classe est responsable de l’orientation. Il associe à cette fin le centre psycho-médico-social et les parents. Les orientations sontde trois types : AOA (réussite), AOB (l’élève est admis à poursuivre avec des restrictions qui limitent le choix des filières et des options), AOC (redoublement). C’est donc finalement le conseil de classe qui en vient au terme du 1e degré à orienter le jeune vers tel ou tel type d’études et non en fonction d’un projet d’avenir[19]. Il se charge trop souvent seul de cette orientation sans toujours avoir bien mesuré leurs conséquences sur l’avenir des jeunes. Trop d’étudiants ont vu et voient au mois de juin en fin de deuxième secondaire des portes se fermer sans aucune réflexion préalable par rapport à un projet d’avenir. Pourtant, il serait bien plus profitable qu’un choix réfléchi par le jeune et accompagné par ses parents, le PMS et les équipes éducatives le conduise positivement vers un métier dans lequel il pourra donner corps à ses souhaits et ses rêves. 

 

Anne Floor 

 

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[2]CIO, S’orienter à la fin du secondaire, un guide à l’usage des parents, Les Carnets du CIO, Louvain-la-Neuve, 2009.

[3]  Entretien recueilli par A. Lefevre, Il ne sait pas quoi faire après sa rhéto, Femmes d’aujourd’hui n° 24 du 13 juin 2013, p. 39.

[4]Les attentes des jeunes en termes d’orientation sont développées dans une analyse UFAPEC précédente : L’orientation vue par les jeunes, n°19.13.  

[5]H. Fresnel et B. Blanchet, dossier sur l’orientation in La Revue L’Etudiant, janvier 2006, n°8.

[6]psychologue d’orientation du centre PMS de son école, d’un centre d’orientation autre…

[7]Propos recueillis par S Kitabgi, Radioscopie de l’orientation : paroles de jeunes, BIOP, Paris, 2010, p. 15.

[8]Certaines Universités et certaines Hautes Ecoles ouvrent leurs auditoires aux élèves du secondaire à différents moments de l’année (Vacances de Toussaint, de Carnaval).

[9]Centre d’orientation de la chambre de commerce et d’industrie de Paris

[10]Propos recueillis par S Kitabgi, Radioscopie de l’orientation : paroles de jeunes, BIOP, Paris, 2010, p. 25.

[11]CIO, S’orienter à la fin du secondaire, un guide à l’usage des parents, Les Carnets du CIO, Louvain-la-Neuve, 2009, p. 17.

[12]CIO, op.cit., p.25.

[14]http://www.jde.be/quest-ce-que-jde  lien vérifié le 07/08/2013.

[15]http://www.euroskills2014.org/lien vérifié le 07/08/2013.

[18]L’établissement en collaboration avec le centre PMS communique aux élèves du 1er degré une information complète :

1° sur les formations organisées aux 2è et 3è degrés des Humanités professionnelles et techniques, en ce compris les formations artistiques ;

2° sur les formations organisées aux 2è et 3è degrés des Humanités générales et technologiques, en ce compris les formations artistiques ;

3°sur les formations en alternance organisées conformément aux dispositions de la loi du 29 juin 1983 concernant l’obligation scolaire.

Chaque établissement d’enseignement secondaire met en contact les élèves du premier degré par des visites ou de courts stages d’observation avec des établissements d’enseignement de même caractère organisant tant la section de transition que la section de qualification. L’information, les visites et les stages favorisent une orientation positive des élèves à l’issue du premier degré. Décret du 24 juillet 1997 définissant les missions prioritaires  de l’’enseignement fondamental et de l’enseignement secondaire et organisant les structures propres à les atteindre, article 23. http://www.gallilex.cfwb.be/document/pdf/21557_010.pdf lien vérifié le 15/07/2013.

[19]Nous renvoyons à une de nos analyses précédentes sur l‘orientation : Orientation scolaire : qu’est-ce qui se fait dans nos écoles ? – Analyse UFAPEC n° 18.13. http://www.ufapec.be/nos-analyses/1813-orientation-ecole/

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