Analyse UFAPEC novembre 2015 par A. Pierard

22.15/ S’ouvrir à la diversité socio-culturelle dans les associations de parents

Introduction

La multiculturalité est de plus en plus présente dans notre société, ce qui implique nécessairement une certaine diversité culturelle au sein de l’école. Il n’est donc pas rare de retrouver une multiplicité d’élèves de différentes nationalités au sein d’un même établissement scolaire. Une même école peut aussi connaître une grande variabilité du niveau socio-économique des familles, et donc des réalités socio-culturelles elles-mêmes très différentes.

Dans ce cadre, il est parfois difficile pour ces parents de venir à l’école, de s’y sentir admis et inclus. Pourtant, la diversité représentée est une opportunité à saisir pour aller à la rencontre et découvrir l’autre dans toute sa richesse.

Quand il y a une association de parents dans l’école, tous les parents en étant membres, il semble judicieux de saisir l’opportunité et de percevoir cette multiculturalité comme une ouverture à la diversité.

Pourquoi s’ouvrir à la multiculturalité dans nos associations de parents ?

Quelle intégration des différences culturelles dans nos associations de parents ?

Comment créer un art de vivre ensemble au-delà des différences ?

Culture

Vivre dans une société multiculturelle nécessite un travail sur les représentations que l’on a de l’autre. « Il faut pouvoir assumer, apprécier sa culture et la privilégier, mais il faut aussi pouvoir apprécier la culture de l’autre et lui laisser une place. Lui accorder une certaine « confiance ». C’est aussi reconnaître que notre culture, notre éthique ne sont pas figées, qu’elles sont évolutives et qu’elles peuvent se nourrir du temps et des rencontres. (…)L’école a bien un rôle crucial à jouer dans l’éducation à la différence, à l’ouverture, à la compréhension de soi et de l’autre et ce, dès le plus jeune âge. L’école est en effet souvent le premier lieu de rencontre, pour l’enfant, d’univers pluriels et parfois profondément différents des codes, des habitudes familiales.[1] »

Il s’agit d’éviter de rester dans la défense absolue de la culture de l’écrit ; en effet, si nous fonctionnons parfois spontanément dans cette dynamique de l’écrit, elle fait figure de domination culturelle. Cette domination culturelle est d’autant plus mal vécue par ceux qui n’y accèdent pas que la maitrise des règles et principes de cette culture engendre une maitrise et une hiérarchisation des relations sociales. D’où l’importance de s’ouvrir aux différences culturelles qu’on a l’occasion de rencontrer. De même, il est indispensable de reconnaitre la langue et la culture d’origine de chacun si l’on veut prétendre à une association multiculturelle et non pas acculturée à la culture dominante.

Dans une école accueillant une population mixte, des problèmes d’acceptation des différentes culturelles peuvent surgir à différents niveaux : réunions de parents, repas des enfants, port du voile, intégration de tous, langue, traduction… La rencontre des cultures et l’intégration nécessaire des codes et des valeurs de l’école demandent aux parents une adaptation à l’institution.

Pour devenir un CRACS[2], il est important de s’ouvrir à la diversité de mœurs, de comportements et de croyances, entre autres à l’école. « Au-delà des structures officielles, chaque citoyen, belge ou étranger peut prendre l’initiative de dépasser les clivages par la rencontre et le débat dans un dialogue constructif et respectueux. Rencontre avec l’envie de comprendre l’autre culture, de se forger sa propre opinion. Cette démarche nous impose à  chacun un choc culturel. Elle signifie quitter nos certitudes.[3] »

Ouverture et rencontre

« Face aux préjugés de chaque communauté, le malentendu s’installe. Chacun reste sur ses positions. Dans le meilleur des cas, ce sera la cohabitation pacifique de deux mondes à part et dans le pire des cas, l’affrontement et la peur de l’autre. Comment grandir et se construire pour le jeune immigré qui va d’un environnement, d’une société à une autre en passant de la maison à l’école ?[4] »Effectivement, le jeune vit parfois dans deux mondes différents, à l’école et à la maison. Pour éviter un conflit de loyauté, il semble important de respecter les différences culturelles et de provoquer des moyens de rencontre et de compréhension.

L’UFAPEC est convaincue qu’il est important de promouvoir la participation des personnes étrangères et d’origine étrangère à la vie culturelle, sociale et économique et à encourager les échanges interculturels et le respect des différences.L’école est selon nous un lieu important pour cela et l’association de parents peut jouer un rôle en ce sens.

Pistes pour les associations de parents

Une association de parents a pour mission de « s'inscrire dans le strict cadre du projet pédagogique de l'école, a pour mission de faciliter les relations entre les parents d'élèves et l'ensemble de la communauté éducative, dans l'intérêt de tous les élèves, de leur réussite et de leur épanouissement dans le respect des droits et obligations de chacun. L'Association de Parents organise une veille passive et active en vue d'informer, le plus objectivement possible, tous les parents d'élèves.[5] »

Dans un milieu socio-culturel diversifié, l’association de parents peut développer divers moyens pour s’ouvrir à tous les parents, amener les parents à s’investir dans le système éducatif et dans la vie de l’établissement, permettre à chacun de se sentir responsable et partenaire.

Il faut avant tout se poser la question des contraintes organisationnelles de chacun. Participer à des réunions en soirée, se déplacer jusqu’à l’école, est-ce possible pour tous ? Comment montrer aux parents l’intérêt de leur présence ? Comment donner leur place aux parents moins à l’aise de s’exprimer devant tout un groupe ?

Comme en témoigne Luc[6], membre d’une association de parents, « au niveau de la gestion de réunion, le président veille à donner la parole à chacun, à favoriser la parole des personnes plus timides ou qui auraient plus de mal à s'exprimer. Et aussi de veiller à une écoute attentive de toutes les sensibilités. Lors de l'Assemblée Générale nous veillons à ce qu'il n'y ait pas de discrimination d'accès au niveau des postes du comité et des mandats au sein du Conseil de Participation. La parité homme/femme, culturel et religieuse est encouragée. »

Voici quelques pistes à développer pour une implication de tous :

  • Être dans une relation de dialogue
  • Respecter les différences et les valoriser
  • Être accueillant et intégrant quel que soit le milieu socio-culturel
  • Adopter une attitude d’ouverture, de tolérance et d’écoute
  • Créer un climat de confiance pour tous les parents
  • Permettre et organiser la participation de tous
  • Reconnaitre chacun avec ses compétences
  • Rendre les codes de l’école accessibles à tous
  • Aider les parents qui ne comprennent pas le système scolaire

Tout cela est source de réflexion pour les missions principales à se donner en association de parents dans une logique du vivre ensemble à l’école. Il s’agit de penser la participation de tous et valoriser les ressources de chacun, d’apprendre à unir sans confondre et distinguer sans séparer, d’intégrer de façon respectueuse les identités et la diversité.

Les activités permettant de faire des ponts entre cultures sont diverses. Aux membres des associations de parents de faire preuve d’imagination. Pour susciter la créativité, voici plusieurs activités mises en place dans diverses écoles.

  • Soupers multiculturels  avec invitations en plusieurs langues où chaque communauté a l’occasion de se faire connaitre, de se présenter.
    Apporter un plat de son pays, venir en tenue typique, raconter une histoire du pays d’origine…
  • Café ou déjeuner des mamans.
    Proposer des réunions en journée pour permettre la rencontre et les discussions
  • Expositions culturelles. 
    Réaliser une exposition sur les racines des enfants (histoire familiale et personnelle), sur les pays d’origine…
  • Parents présents en classe pour parler de leur métier, de leur culture. 
    Parler du pays d’origine dans le cadre du cours de géographie, apprendre sa langue à la classe de son enfant…

Au sein de l’école de Luc, « des projets ont été menés avec plus de succès avec la collaboration de parents : séance de lecture collective de récits d'autres pays, cours de langue en parascolaire (italien, notamment), stands et musiques multiculturelles lors de la Fancy Fair (découvertes gustatives de plats marocains, turcs, grecs, espagnols ou italiens) ».

Il est aussi important de tenir compte de la diversité du public au niveau de la communication, par exemple en traduisant une invitation en plusieurs langues ou comme l’explique Luc, « Au niveau de la communication, nous essayons de ne pas uniquement utiliser les mails et internet, car certaines familles n'ont pas encore un accès aisé à un ordinateur ». Comme l’explique Aïcha[7], présidente d’une association de parents, il faut pouvoir dépasser la difficulté de la langue : « Pour favoriser l’implication de chacun nous voulons intégrer les autres parents pour les nouvelles élections mais cela est difficile car c’est souvent la langue qui pose problème. Mais bientôt nous allons avoir une réunion  sur l’inscription en secondaire et j’ai déjà eu des contacts avec beaucoup de parents de tous horizons et je pense que ce sera une bonne occasion d’intégrer d’autres parents. »

Il y a aussi la question du coût des activités à penser. Luc explique que pour son association de parents, « certaines de nos activités sont gratuites et d'autres proposent des tarifs réellement démocratiques de manière à ce que l'aspect financier ne soit pas une barrière d'ordre social ou culturel. Nos activités, à défaut d'être orientées sur l'une ou l'autre thématique culturelle particulière, font en sorte d'être neutre et ouverte à tous (quelle que soit son origine, sa culture ou sa religion). »

Conclusion

Il faut pouvoir favoriser la mixité dans nos associations de parents, s’enrichir de l’apport des différences culturelles, permettre à chacun d’apprendre à grandir dans sa propre culture en la faisant coexister avec les autres cultures. Nous appuyons « l’importance, dans une société pluraliste et véritablement démocratique, de respecter l'identité ethnique, culturelle, linguistique et religieuse de toute personne ainsi que de créer des conditions propres à permettre d'exprimer, de préserver et de développer cette identité. (…) Le défi de notre société mondialisée serait ainsi de parvenir à combiner des différences culturelles avec l’entrée dans une citoyenneté partagée et une participation effective, digne, de tous et toutes à l’activité économique, sociale et politique.[8] »

Nous défendons à l’UFAPEC l’idée que vivre ensemble dans une école multiculturelle ne pourra pas se faire sans un partenariat école-famille fort. Dans ce but, faire une place aux familles, les valoriser en tant que véritables partenaires de l’école avec, malgré leurs différences culturelles, toutes les richesses qu’elles peuvent offrir sera un gage de réussite. De nombreuses écoles se sont déjà lancées dans cette voie. L’UFAPEC soutient et promeut des initiatives comme les associations mais aussi les cafés des parents, les événements multiculturels autant d’occasions pour les familles belges comme immigrées de jouer pleinement un rôle actif et citoyen dans l’école, de se rencontrer, de découvrir l’Autre et de construire un art de vivre ensemble.

Pensons l’implication des parents dans les associations en défendant l’ouverture à tous, en reconnaissant tous les parents comme membres, en permettant une diversité des formes de participation et des activités. L’implication dans une association de parents représentant une diversité socio-culturelle est source de rencontre entre cultures qui peuvent s’apprendre et s’apporter quelque chose. Cela va renforcer l’intégration de ces familles, créer une meilleure cohésion sociale, valoriser la diversité culturelle et mettre en avant les talents de tous.

 

 

Alice Pierard

 



[1] LONTIE Michaël, Ma culture, ta culture, notre culture : choc ou rencontre ? Multiculturalisme, éducation et prévention, Analyse UFAPEC 2011 n°19.11, p 3.

[2] Citoyen responsable, actif, critique et solidaire.

[3]HOUSSONLOGE Dominique, Notre représentation de l’islam : d’Aladin et la lampe merveilleuse au 11 septembre 2001, Analyse UFAPEC 2011 n°16.11, p 4.

[4]Idem.

[5] Décret du 30 avril 2009 portant sur les Associations de parents d'élèves et les Organisations représentatives d'Associations de parents d'élèves en Communauté française, article 2 §2.

[6] Voir témoignage complet en annexe.

[7] Voir témoignage complet en annexe.

[8] LAIGNEAUX Hélène, Ecole et diversité culturelle, Analyse du Centre Avec, décembre 2007, p 8. 

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