UFAPEC Analyse 2010 par J. Vieslet

24.10/ Les écoles de devoirs : un soutien extrascolaire pour les enfants de milieux défavorisés.

Introduction

Rien de nouveau : l’école ne parvient pas à la réussite de tous. L’échec scolaire toujours bien présent, le redoublement et le décrochage sont là pour illustrer ce triste constat. Par ailleurs, l’école véhicule plus que jamais l’idée qu’elle est un passage obligé vers une insertion socioprofessionnelle satisfaisante.
Face à cela, les familles développent des stratégies de la réussite, qui vont du suivi proche de la scolarité de leurs enfants jusqu’à un investissement financier pouvant être conséquent.
Certains parents n’ont malheureusement pas le choix, ils ne peuvent assurer eux-mêmes un suivi efficace des devoirs et de l’étude, leur propre niveau d’instruction étant déjà dépassé, ou différent. Ces parents pourraient alors se tourner vers le marché des cours particuliers, mais bien souvent, ils n’en ont pas les moyens. En effet, les cours particuliers, qu’ils soient organisés en sociétés commerciales ou en « noir », représentent un coût non négligeable pour des familles déjà en difficulté[1].
 
Que reste-t-il alors comme possibilité pour des familles désireuses de participer à la réussite de leur enfant mais ne pouvant y contribuer ni personnellement ni financièrement ? D’autant plus quand on sait que les enfants issus de milieux populaires sont les plus touchés par l’échec scolaire[2]
Une solution toute tracée semblerait être les écoles de devoirs, structures moins onéreuses et plus enclines au dialogue avec les parents. Mais comment fonctionnent-elles vraiment ? Peut-on leur confier la réussite d’un enfant ?
 

Bref aperçu des écoles de devoirs en Communauté française
 

Les écoles de devoirs sont encore trop peu connues que pour ne pas en dresser ici les principales caractéristiques. Organisées depuis plus de 35 ans, et au nombre de 400 aujourd’hui, elles n’ont été reconnues officiellement qu’en 2004[3], et mieux encore en 2007[4]. C’est donc récemment qu’une place et un rôle leur ont été attribués par des instances officielles.
Pour être reconnue par l’O.N.E., une école de devoirs doit notamment accueillir tous les enfants sans discrimination, organiser un certain nombre d’heures et de jours d’activités sur l’année et être indépendante des structures scolaires[5].
Il n’existe pas d’étude récente sur le fonctionnement et la composition de ces structures d’accueil, mais l’étude de 2002[6] nous révèle des détails qui n’ont probablement pas changés.
Par exemple, la majorité des écoles de devoirs s’occupe de jeunes du primaire et du secondaire, un grand nombre de structures sont ensuite spécialement conçues pour les enfants du primaire uniquement[7]. A l’époque, seulement 30% des écoles de devoirs étaient indépendantes de toute autre structure (maison de jeunes, CPAS,…)[8], il est probable que ce chiffre ait encore diminué aujourd’hui, vu le financement réduit octroyé aux écoles de devoirs.
Ces structures d’accueil destinées principalement aux enfants âgés de 6 à 12 ans sont donc bien présentes dans le paysage communautaire, même si parfois attachées à d’autres institutions.

Les écoles de devoirs, juste pour les devoirs ?

Il n’existe pas de définition stricte des missions de l’école de devoirs, mais on peut en retenir ceci : « Les écoles de devoirs sont des structures d’accueil des enfants et des jeunes en âge d’obligation scolaire, après l’école, et parfois également durant le week-end et/ou les vacances scolaires, qui développent, sur base d’un plan d’action élaboré, un travail pédagogique, éducatif et culturel de soutien et d’accompagnement à la scolarité et à la formation citoyenne, de façon indépendante des établissements scolaires, même si elles bénéficient parfois de leurs infrastructures ou collaborent avec ceux-ci »[9]. A la lecture de cette définition, on comprend vite que les écoles de devoirs ne sont pas l’équivalent des cours particuliers, en moins cher. « Il ne s’agit pas de répéter ce qui a été fait en classe, de proposer un surcroît d’exercices identiques à ce que l’enseignant a travaillé. Il s’agit de privilégier une approche plus large que ce soit par le jeu, l’ancrage dans la situation et le cadre de vie de l’enfant, une construction collective du savoir, … »[10].
Avec ce fonctionnement, les écoles de devoirs « visent à développer des actions éducatives, pédagogiques, sociales et culturelles qui doivent permettre d’apporter des réponses réelles aux causes de l’échec scolaire et au phénomène d’exclusion en général »[11]. En école de devoirs, on ne fait donc pas QUE de l’aide aux devoirs. Les activités diversifiées qui y sont organisées veillent à favoriser l’épanouissement de l’enfant/adolescent et le développement de ses capacités sociales, ainsi que la valorisation des références provenant de son propre milieu[12].
De quel milieu parle-t-on ? C’est que les écoles de devoirs accueillent principalement des enfants de milieux défavorisés, même si elles sont ouvertes à tous. La quasi-gratuité proposée séduit en premier les familles à faibles moyens, les autres se tournant plus vite vers des structures de cours particuliers pour remédier à l’échec. Selon l’étude réalisée en 2002, la majorité des enfants accueillis sont également d’origine étrangère. On comprend maintenant mieux pourquoi pour les parents qui maitrisent mal le français, ou qui sont trop peu scolarisés et éprouvent un sentiment d’incapacité à aider leurs enfants[13], l’école des devoirs est une bonne alternative, même si elle n’est pas exclusivement destinée à l’aide scolaire proprement dite.

Un fonctionnement lié à la pédagogie par compétences.

En ne se centrant pas sur une étude et un renforcement répétitif du travail scolaire, mais plutôt en visant large, en visant objectifs, comportements, épanouissement, ces écoles se rapprochent de la pédagogie par compétences mise en place depuis quelques années déjà dans les « vraies écoles ».
En effet, un des objectifs généraux de l’enseignement fondamental et secondaire est d’ « amener tous les élèves à s’approprier des savoirs et à acquérir des compétences qui les rendent aptes à apprendre toute leur vie et à prendre une place active dans la vie économique, sociale et culturelle »[14], mais encore de « préparer tous les élèves à être des citoyens responsables, capables de contribuer au développement d'une société démocratique, solidaire, pluraliste et ouverte aux autres cultures »[15].
Il faut admettre que les objectifs des deux écoles se rapprochent ! Même si cette approche par compétences peut être contestée[16], c’est elle qui fait loi en ce moment dans l’institution scolaire. Les écoles de devoirs n’agissent directement sur la matière scolaire que par une aide aux devoirs (encadrement, mise à disposition d’encyclopédies,…) et visent plutôt à « déscolariser les apprentissages scolaires, faire découvrir le sens, l’utilité, le plaisir»[17] et faire acquérir aux jeunes des comportements qui lui serviront à coup sûr dans leur vie future.
On peut donc dire que ce rapprochement avec les objectifs de l’enseignement est favorable pour les écoles de devoirs, qui n’ont finalement rien en commun avec les cours particuliers.
Les écoles de devoirs sont-elles en passe de devenir le soutien extrascolaire le plus prisé si elles se rapprochent de la pédagogie actuelle et sont peu coûteuses?

Encadrement efficace ?

Les écoles de devoirs sont officiellement là depuis trop peu de temps pour qu’une évaluation à long terme en soit faite. On peut néanmoins se baser sur l’étude française de Dominique Glasman, sur les AEPS (Activités Educatives PériScolaires) celles-ci ayant sur plusieurs points le même fonctionnement que nos écoles de devoirs[18]. Cette étude a montré que le fait de fréquenter les AEPS n’améliorait pas spécialement les notes des enfants en classe, mais avait une incidence sur leur comportement et attitude pendant les cours.
En comparaison, les cours particuliers amènent plus rapidement à la réussite. En effet, ceux-ci permettraient à 2/3 des élèves d’améliorer leurs résultats scolaires[19]. Cette amélioration rapide s’explique par le fonctionnement même de ces cours : la matière est réexpliquée et des exercices supplémentaires sont donnés. Les élèves ont alors plus de chances d’avoir compris et d’augmenter leurs notes.
On pourrait alors se demander quel est l’intérêt de mettre son enfant au sein d’une école de devoirs, les résultats n’ayant pas encore été démontrés. Mais les retombées de la pédagogie par compétences du système scolaire n’ont, elles non plus, pas encore été évaluées. Cette forme d’apprentissage vise plus large que de simplement savoir refaire tel ou tel type d’exercice, les résultats sont donc à observer dans une globalité.
Chaque individu qui a fréquenté l’école s’en souvient, mais se rappelle-t-il des matières enseignées, des exercices précis et des tâches qui lui étaient confiées ? Probablement pas. Par contre, chacun sait que l’école lui a appris à comprendre un texte, à le résumer, à développer son esprit critique et bien d’autres choses encore. Et ce n’est souvent que bien après l’avoir quittée que l’on se rend compte de tout ce que l’école nous a appris et qu’on utilise encore aujourd’hui.
Dès lors, on peut se demander si les bénéfices retirés d’une participation régulière aux écoles de devoirs ne seront pas compris plus tard. On a déjà repéré une amélioration de comportement pour les enfants français qui fréquentent des structures similaires, ce progrès peut certainement permettre par la suite d’améliorer également leurs résultats. Donc les bénéfices seraient indirects mais bien présents en terme de réussite scolaire. On comprend aisément que cette vision des choses soit difficile à accepter, dans notre société actuelle où tout ou presque s’évalue sur le court terme.

 Conclusion

Les écoles de devoirs, structures relativement nouvelles en Communauté française n’égalent pas les cours particuliers en termes de réussite immédiate. En effet, même si aucune étude n’a été réalisée en Belgique sur ce point, les performances des élèves suivant des cours particuliers sont difficilement rattrapables, surtout quand on sait que les écoles de devoirs ne sont ni de l’étude scolaire, ni une redite de la matière enseignée en classe. Elles sont simplement un lieu d’épanouissement de l’enfant, d’accroissement de ses compétences sociales, par le biais d’activités culturelles, sociales, d’ateliers ET d’aide aux devoirs.
Par aide aux devoirs il faut entendre un accompagnement dans leur réalisation, la mise à disposition de documentation etc. Ce qui est déjà un avantage certain pour les enfants issus de milieux populaires, peuplant majoritairement les écoles de devoirs. Il ne faut pas minimiser l’aide apportée par les animateurs, qui se joue sur plusieurs registres (social, culturel, relationnel…)
Mais quel est l’intérêt pour eux de fréquenter ces structures si elles n’apportent pas de bénéfice direct pour leur réussite scolaire ? Les gains pourront certainement être observés plus tard, dans une situation globale. En effet, les objectifs des écoles de devoirs sont assez proches de ceux de l’approche par compétences utilisée actuellement dans le système scolaire. Ce qui est visé est une amélioration, un progrès dans le développement global de l’enfant, il va acquérir des compétences qui pourront lui servir dans sa vie, que ce soit dans la sphère sociale, culturelle, économique ou autre. Dès lors, les effets ne peuvent être déjà ressentis puisque les écoles de devoirs ne sont officiellement reconnues que depuis 2004.
Il faut néanmoins garder en tête les nombreux points positifs que les écoles de devoirs apportent aux enfants, et qui sont déjà visibles aujourd’hui : mise à disposition d’outils, prise de confiance des enfants face aux apprentissages, ouverture à la multiculturalité par les rencontres avec d’autres enfants ; tout ça grâce aux équipes d’animateurs de mieux en mieux formées, qui sont là uniquement pour eux et pour leur développement personnel.
 
 
Jessica Vieslet 
 
 
 
 
 
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[1]HOUSSONLOGE D, « Les cours particuliers : complément ou concurrence à l’école ? » analyse UFAPEC 2008
[3] Décret du 28/04/2004 relatif à la reconnaissance et au soutien des écoles de devoirs
[4] Décret du 12/01/2007 modifiant le décret du 28/04/2004.
[5]Brochure d’accompagnement des écoles de devoirs, août 2008. Téléchargeable sur http://www.one.be , p. 5.
[6] DELVAUX D., VANDEKEERE M., Les écoles de devoirs en communauté française, pour l’Observatoire de l’Enfance, de la Jeunesse et de l’Aide à la Jeunesse, Octobre 2002, 91p
[7]Op. cit., p. 23.
[8] Op. cit., p. 18.
[10]Brochure d’accompagnement des écoles de devoirs, août 2008. Téléchargeable sur www.one.be
[13]GLASMAN D., L’école hors école, soutien scolaire et quartiers, Paris, ESF, Coll. Pédagogies, 1992, pp 91-95
[14] Décret définissant les missions prioritaires de l'enseignement fondamental et de l'enseignement secondaire et organisant les structures propres à les atteindre du 24/07/1997, art 6.
[15]Idem
[16]Voir à ce sujet l’analyse de Jean-Luc VAN KEMPEN pour l’UFAPEC, n° 03/08, Pourquoi a-t-on développé les compétences à l’école ? 
[18]GLASMAN D., L’école hors école, soutien scolaire et quartiers, Paris, ESF, Coll. Pédagogies, 1992, p. 141 et s.
[19]HOUSSONLOGE D. « Les cours particuliers : complément ou concurrence à l’école ? » analyse UFAPEC 2008, p. 5.

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