Analyse UFAPEC 2011 par B. Loriers

24.11/ La surconsommation de boissons énergisantes constitue-t-elle un danger pour nos jeunes ?

Boissons à la mode

Antoine[1] n'a pas assez de 24 heures par jour pour tout faire. Étudiant en gestion, il consomme régulièrement des boissons énergisantes : « Quand tu commences à danser à 22 h et que tu finis à 6 h, 7 h le matin, ça prend de l'énergie. Ces boissons-là sont là pour ça. Des fois, je n'ai presque pas le temps de dormir. Le lendemain, c'est très difficile de partir la journée. On s'en sert aussi beaucoup pour étudier. Quand on a deux ou trois heures de sommeil, puis qu'on a deux examens à faire, il faut rester debout ».

Une maman d’une ado me racontait que, quand sa fille se rendait à une soirée, elle pouvait boire des « energy drinks », pour qu’elle reste éveillée et vigilante par rapport aux propositions de drogues et d’alcool.

Les boissons énergisantes connaissent un réel engouement chez nos jeunes… lors de guindailles, pour étudier, mais aussi chez les plus jeunes pour faire « comme les autres », pour se lancer de petits défis. « Mes parents m’ont dit que ce n’était pas bon pour ma santé ? Je vais donc en boire ».

Mais, allons plus loin, la surconsommation de boissons énergisantes constitue-t-elle un réel danger pour nos jeunes ?

Qu’est-ce qu’une boisson énergisante ?

Red bull, Atomic, Nalu, Burn, Rodéo, Monster, Virus, Boosted, Hell, Taurine Force, … ces boissons énergisantes que l’on trouve dans le commerce sont des boissons stimulantes non alcoolisées, contenant principalement de l’eau, du sucre, quelques vitamines, de la caféine, de la taurine, du guarana (riche en caféine), du ginseng, ... variables en fonction du produit. Ces boissons sont présentées comme étant destinées à soutenir l’activité physique et mentale en cas d’effort intense[2].

Les boissons dites énergisantes ne sont pas à confondre avec les boissons énergétiques[3] qu’on appelle aussi « boissons diététiques glucidiques de l’effort », qui ciblent un public qui pratique toute activité sportive (Isostar, Extran, Gatorade…). Elles serviraient à lutter contre la déshydratation due à l’effort physique, et à fournir de l’énergie sous forme de sucres à assimilation rapide d’une part, et de sucres à digestion lente d’autre part, pour l’endurance. Elles contiennent aussi des vitamines (B ou C) et des sels minéraux (ou électrolytes), destinés à susciter la soif. Ces boissons énergétiques peuvent être utiles lorsque l’on fait du sport pendant plus d’une heure, sinon l’eau est bien suffisante. Une concentration trop forte de glucides peut entraîner des crampes et des problèmes d’estomac.

Accroître la confiance en soi, sérieux atout pour les jeunes

A en croire les allégations présentes sur les emballages, les boissons énergisantes redonnent l’énergie perdue, favorisent l’état de veille, augmentent la vigilance, retardent le sommeil, augmentent la concentration, et permettent aux sportifs d’être plus performants.

Les valeurs véhiculées par les marques de ces « energy drinks » sont : la référence aux monstres, la marginalité, la force, l’extrême, le courage, et même le sexe. Ces boissons vendent du dépassement de soi, de la performance, de la transgression d’interdits aussi. Ces boissons sont présentées comme des potions magiques, qui permettaient d’être compétent et compétitif. Elles donneraient de la puissance pour le corps et le cerveau.

Quels sont les risques des boissons énergisantes pour la santé ?[4]

Trop de caféine

La teneur en caféine d’une boisson énergisante atteint la limite légale autorisée par le Ministère de la Santé en Belgique, soit 80 mg par cannette. En comparaison, le Coca contient 45,6 mg de caféine par cannette, et un Expresso en contient 100 mg[5].

En surdose, la caféine a des effets néfastes[6], comme l’apparition de migraines, une baisse de la concentration, de la mémoire, de la vitesse de pensée (confusion), des palpitations cardiaques, des troubles de la digestion …

Certaines personnes qui boivent trop de caféine peuvent être sujettes à des tremblements, à des insomnies, une humeur instable … tout cela varie en fonction de l’âge et de l’état de santé des individus.

De plus, utiliser ces produits dissimule la fatigue, mais ne diminue pas pour autant le besoin de sommeil.

Notons encore que l’association d’une forte dose de caféine avec de l’alcool réduit la sensation d’alcoolisation, la perception d’ébriété, et expose le consommateur à une consommation d’alcool non contrôlée[7], avec toutes ses conséquences : coma éthylique, accidents de la route, blessures, atteintes sexuelles.

La caféine induit aussi une dépendance : une consommation élevée et régulière de caféine aura pour effet, si l’arrêt est brutal, de provoquer un sentiment de fatigue anormal. La dépendance peut donc vite s’installer, au grand bonheur des fabricants de boissons énergisantes. La dépendance existe aussi pour d’autres produits, mais le marketing utilisé par ces groupes de pressions est dangereux car ilpeut vite mener à des abus, étant donné qu’il est destiné essentiellement à des jeunes, souvent sans recul par rapport à ces stratégies commerciales.

Quid de la taurine ?

La taurine se retrouve naturellement dans les aliments et est produite naturellement par le corps humain.

Ellea été identifiée comme étant un neurotransmetteur, et intervient également dans les fonctions cardiaques []et musculaires.Elle aurait en plus un effet de désintoxication durant les efforts physiques importants, pour réduire l'effet des toxines produites lors de la métabolisation des ressources énergétiques (sucres et graisses).Elle est également impliquée dans le mécanisme de digestion des lipides, puisqu'elle est présente dans la structure des taurocholique et sels biliaires, chargés d'émulsifier les lipides alimentaires (dont fait partie notamment le cholestérol).

Mais les effets pharmacologiques de la taurine sur l'organisme restent encore aujourd'hui peu clairs. Aucune étude scientifique réalisée sur cette molécule n'a été publiée à ce jour.

 Lataurine se retrouve de manière synthétique dans ces boissons à des concentrations 10 fois plus élevées que dans l’alimentation normale : de 150 à 2000 mg par contenant de boissons, et rien ne prouve que cela soit une substance énergisante. Le degré de toxicité de la taurine n’a jamais été identifié non plus.  

Ses effets sur l’organisme ne sont pas encore bien connus, et aucune étude fiable ne confirme ou n’infirme les effets bénéfiques d’un apport supplémentaire de taurine[8].

Trop de sucre

Le sucre est également présent dans ces « energy drinks » : entre 105 et 149 grammes par litre, ce qui équivaut à 9 sucres par canette de 250 ml. A titre comparatif, un soda classique contient environ 6 sucres. Les risques liés à une surconsommation de sucre sont connus : surpoids, troubles cardio-vasculaires, aigreurs d’estomac, affections du colon …

Pas lors d’une pratique sportive intense

Les boissons à base de caféine et de taurine n’hydratent pas le corps. Au contraire, elles augmentent la déshydratation[9]. Consommer des boissons énergétiques durant la pratique intense d’une activité physique est donc déconseillé, puisqu’à fortes doses, cela peut provoquer des problèmes cardio-vasculaires. Cela met à mal l’allégation suivante « Pour des périodes d’efforts intenses ». Non seulement, cela s’avère faux, mais de plus cela peut s’avérer dangereux pour la santé du consommateur qui suivrait cette consigne du fabriquant.

L’avis du conseil supérieur de la santé [10]

Si les autorités européennes ont communiqué, début 2009, des données plutôt rassurantes sur l’innocuité[11] de deux des principaux composants de ces boisons, pris isolément (taurine et glucuronolactone), elles restent, tout comme le Conseil supérieur de la santé (CSS), préoccupées par la question de la surconsommation de caféine*.

Le CSS s’inquiète également de la tendance de plus en plus affirmée d’associer la consommation de boissons énergisantes à celle de boissons alcoolisées.

Recommandations

En l’absence d’une approche unifiée et souhaitée de ce type de boissons au niveau européen, le Conseil Supérieur de la Santé réaffirme ses réserves à leur égard et recommande notamment de:

  • limiter leur consommation, en fréquence et en quantité (en ne dépassant pas un apport journalier total en caféine équivalent à 400 mg, voire même à 300 mg) ;
  • ne pas les consommer en association avec des boissons alcoolisées ou en cas de pratique intense  d’une activité physique;
  • déconseiller leur consommation aux femmes enceintes et allaitantes, aux enfants (jusqu’à 16 ans) et aux sujets sensibles à la caféine.

Enfin, il encourage les autorités sanitaires à diffuser, auprès du public cible de ces boissons, les informations et mises en garde appropriées.

Ces recommandations sont détaillées dans le texte intégral de ce rapport qui est accessible à l’adresse http://www.css-hgr.be

La diffusion de cette communication du CSS n’a pas manqué de faire réagir la société Red Bull[12], rappelant que ladite boisson énergisante est disponible dans 150 pays "parce que les autorités sanitaires à travers le monde ont conclu que Red Bull Energy Drink peut être consommé en toute sécurité". Et de signaler au passage que : « rien qu’au cours de l’année 2009, quatre milliards de bouteilles et de cannettes ont été consommées sur la planète ». Argument un peu faible de la part du fabricant …

Les boissons énergisantes font des petits

Voici quelques variantes de ces boissons :

  • les shots : sont des versions condensées, réduisant la dose de 25 à 6 centilitres, tout en conservant la même quantité de caféine.
  • les chewing-gums : 3 gommes équivalent à une canette de soda énergisant.
  • les comprimés, pastilles effervescente, les sirops
  • les poudres, vendues sous le nous de « Cocaïne » : le CRIOC a mené un combat pour empêcher la commercialisation en Belgique de cette boisson « Cocaïne », qui banalisait sans scrupule une drogue dure auprès des jeunes, en plus de sa quantité illégale de caféine[13].

En Belgique, nous n’avons pas encore toutes ces formes reprises ci-dessus, mais ce marché illustre la tendance de certains lobbys industriels à inciter à une surconsommation de ces produits. Sur beaucoup d’entre eux, on retrouve la mention « complément alimentaire ». On peut s’interroger sur cette qualification, compte tenu des nombreux effets néfastes potentiels, et de l’absence de réelles preuves scientifiques[14].

Un monde qui ne tolère pas la faiblesse

Une consommation modérée et responsable de ces boissons énergisantes ne pose pas de problème. Mais les dérives sont vite arrivées, notamment chez ceux qui en consomment en surdose, chez les enfants et chez ceux qui consomment simultanément de l’alcool.

Et si une des solutions pour ne pas (trop) recourir à ces boissons était de gérer son emploi du temps, en opérant des choix ?Car à y regarder d’un peu plus près, ces boissons énergisantes sont présentées comme des armes parfois indispensables pour tenir le coup dans notre monde qui tourne vite et qui ne tolère pas la faiblesse. Les jeunes sont la clientèle ciblée par le marketing presqu’agressif dont ces marques font preuve. Ces fabricants ciblent une population inexpérimentée, par une pub séduisante qui n’éveille pas l’attention sur des risques éventuels. Ces groupes industriels n’utilisent pas les canaux de publicité et de communication habituels (radio, télé, …). Ils ciblent des grands évènements fréquentés par les jeunes : concerts, évènements sportifs, campus universitaires … Des activités estudiantines sont parfois sponsorisées par des entreprises proposant ce type de boissons énergisantes. Ces marques recrutent aussi des jeunes comme ambassadeurs, à l’image de leurs slogans : « Deviens ambassadeur Burn et enflamme ton campus ». Les jeunes ne sont souvent pas préparés à ce genre d’approche publicitaire, d’où un risque d’abus.

 

Bénédicte Loriers

 

 

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[2]DE DUVE Martin, Les compléments alimentaires et les boissons énergisantes, Université Catholique de Louvain, Atout santé 2009 n°24. http://www.univers-sante.be/Les-aliments.

[3]Eléments de réponse tirés de l’article de l’Ulg : Boissons énergiques, énergisantes et smart-drinks,  http://www.tastout.ulg.ac.be/pages/comm12.htm.

[5]DE DUVE Martin, op cit.

[6]PAQUIN Pierre, Les boissons énergisantes, une drogue bien connue et bien cachée, mai 2009. http://www.aitq.com/pdf/assembleeGen/BoissonsEnergisantes_PierrePaquin.pdf

[7]DE DUVE Martin, op cit.

[8]Avis de l’EFSA du 15 janvier 2009 : http://www.efsa.europa.eu/fr/scdocs/doc/935.pdf

[9]DE DUVE Martin, op cit.

[11]Caractère d’une chose qui n’est pas nuisible.

[12]L.D., Perverses, les boissons énergisantes ?in La libre Belgique en ligne du 07/01/2010 : http://www.lalibre.be/societe/sciences-sante/article/553850/perverses-les-boissons-energisantes.html.

[13]Cocaïne energy drink fait de la provoc’ son fonds de commerce, CRIOC, mars 2010, http://www.crioc.be

[14]DE DUVE Martin, op cit.

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