Analyse UFAPEC novembre 2015 par B. Loriers

25.15/ L’école à hôpital, un ballon d’oxygène pour les enfants malades ?

Introduction

L’UFAPEC, asbl d’éducation permanente, s’interroge sur les réalités de notre société, en posant un regard critique sur notre monde scolaire. C’est dans ce cadre que nous abordons le thème de l’école à l’hôpital. L’école doit être conçue pour tous les enfants, même malades. Hors, il arrive que des élèves se retrouvent dans l’impossibilité de suivre les cours dans leur école, soit suite à un accident, soit suite à une maladie. Réalité d’autant plus compliquée que, régulièrement, la maladie de l’enfant est accompagnée d’un échec scolaire…

L’enseignement spécialisé de type 5 prend en charge ces enfants. Nous allons ici l’approcher de plus près, et analyser les limites de ce système.

Quels enfants bénéficient d’un enseignement de type 5 ?

Pourquoi est-il important de scolariser un enfant malade ?

Quels sont les liens qui se créent entre enfant malade, parents et enseignant ?

Peut-on vraiment parler d’apprentissages scolaires dans le type 5?

Quelles difficultés ces enseignants rencontrent-ils ?

Historique de l’école à l’hôpital

Le XXème siècle s’est caractérisé, en matière d’éducation, par une volonté commune des médecins, des responsables politiques, des enseignants et des parents de se mobiliser et d’adapter les structures scolaires aux nécessités du temps. Dès lors, à l’instar d’initiatives prises dans plusieurs hôpitaux de nos grandes villes, des écoles en milieu hospitalier s’implantèrent un peu partout en Belgique dès 1951. La loi de 1970 organisant l’enseignement spécialisé a permis le développement d’écoles dans les hôpitaux. Aujourd’hui, 19 écoles organisées ou subventionnées par la fédération Wallonie-Bruxelles proposent un service adapté pour plus de 45 services hospitaliers[1].

Quels enfants bénéficient de l’enseignement de type 5 ?

Le type 5 de l’enseignement spécialisé répond aux besoins éducatifs et de formation des enfants et des adolescents malades et/ou convalescents. Le type 5 est destiné aux élèves qui, atteints d’une affection corporelle et/ou souffrant d’un trouble psychique ou psychiatrique, sont pris en charge sur le plan de leur santé par une clinique, un hôpital, ou par une institution médico-sociale reconnue par les pouvoirs publics[2].

Ces dernières années, l’enseignement de type 5 a du évoluer en fonction de nouveaux publics, d’une plus grande diversité de pathologies : troubles envahissant du développement, troubles du comportement, troubles importants d’identité, syndrome dépressif, phobies scolaires… Ce changement a nécessité la création de nombreuses implantations d’enseignement de type 5 au sein de structures psychiatriques.

Pascale Geubel est directrice de l’enseignement fondamental de L’Ecole Escale[3], enseignement de type 5 ; elle nous explique que l’image que nous avons des élèves qui suivent l’école dans leur lit d’hôpital est rarement rencontrée. L’école de type 5, c’est parfois une chambre d’hôpital, mais c’est aussi un local où on trouve des élèves avec une perfusion, un casque, dans une chaise roulante, … Nos élèves sont dans le service d’oncologie pédiatrique, de neurologie (épileptiques, …), cardiologie et en psychiatrie : troubles psycho-sociaux, autisme, psychotiques (troubles du développement, …). La plupart de nos implantations, 90%, sont situées dans un hôpital (Saint-Luc à Bruxelles, Saint-Pierre à Ottignies, William Lennox, …)[4].

Pour Béatrice Barbier, directrice de l’école spécialisée Les chardons à Chastre, les enseignants de type 5 travaillent d’abord ce qui est important pour l’enfant. S’il a des soucis dans sa tête, on va travailler en priorité sur son bien-être, avant d’aborder les apprentissages à proprement parler. On ne peut soigner en même temps le corps et l’esprit[5].

Pourquoi scolariser un enfant malade ?

Pour l’association Hospichild, la poursuite de la scolarité de l'enfant malade à l'hôpital ou à son domicile procure au jeune de nombreux avantages, touchant à la fois des aspects éducatifs, sociaux et sanitaires, tels que :

  • lui rendre son « statut d'élève », membre d'une « communauté d'apprenants » ;
  • éviter une trop grande rupture scolaire, travailler les matières vues par les élèves de son école d'origine, préparer son retour à l'école ;
  • lui donner confiance en ses capacités en maîtrisant davantage la vie hospitalière au travers des activités scolaires et éducatives ;
  • maintenir sa socialisation au contact d’autres enfants.

Pour les parents, ce cadre social singulier renforce le sentiment de réussite, de progrès en dépit de l'hospitalisation de leur enfant qui perturbe le cours quotidien de la vie[6].

Charles Thibaut[7], directeur du secondaire à L’Ecole Escale, précise que guérir physiquement un enfant a tout son sens, mais il ne faut pas le tuer socialement. L’école fait partie de la vie de l’enfant, préalablement à son hospitalisation, mais aussi pendant et après son séjour à l’hôpital. On doit rappeler cela à nos enseignants. L’enfant est dans notre structure scolaire pour sortir de la réalité des soins, pour vivre des moments en classe, avec ses pairs. Ce lien est vraiment une priorité pour nos enseignants. Exceptionnellement, les interventions scolaires doivent s’organiser au chevet de l’enfant, lorsqu’il ne peut intégrer le groupe. S’il est prévu que l’élève soit orienté vers une nouvelle école, nous allons travailler avec l’école qui va l’accueillir.

Les nouvelles technologies sont certainement des outils qui peuvent servir certains enfants malades. Nous pensons notamment au travail de l’asbl Take Off[8], qui met à disposition de l’enfant malade du matériel informatique, une connexion internet, et qui permet à l’enfant de rester en contact avec son école d’origine.

Quels sont les liens entre parents, élèves et enseignants ?

Certains enseignants donnent cours dans la chambre de l’enfant, donc rencontrent inévitablement les parents. Il y a des réunions de parents prévues quelques fois par an, de manière formelle, mais aussi de nombreuses rencontres informelles.

On leur demande aussi aux parents une implication au niveau du plan individuel d’apprentissage (PIA) de leur enfant.

A certains moments scolaires, on demande aux parents de respecter l’étude, comme à l’école finalement. A d’autres moments, les parents sont invités à partager les activités des élèves, comme par exemple un atelier d’écriture, où l’enseignant demande aux parents et à l’élève de produire ensemble un texte.

Pour de nombreux élèves, la maladie et la convalescence transforment le rapport parent-enfant, et elles créent souvent un lien de dépendance très fort entre les parents et l’enfant, autant affectif que scolaire. Dans ce cadre, le travail des enseignants est d’entretenir une certaine autonomie de l’élève, dans la mesure du possible.

Quelles difficultés les enseignants du type 5 rencontrent-ils ?

Nouveaux publics

Le problème qui se pose dans certaines écoles de type 5 est que des jeunes en rupture scolaire et en grande détresse (phobie scolaire, …) viennent frapper à la porte de ces écoles, pour obtenir une aide, alors qu’ils ne sont pas inscrits dans un hôpital.

Pour Patrick Lenaerts, secrétaire adjoint de la FESeC[9], il faut se préoccuper d’élèves qui ne vont plus à l’école. Or, le type 5 s’occupe en général d’enfants malades, qui sont en traitement clinique. La question est de savoir comment prendre en charge ces jeunes atteints de phobie scolaire, et comment les détecter(…) Pour moi, une réelle amélioration serait d’avoir des SSAS[10]thérapeutiques, bénéficiant de moyens structurels. Ce n’est en tout cas pas une structure classique de l’enseignement ordinaire qui peut réintégrer un jeune atteint de phobie scolaire. Une collaboration avec l’enseignement de type 5 s’avère nécessaire[11].

De plus, l’apparition de ces nouveaux publics peut également poser des difficultés de cohabitation avec le public « interne », ainsi que des questions sur le type d’encadrement nécessaire selon les besoins des élèves concernés[12].

Souplesse due aux soins

Le public de l’enseignement de type 5 varie énormément et ne peut être pris en charge qu’en dehors des moments de soin. Cet enseignement entraîne beaucoup de situations particulières et nécessite un fonctionnement souple et à la carte. Il s’agit donc de travailler avec des enseignants possédant des compétences larges, pouvant par exemple enseigner le cours d’anglais, de mathématique et de chimie.

Soutien psychologique du personnel

Les équipes sont quotidiennement confrontées à la maladie, à la souffrance, au deuil. Pour le CSES[13], cette dimension particulière de l’enseignement de type 5 doit aussi être prise en compte, non seulement à l’engagement, mais aussi tout au long de la carrière des enseignants du type 5. Les réunions entre enseignants ont tout leur sens pour pouvoir échanger les difficultés et prendre de la hauteur par rapport à de fortes émotions.

Souplesse due à la mouvance des élèves

Une des difficultés majeures que rencontrent les enseignants qui travaillent dans le type 5 est la grande mouvance des élèves. Cela demande des qualités d’adaptation rapide, de soutien des élèves avec beaucoup de bienveillance …autant de qualités dont peuvent aussi s’inspirer les enseignants de l’enseignement ordinaire.

Certification

Actuellement, l’enseignement de type 5 ne peut certifier, donner un diplôme à son élève. La règle veut que l’école d’origine où l’élève est régulièrement inscrit reste la seule habilitée pour la certification. Lorsqu’il y a rupture avec l’école d’origine (avant ou durant la scolarité en type 5), la non-possibilité de certifier en enseignement de type 5 peut être problématique notamment lorsque l’élève passe du niveau primaire au niveau secondaire : plus d’école d’origine, donc plus de responsable pour la certification. Pour le CSES, une certification possible par l’école d’enseignement de type 5 serait une opportunité à envisager sous certaines conditions[14].

Les épreuves passées par les enseignants de type 5 sont corrigées par l’école d’origine. Pour Charles Thibaut, cela a tout son sens car l’élève, l’enfant vit une période difficile, et l’enseignant qui le suit peut parfois manquer d’objectivité. D’autre part cela maintient un lien indispensable avec l’école d’origine.

Manque de places

Pour Pascale Geubel, une autre complication est le manque d’espace dont nous disposons dans les hôpitaux. Logiquement, les soins sont prioritaires. Dans l’enseignement de type 5, deux milieux professionnels se côtoient, et ce n’est pas naturel d’installer l’école dans un milieu hospitalier. Il faut donc continuellement s’adapter.

Pistes pour rendre l’enseignement de type 5 plus efficace

Le Conseil supérieur de l’enseignement spécialisé (CSES) réfléchit sur le fonctionnement de cet enseignement de type 5, et a notamment rendu un avis[15]qui, après avoir relevé les problématiques rencontrées, donne une série de propositions pour améliorer cet enseignement, dont celles-ci :

  • mener une réflexion sur les possibilités d’organiser la sanction des études des élèves en enseignement de type 5 ;
  • reconnaître une troisième catégorie d’élèves dans l’enseignement de type 5 : élèves n’ayant pas été hospitalisés et pas prêts à fréquenter une école, et ce, s’ils sont couverts par un médecin spécialiste de la santé mentale ;
  • mettre sur pied une SSAS, structure scolaire d’aide à la socialisation, pour répondre aux besoins des élèves qui ne sont pas ou plus hospitalisés, mais qui ne sont pas en mesure d’intégrer une scolarité à temps plein, en combinant l’approche pédagogique adaptée en vue d’un raccrochage scolaire, et une prise en charge psychologique. L’ensemble des intervenants travailleraient en interdisciplinarité.

Conclusion

Pascale Geubel souligne la richesse du métier d’enseignant, particulièrement dans le type 5 : notre équipe de profs est stable, et cela est révélateur du fait qu’ils travaillent pour un projet prenant, humain. Nous avons une culture d’école particulière dans le sens où on regroupe régulièrement les enseignants de tous nos sites, pour rappeler le tronc commun qui est l’enseignement de type 5. On est continuellement en recherche de nouveaux outils pour nos élèves qui ont chacun des besoins spécifiques.

Conserver le lien social, maintenir et développer des acquis, rendre moins lourd un traitement en apportant une présence non-médicale… l’enseignement de type 5 n’a pas à prouver son importance pour les enfants hospitalisés.

La situation de ces élèves réclame une étroite collaboration de tous les acteurs scolaires pour assurer un suivi : l’école de type 5, l’école d’origine et les parents. De plus, l’école d’origine et la classe de l’enfant malade peuvent développer des attitudes de tolérance, de solidarité, de respect des différences, indispensables pour le vivre ensemble.

 

 

Bénédicte Loriers

 


[1] Circulaire n°5088 : l’enseignement en milieu hospitalier subventionné ou organisé par le ministère de la Communauté française, ou l’enseignement  spécialisé de type 5, 2014, p.4.

[2] Décret du 3 mars 2004, articles 7 et 8.

[3] http://www.md.ucl.ac.be/escale/

En 2014-2015, L’Ecole Escale a accueilli 5100 élèves, enseignement fondamental et secondaire confondus, avec une moyenne de 327 élèves accueillis quotidiennement, répartis sur 12 sites. L’équipe éducative compte près de 100 enseignants.

[4] Interview réalisée par Bénédicte Loriers le 26 octobre 2015.

[5] Interview réalisée par Bénédicte Loriers le 23 octobre 2015.

[7] Ibidem.

[9] Fédération de l’Enseignement secondaire catholique.

[10] Structures scolaires d’aide à la socialisation.

[11] LENAERTS Patrick, Comment traiter la phobie scolaire, in Entrées libres, n°89, mai 2014, p.10.

[12] CSES, Conseil supérieur de l’enseignement spécialisé, Avis n°148 : enseignement de type 5.

[13] Conseil supérieur de l’enseignement spécialisé.

[14] CSES, ibidem.

[15] Avis du CSES n°148 : Enseignement de type 5 : http://www.enseignement.be/index.php?page=24410&navi=966

Vous désirez recevoir nos lettres d'information ?

Inscrivez-vous !
En poursuivant votre navigation sur ce site, vous acceptez l'utilisation de Cookies pour vous proposer des publicités adaptées à vos centres d'intérêts, pour réaliser des statistiques de navigation, et pour faciliter le partage d'information sur les réseaux sociaux. Pour en savoir plus et paramétrer les cookies,
OK