Analyse UFAPEC décembre 2015 par JP. Schmidt

28.15/ Centre PMS, un acteur de première ligne méconnu

Introduction

Pour réussir à l’école, il est essentiel que l’enfant soit encadré par des enseignants bien formés mais force est de constater que cela n’est pas toujours suffisant. D’autres paramètres sont à prendre en compte comme la santé, les conditions de vie, l’environnement, le contexte familial,… Certaines familles risquent de vivre des situations difficiles : perte d’emploi, problèmes de santé d’un enfant, précarité de logement, éclatement des familles, deuil ... Toutes ces situations auront un impact sur l’enfant, sa scolarité, son développement, son bien-être. Pour porter et élever nos enfants, notre société ne devrait-elle pas se doter de structures qui leur permettent de grandir en toute sérénité ? En Belgique francophone, deux institutions s’occupent de manières diverses du bien-être psychique et physique de l’enfant : les Centres PMS et les Services de Promotion de la Santé à l’Ecole (PSE). Nous nous limiterons ici aux missions des CPMS. Nous verrons que les CPMS ont évolué au fil du temps pour répondre aux transformations de notre société, nous examinerons en quoi ils peuvent être utiles à l’élève, l’école, aux parents, à la société en général.

Ensuite, nous aborderons les difficultés rencontrées par les CPMS. Ils sont fort sollicités et mis sous tension. Alors que les ressources allouées restent dérisoires, de nouvelles missions sont données aux CPMS. Les CPMS peuvent-ils être efficaces avec un tel manque de moyens ? S’ils n’étaient plus là, qui aiderait ces jeunes en difficulté avant que ceux-ci ne deviennent des acteurs cruciaux pour notre société ?

Le Centre Psycho-Médico-Social (CPMS)

Historique

L’évolution du CPMS au fil du temps est significative. Avant c’était du dépistage pour situer les enfants au niveau du pédagogique, de l’intellectuel. Le CPMS se limitait à faire du testing. Le travail a évolué. On essaie de comprendre avec l’enseignant où se situent les difficultés et comment aider les enfants. Le testing est un élément mais il n’est pas le seul. Le contact avec la famille reste primordial, nous relate Laurence Chantraine, directrice du Centre PMS libre de Wavre 3[1]. Nous sommes passés d’un centre d’orientation professionnelle à un centre souhaitant placer le jeune comme acteur de son histoire.

Dans l’introduction de la Charte des Centres psycho-médico-sociaux libres de 2007, le mot du Secrétaire Général mettait des éléments en perspective : Le contexte de la société contemporaine est extrêmement mouvant. Si elles veulent continuer à répondre aux besoins et attentes de leurs publics, les institutions de service public doivent tenir compte des contextes dans la mesure où les changements qui traversent la société affectent directement les missions et les publics qui sont les leurs. Les Centres PMS appartiennent à cette catégorie, autant que l’école, ce qui leur donne un véritable droit d’action mais leur impose également des devoirs.[2]

Missions des CPMS

Le CPMS propose aux jeunes et à leur famille un accompagnement et un suivi tri disciplinaire sur les plans psychologique, médical et social de la première maternelle à la fin du secondaire. La fréquentation d’un centre PMS n’est en rien obligatoire : la famille, l’élève s’y rendent de leur plein gré, il n’y a aucune contrainte et l’accès est entièrement gratuit.

Les missions sont les suivantes[3] :

  • promouvoir les conditions psychologiques, psychopédagogiques, médicales et sociales qui offrent à l'élève les meilleures chances de développer sa personnalité et de le préparer à assumer son rôle de citoyen autonome et responsable et à prendre une place active dans la vie sociale, culturelle et économique;
  • contribuer au processus éducatif de l'élève, tout au long de son parcours scolaire, en favorisant la mise en œuvre des moyens qui permettront de l'amener à progresser toujours plus et ce, dans la perspective d'assurer à tous des chances égales d'accès à l'émancipation sociale, citoyenne et personnelle. Les centres mobiliseront, entre autres, les ressources disponibles de l'environnement familial, social et scolaire de l'élève;
  • dans une optique d'orientation tout au long de la vie, soutenir l'élève dans la construction positive de son projet de vie personnel, scolaire, professionnel et de son insertion socio-professionnelle.

 

Pour réussir ces missions, le programme des Centres PMS s’articule autour de huit axes :

  • L'offre de services aux consultantsou comment permettre aux consultants de disposer d’une représentation la plus correcte ?
  • La réponse aux demandes des consultantsou comment écouter et traiter la demande en vue d’y répondre le plus adéquatement ?
  • Les actions de préventionou comment toute action est-elle aussi une prévention ?
  • Le repérage des difficultésoucomment être attentifs au processus d’évolution et au développement de l’élève ?
  • Le diagnostic et la guidanceou comment comprendre les situations et leur assurer le meilleur suivi ?
  • L'orientation scolaire et professionnelleou comment accompagner un processus d’élaboration de choix ?
  • Le soutien à la parentalitéou comment valoriser et soutenir les rôles et les ressources propres d’un parent ?
  • L'éducation à la santéou comment favoriser et encourager des relais et des projets en matière d’éducation à la santé ?

Des missions conséquentes que les Centres PMS s’efforcent de remplir du mieux possible, mais à quel prix ? Les parents sont-ils bien informés des champs d’action des CPMS ?

Un Centre PMS sous-tension ?

Les activités d’un CPMS se situent dans des contextes différents et changeants. Le CPMS s’inscrit dans le champ du social tout en ayant un pied dans la sphère éducative. Il fait donc partie intégrante de notre système d’enseignement. Comme nous le partage Laurence Chantraine : Notre priorité est de trouver le bien-être du jeune qui est au centre de notre travail tant dans son contexte scolaire que dans sa vie sociale.  Ce travail de fond ne peut se faire que si une certaine confiance s’est installée avec le jeune, sa famille, son école et ses enseignants. Chaque établissement signe une convention avec un CPMS. Les relations sont donc envisageables mais pas obligatoires. La liberté de nous consulter reste présente mais chaque école est tenue de signer une convention avec un CPMS.

La mise sous tension du Centre PMS se marque par l’hypothétique instrumentalisation de l’institution. L’école risque de faire appel à celle-ci pour intervenir auprès de la famille. De même que cette dernière  peut demander au Centre PMS d’intervenir auprès des enseignants pour faire comprendre à l’école entre autres que leur enfant est différent et a besoin de soutiens divers. Le CPMS prend ses distances. Notre volonté d’affirmer notre indépendance et notre neutralité par rapport aux contingences de l’école nous permet facilement de prendre distance avec l’établissement, explique Florence Defresne, directrice du CPMS libre de Charleroi 3[4]. La voix du CPMS reste consultative lors des conseils de classe de fin d’année dans chaque école. L’école comme le CPMS ont donc une responsabilité dans l’orientation scolaire (ordinaire, spécialisé ou professionnel) du jeune en fonction de ses résultats scolaires mais aussi en prenant en compte ses aspirations, ses désirs, sa réflexion. De par leur travail d’accompagnement, les familles et /ou les CPMS restent attentifs aux décisions et informations qui s’en suivent. Mais il faut pouvoir accepter que le jeune n’ait pas nécessairement une histoire rectiligne. Il faut donc accepter qu’il ne puisse pas faire des choix. Il faut aussi en tenir compte.

Une autre forme d’instrumentalisation possible est celle réalisée par la société qui a besoin d‘acteurs économiques : Les acteurs des CPMS accompagnent le jeune dans leur parcours scolaire. Le politique a une approche se situant davantage dans la sphère économique du bien commun. Cela crée une tension entre deux intentions légitimes, le politique privilégiant une structure destinée non pas à aider les jeunes à s’orienter mais à produire un comportement de choix d’orientation[5].

La tension suivante touche au temps : le temps de l’école et le temps de la famille. Florence Dufresne et Laurence Chantraine nous confient que la question de la temporisation prend beaucoup de place : D’abord, il faut du temps pour construire une relation de confiance. Le temps de la famille n’est pas le même que celui de l’école ! L’école travaille en année scolaire, il faut donc agir vite. Le temps des familles n’est évidemment pas celui-là. Il est plus lent. En effet, il y a le temps de la compréhension de ce que l’enseignant vient de partager couplé au temps de l’acceptation de la situation, des difficultés. Le désir ou l’espoir des parents est bouleversé. Enfin, il y a le temps de la mise en place des actions. Le CPMS se retrouve au milieu. Il faut moduler ces différents temps pour répondre à l’urgence de l’école qui a déjà mis beaucoup en place et le temps de la réflexion familiale. Nous sommes une sorte de courroie de transmission pour favoriser cet échange école-famille.  Le CPMS est là aussi pour dire aux parents faites confiance à l’enseignant qui a déjà mis des choses en place mais aussi aux enseignants faites confiance à la famille, elle avance.

Comme acteur dans le triangle école-parents-élèves, le CPMS peut aussi être sous tension. Laurence Chantraine souligne : Le regard que porte le CPMS est forcément tri disciplinaire. Il est un accompagnement pour le jeune dans sa globalité afin de favoriser des interventions susceptibles d’initier un changement pour un meilleur bien-être. Florence Defresne énonce : L’idée c’est de remettre au centre le triangle école-parents-élèves pour faire en sorte que les uns et les autres se parlent, se concertent. Nous sommes dans un travail de première ligne, on va passer le relais, on va faire un bout de chemin ensemble. On réfléchit à des pistes d’aménagements pour le bien-être de tous. La famille aura un regard plus individuel tandis que l’approche de l’école sera quant à elle plus collective. L’école travaille sur la réussite scolaire de tous selon un programme bien établi. Le CPMS doit trouver une nouvelle fois le juste milieu entre l’approche individuelle et collective.

L’évolution dans les demandes qui arrivent dans les CPMS a aussi suivi la courbe de l’évolution de la famille. Geneviève Bastin du CPMS libre 2 de Namur[6] s’interroge : Les reconstructions familiales, l’évolution de la famille et des repères sociétaux se sont complexifiées. Nous sommes majoritairement confrontées à des difficultés familiales, mais aussi au mal-être lié à l’adolescence : mal au monde, mal de vivre, scarifications, anorexie, envie de suicide, automutilation,… Nous décelons aussi une plus grande solitude chez les jeunes, nous avons parfois l’impression qu’ils n’ont plus personne d’autre à qui parler que nous.C’est une autre forme de mise sous tension pour le CPMS. Cette solitude du jeune amène celui-ci à une recherche de cadre, d’adultes structurants. Est-ce le rôle du CPMS ? Parfois, on joue des rôles qui ne sont pas les nôtres du type instance morale : ils viennent chercher un cadre chez nous, des limites. Il y a aussi beaucoup de règlements de comptes via Facebook, les conflits de la classe se déplacent sur les réseaux sociaux. Ceux-ci amplifient les problèmes de communication mais ne les créent pas. On ose dire plus via son ordinateur qu’en face à face. Il y a tout un travail à faire sur la pudeur, le respect, le respect de soi-même. Notre travail d’orientation a aussi évolué : en effet, les rêves de certains rhétoriciens sont plus pragmatiques. Ils cherchent l’autonomie, ils sont moins dans le rêve naïf. Ils ont des projets professionnels beaucoup plus pratiques.

Des moyens réduits pour un travail différent

L’évolution de la société a donné de nouvelles missions au CPMS avec des faibles moyens. En effet, le Centre PMS de Wavre 3 collabore avec vingt-quatre implantations sous tutelle. Cela comprend 5327 élèves pour sept fonctions, à savoir un directeur, deux conseillers psychopédagogiques, un auxiliaire psychopédagogique, un auxiliaire paramédical et deux auxiliaires sociales. Pour le CPMS de Charleroi 3, il y a vingt-six implantations comprenant 10600 élèves pour dix équivalents temps plein. Le CPMS libre de Namur prend en charge 7.578 élèves pour l’équivalent de 10 temps plein (15 personnes) Même si tous les élèves n’auront pas affaire à l’institution, la question des moyens reste d’actualité. Il faut passer le seuil de 1600 élèves pour obtenir un temps plein supplémentaire.

Les CPMS rencontrés font des choix de mission suivant leur réalité de terrain. Choisir n’est-ce pas renoncer ? Pour le CPMS de Wavre 3, les priorités via leur projet de service sont : un travail de proximité, les besoins des consultants les moins favorisés et l’analyse de la demande. Une attention particulière est réservée au travail en réseaux et à l’évaluation des actions ainsi menées.

Le CPMS de Charleroi a établi les choix suivants : le repérage des difficultés (rencontrer les observations des enseignants et analyser la situation), l’orientation scolaire et professionnelle ainsi que la prévention et la promotion de la santé. Enfin, le CPMS libre de Namur 2 consacre la grande majorité de son temps à la guidance individuelle. A noter, que ce centre assure l’encadrement de jeunes du secondaire technique, professionnel et en alternance dès la troisième secondaire. Les professionnels rencontrés sont unanimes : Notre travail est méconnu. Derrière un jeune, il peut y avoir un travail énorme et une multitude de démarches faites en amont. Beaucoup de gens restent sur leurs expériences d’ado où le CPMS était lié à l’orientation[7]. La pratique des centres PMS a fort évolué ces dernières années, et c’est petit à petit que ces changements vont s’intégrer. A partir du moment où on est mandaté pour aider à surmonter une difficulté, on est associé à cette difficulté et donc à la souffrance. La crainte d’aller au PMS pour partager une difficulté est présente. La croyance reste que les psys c’est pour les fous. La peur subsiste.

Conclusion

Le CPMS met le jeune et sa famille au cœur de son action. Cette institution doit garder son indépendance et sa neutralité face à l’école et la famille pour réaliser un travail d’équité et d’égalité que notre société est en droit d’attendre. Pour l’UFAPEC, il est impératif que les moyens suivent afin de remplir les missions que cette institution rencontre. Des choix d’équipes se font et il est dommage d’avoir à faire une sélection parmi les huit axes car les CPMS ne savent pas tout faire. Bien sûr, ils balaieront les autres axes mais le temps manque à chaque fois.

Les responsables insistent sur l’enjeu de pérenniser les CPMS. Au vu de leur importance pour un élève en difficulté, ils garantissent la confidentialité de leur travail, la proximité des acteurs, l’indépendance et la neutralité de leurs moyens d’actions. Le CPMS ne travaille pas pour mais avec les écoles et avec les familles. Le Centre PMS est un service de première ligne, accessible, gratuit et ouvert à tous. Un CPMS visible dans la sphère école est un facilitant pour un premier contact  et ce particulièrement pour les familles en difficulté.

Enfin, l’absence d’obligation de rencontrer le CPMS a tout son sens. En effet, les familles ont le choix de s’engager ou non dans une démarche de réappropriation de ce qui est pointé par l’école. Le CPMS permet de bousculer les parents dans leurs démarches, leurs réflexions à partir de leurs ressources, de leurs vécus, de leurs besoins. Pour L’UFAPEC, une saine société ne peut se passer de ce genre de service public et elle doit y mettre les moyens.

 

Jean-Philippe Schmidt

 

 


[1]Interview réalisée le 10/11/15 au Centre PMS libre de Wavre par JPh. Schmidt

[2]La Charte « Centres psycho-médico-sociaux libres », Enseignement Catholique – Centre PMS libres, avril 2007

[3]http://www.gallilex.cfwb.be/document/pdf/31007_005.pdf

[4]Interview réalisée le 1/12/15 au Centre PMS libre de Charleroi à Marchienne-au-Pont par JPh. Schmidt

[5]La Charte « Centres psycho-médico-sociaux libres », Enseignement Catholique – Centre PMS libres, avril 2007

[6]Extrait de la revue « Les Parents et l’Ecole » n°87 p.6-7

[7]A l’origine (1911), les CPMS étaient uniquement des centres d’orientation professionnelle.

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