Analyse UFAPEC 2010 par J. Vieslet

29.10/ Les évaluations externes dans l’enseignement en Communauté française

Introduction

Vous vous souvenez très certainement des examens interdiocésains ou cantonaux que vous aviez passés en fin de sixième primaire. Ces épreuves étaient les prémices des évaluations externes actuelles. Aujourd’hui, ces épreuves ont disparu de notre système d’enseignement pour être remplacées par le CEB. Mais ce n’est pas tout, d’autres épreuves dites «externes» ont fait leur apparition où sont encore à mettre en place, pas seulement en 6ème primaire, mais pour l’ensemble des années de l’enseignement fondamental et secondaire.
 
On entend souvent parler de ce genre d’épreuves sans savoir exactement ce qu’elles sont, pourquoi elles sont mises en places, mais surtout quelle place elles occupent exactement. 

Les évaluations externes, qu’est-ce que c’est ?

Par évaluations externes, on entend les évaluations des acquis « dont la conception et la mise en œuvre sont confiées à des personnes extérieures à l’équipe éducative d’un établissement scolaire »[1]. Il existe actuellement plusieurs types d’évaluations externes en Communauté française, qu’elles soient obligatoires ou non, certificatives ou non.
 
La première évaluation externe, que tout le monde ou presque connait, est le CEB (Certificat d’Etudes de Base)[2], épreuve qui se déroule à la fin de la 6ème année primaire, sur plusieurs matinées. C’est une épreuve certificative, c’est-à-dire qui entre en compte pour le passage de l’enfant dans l’année supérieure. Le CEB a été mis en place afin de garantir l’équité, et un même niveau d’exigence pour chaque enfant qui se prépare à entrer en première année du secondaire. Toutefois, le jugement local du conseil de classe et de l’enseignant restent importants, notamment en cas d’échec du CEB[3].
 
D’autre épreuves externes sont dites certificatives, comme le CEB, il s’agit du CE1D (en fin de 2ème secondaire) et du Test d’Enseignement Secondaire Supérieur (en fin de 6ème secondaire). Cependant, ces épreuves sont très récentes, et pour l’instant la participation est laissée au choix des pouvoirs organisateurs.
 
Un autre type d’épreuves externes est actuellement mis en place au niveau de la Communauté française : les évaluations externes non-certificatives ou diagnostiques[4]. L’adjectif qui leur est associé signifie qu’elles n’entrent pas en compte pour la réussite de l’élève. Ces évaluations sont mises en place depuis 1994, un décret les précise depuis 2006. Les élèves concernés par ces évaluations sont ceux que 2ème et 5ème primaire, ainsi que ceux de 2ème secondaire et depuis 2009 ceux de 4ème ou 5ème. Ces épreuves se déroulent chaque année et portent successivement sur les mathématiques, les sciences-éveil, la lecture-production d’écrit. Progressivement, une évaluation des langues modernes pourrait être organisée en 6ème primaire, 2ème et 5ème secondaire.
 
Il existe encore d’autres évaluations externes, moins répandues, comme celles qui peuvent être réalisées au niveau local, ou par un réseau en particulier (officiel, libre catholique,…), ou encore les évaluations externes internationales comme le test PISA. 

Pourquoi mettre en place de telles évaluations ?

L’objectif global des évaluations externes est bien entendu de cerner la maitrise de différentes compétences devant être acquises par les élèves au fur et à mesure de leur progression dans l’enseignement. Différents référentiels de compétences ont été créés en Communauté française afin de fixer les objectifs à atteindre par les élèves, s’appliquant aussi bien aux élèves du primaire que du secondaire[5]. Les évaluations externes servent à mesurer, de la même manière pour tous les élèves et sans faire intervenir la subjectivité du professeur (par exemple dans la formulation des questions), à quel point les compétences visées sont maitrisées ou en voie de l’être.
 
Il faut avant tout savoir que les référentiels de compétences se divisent en deux grands répertoires[6] :
  • Les socles de compétences : ils concernent l’ensemble de l’enseignement primaire, jusqu’à la 2ème année du secondaire. Ces socles sont divisés en trois, ce qui permet de voir une progression dans la maitrise d’une compétence (1ère et 2ème primaire, de la 3ème à la 6ème, et les deux premières années du secondaire).
  • Les compétences terminales sont les compétences qui doivent être acquises à la fin du cursus secondaire.
Selon R.Godet[7], ces référentiels de compétences restent, de manière globale, imprécis. C’est pourquoi le niveau de leur maitrise est adapté dans chaque école. « On n’apprend pas la même chose d’une école à l’autre, et on n’attend pas la même chose dans chaque école pour la certification » nous dit-il. Ce qui induit des différences de « prestige » entre les écoles, et l’on peut voir ici l’une des sources du problème des files ayant déjà eu lieu lors des inscriptions. Les écoles ayant la meilleure réputation sont les premières choisies. Les évaluations externes tentent de palier à ce problème en proposant pour tous la même grille d’évaluation, les mêmes conditions d’évaluations, et la même correction.
 
« Les évaluations externes certificatives [comme le CEB] permettent donc un passage avec plus d’équité »[8], et cela est facilement compris par la plupart des gens, sans doute grâce aux examens interdiocésains et cantonaux qui ont précédé le CEB en fin de sixième primaire. La même épreuve pour tous à cette période est une notion ancrée dans le temps dorénavant acceptée par les parents, les élèves et les professeurs.
 
Ce qui semble moins facilement compréhensible, c’est pourquoi réaliser, en milieu de certaines années, des épreuves externes qui « ne comptent même pas pour les élèves » ? Car les épreuves non-certificatives ne peuvent être prises en compte pour la réussite ou l’échec de l’élève dans la/les compétence(s) visée(s) ! L’objectif est ici « d’avoir une vue d’ensemble du système »[9], mais également « de réguler les apprentissages »[10]. Avec une configuration spécifique et unique, « le but de ces évaluations externes est de donner une image plus objective de l’enseignement afin d’aider les équipes pédagogiques à évaluer le résultat de leur action et à prendre les mesures correctives s’il y a lieu »[11]. Ces évaluations fournissent des informations sur ce que les élèves ont déjà acquis, ou sont en bonne voie d’acquérir en cours de cursus. Suite à cela, les résultats permettent de situer les élèves, les classes, les écoles, et des écarts ont toujours lieu dus au flou persistant dans la compréhension des compétences. Une fois les épreuves terminées, le « service d’inspection et de conseil et soutien pédagogiques » élabore des pistes didactiques qui pourront aider les enseignants à modifier ou recentrer leurs pratiques sur les compétences à atteindre par les élèves. Ces modifications visant, à terme, de meilleurs résultats de l’ensemble des élèves à ce genre d’épreuves.
C’est donc dans un but d’amélioration de l’enseignement dispensé, mais aussi dans un but de progrès des élèves que ces évaluations non-certificatives sont dispensées.

L’avenir des évaluations externes.

Il existe pour l’instant une grande hétérogénéité dans ce que pensent les écoles des évaluations externes[12]. Certaines les trouvent trop faciles, d’autres trop difficiles, d’autres mal adaptées, et cela est probablement dû au flou déjà évoqué autour des référentiels de compétences et de leur application pratique. Cependant, les évaluations externes ont une certaine légitimité, comme le souligne R. Godet[13] car elles sont construites par des équipes pluricompétentielles, elles aident à voir le niveau attendu et ont un impact sur les pratiques pédagogiques des enseignants. Avec le développement de la pédagogie par compétences dans l’enseignement, on peut s’attendre à ce que les évaluations externes demeurent pour un certain temps dans le paysage.
Les « nouvelles » épreuves comme le CE1D et le TESS, non obligatoires pour l’instant pourraient le devenir dans un futur plus ou moins proche. On verrait alors dans le TESS une ressemblance avec le baccalauréat français, épreuve acceptée depuis longtemps par les citoyens de ce pays.
Les évaluations externes non-certificatives ayant lieu actuellement dans diverses années du primaire et du secondaire pourraient, elles, être amenées à se réduite au vu de leur fonction. Celle-ci est d’aider les enseignants à ajuster leurs pratiques aux compétences attendues et encore floues. Dès lors, lorsqu’au bout de plusieurs années ces compétences seront vues plus nettement et les pratiques rodées, cette fonction n’aurait plus lieu d’être. On pourra toutefois recourir encore à ce genre d’épreuves afin de donner une vue d’ensemble du système scolaire, y voir les éventuelles lacunes ou carences et y appliquer des modifications.
Les évaluations externes, quelles qu’elles soient, ont donc encore un bel avenir devant elles, même si elles peuvent être sujettes à des modifications, tout comme l’ensemble du système d’enseignement belge depuis toujours.

Conclusion

Les évaluations externes font partie depuis longtemps de l’enseignement en Belgique. Les premières connues sont les examens cantonaux et interdiocésains qui étaient organisés en fin de sixième primaire. Dorénavant, ces examens n’existent plus, mais ont été remplacés par une épreuve unique pour tous les élèves, le CEB. D’autres évaluations externes mesurant la maitrise de certaines compétences et certifiant le passage de l’élève à l’année supérieure ont vu le jour plus récemment : le TESS de fin de secondaire et le CE1D de fin de 2ème secondaire pour l’instant tous deux facultatifs mais qui pourraient devenir obligatoires à l’avenir. Mais il existe également des évaluations qui n’entrent pas en compte pour la réussite de l’élève et servent à évaluer l’état actuel du système mais peuvent aussi recadrer les pratiques des enseignants. En effet, les référentiels de compétences à maitriser par les élèves sont encore neufs et imprécis. Les résultats de ce type d’évaluations servent de base à l’élaboration de pistes pour mieux les enseigner.
Avec cette fonction, on imagine que ces évaluations non certificatives se poursuivront encore quelques années… les évaluations certificatives quant à elles, semblent être bien ancrées dans le paysage (le CEB), et les plus récentes pourraient, dans un futur plus ou moins proche, prendre le même chemin et devenir obligatoires, notamment le TESS, dans le style du baccalauréat français.
 
 
 
Jessica Vieslet
 
 
 
 

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[1]Article 2 du décret du 2 juin 2006 relatif aux évaluations externes non certificatives et au certificat d’étude de base.
[3] C.Mangez, Les évaluations externes des acquis des élèves : description de dispositifs existants en Belgique francophone, in Les cahiers de recherche en éducation et formation, n°80, octobre 2010, p11
[6] Idem 
[7] Inspecteur général coordonnateur du Service général de l'inspection, lors de Piloter l’enseignement, pour qui ? Pourquoi ? : Conférence salon de l’éducation par L’association Inter-réseaux des Directions d’Ecole (A.I.D.E) 21-10-10
[8] S.Hoeben, consultant en éducation, lors de Piloter l’enseignement, pour qui ? Pourquoi ? : Conférence salon de l’éducation par L’association Inter-réseaux des Directions d’Ecole (A.I.D.E) 21-10-10
[9] Idem
[10] P Schillings, I. Demonty, ASPE Ulg, lors de la Septième Journée d’études de l’Association belge francophone des Chercheurs en Éducation, Les évaluations externes :quels usages pour quels enjeux?, 28-10-10
[11] P-M Damay, Les évaluations externes certificatives et non certificatives dans l’enseignement ordinaire, pour y voir plus clair !, avril 2007, version du 3 juin 2008, p3
[12] J. LECLEF, directeur d’école fondamentale, lors de Piloter l’enseignement, pour qui ? Pourquoi ? : Conférence salon de l’éducation par L’association Inter-réseaux des Directions d’Ecole (A.I.D.E) 21-10-10
[13] Op cit.

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