Analyse UFAPEC décembre 2014 par B. Hubien

29.14/ Partenariat école-familles pour le respect des Droits de l'Enfant

Introduction

Le 20 novembre 1989, l’Assemblée générale des Nations unies a adopté la Convention relative aux droits de l’enfant[1]. Nous célébrons donc son 25e anniversaire. L’occasion pour nous de faire le point sur ce que le partenariat école-familles produit comme effet pour le respect des Droits de l'Enfant dans le cadre de l’école. En effet, ce lieu fondamental doit être pour chacun un lieu de droit et il convient que tous les acteurs, ensemble, participent à la création d’espaces de liberté suffisants pour que ces droits puissent s’y épanouir.

Dans cette analyse, nous ne voulons pas faire le commentaire, article par article, de la Convention, mais plutôt souligner ce qui y est encouragé pour le bien de chaque enfant et pointer ce qui pourrait ou devrait encore être amélioré. Afin que chaque élève se voie ou soit reconnu comme un sujet de droit dans le cadre scolaire.

Nous voulons aussi nous interroger pour chaque point abordé sur ce qu’un partenariat dynamique école-familles peut apporter de plus dans la mise en œuvre des droits énoncés par la Convention.

Qui est concerné par la Convention ?

Une convention des Nations-Unies engage toujours les États qui la ratifient et rien que ces États. En effet, il n’est pas possible de considérer qu’elle pourrait forcer le droit de ceux qui la refusent, même si, pour certains aspects, nous pourrions penser que les droits énoncés devraient s’appliquer de manière universelle. La Belgique a ratifié cette convention et a donc une responsabilité vis-à-vis de cet engagement.

La Convention des droits de l’enfant, dans son article premier, déclare que : « Au sens de la présente Convention, un enfant s’entend de tout être humain âgé de moins de dix-huit ans, sauf si la majorité est atteinte plus tôt en vertu de la législation qui lui est applicable. »

En Belgique, l’âge de la majorité ne déroge pas à ce repère de dix-huit ans. Il convient de remarquer que l’école va être un lieu particulièrement important pour l’enfant puisqu’il y passe presque la totalité de son parcours d’enfance. En effet, l’enseignement est obligatoire de six à dix-huit ans. Nous savons que la plupart des enfants fréquentent également l’enseignement maternel, non obligatoire, dès l’âge de deux ans et demi.

L’enfant est donc le premier concerné par cette Convention qui dit ses droits ; mais sont aussi concernés ses parents et tous les acteurs de l’école.

Il est donc important que nous réfléchissions à ce que cette détermination des acteurs concernés par la Convention entraine comme conséquences.

L’article 3 précise : « Dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu'elles soient le fait des institutions publiques ou privées de protection sociale, des tribunaux, des autorités administratives ou des organes législatifs, l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale. »

Donc, dans toutes les décisions, réflexions, avis concernant l’enfant, c’est son intérêt supérieur qui doit être recherché. Il ne s’agit donc pas d’abord de l’intérêt des autres acteurs, des parents, de l’école. La difficulté sera, sans doute, de déterminer ce que recouvre ce concept d’ « intérêt supérieur de l’enfant ». En effet, rien de précis dans les dispositifs législatifs ne permet de lui donner un contenu aux balises bien déterminées.

Des droits énoncés par rapport à l’école

Le droit à la scolarisation

Tout enfant a droit à l’éducation. Cette affirmation forte de l’article 28, qui dans certains pays ne va pas de soi, ne pose pas trop problème chez nous. Nous ne parlerons pas des difficultés que connaissent, dans certaines villes, les familles à trouver une place dans une école fondamentale, ni du décret inscription qui régule l’entrée en première année du secondaire. L’enseignement est offert à chacun et l’administration veille à ce que ce droit, énoncé en obligation scolaire, soit appliqué. Les parents ou responsables légaux sont en effet responsables du respect de l’obligation scolaire par leurs enfants.

Il faut remarquer que l’affirmation d’un droit fondamental est transformée en obligation. Ce renversement n’entraine-t-il pas des effets inattendus ? On pourrait peut-être le penser quand on constate que, particulièrement à l’adolescence, certains jeunes s’éloignent de notre système, profitant de l’autorisation des vingt demi-jours d’absence non-justifiés, et tombent parfois en décrochage scolaire. Les mesures prises pour lutter contre ce décrochage visent à assurer le parcours scolaire de chaque enfant, mais quand on constate que 5 % d’une classe d’âge va sortir de l’école avant la fin du parcours prévu[2], il faut se concentrer sur ce qui pourrait être davantage fait pour assurer à l’enfant la possibilité de finir un cursus scolaire et d’obtenir un diplôme ou certificat. Des moyens sont mis en place et portent déjà leurs fruits. En effet, si en 2006 le taux de sorties prématurées de l’enseignement secondaire était de 7 %, il est ramené en 2014 à 5,7 %[3]. Toutefois, il faut tempérer ces chiffres et constater de fortes divergences selon les zones : si le taux est de 4,4 % en Brabant wallon, il atteint 7,6 % en région de Bruxelles-Capitale.

Un partenariat école-familles plus développé pourrait sans aucun doute atténuer ces chiffres. Les parents découvrent en effet souvent trop tard les problèmes d’accrochage scolaire de leur enfant. Quelquefois, les dispositifs possibles ne sont pas connus des acteurs (SAS[4], enseignement en alternance, etc.) Parfois, les solutions existantes ne semblent pas pouvoir offrir de solution positive pour le jeune. Si les acteurs de l’école, réunis en conseil de participation ou dans toute autre structure d’échange, d’information et de réflexion commune, peuvent créer ensemble des solutions positives, chaque enfant concerné par le décrochage ou la sortie prématurée verra peut-être son parcours amélioré et ses chances de décrocher positivement un diplôme ou une qualification accrues.

L’article 28 commence comme ceci : « Les Etats parties reconnaissent le droit de l'enfant à l'éducation, et en particulier, en vue d'assurer l'exercice de ce droit progressivement et sur la base de l'égalité des chances… » Il faut donc asseoir cette égalité des chances par une offre permettant la réussite scolaire de chacun.

Le droit à l’orientation et la diversité de l’offre

Dans la suite de l’article 28 déjà cité, il est dit : « b) Ils (Les États parties) encouragent l'organisation de différentes formes d'enseignement secondaire, tant général que professionnel, les rendent ouvertes et accessibles à tout enfant, et prennent des mesures appropriées telles que l'instauration de la gratuité de l'enseignement et l'offre d'une aide financière en cas de besoin ;

c) Ils assurent à tous l'accès à l'enseignement supérieur, en fonction des capacités de chacun, par tous les moyens appropriés ;

d) Ils rendent ouvertes et accessibles à tout enfant l'information et l'orientation scolaires et professionnelles… »

Bon nombre de jeunes souffrent d’échec scolaire par déficience d’orientation. En effet, notre système d’enseignement est tel que le choix d’un parcours technique ou professionnel ne relève en majorité d’une « incapacité » à réussir dans des disciplines générales, sans qu’à aucun moment cette orientation ne soit questionnée par rapport aux aptitudes et désirs du jeune concerné. C’est presqu’exclusivement un mécanisme de relégation qui conduit dans ces filières[5].

Les parents (ou responsables légaux) des enfants concernés par cette relégation sont, souvent, placés devant le fait accompli. Dans ces cas-là, il n’est pas demandé aux familles de participer à l’orientation. Pourtant, leur connaissance et leur point de vue sur leur enfant pourraient aider. Un professeur d’arts plastiques en 5e année secondaire du qualifiant nous confiait voir arriver parfois dans sa classe des élèves qui n’avaient aucune aptitude au dessin, mais qui s’y retrouvaient faute d’orientation positive.

Des droits en vue d’objectifs

La Convention des droits de l’enfant, si elle insiste avec force au droit à l’éducation, énonce une série d’objectifs que l’éducation devrait viser. L’article 29 déploie ces objectifs :

« Les Etats parties conviennent que l'éducation de l'enfant doit viser à :

a)      Favoriser l'épanouissement de la personnalité de l'enfant et le développement de ses dons et de ses aptitudes mentales et physiques, dans toute la mesure de leurs potentialités ;

b)      Inculquer à l'enfant le respect des droits de l'homme et des libertés fondamentales, et des principes consacrés dans la Charte des Nations Unies ;

c)      Inculquer à l'enfant le respect de ses parents, de son identité, de sa langue et de ses valeurs culturelles, ainsi que le respect des valeurs nationales du pays dans lequel il vit, du pays duquel il peut être originaire et des civilisations différentes de la sienne ;

d)      Préparer l'enfant à assumer les responsabilités de la vie dans une société libre, dans un esprit de compréhension, de paix, de tolérance, d'égalité entre les sexes et d'amitié entre tous les peuples et groupes ethniques, nationaux et religieux, et avec les personnes d'origine autochtone ;

e)      Inculquer à l'enfant le respect du milieu naturel. » (article 29)

 

L’école, si elle est un lieu d’apprentissage permettant à chacun de rejoindre les compétences nécessaires pour poursuivre le parcours de formation dans l’enseignement supérieur ou d’entrer dans la vie professionnelle, est invitée à rejoindre d’autres dimensions. L’épanouissement et le développement des dons et aptitudes propres ne sont pas le résultat identique à ce qui est visé dans les apprentissages. Il convient que les acteurs de l’école en soient ensemble conscients et le transcrivent dans des projets concertés. C’est dans la concertation entre tous que peuvent se construire ces projets qui débordent les limites strictes des apprentissages disciplinaires. Lorsque nous lisons que l’école doit inculquer le respect d’une série de personnes ou de droits d’autrui, nous touchons à des apprentissages qui traversent l’ensemble des disciplines. Ces apprentissages transversaux sont parfois identifiés dans notre système scolaire : c’est le cas de l’éducation à la citoyenneté, qui ne doit pas se cantonner aux seuls cours éventuellement prévus sur ce point, ou du respect de l’environnement et de la planète.

Mais en ce qui concerne le « respect de ses parents, de son identité, de sa langue et de ses valeurs culturelles, ainsi que le respect des valeurs nationales du pays dans lequel il vit, du pays duquel il peut être originaire et des civilisations différentes de la sienne », qu’est-ce qui est mis en place ? Nous constatons que des écoles construisent au conseil de participation , avec l’association de parents ou, à défaut, avec les parents directement, des activités qui font droit à ces différents aspects : ce sera, par exemple, une journée de fête des cultures au cours de laquelle chaque groupe culturel sera invité à présenter un aspect de sa culture d’origine ou, autre exemple, une exposition d’art en provenance des différents pays d’origine des enfants et des jeunes. Dans un partenariat écoles-familles vivant et dynamique, il y a place à une créativité qui permet de rejoindre ces aspects transversaux.

Deux points spécifiques

Vie privée

Un droit fondamental est rappelé à l’article 16. Il s’agit de la protection de la vie privée.

« 1. Nul enfant ne fera l'objet d'immixtions arbitraires ou illégales dans sa vie privée, sa famille, son domicile ou sa correspondance, ni d'atteintes illégales à son honneur et à sa réputation.

2. L'enfant a droit à la protection de la loi contre de telles immixtions ou de telles atteintes. »

Il n’est pas toujours évident d’assurer ce droit dans le cadre de l’école. En effet, pour le bien de l’enfant, il est parfois nécessaire de transmettre des informations relatives à sa vie privée. Par exemple, si un parent est détenu, cet aspect de la vie privée de l’enfant peut avoir des répercussions sur ses résultats ou son comportement. Jusqu’à quel point cette information peut-elle être transmise ? Peut-on en faire état en classe ? Ici se pose toute la problématique du secret professionnel. Qui est tenu au secret et à quel degré ? Les réponses à ces questions ne sont pas évidentes, d’autant plus lorsque l’on recherche l’intérêt supérieur de l’enfant.

C’est en dialogue avec l’enfant et sa famille que ces choses peuvent se réfléchir et se décider. C’est dans la réalité de chaque situation, éclairée par d’éventuelles prescriptions légales ou réglementaires, que se trouvera la réponse la plus pertinente à donner aux questions concrètes qui touchent à cet aspect fondamental du respect de la vie privée.

Intégrité physique et morale

« Les Etats parties prennent toutes les mesures législatives, administratives, sociales et éducatives appropriées pour protéger l'enfant contre toutes formes de violence, d'atteinte ou de brutalités physiques ou mentales, d'abandon ou de négligence, de mauvais traitements ou d'exploitation, y compris la violence sexuelle, pendant qu'il est sous la garde de ses parents ou de l'un d'eux, de son ou ses représentants légaux ou de toute autre personne à qui il est confié. »

C’est en ces termes que l’article 19 de la Convention aborde cette question. Harcèlement et violence à l’école sont devenus malheureusement des points de débats réguliers dans les différents lieux où se rencontrent les acteurs. L’école semble parfois impuissante à maîtriser le phénomène en son sein. Les moyens technologiques accentuent la pression et externalisent les disputes des cours de récréation.

Il y a des lois et règlements qui permettent de poursuivre et de sanctionner les auteurs de faits délictueux. Mais tous les faits ne relèvent pas, heureusement sans doute, de la Justice.

La Fédération Wallonie-Bruxelles a publié un guide pratique relatif à la prévention et la gestion des violences en milieu scolaire[6] pour lutter contre la violence et permettre de donner la réponse la plus appropriée à chaque situation.

Nous regrettons que les situations de violence ne soient envisagées que dans le schéma élève-élève et élève-enseignant.

Il y a des situations ou professeur ou membre de l’équipe éducative sont les auteurs de violence ou de harcèlement, tant au plan moral que physique notamment sous forme d’humiliations ou remarques blessantes. Les enfants n’osent pas toujours en parler à la maison. Les parents se sentent souvent impuissants pour faire reconnaitre la situation et faire en sorte qu’il y soit mis fin. Qu’est-ce qui peut être mis en place par rapport à cette forme de violence insidieuse voire institutionnalisée d’un enseignant envers un jeune ? Violence qui a le pouvoir de déstabiliser et voire de dégouter une jeune de l’école ? Ne faudrait-il pas aussi sensibiliser les enseignants à la communication non-violente dans leur formation initiale et continuée ?

Conclusion

Célébrer l’anniversaire des 25 ans de la proclamation des droits de l’enfant, coulés dans une convention internationale, nous l’avons vu, entraine à se poser des questions fondamentales. Il y aurait certainement beaucoup de choses à dire encore.

Toutefois nous voulons retenir qu’il n’est pas évident de déterminer les devoirs de chaque acteur dans le cadre de ces droits.

Si l’enfant, répétons-le, jusqu’à sa majorité a droit à une protection particulière et à un parcours de scolarisation épanouissant, il convient que tous les acteurs de l’école le favorisent. Le partenariat école-familles est sans aucun doute une condition nécessaire à cela. Mais encore faut-il que chacun accepte le dialogue et le partenariat. Les directions et les enseignants sont souvent désireux de ces rencontres, mais les parents ne répondent pas toujours à leurs invitations au dialogue, soit parce que leur vie est déjà bousculée par des éléments extérieurs (stress du travail ou au contraire, perte d’emploi, séparation, lassitude, dépression…), soit parce qu’ils ne maîtrisent pas les codes scolaires et les fonctionnements de l’école.

Des parents sont parfois face à un mur et se sentent exclus du cadre scolaire. Dans ce contexte, leurs réactions peuvent être exacerbées, les poussant à une totale absence de dialogue ou à des revendications qui dépassent le cadre scolaire.

L’UFAPEC pense que le partenariat école-familles, incarné formellement et, espérons-le, concrètement par le fonctionnement du conseil de participation et de l’association de parents, peut participer à garantir le respect des droits fondamentaux de l’enfant, de chaque enfant !

Et si la communication avec les maisons de quartier, les écoles de devoirs, les AMO, etc., est renforcée, il est vraisemblable que tous les publics soient davantage concernés.

Les droits de l’enfant ne méritent-ils pas cela ?

 

Bernard Hubien

 

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[1]Le texte de la Convention se trouve en ligne sur le site du délégué général aux droits de l’enfant. http://www.dgde.cfwb.be/index.php?id=3570

[2]Fédération Wallonie-Bruxelles, Les indicateurs de l’enseignement 2014, novembre 2014, pp. 44-45.

[3]Idem, pp. 48-49.

[4]Cf. Bénédicte Loriers, Les services d’accrochage scolaire (SAS) pour rétablir une spirale positive, analyse UFAPEC 11/13, juin 2013. http://www.ufapec.be/nos-analyses/1113-sas/

[5]Pour plus de développements de ce point, l’on pourra se reporter à l’étude de Michaël Lontie, Nouveau regard sur l’enseignement qualifiant, étude UFAPEC 31.13, décembre 2013. http://www.ufapec.be/nos-analyses/3113-etude-qualifiant/

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