Analyse UFAPEC décembre 2018 par O. Hardenne

29.18/ Les jeux en ligne, lieux de repli ou de socialisation pour les jeunes ?

Introduction

Le monde du jeu a été bouleversé dans les années ‘70 par l’émergence du jeu vidéo et connait depuis une évolution fulgurante. Dans presque chaque foyer se trouve au moins une console de jeu ou un ordinateur. L’OFDT[1] explique que le jeu vidéo est l’un des biens culturels le plus vendu. À ce jour, les jeunes peuvent jouer en ligne avec des amis et même des inconnus. WoW[2], Fortnite ou encore Minecraft ont enflammé la toile et envouté, en particulier, les ados. Ces jeux ont un grand impact sur la socialisation du jeune et ses relations familiales. Divina Frau-Meigs, sociologue des médias, explique que les écrans sont devenus essentiels, souvent sous-estimé, cet environnement médiatique procède à leur socialisation, en concurrence frontale avec la famille et l'école[3]. Elle explique que les enfants consomment 3h30 de média par jour, ce qui représente la seconde activité des jeunes après le sommeil, sans prendre en compte le cadre scolaire.

Serge Tisseron[4], psychiatre et psychanalyste, explique quant à lui qu’il faut éviter d’associer obligatoirement consommateur excessif de jeu et isolement social. L’interactivité possible par Internet serait un de ses atouts majeurs, les joueurs cherchant du lien social. Esteban Gine[5], chercheur au CREM[6],Centre de recherche sur les médias, explique d’ailleurs que les jeux vidéo offrent de nouvelles perspectives de communication et d’apprentissage par l’idée de transfert de savoirs par le dialogue et la coopération dans le jeu. Le vivre ensemble est remis en question, face à ces univers remplis de possibilités. Comment construisent-ils du lien avec la réalité ? Comment les relations se créent-elles ? Les parents ont-ils des ressources pour échanger avec leur ado adepte des jeux en ligne ?

Dans cette analyse, nous aborderons donc la question des jeux vidéo et en ligne, passetemps favoris de certains jeunes. Nous verrons comment la socialisation prend forme dans ce cadre de relation particulière avec la possibilité de nouer du lien avec des inconnus, parfois du bout du monde, mais également la socialisation du jeune hors de la toile en questionnant les amitiés et la relation qu’il crée avec ses parents.

Le jeu vidéo sous toutes ses facettes

  • Différents types de jeu

Les jeux vidéo existent sous différents types avec des nuances qu’il est intéressant de présenter. Comme l’explique un article du CNRS[7], les jeux vidéo sont classés en fonction de leurs caractéristiques ludiques (les règles, la prise en main, l’univers, l’histoire, l’expérience vécue par le joueur...). Il faut toutefois noter qu’il n’existe pas de classifications universelles[8] et que ces dernières varient selon les points de vue. Des jeux peuvent appartenir à plusieurs types, ce qui complique la classification. On peut y jouer parfois seul ou en groupe. Des rencontres réelles entre joueurs existent aussi. Nous pouvons présenter les grandes catégories :

  •  Les jeux d’action (combat, plateforme...)
  • Les jeux d’aventure (graphique, fiction interactive...)
  • Les jeux d’action-aventure (GTA[9], infiltration...)
  • Les jeux de rôle ou RPG (les MMORPG[10], etc.) où le joueur incarne un personnage (avatar) qui évolue dans un milieu, suivant une quête.
  • Les jeux de réflexion (objet caché, puzzle...)
  • Les jeux de simulation (animaux virtuels, simulation automobile...)
  • Les jeux de stratégie (LoL[11], wargame...) Certains types de jeux non classés existent comme les courses, les sports[12]...

D’autres classifications existent comme l’illustre ce tableau :

Tableau classification jeux vidéo source : OFDT : Ecrans et jeux vidéo à l'adolescence, p. 3.

Par ailleurs, ces jeux vidéo seraient plus prisés par les garçons avec 80 % de joueurs contre seulement 50 % des filles[13]. La littérature montre aussi que le choix de jeu est orienté par le genre, les garçons multipliant types et supports de jeu, alors que les filles se cantonnent plus à un seul support.

  • Les succès actuels

Actuellement, plusieurs jeux en ligne rencontrent un grand succès. Nous allons parler de Fortnite Battle Royal. C’est un jeu gratuit en un contre cent, qui se joue seul ou en équipe. Le but est d’éliminer les autres joueurs. La carte du jeu se réduit de plus en plus pour finir avec un survivant, le gagnant. Des accessoires et armes permettent de personnaliser l’avatar, personnage qui représente le joueur sur la plateforme de jeu, afin de se distinguer des autres joueurs. On demande ici au jeune d’être le meilleur, dans une pression à la réussite (face au manque éventuel de réussite ailleurs) qui peut mener à l’addiction.

Parlons ensuite des jeux MMORPG[14], qui sont à la croisée du jeu vidéo, d’Internet et du jeu de rôle, ce qui en fait sa richesse. Le joueur incarne un avatar, dans un monde virtuel et imaginaire (médiéval, fantastique, futuriste) où il vit des aventures épiques. Des milliers de joueurs jouent en simultané, avec une majorité d’adolescents et jeunes adultes. Ces jeux sont particuliers, car c’est un monde persistant[15], qui continue en l’absence du joueur, ce qui peut avoir une vertu addictogène. Le joueur peut se sentir obligé de se connecter en permanence. Le gamer, souvent jeune, peut alors dialoguer avec des millions d’inconnus depuis sa chambre.

Jeu de contradiction : entre bienfaits et risques

Comme a pu l’expliquer Alice Pierard[16], chargée de missions à l’UFAPEC, le jeune à l’adolescence est confronté à de nombreux changements en peu de temps. Certains prennent des distances avec leurs parents et se tournent vers les jeux en ligne. Ainsi, il y a un besoin d’espace, mais aussi de proximité pour nouer du lien avec autrui. Pour Marie-Jean Sauret[17], psychanalyste, cet attrait pour le virtuel fait partie de l’adolescence.

Aujourd’hui, nous constatons qu’il y a omniprésence des écrans. L’équipement est important avec en moyenne plus de onze écrans à domicile[18]. Le jeu vidéo et internet sont des pratiques courantes pour les jeunes. Mais, il faut aller au-delà des stéréotypes, explique Christophe Desagher, rédacteur à la FAPEO, le jeu vidéo n’étant pas que ludique et passif. La communication y est importante puisqu’aucune progression n’est possible sans échanges et coopération avec d’autres[19]. Les joueurs sont amenés à se connaitre et à collaborer. Le jeu vidéo stimule les échanges avec les pairs, constituant une forme de sociabilité. Néanmoins, il y a un risque d’altérer le lien parent-enfant et son évolution, et pour certains ados en situation de vulnérabilité psychique, un excès de jeux peut engendrer isolement et retrait social[20], même avec la famille.

Comme le démontre l’OFDT[21], la figure de l’ado « accro » aux jeux vidéo ou aux réseaux a émergé dans les discours, bien que cette addiction ne soit pas réellement définie. Aucun consensus sur un trouble, une dépendance n’est apporté. Serge Tisseron[22], explique, quant à lui, que le jeu et son contenu sont parfois une manière d’échapper à des angoisses liées à l’adolescence en établissant avec le jeu une relation privilégiée, exclusive. La console devient le partenaire de jeu, de communication. Jouer peut permettre de donner libre cours à l’agressivité sans risque d’une agression en retour.

Dès lors, les parents, ayant peu de place, ont des difficultés à comprendre leurs enfants et d’être proches d’eux. La communication se brouille, parfois se bloque. Le jeu vidéo apporte pourtant des bénéfices pour le jeune : rencontre, coopération, communauté, confiance, etc., mais aussi des dérives : repli sur soi, isolement, décrochage scolaire...

  • Violence et canalisateur

On pense souvent à la violence et l’addiction qu’on lie aux jeux. Michel Nachez, anthropologue, et Patrick Schmoll[23], psychosociologue et anthropologue, expliquent que la violence perçue dans le jeu peut être reproduite dans la réalité. Les jeux à contenus violents risquent d’influencer le jeune et ses comportements sociaux[24]. Ils démontrent que plus le jeu est réaliste, plus le joueur s’identifie à l’agresseur et plus grande est la tendance à intérioriser des réponses agressives en solution à des situations conflictuelles réelles, au lieu de choisir la négociation. Mais les ados font la plupart du temps la différence entre la violence dans la fiction et le quotidien[25].

D’autre part, comme l’explique Bernard Disarbois[26], cité par Roufaida Benfedala, tous deux psychologues, ces jeux sont aussi un moyen de combler l’ennui, le vide en soi, ou bien paradoxalement, permettent d’évacuer une tension, un trop plein et d’une certaine façon de créer un vide considéré comme reposant. L’OFDT[27] émet aussi l’idée de « jouer pour oublier la vraie vie » comme fuite du réel, d’un usage du jeu comme une béquille psychique, un régulateur d’humeur ou une soupape de décompression.

  • Coopération, confiance et socialisation

Néanmoins, nous constatons que ces jeux permettent de multiples possibilités comme des rencontres de guilde, de la socialisation. Une guilde est, selon le site « jeuxoline »[28], une association pérenne de joueurs réunis par un intérêt commun sous une même bannière. Chacune d’elle a un règlement commun à ses principes de jeu. Ces pratiques ludiques correspondent à une socialisation entre pairs et à une recherche identitaire. La mise en danger des relations sociales est faible dans cet ordre[29], les liens étant noués sur une base de coopération ; par la présence d’un filtre via l’écran, le jeune a donc plus de facilité à s’ouvrir. Michel Nachez et Patrick Schmoll portent également un regard favorable aux jeux vidéo puisqu’ils sont facteurs d’intégration sociale et d’échanges, car on ne joue que si l’on peut en parler avec ses pairs et/ou jouer avec les parents, et cela dès l’âge de 8 ans[30].

Dans ce sens, Saxe[31], maitre de conférences à l’Université du Massachussetts, parle « d’inversion de la réalité » permettant aux joueurs de gérer leurs humeurs : ainsi, faisant suite à une journée ratée, une bonne partie de combat d’où on sort gagnant redonne un meilleur équilibre et une baisse des tensions extérieures. Ces jeux permettraient de canaliser les pulsions violentes en les laissant s’exprimer, menant à une baisse des tensions. Cette occupation peut aussi combattre le doute, la remise en question et permettre de mieux gérer les conflits d’autorité.

Que reste-t-il des relations hors ligne ?

Les jeunes rencontrent des centaines d’inconnus, sans connaitre leurs propres voisins. Michel Nachez et Patrick Schmoll[32] parlent eux d’une virtualisation de l’interlocuteur avec qui il est possible de communiquer anonymement, et qui peut lui aussi se faire passer pour un autre. On peut se passer de rencontrer les autres, de les considérer en dehors du jeu, de prêter attention aux conséquences de ce qu’on dit ou fait en privilégiant la vision subjective du personnage. Michel Nachez et Patrick Schmoll expliquent cependant que l’espace de jeu, délimité par l’écran, n’empêche pas une sociabilité positive hors du jeu. Des valeurs propres au jeu se développent alors. Le jeu prône ainsi le respect des autres et de soi, tant en ligne que hors ligne, en signe de fairplay. Les effets des comportements dans le monde dit « virtuel » sont cependant bien « réels » sur les joueurs. Il faut donc éviter d’opposer systématiquement le monde dit « virtuel » et « le réel »… Les liens qui se tissent sont véritables, la coopération entre les joueurs est réelle et non virtuelle, même si le monde dans lequel ils évoluent l’est.

Par exemple, le jeu propose au jeune un lieu de réussite. Comme nous l’avons abordé auparavant, ces jeunes sont (souvent) confrontés à des échecs dans leur vie réelle et Fortnite (par exemple) va leur permettre de manière répétitive et finalement addictive de se donner l’illusion d’être toujours le meilleur[33]. Benfedala Roufaida[34], reprend Jauréguiberry : Le jeux vidéo ou plus exactement l’interactivité, permettrait aux sujets déprimés d’enrichir leur moi par une main mise sur un environnement en puissance. Il y a une recherche de pouvoir, de réussite que le joueur ne trouve pas dans d’autres aspects de la vie, augmentant réellement sa confiance en lui.

Enfin, le jeune en jouant, reproduit ce que ses amis réalisent, ce qui donne des sujets de conversations, d’échanges d’opinions et de stratégies. Ceci facilite les relations entre eux et parfois favorise la création de liens, absents jusqu’alors, en créant une passion commune. Mais cela questionne encore la relation parent-enfant qui est peu présente durant la période de jeu.

Quand les parents jouent des pieds et des mains pour nouer du lien

  • Difficulté à communiquer

Le jeu vidéo est un lieu de repli et de rencontre entre pairs pour l’ado. Les parents se sentent démunis face à l’omniprésence de ces jeux. De fait, si le jeu vidéo est pratiqué à l’extrême, il y a un risque de nuisance pour le jeune et ses proches, explique Philippe Bonfils[35]. La différence entre réalité et fiction peut être floue, car le joueur se trouve dans un monde où la réalité est simulée.

Michel Nachez et Patrick Schmoll[36] expliquent que le jeu peut aussi causer un isolement des individus, qui désapprennent à vivre avec leurs proches, et propose une « virtualisation » de l’autre qui permet de le traiter comme un personnage de jeu. Ainsi, si le jeune se sent seul et isolé, il va identifier ses ennemis comme les personnes qui le rejettent pour ainsi extérioriser son ressenti. Face à cette présence du jeu, certains parents expliquent qu’ils se sentent démunis et se demandent comment interpeler leur enfant pour ne pas perdre le lien. Michel Nachez et Patrick Schmoll[37] parlent d’un risque d’isolement et de désocialisation du joueur.

  • Pistes relation parents - enfants – jeux vidéo

L’OFDT[38] explique que les conditions d’encadrement parental sont un des facteurs les plus nets de différenciation des joueurs problématiques. Les ados qui déclarent ne pas pouvoir facilement parler à leurs parents ni trouver du réconfort auprès d’eux sont les plus sujets aux comportements problématiques du jeu. Avoir des parents qui ont établi des conditions d’utilisation des écrans (durée limitée, moments dans la semaine, contrôle parental, etc.) agit comme facteur de protection contre le risque d’usage hasardeux du jeu[39]. Mais il faut éviter de pathologiser la pratique du jeu vidéo qui ne constitue pas en soi, rappelons-le, une pratique problématique.

Pour gérer cette situation jugée inquiétante par certains parents, certains veillent à ce que l’univers du jeune ne soit pas uniquement réduit à son jeu, en isolement total. Alice Pierard[40] explique d’ailleurs que dialoguer avec son ado est important. Il faut se confronter à ses opinions pour mieux se comprendre.


Des parents expliquent leurs manières de faire :

Une maman de trois enfants, dont un adolescent, nous explique que son garçon joue aux jeux vidéo pour passer le temps, s’amuser et se détendre, comme ses copains qu’il retrouve en ligne. Elle pense que la relation de son enfant avec ces jeux est à surveiller de près et elle contrôle son temps de jeu avec des pauses obligatoires d’une heure entre deux heures de jeu, ce qui permet de le responsabiliser par rapport au risque d’addiction. Malgré la passion de son enfant pour les jeux, elle se sent proche de lui et pour cela elle lui parle beaucoup, l’intègre à la vie de famille qui continue en parallèle et le responsabilise au maximum. Elle conseille cela pour rester proche de ses enfants : Connaître les jeux pour être sûr que c’est adapté à l’âge, gérer le temps et les contacts au maximum, parler énormément, mettre des timers (des minuteries, des temps spécifiques de jeux), parler aussi des dangers de l’addiction.

Une autre maman nous explique : J’ai deux enfants âgés de 10 et 11 ans. Ils jouent aux jeux vidéo, mais seulement le mercredi et le week-end, 1 à 2 heures. Ils ont d’autres activités en dehors du jeu, mais jouent aux jeux vidéo, car ils aiment ça. Je perçois ça comme une addiction. Pour autant, je me sens proche de mes enfants. Pour rester en lien avec eux, je m’intéresse à ce qu’ils aiment, je leur fais beaucoup de câlins et nous parlons beaucoup. Si j’avais des conseils pour les autres parents, ça serait qu’il faut s'adapter aux modes, mais toujours transmettre les vraies valeurs, les distraire, les faire sortir, organiser des sorties à l'extérieur. Le jeu vidéo semble être un hobby pour les jeunes. Les parents pensent qu’il faut s’intéresser à ce qu’ils aiment, ne pas dramatiser, construire une relation de confiance, s’informer sur ce qu’il/elle joue et se demander si c’est un hobby ou une échappatoire.


Il est à noter que cette maman estime que c’est une addiction alors que, par définition, l’addiction est : « une relation de dépendance qui a de graves conséquences sur la santé ». La crainte du jeu vidéo et le discrédit des pratiques des jeunes sur internet semblent disproportionnés au regard des discours d’experts présentés précédemment.

Les parents souhaitent conserver ce lien qui peut, bien entendu, se détendre durant l’adolescence.


Un adulte passionné de jeux en ligne nous explique son point de vue :

Le lien, il faut le créer depuis l'enfance. Si les parents s'occupent de leurs enfants dès le plus jeune âge au lieu de les placer devant la TV ou la tablette pour être tranquille, il y a déjà plus de chance que l'enfant et les parents tissent un lien ensemble. Surtout que personnellement, j'ai joué toute ma vie aux jeux vidéo, pourtant j'ai un lien fort avec mes parents, pour la simple et bonne raison que j'ai joué avec mes parents aux jeux vidéo toute mon enfance... Le tout c'est de passer du temps avec son enfant dès le plus jeune âge, rien de plus, rien de moins. En étant conscient qu'il y a une période où le jeune doit être seul pour faire ses conneries, se poser des questions, se remettre en question, etc., et que d'office il va "fuir" ces parents. C'est ça la crise d'adolescence.


Beaucoup de parents se questionnent sur le comportement de leurs enfants face aux jeux vidéo. Des parents tentent de s’intéresser aux occupations des jeunes, de les inclurent dans les différentes activités familiales, de communiquer, de s’intéresser à leurs passions. Même si certains voient les jeux d’un mauvais œil, ils tentent de garder un équilibre virtuel/réel. Ils s’inquiètent quant à la relation qu’ils jugent « dangereuse » des ados et des écrans. À ce sujet, certains essayent de garder une relation proche, basée sur la confiance et le dialogue. Créer une complicité autour du jeu est aussi une technique utilisée par certains.


Ce qui est compliqué c’est de réguler le temps de consommation des enfants quand ce ne sont pas les siens, et qu’on ne peut pas fixer les règles pour eux :

Je suis la belle-mère de quatre enfants qui passent facilement deux heures à jouer, et quand ils ne jouent pas ils sont sur leurs smartphones. Je pense qu’ils jouent pour se retrouver dans une autre dimension et faire ce qu’ils auraient envie de faire dans la réalité. Mais pour moi leur relation avec les jeux n’est pas bonne, avec de l’agressivité et il faut leur dire d’arrêter de jouer. Pour gérer cela, je ne peux rien faire, car ce ne sont pas mes enfants, je n’ai pas mon mot à dire. J’ai donc l’impression d’être isolée d’eux. Pour créer du lien avec eux, je joue parfois à des jeux de société, et les repas sont sans smartphones pour tous !

Ainsi, d’autres parents se sentent plus démunis face à l’omniprésence du jeu dans la vie du jeune. Le beau-père d’un ado de 15 ans exprime avoir beaucoup de difficultés à nouer du lien avec son beau-fils, qui passe le plus clair de son temps sur les jeux vidéo ou à trainer en ville avec ses copains et sa copine. Il ne sait pas quel est l’intérêt du jeune de jouer, ni à quoi il joue et pourquoi. Pourtant il nous explique : Peut-être que jouer au même jeu que lui serait un moyen pour rester proche de lui. Il pense qu’il faut instaurer des règles dès le début, car après c’est trop tard.


Conclusion

L’occupation des adolescents connait une grande évolution par le jeu vidéo. Leurs relations et leurs manières de créer du lien s’en trouvent métamorphosées. Comme nous avons pu le voir, par cette omniprésence des écrans et la ferveur du jeu vidéo, de nombreux articles défendent leurs bienfaits ou, au contraire, accusent les jeux vidéo. On peut constater que les jeux vidéo ne sont ni plus ni moins qu’une nouvelle occupation dans la vie du jeune, ce que relèvent d’ailleurs nombreux sociologues. Les ados utilisent les jeux en ligne tant comme un moyen de fuite que comme nouveau lieu de socialisation.

Les jeux vidéo sont source de rencontres, de coopérations et d’échanges. Ils sont un lieu où le jeune construit sa confiance en lui, mais aussi en l’autre. N’oublions pas cependant qu’un usage excessif peut conduire à l’isolement du jeune, un désintérêt pour son quotidien et un manque de relation avec ses proches. Les parents ont donc intérêt à intégrer cette pratique constituante de l’adolescent aujourd’hui en conjuguant leurs manières d’éduquer leurs enfants et d’échanger avec eux.

Les parents interrogés vont d’ailleurs dans ce sens ainsi que dans un désir de baliser les temps de jeux sans pour autant en priver le jeune. Nous voyons qu’ils développent diverses stratégies pour maintenir le lien avec leurs enfants malgré la distanciation propre à l’adolescence en portant un intérêt aux activités de ceux-ci ou même en y prenant part.

L’UFAPEC, en tant qu’organisation représentative des parents et des associations de parents d’élèves, encourage les parents à cultiver les relations les plus épanouies possible avec leur enfant. C’est dans la communication et l’intérêt pour ses activités, dès le plus jeune âge, que le lien se créer et perdure, en permettant au jeune de s’accomplir tout en veillant à instaurer des limites. En tant que partenaire de Média Animation[41], nous notons le fait qu’il ne faut pas diaboliser les écrans ni être dans un laisser faire total, mais qu’il est important que les parents apprennent à responsabiliser les enfants, à dialoguer avec eux et porter un intérêt à leurs passe-temps et passions. Les jeux vidéo sont à apprivoiser de manière à les utiliser comme sources d’apprentissage et d’échanges par les nouvelles possibilités de socialisation.

Dans notre rôle de parent, accompagner et éduquer son enfant à un usage responsable et éclairé des jeux en ligne, des écrans et d’internet nous semble dès lors particulièrement important.

 

 

Ophélie Hardenne

 

 


[1] OFDT (Observatoire français des drogues et des toxicomanies) Ecrans et jeux vidéo à l’adolescence, 2014.

[2] World of Warcraft.

[3] Divina Frau-Meigs, Socialisation des jeunes et éducation aux médias, 2011. http://www.cemea.asso.fr/IMG/article_PDF/article_7623.pdf

[5] Esteban Giner, Apprendre le « vivre ensemble » en jouant à des jeux vidéo, 2018. https://www.chroniquesvideoludiques.com/apprendre-le-vivre-ensemble-en-jouant-a-des-jeux-video/

[6] Université de Lorraine.

[7] CNRS, Typologie des jeux vidéo, 2012 p. 3.

[8] Christophe Desagher, Un jeune devant son jeu vidéo Attention danger ? 2012, p. 4.

[9] Grand Theft Auto.

[10] Massive Multiplayer Oline Role Playing Game - jeux de rôle en ligne massivement multijoueur, tactique.

[11] League of Legends.

[12] CNRS, Op. cit., pp. 1-2.

[13] OFDT, Op. cit., p3.

[14]Roufaida Benfedala, La relation entre la prise de risque virtuel dans les jeux vidéo et la prise de risque réel chez les adolescents, 2017, p. 43.

[15] Michael Stora, Jeux vidéo : votre enfant est-il accro à Fortnite ? https://www.atlantico.fr/decryptage/3426351/jeux-video--votre-enfant-est-il-accro-a-fortnite--michael-stora

[16] Alice Pierard, Vivre l’adolescence, le rôle des parents, p. 1.

[17] Marie-Jean Sauret, Adolescence et lien social : le moment adolescent, 2009, p. 2.

[18] OFDT, Op. cit,. p .2.

[19] Christophe Desagher, Op. cit., p. 4.

[20] OFDT, Op. cit., p. 6.

[21] Idem, p. 1.

[22] Serge Tisseron, Le jeu vidéo à l’adolescence comme mise en scène de la famille imaginaire, p. 2.

[23] Michel Nachez et Patrick Schmoll, Violence et sociabilité dans les jeux vidéo en ligne, 2003, p. 4.

[24] Idem, p. 3.

[25] Idem, p. 3.

[26] Disarbois, cité par Roufaida Benfedala, Op. cit., p. 38.

[27] OFDT, Op. cit., p. 4.

[28] https://www.jeuxonline.info/lexique/mot/Guilde

[29] Disarbois cité par Roufaida Benfedala, Op cit., p. 39.

[30] Michel Nachez et Patrick Schmoll, Op cit., p. 5.

[31] Cité par Michel Nachez et Patrick Schmoll Op. cit p.3

[32] Idem, p. 3.

[33] Michael Stora, Op. cit.

[34] Benfedala Roufaida La relation entre la prise de risque virtuel dans les jeux vidéo et la prise de risque réel chez les adolescents, 2017, p. 36.

[35] BONFILS P., « Environnements immersifs : spectacle, avatars et corps virtuel, entre addiction et dialectique sociale », Hermès, n°62, 2012, p. 56.

[36] Michel Nachez et Patrick Schmoll, Violence et sociabilité dans les jeux vidéo en ligne, 2003, p. 3.

[37] Michel Nachez et Patrick Schmoll, Op. cit., p. 2.

[38] OFDT, Op. cit., p. 4.

[39] ODFT, Op. cit., p. 5.

[40] Alice Pierard, Op cit., p. 5.

[41] Centre de Ressources en éducation aux médias.

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