Analyse UFAPEC décembre 2015 par F. Baie

30.15/ Enseignement qualifiant : la pédagogie par projets peut-elle redonner du sens à l’école pour nos adolescents en perte de motivation ?

Introduction

Aujourd’hui, c’est un fait, de nombreux adolescents ont du mal à comprendre ce que l'école attend d'eux. Ils s’ennuient et n’ont plus aucune motivation. En effet, certains élèves attendent désespérément que le temps passe. Pour eux, l’école n’a pas ou plus de sens ! « L’apprentissage classique » ne correspond pas à leurs attentes. Les cours ex cathedra, théoriques où l’élève « écoute » et assimile une quantité incommensurable de matières n’est pas propice à tous. La rigueur et la concentration s'opposent au zapping imposé par la société. Certains diront que: « L'école n'est pas faite pour être divertissante. Certains apprentissages sont difficiles. On ne lit pas l'Éthique de Spinoza par plaisir »[1]. Oui, mais tout de même…

Ces sentiments d'ennui et de non-sens ne sont-ils pas évitables?

Selon le sociologue Perrenoud, les élèves peuvent éprouver des difficultés face à la machine scolaire et à l’omniprésente intention des adultes d’instruire les adolescents pour leur bien : « Dans un système aussi contraignant que l’éducation obligatoire, ils sont condamnés à des stratégies d’acteurs dominés, face à un système qui leur laisse extrêmement peu de choix, qui leur impose un nombre impressionnant de choses absurdes, incompréhensibles ou pénibles, ou qui, en tous les cas, ne correspondent pas à leurs envies du moment. Dans l’institution scolaire, on apprend à jouer avec les normes et les apparences, même si les professeurs ont du mal à l’accepter ! C’est pourquoi la construction du sens est à la fois vitale - pour survivre d’aussi longues années - et difficile. Elle passe par un véritable travail mental, que nul ne peut faire à la place de l’élève, car le sens tient à sa vision de la réalité, à sa définition de ce qui est cohérent, utile, amusant, juste, ennuyeux, supportable, nécessaire, arbitraire... Ce travail, on peut cependant tenter de le faciliter, en laissant à l’apprenant un espace d’initiative, d’autonomie, de négociation, d’indécision, de rêve »[2].

La perte de sens entraîne inévitablement les échecs. Et les échecs entraînent… les échecs ! Les élèves alors, en manque d’estime d’eux-mêmes, doublent, triplent, sont en décrochage actif ou passif. « La Fédération Wallonie-Bruxelles est au top en matière de redoublement, à un point tel que certains auteurs parlent d’une "culture" du redoublement »[3].

C’est ici que nous nous interrogeons sur notre système scolaire et, plus largement, sur notre société. Qu’est-ce qui pourrait booster et motiver ces élèves pour qui l’école n’a plus de sens ? La  pédagogie active, par projets, permettrait-elle  une autre construction du sens dans l’esprit des élèves ? Pour le savoir, nous avons voulu nous tourner vers l’enseignement qualifiant[4] où atterrissent souvent ces élèves qui ont échoué à maintes reprises. Le CEF (Conseil de l’Education et la Formation) estime d’ailleurs que « l’orientation vers les filières qualifiantes se fait trop souvent par relégation plutôt que par un choix positif de l'élève »[5]. Dans ces écoles de l’enseignement qualifiant,  où se pratique quelques fois la pédagogie  par projets, y a-t-il moyen de faire ressusciter les élèves ?

Des projets plein la tête !

« Je suis face à des élèves qui sont blessés par la vie. La pédagogie par projets permet de (re)vivre de nouvelles étapes de la vie, de mettre les compteurs à zéro. Bouleversons nos élèves, surprenons-les ! »[6] affirme Cécile Verbeeren, enseignante en sixième année en technique de qualification dans l’option « agent d’éducation » à l’Institut Emile Gryson[7] à Anderlecht.

Depuis 4 ans, Cécile Verbeeren participe avec sa classe à un projet qui s’appelle « Move with Africa » organisé par « la Libre Belgique ». Cette année, elle part au Bénin avec ses élèves. « Avec Move With Africa, 150 jeunes et 30 professeurs s'investissent concrètement dans un projet de coopération au développement en Afrique. Au terme d'une préparation de plusieurs mois, ils partent à la rencontre d'un autre pays, de ses habitants et de leur culture. Ce séjour de 10 à 15 jours leur permet de vivre, d'échanger et de partager avec les acteurs du projet qu'ils soutiennent et de découvrir les actions de leur partenaire. Pour ensuite devenir eux-mêmes des acteurs de changement »[8].

L’UFAPEC a interrogé cette jeune enseignante pour mieux cerner sa motivation et son goût pour les projets.
 


A quel public d’élèves  donnez-vous cours?

- Je donne cours de français à des élèves qui arrivent dans la filière « agent d’éducation » sans projets, c’est clairement un non-choix ! Ils ont doublé une fois, deux fois dans l’enseignement général. Du coup, ils se retrouvent dans une filière qu’ils n’ont pas nécessairement choisie. Dans le qualifiant, il y a énormément d’options et pour la plupart, les élèves se retrouvent dans l’option « agent d’éducation » s’en savoir pourquoi. Ce sont des élèves qui ont été blessés par la vie, ils sont marginalisés. La plupart de nos élèves sont d’origine immigrée. Les échecs répétés leur ont donné une mauvaise image d’eux-mêmes, ils ont perdu toute estime, leur personnalité ne leur convient plus, ils dénigrent leurs facultés. Les obstacles rencontrés dans l’enseignement, ils ne les voient pas avec la distance critique nécessaire : c’est comme ça, ils n’ont que ce qu’ils méritent ; rien ne pourra y changer, ils sont les héros de leur propre tragédie !

Pourquoi trouvez-vous important de leur proposer de travailler par projets ?

- Les projets permettent de revivre de manière positive des choses qu’ils ont mal vécues quelques années auparavant. Les projets font un effet trampoline. Cela leur permet de rebondir et de se reconsidérer. Au niveau de la dynamique du cours, les projets sont très intéressants. Pour l’enseignant comme pour l’élève, le cours devient plus dynamique, plus motivant, on a alors un fil rouge !

Le projet permet aux élèves de découvrir d’autres environnements, d’autres personnes, d’autres discours, les élèves comprennent qu’il n’y a pas qu’une seule réalité. Ils découvrent des valeurs qu’ils ne soupçonnaient pas ou qu’ils avaient bafouées depuis longtemps, sous prétexte d’un malheur trop profond, d’un échec irrémédiable. La pédagogie par projets donne du sens non seulement à l’apprentissage, mais aussi à la quête de l’élève.

Vous parlez du projet « Move in Africa » mais y  a-t-il d’autres projets qui peuvent « booster les élèves » ?

- Bien sûr ! Il suffit de regarder le site enseignement.be[9] de la Fédération Wallonie-Bruxelles pour s’apercevoir de la multitude et de la diversité des projets auxquels les enseignants et leurs élèves peuvent participer. J’ai, pour ma part, déjà participé au « Bubble festival », à l’atelier d’écriture « SHOCK 14-18 »… Tous ces projets permettent aux élèves d’expérimenter des choses et de les vivre. L’enseignement, aujourd’hui, ne doit plus être uniquement une transmission de savoirs ! Il doit être une transmission du sens, il doit guider l’élève à « devenir soi » et lui permettre de donner du sens à sa vie. C’est en expérimentant, en découvrant, en ouvrant les yeux sur le monde et sur soi-même que l’élève se construira et apprendra à se connaître. Il faudrait que notre enseignement se débarrasse de ses carcans pour se diriger vers une nouvelle pédagogie ! Pour la plupart des élèves, le système scolaire classique ne convient pas du tout. Ils subissent les cours ex cathedra.

En quoi trouvez-vous que la pédagogie par projets peut être un enjeu sociétal ?

- Je crois qu’il y a un véritable enjeu sociétal au niveau de l’intégration et de l’émancipation du jeune. Dans les familles moins fragilisées et plus aisées, les parents sortent le week-end avec leurs enfants, leur montrent des choses. Les élèves sortent de chez eux. Les élèves que j’ai en classe ne sortent pas !  Il y a un fossé qui se crée de plus en plus entre les écoles élitistes et les écoles « poubelles » entre guillemets. Et ce fossé, il passe par le culturel (ce que l’on reçoit de notre famille ».  Je parle ici du bagage culturel.  Comme le dit si bien Xavier Bellamy, dans son livre[10] : « Je ne crains pas le choc des cultures, mais le choc des incultures ». Or, l’école est basée sur un certain héritage culturel. Pour les personnes qui ont reçu ce même héritage culturel, tout va bien car les enfants le reçoivent aussi. Quand on n’a pas le même héritage culturel, c’est la dégringolade car l’école est exigeante à cet égard.  Rien que la maîtrise de la langue française peut poser dans certains cas un problème. Parce que la maîtrise du français ne doit pas se faire uniquement au cours de français mais dans toutes les branches. Et si ce n’est pas votre langue maternelle, c’est très difficile.  Les projets, pour moi, permettent de résorber ce fossé et permettent l’intégration et l’émancipation des jeunes dans notre société. Dans la plupart des projets abordés en classe, les élèves ont des contacts avec des institutions culturelles de Belgique. Les élèves ont donc alors une ouverture culturelle (vont au théâtre, à la bibliothèque nationale, vont voir une exposition,…) et rencontrent des adultes qui ne rencontreraient pas autrement. Ces mêmes adultes s’intéressent à eux, leur posent des questions, les valorisent. Les projets se préparent en classe sur du long terme, chaque élève se sent impliqué.

Vous semblez motivée ! Ne vous sentez  pas parfois seule et découragée par l’ampleur du travail?

- Les projets ne sont pas impulsés par l’école mais par les enseignants. L’école nous encourage, bien sûr, à les organiser mais n’est pas à l’origine de ceux-ci. L’école n’a pas le temps, elle a d’autres priorités (la discipline, la gestion des horaires, etc.) Apprendre aux élèves en participant à des projets est un véritable parcours du combattant, rien ne coule de source et je vous avoue que parfois je comprends que certains profs soient découragés. Mais je vois et comprends l’enjeu qu’il y a derrière ! Que cela soit dans le général ou dans  le qualifiant, de nombreuses écoles  devraient s’inspirer de cette pédagogie par projets.

Notre enseignement doit-il s’inspirer de cette pédagogie par projets ?

Pour tenter de répondre à cette question, il nous semble important de resituer la pédagogie par projets dans son contexte et de remonter un peu le temps. Pourquoi s’y est-on intéressé à un moment donné? En quoi cette pédagogie par projets est-elle pertinente au niveau de la motivation et de l’émancipation des jeunes ? La pédagogie par projets permet-elle aussi de jouer un rôle dans les interactions des élèves avec les personnes externes à l’école, avec la société ? Ou au contraire, l’école ne doit-elle pas plutôt se vivre en vase clos ? L’école ne doit-elle pas donner aux élèves une approche plus vivante et plus concrète ?

John Dewey, né en 1859, philosophe et psychologue américain, est l’initiateur des méthodes actives en pédagogie et notamment de la méthode des projets. « Sa doctrine est le fameux «Learning by doing», apprendre en faisant et non en écoutant comme la pédagogie traditionnelle. L’enfant doit agir, construire des projets, les mener à leur terme: c’est l’apprentissage par l’action. Ovide Decroly, médecin, psychologue et pédagogue belge considère également qu’une connaissance est intégrée lorsque l’enfant l’a lui-même découverte et exprimée. Célestin Freinet[11] voit que rendre les élèves actifs est primordial. Freinet a beaucoup utilisé le projet en favorisant chez l’enfant la participation active en classe. Son approche pédagogique tient compte du processus d’apprentissage de l’enfant et de sa motivation… Ces auteurs de «l’Education Nouvelle» cherchent par tous les moyens à rendre l’élève actif. Ils tentent alors à transformer l’élève passif en «sujet de sa propre formation». Ces penseurs prônent une école liée à la vie parce qu’ils estiment que les expériences que l’élève réalise lui-même sont les meilleurs facteurs d’apprentissage »[12].  

Cette pédagogie par projets semble être profitable tant pour l’enseignant que pour ses élèves car elle leur permet de se confronter à une situation authentique, réelle et donne du sens aux apprentissages. Grâce aux projets, les apprentissages sont alors vécus et non simplement emmagasinés et accumulés. Cette pédagogie permet aussi à la classe d’être considérée comme un lieu de vie ouvert sur l’extérieur.Au début du 20ème siècle, deux psychologues de l’éducation étaient déjà convaincus par cette pédagogie par projets. En effet,  Piaget affirmait que l’enfant apprend par l’action et que c’est par l’expérience avec l’objet qu’il construit son savoir. Quant à Bruner, il affirmait que l’enfant construit aussi son apprentissage par l’interaction sociale.

Pour certains, « La demande de projet est aujourd'hui incontournable dans le domaine scolaire, tout autant que dans l'ordre du social, parce qu'elle permet aux individus de s'impliquer activement dans les tâches qu'ils ont à effectuer »[13].

Convaincue par la pédagogie par projets et enseignante pendant près de 30 ans, Vinciane Hanquet a travaillé le projet comme élément structurant des apprentissages. « C'est forte de cette expérience qu'elle est aujourd'hui en soutien pédagogique dans plusieurs écoles, transmettant aux professeurs et à leurs élèves les outils pédagogiques nécessaires pour mener à bien une telle entreprise. Celle d'aborder un maximum de disciplines et de compétences au travers d'un seul projet »[14]. Selon elle, la pédagogie par projets est interactive et interdisciplinaire. « Elle permet d'englober des matières différentes et de les dynamiser à travers le projet. Les apprentissages y sont mis au service du projet et de son évolution, donc d'un besoin concret. C'est en cela qu'elle donne du sens aux apprentissages »[15].

Une pédagogie par projets : oui, mais…

Le projet est-il vraiment bénéfique aux apprentissages, n’est-il pas, au contraire un frein ? Y a-t-il des obstacles à cette pédagogie ? Pour savoir si cette pédagogie par projets est véritablement pertinente et s’il  serait, oui ou non,  utile de s’en inspirer (voire de la systématiser) dans l’enseignement général obligatoire pour donner du sens aux apprentissages, nous avons posé la question à Francis Colinet, directeur de l’Institut Sainte-Marie à Huy où se pratique également un enseignement qualifiant. Son avis est mitigé :


«  Dans mon école, la pédagogie par projets s’applique surtout pour les élèves de 3ème et 4ème TQ (Technique de qualification).  Il est essentiel que les projets soient choisis par les élèves. Les idées viennent d’eux sur base de ce qu’ils vivent où ressentent (divorce, séparation, orientation,…). Nos élèves ont participé à des projets tels que « l’Odyssée de l’objet »[16], écrivent un journal, participent à des projets proposés sur le site enseignement.be[17]… Avant Pâques, ils ont un projet pluridisciplinaire à rendre où ils doivent rechercher des documents, rencontrer des personnes, aborder le français, les mathématiques, présenter leurs travaux devant la classe en présence de témoins extérieurs (une personne sans-abri, un prisonnier, un journaliste…). Personnellement, je trouve que cette pédagogie par projets sert surtout à redonner aux élèves la confiance qu’ils ont perdue. C’est encore plus important que les apprentissages.  Ces projets permettent de leur ouvrir le champ du « possible », de les revaloriser, de regagner une estime de soi, de redonner du « sens » à l’école. Chaque élève a droit à une estime de lui ! Les enfants qui sont en TQ sont des enfants qui ont vécu de grandes difficultés scolaires. Ils ont besoin de montrer qu’ils peuvent arriver au bout d’un projet, au bout des choses. Par contre, je crois que cette pédagogie par projets ne sait pas s’appliquer dans l’enseignement général obligatoire. Premièrement, parce que, pour les enseignants, s’impliquer dans des projets (si on veut les faire à fond) demande beaucoup trop d’énergie. Pour réaliser ces projets, les enseignants doivent faire un travail individualisé gigantesque auprès des élèves. En 3ème et 4ème TQ, les classes sont aussi beaucoup plus petites que dans le général. Nos classes comportent 15 à 16 élèves. Dans le qualifiant, nous avons des normes qui sont très favorables à cette pédagogie par projets. Le système scolaire actuel ne permet pas de s’inspirer de cette pédagogie par projets pour le rendre possible dans le général. Aussi, dans le qualifiant, nous avons comme but premier de redonner la confiance en soi aux élèves, le but n’est pas de pouvoir ingurgiter 300 pages pour se préparer à l’Université. Dans l’enseignement général obligatoire, le programme est chargé et vouloir faire des projets ne permettrait pas de respecter ce programme. Il ne faut pas vouloir appliquer des pédagogies qui s’appliquent dans le qualifiant à l’enseignement général. Dans un cours de mathématique, par exemple, on ne sait pas toujours apporter du concret, ce n’est pas toujours possible».

 

Au regard de ces différents témoignages, nous avons pu constater que l’enseignement qualifiant a comme première préoccupation de booster les élèves. Or, si l’enseignement qualifiant met, à ce point, l’accent sur la remotivation des élèves, n’est-ce pas interpellant ? En effet, est-ce vraiment à l’enseignement qualifiant de jouer le rôle « d’infirmier des cœurs blessés »? Pour ne pas être considéré comme un enseignement de relégation, l’enseignement qualifiant  ne devrait-il pas pouvoir se concentrer davantage sur les savoirs et savoirs-faire sans devoir remonter le moral et la motivation de ses troupes? Notre système scolaire n’a-t-il pas raté quelque chose ? N’y a-t-il pas un problème en amont ?

Ou, au contraire, est-ce un peu simpliste d’accuser trop facilement notre système scolaire ?… Si certains adolescents ont été cassés dans leur estime et échouent à l’école, notre société toute entière ne devrait-elle pas se remettre plus en question ? Cela dépasse peut-être notre système scolaire ? Des facteurs externes à l’école (le décalage qui existe parfois entre la culture scolaire et la culture familiale, le manque d’intégration des jeunes et la ghettoïsation de certains quartiers, l’explosion du savoir numérique pouvant générer le sentiment de non nécessité du savoir scolaire, le manque de maîtrise du français, les mauvaises conditions de travail, le manque d’idéal, la précarité, le manque de soutien aux élèves ayant des troubles d’apprentissage, les perspectives pessimistes que nous renvoient les chiffres du chômage, etc.)  entrent sans doute, eux aussi, en jeu et ajoutent une couche à la démotivation des élèves !

 Conclusion

A travers cette analyse, nous avons pu observer que la pédagogie par projets qui est parfois utilisée dans le qualifiant peut être très intéressante pour redonner une confiance, une estime aux élèves qui ont été blessés par des échecs répétés. La pédagogie par projets peut, en effet, redonner un sens à l’école.  Cette estime de soi et cette confiance en soi est primordiale pour apprendre et permet l’émancipation des jeunes dans notre société. C’est d’ailleurs un des points importants du décret « Missions »[18] : l’enseignement doit « Promouvoir la confiance en soi et le développement de la personne de chacun des élèves ». C’est là un pari essentiel dans une perspective émancipatrice puisque, comme le dit le philosophe français Rancière[19], « ce qui aliène avant tout l’individu est « la croyance en l’infériorité de son intelligence ». Le maître doit donc inciter l’élève voire le contraindre à faire l’expérience qu’il est « capable ». Sa mission ne consiste pas à combler des lacunes mais à maintenir et développer la volonté et l’exigence de l’apprenant menant sa quête. Il lui faut stimuler et maintenir la volonté de l’apprenant à investiguer en profondeur des objets qui l’intéressent, le conduire à se confronter à la diversité des savoirs existant à ce sujet, le contraindre à utiliser son intelligence sur ces objets dont le maître gagne même à être ignorant (pour qu’il ne redevienne pas guide). C’est ainsi qu’il rendra l’apprenant confiant en ses capacités intellectuelles »[20].

Dans l’enseignement qualifiant, grâce, entre autres,  à la mise en projets des élèves, il y a une véritable démarche qui est faite pour booster les élèves, pour émanciper les jeunes et les intégrer dans la société. Véritable bouée de secours emplie de sens et de projets concrets, l’enseignement qualifiant mérite d’être revalorisé à sa juste valeur et ne devrait plus être vu comme une relégation. Le mémorandum de l’UFAPEC insiste d’ailleurs sur le fait que: « L’étiquette « qualifiant » reste aujourd’hui problématique alors que cela permet à certains jeunes de vraiment s’épanouir. Après-coup, les parents apprécient ce que leurs enfants sont capables de faire avec un réel « émerveillement ». Ils ont des capacités propres et se révèlent dans leur réalisation »[21].

Aussi, nous avons pu constater que l’enseignement général obligatoire, s’il est très efficace pour certains élèves, n’a pas toujours de sens pour d’autres adolescents dans sa version « classique » et ses cours ex cathedra. Dès lors, nous nous sommes aussi posé la question de savoir s’il ne serait pas pertinent de nous inspirer de la démarche dynamisante des projets pour motiver globalement les élèves ? Plus précisément, serait-il intéressant de s’inspirer de cette pédagogie pour la transposer dans l’enseignement général obligatoire (voire la systématiser) ? Ici, les avis semblent diverger. Certains diront qu’il faut plus de concrets, plus de pratiques, plus d’ouvertures vers le monde extérieur et plus de projets dans l’enseignement général. D’autres vous diront que le système scolaire actuel ne permet pas de réaliser des projets dans le général car le nombre d’élèves par classe est trop grand, que les enseignants n’arrivent pas à effectuer un travail individualisé, qu’ils risquent de ne pas pouvoir voir l’entièreté de leur programme et que l’objectif de l’enseignement général n’est pas le même que celui de l’enseignement qualifiant…

A vous de vous faire votre propre opinion !

 

 

France Baie 



[1] Le Figaro – « 71% des collégiens disent s’ennuyer à l’école » - 23/09/2010 -http://www.lefigaro.fr/actualite-france/2010/09/23/01016-20100923ARTFIG00776-71-des-collegiens-disent-s-ennuyera-l-ecole.php – lien vérifié le 19 octobre 2015

[2]P. Perrenoud, « Sens du travail et travail du sens à l’école » - Cahiers pédagogiques – Changer la société pour changer l’école, changer l’école pour changer la société - Paru in Cahiers pédagogiques, 1993, n° 314-315, pp. 23-27. Repris in Chappaz, G. (dir.) La motivation, Paris, CRAP, n° hors série des Cahiers pédagogiques, 1996. p. 19-25. Repris in Perrenoud, Ph., Métier d’élève et sens du travail scolaire, Paris, ESF, 1996, chapitre 10.- http://www.cahiers-pedagogiques.com/Sens-du-travail-et-travail-du-sens-a-l-ecole - lien vérifié le 19 octobre 2015

[3] CEF (Conseil de l’Education et de la Formation) – « Prolonger le tronc commun, quels enjeux pour l’avenir des jeunes ? » 16 janvier 2015. P. 23 - http://www.cef.cfwb.be/index.php?eID=tx_nawsecuredl&u=0&file=fileadmin/sites/cef/upload/cef_super_editor/cef_editor/Publications/Actes/CEF_Actes_2015_01_16.pdf&hash=c6266a8cf237e8d07db7dedf38e8005b19dba042 – lien vérifié le 17 novembre 2015

[4] L’enseignement qualifiant est un enseignement secondaire qui permet au jeune qui le suit d’obtenir un diplôme d’enseignement secondaire supérieur (CESS) et aussi une qualification et donc, l’accès à un métier en particulier. Voir à ce sujet l’étude de Michaël Lontie (UFAPEC) – « Nouveau regard sur l’enseignement qualifiant » - décembre 2013 - http://www.ufapec.be/nos-analyses/3113-etude-qualifiant/ - lien vérifié le 1er décembre 2015.

[5] CEF (Conseil de l’Education et de la Formation) – « Prolonger le tronc commun, quels enjeux pour l’avenir des jeunes ? » 16 janvier 2015. P. 23 - http://www.cef.cfwb.be/index.php?eID=tx_nawsecuredl&u=0&file=fileadmin/sites/cef/upload/cef_super_editor/cef_editor/Publications/Actes/CEF_Actes_2015_01_16.pdf&hash=c6266a8cf237e8d07db7dedf38e8005b19dba042 – lien vérifié le 17 novembre 2015

[6] C. Verbeeren ; « Le projet, porte de sortie des carcans » - La Libre Belgique – Chronique Enseignement – Lundi 31 septembre 2015

[7] Institut Emile Gryson à Bruxelles (Anderlecht) de la COCOF dont le pouvoir organisateur est la Commission française-Bruxelles-Capitale - Enseignement technique de qualification et professionnel http://www.enseignement.be/index.php?page=24797&etab_id=3198 – lien vérifié le 10 novembre 2015

[8] Move with Africa- http://www.lalibre.be/page/mwa - lien vérifié le 10 novembre 2015

[9] Appel à projets Enseignement.be - http://www.agers.cfwb.be/index.php?page=25785&navi=3147 – lien vérifié le 10 novembre 2015

[10] Xavier Bellamy « Les déshérités : ou l’urgence de transmettre », Editions Plon, 2014

[11] Pédagogue français

[12] http://gerflint.fr/Base/Algerie9/bensalem.pdf - lien vérifié le 2 décembre 2015

[14]Vinciane Hanquet : « Le projet donne du sens aux apprentissages » -  La Libre.be – Article publié le 18 janvier 2014 – Mise à jour le lundi 3 février 2014 - http://www.lalibre.be/actu/movewithafrica/vinciane-hanquet-le-projet-donne-du-sens-aux-apprentissages-52c559fe35701baedaaf5a56 - lien vérifié le 10 novembre 2015

[15]Idem

[16] L’Odyssée de l’Objet est un concours qui a pour objectif de permettre aux jeunes de développer leurs connaissances scientifiques et techniques et d’acquérir des connaissances multiples à travers la réalisation d’un objet en 3D - http://www.lodysseedelobjet.be/ - lien vérifié le 2 décembre 2015.

[17] http://www.enseignement.be/ - lien vérifié le 7 décembre 2015

[18] http://www.gallilex.cfwb.be/document/pdf/21557_004.pdf - lien vérifié le 2 décembre 2015

[19]J. RANCIERE, Le maître ignorant. Cinq leçons sur l'émancipation intellectuelle, Fayard, 10/18, 1987

[20] CEF (Conseil de l’Education et de la Formation) – « Prolonger le tronc commun, quels enjeux pour l’avenir des jeunes ? » 16 janvier 2015. P. 57 - http://www.cef.cfwb.be/index.php?eID=tx_nawsecuredl&u=0&file=fileadmin/sites/cef/upload/cef_super_editor/cef_editor/Publications/Actes/CEF_Actes_2015_01_16.pdf&hash=c6266a8cf237e8d07db7dedf38e8005b19dba042 – lien vérifié le 17 novembre 2015

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