32.13/ La place des grands-parents auprès de leurs petits-enfants

Introduction

De plus en plus nombreux à s’investir et à s’occuper de leurs petits-enfants, les grands-parents ont un rôle important à jouer au sein de la famille.

A l’heure actuelle, les grands-parents sont une ressource à ne pas négliger. Leur rôle est indispensable de par leur disponibilité, leur dynamisme et leur expérience de la vie.

Comme pour être parents, il y a de nombreuses manières d’être grands-parents. A eux de définir la place et le rôle qu’ils veulent jouer auprès de leurs petits-enfants, bien sûr sans aller à l’encontre des parents.

Là est toute la question… Quel est le rôle des grands-parents aujourd’hui ? Quelle place ont-ils dans l’éducation des enfants, auprès des parents ?

Nous présupposons dans cette analyse une disponibilité de la part des grands-parents. Mais nous sommes bien conscients que ce n’est pas toujours le cas. Qu’il suffise de penser aux grands-parents qui ne sont pas ou moins disponibles, à cause d’un éloignement physique (ils habitent, par exemple, dans un autre pays) ou affectif, d’un manque de temps (ils sont encore insérés dans le monde du travail), d’un manque d’intérêt ou de soucis de santé…

Une solidarité intergénérationnelle

Devant faire face à la difficulté de concilier vie familiale et vie professionnelle, les parents d’aujourd’hui font de plus en plus appel à la solidarité familiale.

Qu’est-ce que la solidarité familiale ?

Dans une précédente analyse de l’UFAPEC, France Baie fait référence à Claudine Attias-Donfut pour définir la solidarité au sein de la famille : « Elle est faite d’un mélange de sentiments et d’obligations, de contraintes formelles ou informelles. Elle se concrétise dans des pratiques familiales d’entraide qui recouvrent un large éventail d’échanges, domestiques, matériels, financiers, des aides au logement, des services de toute nature. Ces solidarités s’exercent en majeure partie le long de la chaîne générationnelle, entre grands-parents, parents, enfants.[1] ».

Cette solidarité intergénérationnelle rapproche, soude les liens entre les membres de la famille.

Dans les familles actuelles, où l’on retrouve trois, voire quatre générations, les grands-parents sont un pivot essentiel. « Les grands-parents d’aujourd’hui sont majoritairement les pivots de ces solidarités. Le noyau familial fait ainsi l’objet de ce que Serge Moscovici appelle « l’altruisme participatif », celui qui s’adresse à une communauté à laquelle on s’identifie.[2] ». Ils sont présents auprès de leurs enfants et petits-enfants selon l’investissement demandé, souhaité et possible. Mais ils sont aussi actifs auprès de leurs parents encore présents qui peuvent leur demander un certain investissement selon leur âge et leur état de santé.

Des grands-parents actifs

Selon leur âge, leur forme physique et intellectuelle, les grands-parents sont souvent dynamiques et peuvent se montrer présents pour leurs petits-enfants.

De plus, le temps libéré par l’indépendance des enfants et le passage à la pension permet aux grands-parents de s’occuper de leurs petits-enfants.

Dans la configuration actuelle des familles, où les parents travaillent la plupart du temps tous les deux et doivent donc concilier vie familiale et vie professionnelle, les grands-parents sont souvent sollicités pour garder leurs petits-enfants. Comme le confirme Marie-Thérèse Casman, sociologue à l’Université de Liège, « un des rôles importants, c’est celui de garder les petits-enfants, pour aider leurs enfants. La plupart des couples sont biactifs et donc les femmes sont moins disponibles et le rôle des grands-parents est d’autant plus indispensable.[3] ».

Des domaines d’action

Les grands-parents d’aujourd’hui se montrent disponibles pour leurs enfants et petits-enfants. Leur aide, en plus de fournir une présence pour les petits-enfants, soulage la « charge de travail » des parents.

Les grands-parents sont des éducateurs de seconde ligne et ils ont une place importante à jouer auprès de leurs petits-enfants. Ils contribuent, aux côtés des parents, à l’éducation des enfants.

Dans leur brochure[4], la Fondation Roi Baudouin et la Fédération Royale du Notariat belge citent les rôles que peuvent endosser les grands-parents.

Effectivement, les grands-parents peuvent jouer un rôle à différents niveaux, dans différents domaines de la vie de leurs petits-enfants.

Garde et soutien scolaire

Ayant du temps à consacrer à la famille, la plupart des grands-parents assurent la garde de leurs petits-enfants, allant pour certains jusqu’à remplacer les crèches et gardiennes ou prenant parfois en charge l’enfant à la sortie de l’école et/ou le mercredi après-midi.

« Une étude de « Kind en Gezin » sur la garde des enfants entre 3 mois et 11 ans montre qu’environ 40% des grands-parents s’occupent régulièrement d’un ou de plusieurs petits-enfants. Environ 40 autres pourcents des grands-parents veillent sur leurs petits-enfants de façon occasionnelle. Il n’y a que 10% des grands-parents qui n’aident pas les enfants de ce point de vue.[5] »

Témoignage d’Anne-Claire, 35 ans, maman de Margot, 4 ans et demi^[6] : « Dès la fin de mon congé de maternité jusqu'à son entrée à la maternelle, Margot a été gardée en alternance par ma mère et son autre grand-mère. Est-ce la solution idéale ? Oui et non… mais surtout oui ! D'abord, j'ai l'esprit dégagé de tous les soucis qu'on peut avoir quand on fait appel à une nounou. Je sais que ma mère est fiable et qu'elle ne me lâchera pas en cours d'année. De plus, cette situation entretient le lien familial. Ma mère travaillait quand elle m'a eue. Du coup, elle se rattrape et s'occupe de Margot comme de son propre enfant. Nous n'avons pas de problème de rivalité, ni de conflit d'autorité, car on s'arrange toujours, en cas de problème, pour qu'il n'y en ait pas une qui dise « oui » et l'autre « non ». »

Concernant la scolarité des enfants, les grands-parents aident parfois à la réalisation des devoirs et la récitation des leçons. Ils peuvent apporter une méthode de travail, voire des explications supplémentaires s’ils maitrisent le cours dont il est question.

Les grands-parents peuvent aussi aider leurs petits-enfants à surmonter des épreuves telles qu’un examen raté ou un redoublement.

Transmission de valeurs

Les grands-parents sont un modèle pour leurs petits-enfants. Ayant une influence considérable sur ceux-ci, les grands-parents ont pour mission de leur inculquer les valeurs de notre société.

Selon une enquête menée par Armelle Le Bigot Macaux, présidente de l’Ecole des grands-parents européens (EGPE), « A la question "quelles sont les valeurs que les grands-parents doivent transmettre en priorité à leurs petits enfants?", 57 % des adolescents (12-18 ans) interrogés répondent, en premier lieu, "le sens de la famille". Cela prouve à quel point la famille représente un bastion sécurisant, un lieu de réconfort et d'apaisement, dans notre société de plus en plus anxiogène. Les enfants ont également besoin de savoir d'où ils viennent, quelles sont leurs racines pour pouvoir se construire et comprendre qui ils sont.[7] ».

En plus du sens de la famille, d’autres valeurs importantes à transmettre sont celles du respect de l’autre, de l’honnêteté, de la tolérance, du respect de l’autorité.

Renforcement des liens familiaux et ancrage dans l’histoire familiale

La présence des grands-parents donne place dans la famille à une solidarité, une cohésion plus forte. L’attachement au groupe famille ne pourra être que renforcé, même avec la famille élargie de par les moments passés ensemble avec les oncles, tantes et cousins chez les grands-parents.

Les grands-parents sont aussi un vecteur de mémoire. Un lien avec le passé. Ils peuvent parler de l’enfance des parents, raconter des souvenirs de la vie de la famille, évoquer l’un ou l’autre ancêtre… Ceci parfois avec une photo comme support. Ils sont les garants de la transmission de l’histoire familiale. « Ils sont là pour parler d’une autre époque, pour faire surgir du passé une autre façon de vivre et d’aimer. Nos prédécesseurs ont construit une grande partie de ce que nous sommes aujourd’hui et il est important que les enfants sachent ce qu’il faut sauver pour que demain ne ressemble pas à hier. Les grands-parents offrent également à leurs petits-enfants du temps et de la tendresse.^[8] »

Education

Soutiens affectifs et auxiliaires éducatifs, les grands-parents accordent de l’attention à leurs petits-enfants et sont souvent plus permissifs que les parents.

En partageant leur style de vie, leurs règles et leurs plaisirs, les grands-parents sont vecteurs de découverte pour l’enfant. Prenons pour exemple un garçon ayant un grand-père menuisier. A ses côtés, il va pouvoir apprendre à manipuler le bois et qui sait, un jour devenir ébéniste ou menuisier lui aussi. On peut également penser à la grand-mère qui, en faisant des gâteaux et des biscuits avec ses petits-enfants, va leur donner le goût de la cuisine.

Cela commence par le plaisir de passer du bon temps ensemble et de faire connaitre ses passions. C’est aussi pouvoir faire des activités qui demandent de la disponibilité de la part des adultes et qu’il n’est pas aussi souvent possible de faire à la maison vu les obligations des parents : jeux, bricolage, ballades, visite d’un parc ou d’un musée,… « Les mamys et papys sont plus détachés de l’aspect éducatif que les parents, ils ont plus de temps devant eux. Alors il y a davantage de phases de jeu, d’activités ludiques à partager ensemble. Les parents, eux, sont pris dans la vie quotidienne, dans l’articulation vie privée vie professionnelle, et doivent tout mener de front.^[9] » 

Educateurs de seconde ligne, les grands-parents mettent aussi des règles et des limites. Cela est important, surtout s’ils gardent souvent leurs petits-enfants, de pouvoir faire preuve d’autorité. Même si cette autorité est moins stricte, plus permissive que celle des parents. L’enfant peut se permettre des choses qu’il ne peut pas faire chez ses parents comme par exemple regarder la télévision, manger des sucreries.

Tout cela est à penser en respectant le cadre éducatif donné par les parents. Les grands-parents doivent se conformer aux décisions éducatives de leurs enfants qui sont eux les parents, les premiers éducateurs de l’enfant. Armelle Le Bigot développe cette idée : « Les grands-parents doivent apprendre à se taire, à ne surtout pas dire « je te l’avais bien dit ». Les enfants ont besoin de faire l’apprentissage de la maternité et de la paternité tout seuls et si on ne veut pas se bouffer le nez avec eux, le respect est nécessaire. Les mamies doivent tenir leur place affective sans trop déborder. Le rôle d’une grand-mère est toujours second, voire secondaire. Et la moindre des décences, en tant que grands-parents, c’est de tenir compte des codes éducatifs fixés par les parents.[10] »

Des rôles différents selon l’âge de l’enfant ?[11]

Jeanne Elize et Sandra Mignot proposent une distinction du rôle des grands-parents selon l’âge des petits enfants.

Il est vrai que le rôle que les grands-parents peuvent jouer et la relation établie avec les petits-enfants évoluent avec l’âge de ceux-ci. C’est une relation d’échange et en grandissant, l’enfant peut lui aussi apporter des choses à ses grands-parents. « Des grands-parents qui gardent leurs petits-enfants, des petits-enfants qui se préoccupent activement de leurs grands-parents. Voilà des relations idéales, parce qu’elles résultent de l’échange et qu’elles profitent à tout le monde.[12] »

De 0 à 5 ans, de la tendresse avant tout

Les relations se construisent dès la naissance du petit-enfant et les grands-parents sont en demande de ce lien, de pouvoir transmettre leur affection à ce nouveau venu dans la famille.

Garder le petit-enfant, passer du temps avec lui, se montrer présent et à l’écoute sont une source de bienfaits incontestable.

Basée là-dessus, la relation entre grands-parents et petits-enfants restera pleine d’affection et de tendresse. « Le rôle d’affection donné par les grands-parents est vraiment très important. Et les grands-parents aident aussi à structurer les enfants. Vous savez, quand un grand-parent raconte à son petit-enfant que le père ou la mère de l’enfant, quand ils étaient petits, faisait des petites bêtises, ça donne à l’enfant le droit de se dire : grandir, c’est possible pour moi aussi puisque ma mère et mon père ont été petits enfants et sont devenus ces adultes que j’admire et que j’aime.^[13] »

De 4 à 12 ans, transmettre la mémoire

L’enfant grandit, le grand-parent peut lui faire découvrir plein de choses, prendre du bon temps avec lui et développer la complicité entre eux. Certains enfants voudront partager des secrets avec leurs grands-parents.

Le rôle de passeur de la mémoire familiale va prendre plus de place car l’enfant commence à poser des questions, à vouloir savoir comment étaient ses parents enfants.

La relation va s’enrichir de ces moments de complicité et de partage.

De 12 à 18 ans, devenir diplomate

Adolescent, l’enfant va s’éloigner un peu de la famille pour se tourner vers ses pairs. Les relations avec les grands-parents peuvent s’étioler, être moins fortes.

Mais l’adolescence est aussi le moment de la recherche identitaire, de la construction de soi. Etant un interlocuteur adulte expérimenté et proche du jeune sans être son parent, les grands-parents peuvent être sollicités par l’adolescent dans son questionnement.

En cas de conflit du jeune avec ses parents, les grands-parents peuvent être un soutien, jouer le rôle de tiers et parfois même accueillir le jeune chez lui un certain temps.

Jeanne Elize et Sandra Mignot expliquent le rôle des grands-parents à l’adolescence. « Votre enfant est devenu un adolescent : il commence à sortir ses épines et le conflit couve, éclate parfois, en laissant chacun mécontent de soi et de l'autre. Les causes possibles sont multiples : pas assez d'argent de poche, un rejet des études, pas assez de liberté. Mieux que personne, les grands-parents peuvent dénouer le conflit. Voire, si ça va trop mal, héberger quelques jours votre ado au bord de la crise de nerfs. (…)Cet adolescent mal dans ses baskets considère aussi que vous êtes la dernière personne à qui il peut parler. Non qu'il ne vous aime plus, mais la construction de sa personnalité passe par une opposition temporaire avec vous. Pourtant, c’est incontestable, il a tout de même besoin d'un interlocuteur doué d'expérience. C'est là que votre père ou votre mère intervient. Il est forcément plus détaché que vous (il n'est pas au cœur de la révolte) mais il jouit d'une autorité incontestable auprès de ce petit qu'il a vu naître. Il peut recueillir des confidences dont il saura respecter le secret, et plaider votre cause en douceur.[14] »

Conclusion

Il n’y a pas un modèle type du grand-parent idéal. Les rôles qui lui seront attribués dépendent de son âge, de sa santé, des relations familiales, de la proximité des lieux de vie.

Il faut avant tout pouvoir se montrer disponible, être présents pour tous, assurer les liens dans la famille au sens large du terme et transmettre les valeurs et l’histoire familiale.

Educateurs de seconde ligne, passeurs de la mémoire familiale, rassembleurs de la famille, gardiens des enfants, les grands-parents ont plusieurs rôles à jouer au sein de la famille. Ces rôles les rendent importants, voire indispensables, et leur donnent une place de choix dans la vie des enfants.

Les grands-parents ont une place importante dans l’épanouissement personnel de leurs petits-enfants, mais aussi aux niveaux de leurs vies familiale et scolaire. Ceci aux côtés des parents qui sont les premiers responsables de leurs enfants. En respectant et en soutenant la ligne éducative tracée par les parents, les grands-parents permettront à leurs petits-enfants de devenir adultes, heureux et insérés dans une famille, un quartier, une société...

Alice Pierard

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