Analyse UFAPEC 2010 par J. Vieslet

35.10/ Cannabis légalisé en Belgique : info ou intox ?

Introduction

Depuis plusieurs années, un certain flou règne quant à la légalisation du cannabis dans notre pays. Certains disent que sa consommation est autorisée et se permettent d’en consommer sans se cacher, d’autres disent que c’est interdit. Beaucoup de Belges se rendent aux Pays-Bas afin d’en consommer dans des « coffee shops » mais en ramènent généralement de leur voyage, voire, en consomment sur le trajet. En Belgique, le cannabis s’achète encore sous le manteau, mais cela va-t-il durer encore longtemps ? Depuis une petite dizaine d’années, le cannabis et sa légalité restent des sujets très vagues pour les citoyens belges.

Le point de vue de l’Europe

L’Union Européenne se trouve en plein milieu de son plan d’action drogues prévu pour la période 2009-2012. L’origine de ce plan est que l’UE considère que « les drogues illicites constituent l'un des principaux sujets de préoccupation des citoyens européens et représentent une menace sérieuse pour la sécurité et la santé de la société européenne, et pour les conditions de vie dans le monde entier »[1] Ce programme englobe bien entendu toutes les drogues, et se base sur quatre axes destinés à « diminuer sensiblement la prévalence de la consommation de drogue parmi la population et de réduire les dommages sociaux et pour la santé qu'entraînent la consommation et le commerce de drogues illicites ». [2].
Les quatre axes sont les suivants : améliorer la coopération et la coordination et sensibiliser l’opinion publique, réduire la demande de drogue, réduire l’offre de drogue, et renforcer la coopération internationale.
Au vu de ces priorités, on imagine aisément la place que prennent les dispositifs de prévention de la consommation de drogues (brochures informatives, associations multiples, informations et stands dans des lieux de consommation fréquente etc.), et on les comprend. Ces dispositifs permettraient de réduire la demande de drogue, en avertissant correctement, par exemple, sur les risques encourus à court et long termes par la consommation. Ces actions de prévention allant toutes dans le même sens, elles remplissent également l’objectif d’amélioration de la coopération et de sensibilisation de l’opinion publique.
Néanmoins, en ce qui concerne l’objectif de réduire l’offre de drogue, un flou persiste. En effet, en ce qui concerne les drogues dures (cocaïne, ecstasy, héroïne etc.) tout le monde sera d’accord pour dire qu’elles sont simplement illégales à tous points de vue. Le détenteur, consommateur, revendeur de telles substances qui se fait prendre sera poursuivi, et il n’est pas rare d’en trouver trace dans les journaux. En ce qui concerne le cannabis, tout est moins clair du moins dans notre pays. Des circulaires modifiant une ancienne loi de 1921[3] laissent entendre que le cannabis ne serait pas si « illégal que ça » dans certains cas. Pourquoi mettre en place de telles circulaires ? Le cannabis est-il vraiment légal ?   

Le cannabis et la Belgique

Tout commence en 2001, lorsqu’une note fédérale établit une distinction entre la détention de cannabis et celle d’autres drogues illégales. La détention de cannabis sera punie moins sévèrement, avec la « priorité pénale la plus faible »[4]. Les personnes possédant du cannabis font alors le plus souvent l’objet d’une mesure de médiation pénale.
D’autres textes ont suivi, le premier en 2003[5] utilise trop de termes imprécis comme « usage problématique », « nuisances publiques ou toute forme de dérangement public », et c’est pour cela exactement qu’assez vite, une circulaire voit le jour début 2005[6], pour gommer ces imprécisions. Cette circulaire est toujours d’application aujourd’hui, voilà pourquoi il convient d’expliquer ce qu’elle contient.
Ce qu’il faut retenir de cette circulaire, c’est que « La constatation de la détention par une personne majeure d'une quantité de cannabis ne dépassant pas 3 grammes ou d'une plante de cannabis, destinées à l'usage personnel, sans circonstance aggravante ni trouble à l'ordre public, ne donnera lieu qu'à la rédaction d'un procès-verbal simplifié »[7]. Le cannabis n’est pas saisi lors de cette constatation. Il faut également noter que les procès-verbaux simplifiés contiennent le lieu, la date et la nature des faits, l’identité de la personne ainsi que sa version des faits. Ils sont transmis une fois par mois au parquet. Que fait le parquet en cas de plusieurs procès-verbaux pour la même personne ? Il faut croire que la loi n’est pas encore totalement claire.
Bien évidemment, comme dans toute loi, il existe des circonstances aggravantes. Dans ce cas, la personne sera poursuivie. Les circonstances aggravantes sont les suivantes[8] :
-       la détention de cannabis dans un établissement pénitentiaire ou dans une institution de protection de la jeunesse;
-       la détention de cannabis dans un établissement scolaire ou similaire ou dans ses environs immédiats. Il s'agit de lieux où les élèves se rassemblent ou se rencontrent, tel qu'un arrêt de transport en commun ou un parc proche d'une école;
-       la détention [sans discrétion] de cannabis dans un lieu public ou un endroit accessible au public.
Ce qu’on peut donc retenir de cette circulaire, est que la détention de cannabis hors des prisons et loin des écoles, sans le montrer à tout un chacun, est tolérée.
Il convient de souligner que la détention de toute drogue (cannabis ou autre) reste une infraction selon le traité des Nations Unies de 1988 sur le trafic de drogues. La Belgique faisant partie de ces nations, le cannabis n’est PAS légal et doit être « poursuivi » d’une manière ou d’une autre. Ici, la manière est « douce » pour ceux qui n’en possèdent pas beaucoup.

Pourquoi cette « légèreté » pour la détention de cannabis ?

Cette approche se justifie, selon la première note fédérale[9] par « le risque pour la santé, l’atteinte à l’ordre public et à la sécurité ainsi que le degré de dépendance »[10] qui sont moindres pour le cannabis que pour d’autres produits, ce qu’on ne contestera toujours pas aujourd’hui. Les nombreuses recherches qui se sont consacrées aux nouvelles drogues de synthèse (ecstasy, MDMA, speed,…) et aux drogues dures (cocaïne, héroïne) ont montré qu’elles avaient des effets bien plus désastreux que le cannabis sur l’être humain. Que ce soit au niveau de la dépendance, ou de la prise de risque en consommant, le cannabis se situe bien en dessous de toutes ces autres drogues.
Le cannabis est également la seule drogue illégale qui n’a pas de dose mortelle. Il est donc impossible de faire une overdose de cannabis.
Cependant, le cannabis n’est pas sans effets néfastes : sur le système cardio-vasculaire, les voies respiratoires, la motricité, la mémoire,… le cannabis reste une drogue et peut renforcer des troubles déjà existants. Ses effets sont encore plus imprévisibles lorsqu’il est consommé avec de l’alcool ou d’autres produits.
Dans les établissements pénitentiaires, le cannabis est encore plus toléré que dans la société libre. En effet, les détenus semblent plus calmes lorsqu’ils consomment du cannabis que si on les prive de cette consommation. Les détenus toxicomanes et consommateurs d’autres drogues semblent également mieux accepter le suivi pour l’arrêt d’autres drogues s’ils peuvent continuer à consommer du cannabis. Toutefois cette tolérance reste officieuse, mais pourrait aider à la bonne gestion des détenus.
Il faut toutefois savoir que chaque procureur peut décider d’une réglementation particulière lors d’événements spéciaux (grands rassemblements, concerts,…) et contrôler plus sévèrement la possession de cannabis. La tolérance n’est donc que très minime et ne vaut que pour un usage strictement personnel, par une personne majeure, dans un endroit privé.

Conclusion

Le cannabis n’est pas légalisé en Belgique. C’est une méprise qui s’est installée dans la population après avoir appris que le pays développait une certaine tolérance vis-à-vis du produit. Cette tolérance est toutefois bien délimitée : personne majeure, usage strictement personnel, lieu privé, moins de 3 grammes ou une plante. Dans ce cas, la personne fera l’objet d’un PV simplifié. Dans tous les autres cas sans exception, un procès-verbal normal sera dressé, le cannabis saisi et des poursuites éventuellement engagées (vente, conduite de véhicule sous influence,…). Cette « tolérance » applicable à certains cas est le résultat de chiffres qui montrent que le cannabis est assez bien consommé en Belgique. De plus, c’est la seule drogue n’ayant pas de dose mortelle et ayant sur l’être humain des répercussions physiques et psychologiques bien moins désastreuses que les autres drogues illégales (drogues dure et de synthèse : cocaïne, héroïne, ecstasy, amphétamines,…). Le cannabis reste donc illégal, et au vu de l’état actuel des choses, l’on ne sait pas encore ce qu’il se passera lorsque plusieurs PV simplifiés auront été dressés pour une seule personne, nous sommes prévenus, restons prudents.
 
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[1] Plan d'action drogue de l'Union européenne (2009-2012), in Journal officiel de l’Union Européenne, 20 décembre 2008, p1
[2] idem
[3] Loi du 24 février 1921 concernant le trafic des substances vénéneuses, soporifiques, stupéfiantes, désinfectantes et antiseptiques
[5] Loi du3 MAI 2003 modifiant la loi du 24 février 1921 concernant le trafic des substances vénéneuses, soporifiques, stupéfiantes, désinfectantes et antiseptiques
[6] Directive commune de la Ministre de la Justice et du Collège des procureurs généraux relative à la constatation, l'enregistrement et la poursuite des infractions en matière de détention de cannabis du 25 janvier 2005
[8] idem
[10] idem

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