10 février 2009

Face à l’urgence, le consensus : carte blanche à Julie de Groote

Débats>>Cartes blanches - Lesoir.be   Julie de Groote Présidente de la Commission Education

 

Au moment où j’écris ces lignes, la phase de comparaison des listes d’inscrits en secondaire entre les divers réseaux devrait débuter, avec l’espoir de voir ensuite se « dégonfler la bulle » des multiples inscriptions. Le ministre Dupont a déclaré qu’il fallait accélérer le processus et a plaidé pour que cela se fasse de manière concertée entre tous les acteurs. Le politique s’est trompé et ce n’est pas peu de chose que de l’avoir reconnu. Le ministre a l’honnêteté intellectuelle indispensable à la bonne gouvernance, ne boudons pas cette chance.

Aujourd’hui, il y a urgence. Pour les inscriptions en cours, il faut au plus vite répondre à l’angoisse, à la colère et au désarroi des élèves et de leurs parents. Cette réponse devra venir en effet de l’ensemble des acteurs, tant politiques que du terrain. Pour les inscriptions de 2010, il faudra trouver une solution cohérente qui se construise dans le respect des attentes légitimes des uns et des autres. J’émets le vœu que cela se fasse à partir d’un véritable débat de société autour de cinq mots-clefs. Car c’est bien d’un débat de société qu’il s’agit ici et non de statistiques.

1. L’autonomie. Elle aura été le point de discorde de cette législature. Les nombreuses réformes ont été ressenties comme une perte progressive de l’autonomie de gestion des établissements du fait qu’elles ne prennent pas suffisamment en compte les différences pédagogiques et organisationnelles entre établissements. Chaque école a un projet pédagogique propre, celui-ci détermine d’ailleurs aujourd’hui plus souvent le choix des parents pour une école que leurs convictions philosophiques ou religieuses.

Mais ne nous trompons pas : le rôle de l’État n’en est pas moins déterminant. Il est garant de l’équité, du bien commun, de la qualité du système éducatif. C’est à lui qu’il revient de déterminer les objectifs à atteindre, d’allouer des moyens à cet effet, d’en vérifier la réalisation. Pour que la définition des rôles soit à l’avenir plus compréhensible, il faudra que l’État ne soit plus à la fois régulateur et opérateur d’enseignement. C’est la condition pour qu’il soit un régulateur à la fois crédible et fort.

2. La confiance. Parfois je me dis « quel gâchis ! ». Aucun gouvernement précédent ne s’était attaqué autant en profondeur à l’échec scolaire. Le Contrat pour l’École ne s’est pas limité à un catalogue de bonnes intentions et les progrès engrangés ne sont pas minces : le recentrage sur les apprentissages de base, le renforcement du cadre enseignant, des nouveaux dispositifs de pilotage, une attention accrue aux enfants handicapés, un cadre pour l’immersion, etc. Tous ces dispositifs sont structurels et mettront du temps pour sortir leurs effets.

Je pourrais en continuer la liste, mais je sais que ce discours est devenu inaudible. Le Contrat pour l’École a recueilli un large consensus sur ses objectifs ; chacune de ses mesures, prise individuellement, est souvent considérée comme positive, voire indispensable.

Mais il faut bien constater qu’a manqué le ciment sans lequel l’adhésion ne se fait pas : la confiance. Le politique devra tirer les leçons de cette législature pour le moins difficile : il n’y a pas de changement profond de société qui puisse être fait sans l’adhésion de ses acteurs. C’est plus vrai encore pour l’école étant donné l’implication personnelle de tous ceux qui y participent.

3. L’excellence collective. La question de fond n’est pas de permettre à des enfants d’accéder à des établissements secondaires estimés « réputés », mais au contraire d’augmenter le nombre d’écoles dans lesquelles un maximum d’enfants souhaite passer les six années de secondaire. Plutôt que de gérer la pénurie, il faudrait pouvoir partager l’abondance ! Mais ne dire que cela est un peu court. Je me méfie des affirmations du style : « occupez-vous d’abord des autres ».

Malheureusement le constat est amer : c’est tout le système qui demande un plan d’urgence, pas seulement les écoles en difficulté. L’objectif est que chaque enfant trouve l’école, du maternel au supérieur, qui lui permettra de développer ses talents au maximum. Là est le vrai critère de qualité.

4. La spécificité bruxelloise et du Brabant wallon. Le problème des inscriptions s’est focalisé sur Bruxelles et le Brabant wallon avec un « effet papillon » qui s’est étendu bien au-delà de ce qu’étaient les estimations de départ. C’est un fait et non un jugement. Je distinguerai les deux cas.

Dans le Brabant wallon, et au nord de Bruxelles, il y a un manque de places à une distance « raisonnablement accessible » pour les parents. Je signale que le ministre a deux fois demandé aux Conseils généraux de concertation de l’Enseignement secondaire s’il était utile de créer des établissements supplémentaires, et qu’il y a été répondu deux fois négativement. La question devra être reprise sans tabous dans la prochaine législature.

Pour Bruxelles, mais également pour d’autres agglomérations, cette discussion devra aller de pair avec un regard nouveau sur la politique fédérale et régionale de la ville et avec des mesures spécifiques telles qu’un encadrement différencié, sans occulter le débat de société qui est la réalité profonde de la concurrence entre écoles.

5. Les nouveaux partenariats. Je retiendrai comme message positif de cette crise combien les acteurs de changement ont été multiples. Comme parlementaires, nous nous retrouvons parfois dans les vêtements étriqués de la démocratie. Rien de cela ici.

Tout d’abord parce que les parents se sont emparés du débat, suivis, parfois en sens contraire, des directions, du corps enseignant, du mouvement associatif. Il a fallu s’ajuster à cette nouvelle forme de démocratie, oser l’écoute, dépasser les a priori. Je suis frappée par exemple de voir combien les parents ont dépassé la ligne de démarcation des réseaux pour construire des positions communes. Là aussi, tirons les leçons !

 

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