Union Francophone
des Associations de Parents
de l’Enseignement Catholique asbl

CYBERLETTRE

n°56 - 9 janvier 2014

L’enseignement qualifiant
La réussite scolaire des enfants de parents analphabètes

L’UFAPEC publie aujourd’hui deux études. La première est consacrée à l’enseignement qualifiant (un terme relativement récent qui recouvre le professionnel et le technique de qualification) et est le fruit de nombreuses réunions et rencontres réalisées par l’UFAPEC dans le courant de l’année 2013. La seconde traite de l’impact des relations école-famille dans la réussite scolaire quand les parents ne lisent pas et n’écrivent pas en partant du point de vue des enseignants. Elle complète une étude publiée en 2012 sur le même thème, mais qui abordait la question à partir du regard des parents. Il s’agit donc d’un travail de longue haleine, étalé sur deux ans, et nourri par une recherche-action menée en partenariat avec l’asbl Lire et Ecrire Namur.

L’enseignement qualifiant

Le constat de base de notre étude sur l’enseignement qualifiant, c’est que celui-ci est actuellement perçu, aussi bien par de nombreux professionnels de l’enseignement que par beaucoup de parents et par les élèves eux-mêmes, comme une filière de relégation. Plus encore, il est utilisé comme moyen de relégation. A l’UFAPEC, nous pensons que le changement des perceptions et la volonté de reconsidérer son statut constituent les clés essentielles de son salut. Les responsables de l’enseignement sous la précédente législature ont remis l’enseignement qualifiant parmi les chantiers prioritaires. Nous saluons cette initiative. Bien entendu, une réforme ne se met jamais en place sans difficulté ; ainsi, certains enseignants qui avaient investi des méthodes originales pour mettre le pied à l’étrier de leurs élèves ont pu être frustrés de se voir imposer le modèle de la CPU. Ce modèle, s’il devait répondre aux promesses qu’il laisse entrevoir, a pourtant le mérite de s’adresser à toutes les écoles proposant des filières de qualification. Seules quelques options sont actuellement concernées ; après évaluation, la CPU devrait progressivement se généraliser.

Si les motivations originelles d’une refonte du qualifiant n’ont pas toujours été les meilleures (nous pensons notamment ici au fait que le 3e degré du qualifiant a été réformé avant que le 2edegré ne soit repensé pour bénéficier de subsides européens), nous saluons la prise de conscience du politique quant à l’importance du défi à relever. L’aspect motivationnel des élèves du qualifiant est, par exemple, particulièrement travaillé via la CPU et le projet « Expairs ». Ce n’est pas suffisant. Il faut que l’enseignement qualifiant devienne attrayant pour tous ! Pour le bien-être des personnes, d’abord. Celles qui ne font pas le choix du qualifiant parce que « tout compte fait on s’en sort dans les filières de transition et qu’il serait dommage de se fermer des portes » ; celles qui ont fait le choix du qualifiant et qui sont freinées dans leur élan par la démotivation de celles qui y sont « par défaut » ; celles qui y sont « par défaut » et qui, avec un système d’orientation différent, auraient peut-être une meilleure estime d’elles-mêmes et de leurs capacités. Oui, il faut que l’enseignement qualifiant devienne attrayant pour tous. Pour le bien-être des parents de tous ces élèves. Pour le bien-être des enseignants, qui méritent des élèves motivés et intéressés par ce qu’ils apprennent.

Mais revaloriserl’enseignement qualifiant, c’est aussi œuvrer pour la société dans son ensemble. La société actuelle a bien besoin de chercheurs et d’intellectuels. Elle a besoin de personnes qui puissent répondre aux questions fondamentales qui se posent en son sein. Mais pas seulement. Elle a aussi besoin d’ouvriers et d’artisans qualifiés, dans des domaines très divers. Elle a un crucial besoin de techniciens qualifiés dans des domaines de développement multiples : le marché de l’emploi ne cesse de le démontrer. Mais pour cela, il faut investir adéquatement dans la formation et dans les structures qui alimentent son fonctionnement. Avec souplesse, pour répondre à des profils de personnalité très divers. Comme présenté dans notre étude, la mise en place des IPIEQ, le travail réalisé par le SFMQ, les différents conseils de concertation, les solutions apportées par les CEFA, etc., sont autant d’opportunités de bien faire et dont il ne faudrait pas se passer ou hypothéquer le développement par des aspirations purement idéologiques ou économiques.

Refonder le qualifiant ? Les récentes évolutions montrent que la machine est enclenchée. Mais il reste à se saisir du nœud du problème : la relégation systématique des élèves qui échouent dans les filières de qualification pour avoir démérité dans les filières de transition. Sans penser nécessairement au fait que ces élèves ne seraient pas à une meilleure place dans ces filières-là. Il faut donc revoir en profondeur ce système inadéquat, qui « insécurise » complètement une série d’élèves à un moment critique de la maturation de leur identité. Nous le disons et il faut maintenant le faire. Mais pas sans autres modifications profondes car se limiter à un processus simplement technique (comme se borner à allonger le tronc commun) serait, selon nous, irrémédiablement voué à l’échec. Il faut plutôt parvenir à créer un cercle vertueux. Comment ? En proposant une approche davantage pluridisciplinaire dès l’école du fondement et en favorisant davantage qu’aujourd’hui le continuum pédagogique, d’une part. En permettant aux écoles d’augmenter leur capacité à proposer des formations d’excellence, d’autre part. Un autre ingrédient est nécessaire pour que l’ensemble de la sauce prenne : en même temps que cette refondation, doit s’effectuer une modification profonde des mentalités, du conscient et de l’inconscient collectif : nous voyons encore trop souvent les diplômes d’études supérieures (en particulier des universités) comme des sésames de la réussite économique et sociale. La société actuelle et très probablement future va réclamer des habiletés et des compétences nouvelles. Des compétences professionnelles, mais aussi humaines et citoyennes (plans sur lesquels l’école œuvre également). La technique et la technologie prennent de plus en plus de place dans nos vies individuelles et sociétales. Couplée à la recherche scientifique, elles devront répondre aux exigences sociales, environnementales, écologiques, économiques et sanitaires de demain. Sans oublier la culture, qui critique et fait évoluer la société en la prenant à revers. Autant de domaines qui demandent des personnels avertis, qualifiés et habiles, dont la société a besoin pour se renouveler et évoluer. Donnons à ces métiers de qualification la chance qu’ils méritent.

 

Vous pouvez télécharger l'étude complète Nouveau regard sur l’enseignement qualifiant  via le site ufapec.be


 

La réussite scolaire des enfants de parents analphabètes

Alors que la pauvreté infantile est en augmentation et malgré l’implication des enseignants, notre système éducatif reste fortement inégalitaire : l’échec scolaire et les relégations touchent majoritairement les élèves de milieux précarisés, notamment analphabètes. Trop souvent, l’analphabétisme se reproduit de génération en génération, créant de nouveaux et tout jeunes exclus sociaux dans une société où lire et écrire sont devenus tout à fait indispensables.

L’étude dégage des clés qui permettent aux professionnels volontaires dans cette démarche (d’accrochage scolaire d’enfants de parents en rupture avec le monde de l’école, plus particulièrement ceux pour qui la lecture et l’écriture posent des difficultés) de mieux appréhender la problématique. Tout d’abord, il s’agit d’éviter la catégorisation, l’étiquetage. On ne peut commencer à agir sur la question des parents analphabètes et de leur rapport à l’école que lorsqu’on a compris que chaque situation est individuelle. Il n’y a pas de recettes toutes faites, mais il y a des dénominateurs communs, des pistes, des bonnes pratiques à partager. Ensuite, il faut pouvoir reconnaître les différentes formes d’analphabétisme (ne pas connaître le français, ne pas savoir lire ou écrire en français, ne savoir lire ou écrire dans quelque langue que ce soit) ainsi que les freins que celui-ci peut engendrer dans le rapport des parents à l’école (compréhension de la culture scolaire, des codes, des attentes, de l’utilité même de l’école…). Il faut aussi prendre en compte toute une série de spécificités particulières qui interviennent dans la relation et dans l’éducation en lien avec l’incompréhension des parents vis-à-vis de l’école, comme le rôle de la mère, le regard et les interactions avec les autres parents, avec la société, les modèles éducatifs, les espérances et les investissements des parents dans l’apprentissage de l’enfant… Enfin, l’étude met en évidence le fait que les professionnels de l’enseignement doivent prêter attention à ne pas confondre aide et assistance. L’enseignant doit parvenir à responsabiliser les parents, les valoriser et développer leur sentiment de compétence parentale.

L’étude relève par ailleurs quelques moments-clés de la vie scolaire qui peuvent servir pour détecter, aborder et dépasser l’analphabétisme des parents. Ce sont chaque fois des occasions de nouer une relation de confiance entre l’école et les parents : le moment de l’inscription, les rendez-vous, réunions avec les parents, les remises de bulletin, les fêtes d’école et tout événement où le parent est appelé à s’investir et où il ne répond pas spontanément présent.

Ce qui fut révélé par l’étude de 2012, qui s’attachait au point de vue des parents en difficulté de lecture et d’écriture, c’est que les enseignants du primaire ont encore fort peu conscience des inégalités de résultats en fonction du milieu socio-culturel de l’élève et donc du déterminisme social des trajectoires scolaires. La majorité des instituteurs semblent toutefois avoir intégré l’idée d’une égalisation des acquis de base via l’encadrement différencié, l’égalité des chances ne suffisant pas. Sur le terrain, nous disaient les témoignages, les représentations des enseignants travaillant avec des publics précarisés sont encore souvent empreints d’une méconnaissance des vécus sociaux ou particuliers et trahissent de nombreux préjugés. Les instituteurs sont encore trop spontanément dans une relation hiérarchique, voire infantilisante, avec des parents qui vivent par ailleurs un sentiment d’incompétence et d’illégitimité langagière. Nous avons cependant rencontré des enseignants très conscients et volontaristes. Notre étude veut saluer leur souci et relayer leur déterminante (le mot est choisi) dévouement.C’est pourquoi nous proposons dans cette étude toute une série de pistes et de bonnes pratiques que les enseignants qui ont participé à la recherche-action ont imaginées et mises en place avec leurs collègues, parfois avec le PMS ou des associations partenaires. Le lecteur sera invité à s’en inspirer, à se les approprier et à les adapter à la situation de son école.

Face aux difficultés de communication voire au malentendu entre l’école et les familles précarisées analphabètes, chacune des deux parties doit d’abord changer son regard et être consciente de sa capacité d’agir et d’avoir prise sur les choses. Pour l’école, un premier travail est d’instaurer une relation de confiance, un dialogue possible. Ceci passe impérativement par une adaptation de la formation initiale et continuée intégrant une approche des différentes fonctions de la langue (allant bien au-delà d’un rôle utilitaire) et en faisant de la maitrise du français une priorité. Et maitriser sa langue d’enseignement, c’est aussi pouvoir communiquer, conceptualiser et pouvoir rentrer dans la culture et le savoir scolaires. La formation des enseignants doit ensuite travailler l’ouverture culturelle et la dimension sociale du métier d’instituteur. A ce titre, il nous semble plus qu’utile que l’étudiant effectue un stage au moins dans une école en encadrement différencié mais aussi en dehors du cadre scolaire dans des écoles de devoirs par exemple où le stagiaire sera en contact avec des familles précarisées. Enfin, l’UFAPEC pense qu’il est crucial que la notion de partenariat école-famille soit également abordée dans le cadre de la formation des enseignants, ceci dans le sens d’une reconnaissance des compétences des parents quels que soient le milieu socio-culturel.

Le soutien des enseignants qui travaillent avec des élèves provenant de milieux précarisés analphabètes passe par plus de moyens pour une pédagogie différenciée et une remédiation interne à l’école. Ce soutien passe aussi par davantage de formations pour les enseignants et l’appui de professionnels du secteur psycho-social pour l’intégration d’un concept-clé et transversal : la bientraitance des parents.

En conclusion à nos deux études, celle de 2012 consacrée aux représentations des parents analphabètes et celle-ci, consacrée aux représentations des enseignants en contact avec des familles analphabètes, pour enrayer l’échec scolaire des élèves issus des milieux analphabètes et générer un climat de confiance école-famille indispensable à une alliance éducative, l’UFAPEC est convaincue que l’école de la réussite pour tous doit passer par :

  • une remédiation interne à l’école ;
  • le développement d’une pédagogie différenciée et intégratrice ;
  • un renforcement de la formation initiale et continuée des enseignants à la diversité culturelle et à l’accompagnement des familles analphabètes ;
  • une reconnaissance de la culture orale ou populaire à l’école ;
  • le développement d’une relation de confiance avec tous les parents reconnus comme partenaires à part entière et la création d’un espace-parents dans l’école ;
  • un renforcement et une personnalisation de la communication avec les parents en difficulté avec la langue.

 

Vous pouvez télécharger l'étude complète L'impact des relations école-famille dans la réussite scolaire quand les parents ne lisent pas et n’écrivent pas. Le point de vue des enseignants. via le site ufapec.be

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