Analyse UFAPEC mars 2013 par A. Pierard

03.13/ Changement de cap : pourquoi pas prof ? Quelle motivation pour devenir enseignant sans formation pédagogique ?


ATTENTION : Depuis la réforme des titres et fonctions, le contenu de cette analyse est devenu obsolète. Le décret du 11 avril 2014 réglementant ces titres et fonctions dans l'enseignement fondamental et secondaire organisé et subventionné par la Communauté française, entré en vigueur au 1er septembre 2016 modifie les possibilités d’une reconversion professionnelle vers l’enseignement sans posséder de titre pédagogique.  

Lien vers le décret >>


 

Introduction

La voie privilégiée pour enseigner est d’avoir les titres requis suite à une formation pédagogique d’instituteur maternel ou primaire, de bachelier ou agrégé. Les étudiants se vouant à l’enseignement suivent ce type d’études, en ciblant le niveau et la matière qu’ils désirent enseigner.

Mais pour ceux qui le souhaitent, il est possible de devenir enseignant sans avoir ces titres.

Il s’agira d’avoir les titres suffisants ou d’être engagé sous « article 20 » pour les « titres de pénurie ».

Pour être agent effectif du processus d’apprentissage, l’enseignant doit avoir des compétences pédagogiques. Un enseignant n’ayant pas les titres requis a-t-il ces aptitudes ? Si pas, comment peut-il les développer ?

Qu’est-ce que le système des titres suffisants et « articles 20 » signifie ? Pourquoi des personnes faisant des études et ayant un parcours ne les destinant pas à l’enseignement deviennent-elles professeurs ? Qu’est-ce qui motive ces personnes à devenir enseignant ?

Etre enseignant aujourd’hui

Etre enseignant aujourd’hui, c’est un métier…

  • complexe,
  • exigeant,
  • unique,
  • en pleine évolution et remise en question (due à celle du cadre institutionnel de l’école, à l’hétérogénéité sociale et culturelle du public scolaire et à la diversification des outils d’apprentissage et aux modes de savoir).

Mais c’est aussi un métier qui attire les jeunes et apporte un épanouissement personnel et professionnel :

  • 57% des étudiants ont déjà envisagé de devenir enseignant
  • 84% des étudiants jugent le métier d’enseignant intéressant
  • 89% des enseignants se sentent utiles
  • 50% des étudiants au niveau master pourraient se tourner un jour vers le métier d’enseignant[1]

Concernant la complexité du métier, le ministère de la Fédération Wallonie-Bruxelles en parle dans les termes suivants : « Tout au long du continuum pédagogique, les enseignants amènent les élèves à construire des compétences disciplinaires et des compétences transversales et ils les évaluent. C’est l’essentiel de leur mission. Et, contrairement à de nombreuses idées reçues, il ne suffit pas pour la mener à bien de posséder un don ou d’aimer les enfants. C’est un véritable métier qui exige une expertise et des compétences spécifiques.[2] »

La formation a toute son importance pour la suite du parcours des enseignants. « Pour réaliser leur mission, des enseignants ont besoin d’un bagage professionnel solide, alliant compétences scientifiques approfondies et compétences pédagogiques et didactiques éprouvées. Leur formation initiale doit leur permettre de les acquérir progressivement.[3] »

Les treize compétences considérées indispensables pour enseigner par le ministère de la Fédération Wallonie-Bruxelles s’acquièrent au cours de la formation, quelle qu’elle soit. Pour répondre aux multiples exigences de leur profession, les enseignants doivent maîtriser ces compétences.

COMPETENCES[4]

  1. Mobiliser des connaissances en sciences humaines pour une juste interprétation des situations vécues en classe et autour de la classe ainsi que pour une meilleure adaptation aux publics scolaires.
  2. Entretenir des relations de partenariat efficace avec l’institution, les collègues et les parents d’élèves.
  3. Etre informé sur son rôle au sein de l’institution scolaire et exercer la profession d’enseignant telle qu’elle est définie dans les textes légaux de référence.
  4. Maîtriser les savoirs disciplinaires et interdisciplinaires qui justifient l’action pédagogique.
  5. Maîtriser la didactique disciplinaire qui guide l’action pédagogique.
  6. Faire preuve d’une culture générale importante afin d’éveiller les élèves au monde culturel.
  7. Développer les compétences relationnelles liées aux exigences de la profession.
  8. Mesurer les enjeux éthiques liés à sa pratique quotidienne.
  9. Travailler en équipe au sein de l’école.
  10. Concevoir des dispositifs d’enseignement, les tester, les évaluer, les réguler.
  11. Entretenir un rapport critique et autonome avec le savoir scientifique passé et à venir.
  12. Planifier, gérer et évaluer des situations d’apprentissage.
  13. Porter un regard réflexif sur sa pratique et organiser sa formation continuée.

Le programme des formations donnant les titres requis pour enseigner a été repensé en allant dans ce sens, mais ces compétences peuvent s’acquérir d’autres manières. Il n’est pas nécessaire de suivre une formation pédagogique pour développer la plupart de ces capacités. Ce qui est demandé aux enseignants peut s’acquérir au cours d’autres études ou simplement du parcours de vie, par exemple concernant les différentes compétences relationnelles.

L’expérience professionnelle et la formation continuée permettent aux professeurs de développer ces capacités jugées essentielles. Il faut pouvoir s’informer, se former continuellement, s’autoévaluer, se remettre en question, avoir une pratique réflexive… Les titres suffisants sans formation pédagogique et les « articles 20 » peuvent donc avoir ces compétences, tout autant que les enseignants ayant suivi une formation pédagogique.

Ce qui est demandé aux enseignants ressort de l’évidence, et pour certaines des compétences cela découle du bon sens. Il faudrait penser aussi l’adaptabilité aux différents publics scolaires et profils d’élèves. Comme le dit Olivier, historien et jeune enseignant dont vous découvrirez le témoignage plus loin « tu peux appliquer une méthode, ça ne passera peut-être pas. Cela dépend du public en face de toi ».

Diplômes pour enseigner

Différentes formations permettent aux jeunes d’aujourd’hui de devenir enseignants (baccalauréat d’instituteur primaire ou maternel, CAP, agrégation,…) en ciblant un niveau et, pour le secondaire, l’une ou l’autre matière de l’enseignement. Les stages et les cours dispensés doivent apporter aux étudiants la formation pédagogique nécessaire et donc les titres requis pour enseigner. Ces formations permettent enfin d’avoir les titres suffisants pour enseigner une autre matière que celle ciblée par le futur enseignant.

D’autres formations donnent également les titres suffisants pour devenir professeur. Ces formations, par exemple un master en ingénierie (non accompagné d’une agrégation), ne donnent pas les outils pédagogiques pour enseigner. Pour les titres de pénurie, le système « article 20 » permet aux personnes n’ayant pas de formation pédagogique d’enseigner les matières pour lesquelles on manque d’enseignants. Certains titres suffisants et les « articles 20 » n’ont donc pas la « formation pédagogique pourtant indispensable pour faire face aux réalités du terrain… et pour savoir adapter son discours aux élèves, détecter puis remédier aux difficultés rencontrées, mettre en place une pédagogie différenciée, organiser la remédiation, etc.[5] ».

La Communauté française a réalisé un document à l’intention de ces enseignants. Conçu pour les accompagner, ce document est divisé en différentes parties pour leur donner les outils nécessaires selon le niveau et le type d’enseignement auxquels ils sont concernés.

  • Une première partie s’adresse à tous les enseignants ;
  • Enseignant, mon nouveau métier dans l'enseignement secondaire technique et professionnel de plein exercice et en alternance ;
  • Enseignant, mon nouveau métier dans l'enseignement spécialisé ;
  • Enseignant, mon nouveau métier dans l'enseignement secondaire général et technique de transition et en alternance ;
  • Enseignant, mon nouveau métier dans l'enseignement fondamental.[6]

Titres requis

Avoir les titres requis pour enseigner une matière signifie être en possession du diplôme exigé pour enseigner cette matière. Par exemple, un enseignant détenteur d’une Agrégation de l’Enseignement Secondaire Inférieur (AESI) en sciences humaines a le titre requis pour enseigner les cours d’histoire et de géographie aux élèves du degré inférieur du secondaire.

Pour réaliser leur mission, les enseignants doivent posséder une formation relative à la branche qu'ils enseignent mais également une formation en matière de pédagogie et de didactique. Les titulaires d'un régendat, d'un diplôme d'instituteur … ont reçu une formation initiale qui leur permet d'acquérir ces compétences. Ils possèdent donc les diplômes requis pour enseigner.[7]

Titres suffisants

Est détenteur d’un titre suffisant pour enseigner celui qui n’a pas le titre requis pour la matière concernée, mais qui détient un diplôme dont la matière à enseigner faisait partie du cursus de formation. Par exemple, un enseignant détenteur d’une Agrégation de l’Enseignement Secondaire Supérieur (AESS) en Chimie a le titre suffisant pour enseigner les mathématiques ou la physique au degré supérieur de l’enseignement secondaire. Tout comme un détenteur d’un master en histoire, mais n’ayant pas suivi l’agrégation, peut donner ce cours.

Les détenteurs des titres suffisants ne sont pas prioritaires à l’engagement et à la nomination. La priorité va effectivement aux enseignants ayant les titres requis.   

En dehors des titres requis, certains diplômes sont jugés suffisants pour l'enseignement d'une matière. Quelques exemples : vous êtes titulaire d'un diplôme d'institutrice maternelle. Sous certaines conditions (expérience utile, année d'obtention du diplôme …), ce diplôme est jugé suffisant pour exercer la fonction d'institutrice primaire. Vous avez une licence en mathématiques et un certificat d'aptitude pédagogique. Ces diplômes sont reconnus suffisants pour l'enseignement de la physique … Le niveau d'enseignement et la matière que vous êtes autorisé à enseigner dépendent du diplôme dont vous êtes titulaire. Exemple : vous ne pouvez enseigner dans l'enseignement universitaire qu'à la condition d'être vous-même titulaire d'un titre universitaire.[8]

Articles 20

La plupart des enseignants appelés « articles 20 » ne possèdent pas les titres pédagogiques pour enseigner. On les retrouve dans l’enseignement des branches dites en pénurie. « Vu les difficultés qui existent aujourd’hui pour trouver des enseignants dans certaines disciplines, il n’est pas rare que les écoles engagent des gens sans qualification en lien avec le métier. On les appelle habituellement les articles 20. La plupart de ces enseignants ne possèdent aucun titre pédagogique. La réforme des titres et fonction prévoit de créer un titre dit « de pénurie », histoire de cadrer le recours aux personnes non-qualifiées pour enseigner. Il est aussi prévu de fixer un bagage minimum pour ces nouveaux professeurs.[9] »

Les branches en pénurie sont les mathématiques, les langues et les sciences. « Une des conséquences de cette pénurie est le recours de plus en plus fréquent aux articles 20, ces enseignants qui ne possèdent pas de titre pédagogique. Actuellement, on en compterait entre 20 et 30% en moyenne dans nos écoles.[10] »

Mais même s’ils se découvrent une vocation, le statut de ces enseignants n’est pas sûr, comme en témoigne Nathalie, traductrice de formation : « Cela m’a vraiment plu. Le contact avec les élèves se passait très bien. Et je me suis découvert une fibre pédagogique au fil des mois. Malheureusement, n’ayant pas les titres requis, je suis sur un siège éjectable. N’importe quelle personne licenciée agrégée peut prendre ma place du jour au lendemain. Et ça a été le cas malheureusement en novembre 2011.[11] »

Les « article 20 » comme on les surnomme, sont toutes ces personnes qui prestent dans l’enseignement sans avoir le titre pédagogique requis. C’est le cas par exemple d’un comptable qui dispense des cours de mathématiques, ou d’un chimiste qui n’a pas fait l’agrégation dans l’enseignement secondaire supérieur et qui enseigne néanmoins dans ce cycle-là. Jusqu’à présent, tous les « article 20 » étaient « mis dans le même chapeau », qu’ils aient deux, cinq ou dix ans d’ancienneté. Bonne nouvelle pour eux donc, ils seraient désormais intégrés au classement général, à la suite des « nommés », « temporaires prioritaires » et « temporaires » tout court. [12]

Le député libéral Jean-Luc Crucke a interpellé Marie-Dominique Simonet, Ministre de l’Enseignement obligatoire et de la promotion sociale, en demandant si on ne pourrait « délivrer le titre requis aux enseignants qui assument un cours depuis plusieurs années ? Comment l’ancienneté de ces enseignants est-elle valorisée ? [13]»

Marie-Dominique Simonet lui a répondu s’être « engagée  dans ce travail de réforme extrêmement important afin d’assouplir les démarches, de désigner rapidement les enseignants, de stabiliser l’emploi et de résorber la pénurie d’enseignants. [14]» Les « articles 20 » sont d’ailleurs, comme nous l’avons déjà mentionné, intégrés maintenant au classement général.

Marie-Dominique Simonet cherche à valoriser et attirer les probables enseignants n’ayant pas de titre pédagogique pour combler le manque dans les branches en pénurie. « Ne pourrait-on imaginer que le porteur d’un master sans titre pédagogique dispose, par exemple, d’un délai pour l’acquérir ? La garantie qu’il puisse l’obtenir serait alors trouvée dans le régime statutaire qui, au minimum, interdirait de le nommer. Le porteur d’un titre suffisant avec titre pédagogique serait alors prioritaire.[15] »

La ministre précise qu’ « Il faut fixer les priorités. Il me semble qu’un enseignant sans titre pédagogique ne peut jamais être considéré comme prioritaire par rapport à un enseignant qui en a un. Il ne s’agit en aucun cas d’interdire au détenteur d’un master en mathématiques, par exemple, de donner cours un jour et d’être nommé, mais à condition qu’il n’y ait personne d’autre disposant d’un titre pédagogique pour donner le cours. Cela doit être examiné dans la commission « Titres et Fonctions » afin d’éviter des tensions.[16] »

Concernant la révision des titres et fonctions, Marie-Dominique Simonet précise que « outre la simplification, la mobilité et la transparence, cette réforme vise également à lutter contre la pénurie et à offrir plus rapidement une stabilité aux jeunes enseignants. Tel est l’enjeu de cette révision.[17] »

Si tel est le choix et la vocation de la personne d’enseigner, même si son parcours scolaire ne l’y destinait pas, il faut permettre aux enseignants de suivre une formation tout en travaillant (CAP ou agrégation) et de poursuivre leur carrière dans l’enseignement.

Il faut garder l’ordre de priorité pour les nominations tout en permettant aux titres suffisants et aux « articles 20 », après l’obtention d’un diplôme pédagogique, d’être nommés si l’enseignement se révèle être la voie professionnelle qui leur correspond.

Des vocations

Témoignage de Mathieu[18]

Mathieu, bio ingénieur génie rural et environnemental de formation, enseigne pour la deuxième année consécutive. Après son stage d’attente du FOREM, il a fait un remplacement d’enseignant d’une durée de 3 mois. Par après, il a suivi des formations du FOREM (gestionnaire valoriste de déchets et responsable environnemental) pour ensuite travailler comme ingénieur de projet en dépollution de sols pendant 7 mois.

Depuis septembre 2011, il enseigne les sciences dans un établissement de Bruxelles tout en réalisant l’agrégation à l’UCL. Il n’aimait plus son boulot d’ingénieur et trouvait la voie de l’enseignement enrichissante. Pour lui, c’est un bonheur de transmettre, c’est de la joie au boulot, pas de stress, du temps pour soi, une gestion du temps de travail à domicile personnelle, des vacances, …

Pour Mathieu, le travail avec des jeunes est très enrichissant. Le boulot d’enseignant lui apporte des contacts humains très importants, un travail en équipe régulier, la gestion de matières moins connues, la possibilité de transmettre son savoir.

Il exprime que cela ne lui pose pas de problème de ne pas avoir les titres requis pour enseigner. Selon lui, il ne lui manque rien dans sa formation au niveau de la pédagogie. L’agrégation ne lui apporte pas grand-chose, si ce n’est quelques outils (mais rien de transcendant) et, surtout, la possibilité d’être prioritaire et plus facilement nommé.

C’est avec plaisir qu’il continuerait son parcours professionnel dans l’enseignement.

Témoignage de Nadège

Diplômée d’un Master en science psychologique et de l’éducation, Nadège a effectué 3 intérims dans 3 écoles différentes. Le reste du temps, elle a effectué des activités bénévoles en crèche et continué à se former.

Elle s’est dirigée vers l’enseignement vu le manque d’offres d’emploi dans le secteur social-psychologique, proportionnellement à la demande.

Depuis un an, Nadège a pu enseigner différents cours au niveau secondaire supérieur : psychologie appliquée, science sociale, formation sociale, EVS (enquêtes, visites, séminaires), psychopédagogie et communication.

Cela lui apporte la possibilité d’apprendre à transmettre un savoir de manière claire et précise, de faire preuve d’adaptabilité au public auquel on s’adresse et à leurs intérêts, de gérer un groupe (petit ou grand), de gérer son temps et les imprévus, de se remettre en question. 

Enseigner dans différentes écoles lui a permis de donner le cours de psychologie à des élèves ayant des options différentes (puériculture, aide familiale, agent éducateur et techniques sociales) et donc à réfléchir sur la manière de transmettre le cours et le contenu à transmettre selon l’option et les élèves.  

Ne pas avoir les titres requis lui pose problème dans l’exercice de sa fonction car elle effectue des intérims dans différentes écoles. Il n’y a pas de stabilité, ni de long terme, pas de possibilité d’être nommée sans l’agrégation ou le CAP. Selon elle, suivre une formation pédagogique pourrait lui apporter plusieurs choses facilitant l’exercice du métier d’enseignant. Cela lui permettrait d’acquérir des outils pour une meilleure animation et gestion de groupe. En plus, cela lui apporterait un accompagnement, le soutien d’un professeur dans le cadre des stages pour une remise en question et une réflexion sur les points à améliorer dans sa pratique d’enseignante.

Témoignage d’Olivier

Olivier est un jeune homme de 29 ans diplômé d’un master en histoire. Après quelques mois de chômage, il a commencé à enseigner. Par défaut, car il y avait de l’emploi dans l’enseignement. Il ne voulait pas être prof au départ.

Depuis 2009, il a enseigné différentes matières dans différentes écoles auprès d’élèves du degré secondaire supérieur : le français (secondaire inférieur aussi pour ce cours), l’histoire, la géographie, la religion, les sciences humaines.

Ces expériences se sont révélées enrichissantes pour lui. Sauf dans le professionnel, où il ne veut plus donner cours. Selon lui, il faut repenser, revaloriser le qualifiant.

Ce métier lui apporte :

  • des contacts humains, tant avec les élèves qu’avec ses collègues,
  • du contentement, du fait d’enseigner une matière, d’être compris et de parfois rendre confiance en eux aux élèves,
  • du renouveau, car chaque classe mais même simplement chaque élève est différent et c’est une nouvelle expérience à chaque fois

Ne pas avoir les titres requis ne lui a pas posé de problème dans l’exercice de la fonction d’enseignant. Selon lui, la pédagogie, on l’a ou on ne l’a pas. Et le métier s’apprend tout aussi bien sur le terrain, quoi qu’on en dise.

N’ayant plus d’emploi pour le moment, il recherche aussi bien dans l’enseignement qu’ailleurs. S’il retrouve un poste d’enseignant, il est prêt à passer l’agrégation même si selon lui cela n’apporte rien sur le plan pédagogique. Mais cela l’aiderait à avoir une place et la garder.

Olivier aime le métier d’enseignant, il souhaiterait continuer son parcours professionnel dans cette voie ; mais cela dépendra du boulot qu’il trouvera prochainement…

Témoignage de Pauline

Détentrice d’un Baccalauréat en Tourisme, Pauline a d’abord travaillé dans des agences de voyage : 1 an dans une petite agence de voyages - 1 mois dans un broker (vendeur de billets d'avion pour les agences qui ne possèdent pas la licence requise) - 4 ans dans une grande agence de voyages.

Ayant toujours rêvé d'exercer le métier d’enseignante, elle s’est dirigée dans cette voie et enseigne depuis 5 mois. Elle a contacté une amie enseignante qui l’a informée des démarches à suivre pour les formations requises ainsi que d'un poste vacant dans une école secondaire. Tout s'est joué en quelques semaines de temps.

Pauline enseigne maintenant l’anglais au niveau secondaire inférieur. Cette expérience se révèle déjà très enrichissante pour elle, car cela lui apporte des outils pédagogiques, des contacts marqués par une bonne communication, du respect… Cela provoque aussi en elle toute une remise en question et la pousse à approfondir ses connaissances en anglais. Elle doit préparer ses cours, revoir la grammaire, expliquer des règles parfois oubliées.

Parallèlement, Pauline a commencé sa formation pour l’obtention du CAP. Par rapport à sa formation de base, durant laquelle elle n’a reçu aucune notion de pédagogie, le CAP comble un petit peu cette lacune. Malgré le fait que le nombre d'heures de cours soit très limité. Cette formation lui apporte beaucoup. Ses formateurs réussissent à éclairer les problèmes de communication rencontrés avec les élèves. Ils lui donnent diverses clés pour parer à des problèmes ou questionnements (livres, techniques, théories...). Le cours de communication est, pour Pauline, très important, tout comme celui de méthodologie. Car pour être enseignant il faut beaucoup d'organisation, de savoir-faire, pour préparer correctement une leçon.

Pauline souhaite continuer son parcours professionnel dans l’enseignement. Elle est extrêmement contente de son choix et du changement radical de vie qu’il a provoqué. Elle ne regrette en rien ce choix, malgré qu'il y ait des jours difficiles... Mais il faut avoir du calme et de la patience. Il faut dire que les enfants ne sont pas vraiment à l'école par choix... et rendre un cours intéressant est très difficile.

Témoignage de Pierre[19]

A l’âge de 47 ans, ce grand patron d’entreprises décide de mettre fin à sa néanmoins fructueuse carrière d’homme d’affaires pour devenir professeur dans un établissement d’enseignement professionnel différencié. Il y enseigne les cours de technique d’accueil, sciences humaines, gestion et législation aux élèves de 6 et 7e professionnelle en section « gestion de très petites entreprises ». Qu’est-ce qui motive ce choix ? Pierre a démissionné en 2008 car il trouvait que son boulot l’ennuyait profondément et que sa carrière ne lui apportait plus rien. Il a choisi de se diriger vers l’enseignement car il a envie de partager ses connaissances, il accorde beaucoup d’importance à l’éducation des jeunes d’aujourd’hui et veut y contribuer.

Quand il s’est demandé quelle matière il pourrait enseigner, Pierre s’est rendu compte que le choix était assez vaste.« Mon pays est génial ! Sans aucune formation pédagogique, je peux enseigner à des élèves un très large éventail de cours aux mêmes titres qu’un jeune formé au métier d’enseignant.[20] » Effectivement, par ses études de droit et de commerce, Pierre peut enseigner la géographie, l’histoire, les sciences commerciales, le droit et la gestion.

Pour préparer ses cours, il aura ceux de l’ancien professeur et le directeur lui renseignera le site enseignement.be, où il trouvera l’information sur les programmes. Pierre se rendra compte que cela prend du temps de préparer ses cours… Sauf pour gestion et législation, car il maîtrise le sujet !

Voici quelques extraits de son ouvrage, témoignant de sa motivation et de son plaisir d’enseigner.

« Nous devons nous adapter, devenir créatifs pour étancher leur soif du savoir. Ce n’est pas un chemin facile que d’enseigner en ce début de siècle, mais la qualité, la matière première de la jeunesse que j’ai rencontrée vaut la peine de l’effort qu’on voudra bien se donner. [21]»

 « Pendant près de 25 années, j’ai appris à gérer des entreprises, à rédiger des business plans, à développer des stratégies commerciales, à rendre 1+1=3. Très bien, je vais maintenant enseigner, oserais-je dire cet art, cette passion et de façon plus modeste cette matière. Mes conseils seront forcément utiles. J’allais tracer le chemin de l’entreprenariat. Naïf ! Mais je ne le sais pas encore.[22] »

 « Je désire donc, dans un esprit de grande ouverture, mettre mon expérience au profit des plus défavorisés de l’instruction publique.[23] »

« Cette année est l’une des plus enrichissantes qu’il m’ait été donné de vivre. Je sors plus riche de vie. (…) Mais surtout, je trouve un véritable espoir dans l’avenir et dans la génération qui nous pilotera dans quelques années. (…) Ils peuvent avoir envie d’apprendre, de réussir, de s’élever, mais c’est à nous professeurs d’attiser ces désirs. La matière première est là, elle ne demande qu’à être modelée. Appliquons nous à faire de notre mieux.[24] »

Des motivations

Il ne faut pas forcément avoir une formation pédagogique pour désirer enseigner. Comme les différents témoins l’expriment, ce métier leur apporte tellement de choses : enrichissement, épanouissement, travail en équipe, gestion de son temps de travail, gestion de groupe, remise en question…

Vincent Michiels[25] expose les types de motivations qui poussent les futurs enseignants, formés ou non, à entrer dans la profession.

Type de motivations

Définition

Altruiste

Elle porte sur les bénéfices que ce métier peut apporter à la société, sur ce qu’un enseignant peut faire pour améliorer la société.

Intrinsèque

Elle porte sur la satisfaction, le plaisir que l’enseignant va retirer au travers de son métier (exemple : le plaisir de transmettre un savoir).

Extrinsèque

Elle porte sur les avantages, les récompenses que l’enseignant va tirer de sa profession (exemple : longueur des vacances, prestige, conciliation vie de famille et vie professionnelle….).

 

Dans nos témoignages, comme dans ceux de Vincent Michiels, on peut retrouver deux, voire  trois types de motivations pour chacun des enseignants.

Un élément qui ressort des témoignages est l’importance des contacts humains. Etre professeur, c’est rencontrer un public d’élèves auquel s’adapter, transmettre un savoir, partager une passion, rendre confiance en eux aux élèves,…

Concernant la formation pédagogique, l’absence de celle-ci n’est pas forcément un frein à l’entrée dans le métier. Selon les personnalités et profils des enseignants, les compétences pédagogiques peuvent s’acquérir hors formation, comme le pensent Mathieu et Olivier. Tant la formation, le parcours personnel et l’expérience peuvent apporter des choses essentielles aux enseignants dans l’exercice de leur fonction. Le métier peut s’apprendre sur le terrain en partageant sa maitrise d’un sujet, son expérience professionnelle, tout en approfondissant ses connaissances personnelles.

Pour certains, comme Olivier, la pédagogie est quelque chose qui s’acquiert dans le parcours de vie, quelque chose pour lequel il ne faut pas nécessairement de formation. « Tu es pédagogue ou tu ne l’es pas. » Mais les formations pédagogiques peuvent apporter des clefs, des outils facilitant l’exercice du métier d’enseignant comme en témoignent Nadège et Pauline.

Une demande d’accompagnement

Face à la complexité du métier, les enseignants souhaitent un accompagnement durant les premières années d’exercice de la fonction. « 85% des enseignants débutants, qu’ils aient été formés ou pas à l’enseignement, jugent indispensable qu’il y ait un dispositif d’accompagnement dans leur école.[26] »

Concernant cet accompagnement, Marie-Dominique Simonet propose un protocole d’accord : « le texte n’est pas définitif, il cible des orientations. (…) Un travail en concertation devra être mené pour construire un accompagnement susceptible d’améliorer l’entrée et le maintien dans la profession de ces jeunes enseignants. La proposition actuelle vise à mettre en place des plans d’accompagnement obligatoires dans le chef de l’école et du jeune enseignant. Chaque établissement devra prévoir un plan d’accueil des nouveaux enseignants reprenant un panel de mesures. Celles-ci varieront évidemment selon les spécificités, les traditions et les bonnes pratiques déjà mises en place par chacune des écoles. Ces mesures pourraient être tant internes qu’externes à l’établissement. Nous désirons également identifier plus précisément les formations adaptées aux nouveaux enseignants et les réserver prioritairement aux membres du personnel en début de carrière.[27] »

Au sujet des enseignants non formés, Vincent Michiels explique que « L’accompagnement souhaité par ces « nouveaux enseignants » prendrait des formes diverses et aurait des objectifs pédagogiques dans la mesure où ils ont conscience d’un manque dans ce domaine. Ces personnes souhaitent également la mise en place d’autres objectifs au travers de cet accompagnement car ils ont été habitués à travailler avec des objectifs précis à atteindre dans le secteur privé. Certains sont demandeurs de feed-back de la part des collègues ou de la direction afin de vérifier la conformité de leurs cours avec les programmes. Cela leur permettrait de voir si ce qu’ils donnent comme cours est correct mais aussi de donner de la valeur à leur travail. D’autres demandent une aide plus technique de la part des collègues afin de les aider à préparer au mieux leurs cours. Cette aide leur permettrait de gagner du temps lors des préparations de cours, de mieux comprendre les programmes et le système de l’enseignement. Ce type d’accompagnement leur permettrait d’obtenir des réponses concrètes à leurs questions. D’autres encore sont à la recherche d’un modèle parmi les collègues, d’une personne plus âgée ou ayant acquis davantage d’expérience, sur qui ils pourraient se baser pour la préparation des cours ou pour donner cours. Ce type d’accompagnement permettrait de gagner en efficacité et surtout de les rassurer. Mais, quel que soit le type d’accompagnement mis en place, l’objectif de ce dernier serait de donner un cadre précis qui permettrait d’avoir l’ensemble des informations et aussi les réponses aux questions spécifiques.[28] »

Conclusion

Devenir enseignant est avant tout un choix personnel, une vocation. La motivation de l’enseignant a une place importante dans le dynamisme d’apprentissage.

Avoir les compétences pédagogiques est essentiel pour exercer le métier d’enseignant. Comme le dit Olivier Rollot, « quand on liste auprès des enseignants les principales compétences que doivent aujourd’hui avoir des enseignants, la pédagogie vient en premier devant la patience et le sens du rationnel.[29] »

Pour ceux qui n’ont pas suivi de formation pédagogique avant de se lancer dans l’enseignement, ces compétences peuvent aussi s’acquérir en se formant tout en travaillant, comme Pauline qui fait son CAP en parallèle de sa fonction de professeur de langue ou Mathieu qui suit l’agrégation tout en enseignant les sciences. Que la pédagogie s’acquière durant la formation initiale ou tout en travaillant, il est essentiel de développer les 13 compétences développées précédemment[30].

La formation pédagogique a son importance pour mener au métier d’enseignant comme toute autre formation pour le métier auquel elle destine. Mais actuellement, il est possible de devenir enseignant sans cette formation pour combler le manque de professeurs, surtout dans certaines branches. Permettons donc à ces enseignants d’acquérir les compétences pédagogiques en début de carrière et d’avoir un accompagnement les aidant dans l’exercice de leur métier.

Comme l’expose Vincent Michiels, « il est primordial que les enseignants novices soient encadrés, soutenus dans leur métier par exemple par des enseignants plus âgés qui accepteraient de devenir en fin de carrière « accompagnateur de collègue novice ». Prenons comme référence la Finlande qui possède un système de soutien des jeunes enseignants par un maitre en pédagogie pendant un an. Un plan de lutte a été lancé en 2010, ayant comme axes une campagne de sensibilisation au métier d’enseignants afin de recruter des professeurs motivés et compétents et le soutien accru des jeunes enseignants par une formule de tutorat.[31] »

L’UFAPEC pense qu’il est essentiel de donner un encadrement, un accompagnement aux enseignants en début de carrière, quel que soit leur âge, tout en promouvant aussi la formation pédagogique en parallèle.

Pour enseigner aujourd’hui, retenons qu’il faut « du savoir-faire, de la méthode, de la bonne volonté.[32] »

 

Alice Pierard

 

 

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[1]ROLLOT Olivier, « Devenir prof, pourquoi pas ? », article publié le 29 mars 2011, Le Monde.fr, http://orientation.blog.lemonde.fr/2011/03/29/devenir-prof-pourquoi-pas/

[2]« Devenir enseignant. Le métier change, la formation aussi », Brochure du Ministère de la Communauté française, 2001, pp 12-13

[3]« Devenir enseignant. Le métier change, la formation aussi », op cit., p 10.

[4]Idem, p 14.

[5]« Faut-il une formation pédagogique pour enseigner ? », Enseignons.be, http://www.enseignons.be/actualites/2012/06/16/formation-pedagogique-enseigner

[7]Source : « Diplômes et conditions pour enseigner », http://www.belgium.be/fr/formation/metier_d_enseignant/diplomes/

[8]Source : « Diplômes et conditions pour enseigner », http://www.belgium.be/fr/formation/metier_d_enseignant/diplomes/

[9]« Faut-il une formation pédagogique pour enseigner ? », op cit.

[10]« Et toujours cette pénurie de professeurs et instituteurs », Enseignons.be, http://www.enseignons.be/actualites/2012/05/25/penurie-professeurs-instituteurs

[11]LEHERTE Odile, « La pénurie d’enseignants qui frappe la Belgique devrait encore empirer », article publié le 12 février 2012, http://www.rtbf.be/info/societe/detail_la-penurie-d-enseignants-qui-frappe-la-belgique-devrait-encore-empirer?id=7558063

[12]DIVE Alice « Enseignants mutés ? Oui mais… », article mis en ligne le 14 janvier 2013, http://www.lalibre.be/actu/belgique/article/790072/enseignants-mutes-oui-mais.html

[13]« La problématique des « articles 20 » », Enseignons.be, http://www.enseignons.be/actualites/2010/11/23/problematique-articles-20

[14]Ibidem

[15]« Faut-il une formation pédagogique pour enseigner ? », op cit.

[16]Ibidem 

[17]Réponse de Marie-Dominique Simonet, Ministre de l’Enseignement obligatoire et de promotion sociale, à la question de M. Marcel Neven intitulée « réforme des titres et fonctions dans l’ensemble de l’enseignement secondaire », le 5 février 2013. http://archive.pfwb.be/1000000010ba06e?action=browse p 4

[18]Pour respecter l’anonymat des personnes interrogées, leurs noms ont été modifiés par des noms d’emprunt.

[19]PIRARD Pierre, Vous n’êtes pas des élèves de merde !, Les Editions de l’Arbre, 2011

[20]Idem, p 52

[21]Idem, p 15

[22]PIRARD Pierre, op cit., p 48

[23]Idem, p 53

[24]Idem, p 199

[25]MICHIELS Vincent, « Les enseignants entrant tardivement dans la profession. Quelles motivations, quels besoins et quelles modalités d’accompagnement ? », Mémoire présenté en vue de l’obtention du grade de master en sciences de l’éducation, Université Catholique de Louvain-la-Neuve, juin 2012, p 62

[26]Question de Mme Barbara Trachte à Marie-Dominique Simonet, Ministre de l’Enseignement obligatoire et de promotion sociale, intitulée « Accompagnement des enseignants débutants dans le cadre des négociations sectorielles », le 5 février 2013. http://archive.pfwb.be/1000000010ba06e?action=browsep 6

[27]Idem, p 8

[28]MICHIELS Vincent, op cit., P 93

[29]ROLLOT Olivier, op cit.

[30]P 3 de cette analyse

[31]MICHIELS Vincent, op cit., p 21

[32]MAULINI Olivier, « enseigner : une (re)définition du métier », 26 août 2004, p 3

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