Analyse UFAPEC Février 2022 par B. Loriers

01.22/ Les élèves membres du conseil de participation : figuration ou réel impact ?

Introduction

Le code de l’enseignement en Fédération Wallonie-Bruxelles prévoit que chaque école soit dotée d’un conseil de participation (CoPa) et qu’il y ait au sein de chaque CoPa de l’enseignement secondaire des représentants des élèves[1].

Pourtant, rendre un CoPa actif n’est pas toujours chose aisée et il arrive que dans certaines écoles les élèves ne soient pas représentés dans cet organe ou que leur parole soit peu prise en compte. D’où le thème de cette analyse : les élèves élus au CoPa peuvent-ils y jouer un rôle actif ou est-ce plus de l’ordre de la figuration ? Reçoivent-ils une formation pour exercer leur mandat, informer et représenter leurs pairs, s’exprimer, défendre et gérer un projet ? Les adultes leur donnent-ils la parole ? Ces élèves sont-ils bien informés sur le fonctionnement de l’école et ses contraintes humaines, financières, etc. ? Sont-ils écoutés au même titre que les adultes ? Ces élèves ne sont-ils pas confrontés à une hiérarchie scolaire qui biaise d’emblée le débat ?

Cette analyse aborde le droit pour les élèves d’être représentés, de participer à la démocratie scolaire, de s’impliquer dans la vie de l’école, de prendre leur place de citoyen dans la société que constitue l’institution scolaire.

Quel est le rôle du CoPa ?[2]

Rappelons au préalable que le CoPa est une instance qui depuis 1997 permet de réunir tous les partenaires d’une communauté éducative : pouvoir organisateur (PO), direction, équipe éducative et pédagogique, membres du personnel administratif et ouvrier, élèves, parents, associations en lien avec l’école. Espace d’exercice démocratique, le CoPa est un lieu d’échange, de consultation et de réflexion qui porte sur des enjeux essentiels pour les différents acteurs. Le CoPa est amené à rendre des avis, à adresser des remarques à la direction et au pouvoir organisateur sur le projet de l’école et sur le règlement d’ordre intérieur, à être tenu informé de certaines décisions prises par l’école… C’est aussi un lieu de construction de projets dans des domaines divers : éducation au respect de l’environnement, hygiène alimentaire, citoyenneté, activités sportives ou culturelles… Il s’agit donc d’un véritable outil de concertation à s’approprier pour améliorer la vie scolaire[3].

Comment les représentants des élèves au CoPa sont-ils choisis ? Le code de l’enseignement prévoit qu’ils soient élus en leur sein, après appel aux candidats, soit par l'ensemble des élèves de l'école, soit par l'ensemble des élèves du niveau secondaire de l'école, soit par l'ensemble des élèves du degré supérieur de l'enseignement secondaire[4].

La présence de représentants élèves est obligatoire dans l’enseignement secondaire, et facultative dans l’enseignement fondamental. Le code de l’enseignement précise que, dans l'enseignement fondamental, le pouvoir organisateur, sur proposition de deux tiers au moins des membres du conseil de participation, peut décider d'élargir le conseil de participation à des délégués d'élèves, soit de manière permanente, soit de manière occasionnelle[5].

Le pacte pour un enseignement d’excellence va dans le sens du code de l’enseignement en encourageant le développement d’une dynamique participative au sein même des classes, en cohérence avec la dynamique du conseil de participation[6].

Certains CoPa ne permettent pas une vraie représentation des élèves

Les CoPa sont une occasion pour les élèves de défendre leurs points de vue et de participer activement à la vie de leur établissement. Pourtant, dans les écoles, la participation des élèves n’est pas évidente, ni acquise une fois pour toutes, elle doit être apprise et testée régulièrement. Sur le terrain, les délégués des élèves sont confrontés à de nombreuses embûches : manque d’informations, de temps, langage compliqué de l’école, manque de formation, d’accompagnement, de considération, horaires des réunions inadéquats, etc. Nous avons rencontré Logan Verhoeven, coordinateur du Comité des élèves francophones (CEF), qui nous explique les obstacles que rencontrent les délégués des élèves qui participent au CoPa. Sur papier, la participation des élèves au CoPa est une très bonne initiative, mais quel accompagnement, quelle formation leur propose-t-on ? Quels temps l’école offre-t-elle pour cet investissement ? Les élèves ont déjà leur job qui est de participer aux cours et d’étudier. Du coup, qui peut y participer ? Ceux qui en ont le temps, donc qui ont des facilités dans les apprentissages. Cela met sur le côté une grande partie des élèves. De plus, le CoPa se situe à un autre niveau de représentation que les autres conseils d’élèves et on peut y être élu sans avoir le bagage nécessaire. Les adultes doivent penser à vulgariser le jargon scolaire, sans quoi le CoPa n’est accessible qu’à une élite d’élèves. Une autre difficulté que nous observons sur le terrain concerne les élections de ces élèves au CoPa, qui sont souvent organisées sur base d’un concours de popularité, ou par désignation d’un adulte. Est-on ainsi dans un véritable modèle démocratique ? Souvent on en est loin[7].

Les animateurs de l’UFAPEC entendent régulièrement que les délégués élèves ne servent à rien. Dès lors, même si le code de l’enseignement le prescrit, pourquoi organiser une élection ? En effet, selon certains PO et directions, les élèves ne sont pas capables de prendre la distance nécessaire à la réflexion et n’ont pas une vision globale de ce que représente la gestion et le fonctionnement de l’école. De plus, avec un changement chaque année, il n’y a pas de continuité dans la représentation, ce qui entraîne d’autres difficultés.

D’autres nous disent que ce sont les pigeons qui se retrouvent délégués. Pour creuser cette idée, nous avons rencontré le sociologue Bruno Derbaix[8], formateur de délégués élèves dans de nombreuses écoles, qui nous confirme que ce sont des réponses récurrentes quand on demande aux élèves comment se passe la délégation dans leur école. Il explique que le CoPa doit être intégré dans une culture d’école plus large de participation et de concertation. Les élèves qui représentent leurs pairs doivent être connectés aux autres élèves et aux enseignants. Le décret de 2007[9] propose une participation citoyenne des élèves au sein de leur école, mais dans les faits aujourd’hui, cette participation n’est valable que dans peu d’écoles. Le CoPa est révélateur de la dimension participative qui existe dans l’école[10]. Pour Bruno Derbaix, il est urgent que les institutions scolaires adoptent une transition citoyenne, pour que la citoyenneté qui existe dans beaucoup d’endroits en théorie passe à une citoyenneté vécue dans le quotidien scolaire. Cela prend du sens si on prévoit des espaces de concertation réguliers avec les élèves.

Une réelle participation des élèves dans certains CoPa

Notons que dans certaines écoles, le rôle de représentants des élèves au CoPa est pris au sérieux. Des délégués élèves bénéficient d’une formation et d’un accompagnement, ils y apprennent à représenter leurs pairs, à défendre les idées des autres élèves et à écouter d’autres points de vue. Nous avons rencontré Bérengère Dromelet, présidente du CoPa au Lycée Martin V de Louvain-la-Neuve. Elle nous a expliqué les aspects positifs de cette fonction. Elle est essentielle car les élèves sont à l’école pour acquérir certains apprentissages, dont ceux qui touchent à la citoyenneté : qu’est-ce que représenter les élèves, comment animer un débat, etc. ? Ensuite, les élèves ont des choses à dire sur leur vécu scolaire, sur leurs difficultés et il faut les écouter si on ne veut pas qu’ils soient de simples consommateurs de l’école. La parole des élèves délégués au CoPa est moteur de changement, même si les élèves ne connaissent pas toujours la marge de manœuvre possible dans notre école. La formation de ces élèves est aussi essentielle. J’observe que nos délégués élèves sont assez taiseux lors de nos réunions du conseil de participation. Mais depuis quelques années, ils ont la chance d’être suivis par Bruno Derbaix, qui leur apprend à prendre la parole, à défendre un point de vue, à écouter les autres avis. Depuis qu’ils bénéficient de cette formation, les délégués ont intégré davantage la notion de représentativité[11]. Au Lycée Martin V, l’usage d’outils numériques, formulaires « google form » par exemple, qui se développent de plus en plus, permet aux délégués de travailler sur base de sondages à destination des élèves. Un autre exemple : pendant la pandémie, les délégués élèves ont pris la parole au CoPa pour donner un écho sur le vécu des élèves, notamment à propos de la pression que vivent les élèves au 3e degré, ou à propos de l’enseignement hybride. Grâce à cela, l’école a constaté que le fait de venir en classe une semaine sur deux était très difficile à vivre pour eux, donc l’école s’est adaptée.

Pistes pour améliorer la représentation des élèves au CoPa

Quelles sont les compétences à travailler avec les élèves, au CoPa, mais aussi à tous les niveaux de concertation ? Pour Bruno Derbaix, la base de la démocratie est avant tout d’apprendre à parler ensemble. Ensuite, il faut apprendre aux élèves à trouver des solutions, à prendre des décisions et enfin de passer de la discussion à l’action, pour que leur participation ait un impact, et que ces élèves aient envie de s’investir dans l’école et dans leur futur parcours citoyen. Pour ce faire, les équipes pédagogiques et les élèves ont besoin de formation pour apprendre à se concerter et à participer à la vie de l’école, mais il faut aussi un suivi pour les aider à changer les pratiques et à assurer cette transition citoyenne[12].

Nos observations dans les écoles vont vraiment dans le sens de la nécessité d’un adulte-ressource pour organiser la délégation des élèves et leur représentation au CoPa. Bérengère Dromelet appuie cette nécessité quand elle explique que, pour éviter que les délégués représentant les élèves au CoPa ne viennent que pour la façade, il est important qu’il y ait une personne-ressource qui les prépare, les accompagne, les outille et que cette personne soit reconnue institutionnellement, c’est-à-dire qu’elle bénéficie de NTPP[13] pour la coordination des délégués élèves. La Fédération Wallonie-Bruxelles devrait permettre de financer cette personne-ressource. Enfin, pour le moment, nos conseils de participation ont lieu pendant le temps de midi.[14]. Ce que la présidente du CoPa du Lycée Martin V souhaiterait encore, c’est que les grilles horaires des cours tiennent compte et institutionnalisent les conseils d’élèves, que ces derniers soient davantage reconnus en donnant un « vrai » temps aux délégués pour qu’ils se concertent.

Une autre piste de solution pour que la représentation des élèves au CoPa soit vraiment efficace est de faire évoluer la représentation qu’ont les adultes du CoPa sur les élèves qui y participent. Pour Logan Verhoeven, coordinateur du CEF, Il faudrait permettre aux adultes de changer de paradigme par rapport à ces élèves : ne pas les voir comme des jeunes bénéficiaires de l’école, comme des enfants, même si une adaptation, une « vulgarisation » est nécessaire, mais comme des partenaires à part entière, ayant le même poids décisionnel[15].

Pour l’UFAPEC, cette fonction de délégués élèves au CoPa n’est efficace que si elle est liée à une formation et un accompagnement. De manière plus globale, l’UFAPEC demande d’installer durablement au sein de chaque école des structures favorisant l’éducation à la citoyenneté. Nous pensons que des élèves formés à la citoyenneté, apprenant à porter et à défendre leurs points de vue et leur identité, ainsi qu’à respecter ceux des autres, seront moins portés vers de la violence et les incivilités (tant au sein de l’école que de la société)[16].

Conclusion

Chaque CoPa devrait se demander si les délégués des élèves qui y participent ont la possibilité de se former, de s’informer, de consulter leurs pairs, de défendre leur avis, afin que la participation des élèves dépasse l’obligation décrétale et devienne un réel enjeu de démocratie scolaire. Retenons que ce poste de représentant des élèves au CoPa doit pouvoir être accessible à tous les élèves, et pas uniquement à ceux qui ont des facilités au niveau de leurs apprentissages et donc qui ont du temps. Cela demande du temps et de l’énergie de vulgariser le jargon scolaire pour les adultes-ressources. De plus, les élections ne doivent pas nécessairement mettre à l’honneur l’élève populaire, ni celui désigné d’office.

Cette analyse met l’accent sur les représentations qu’ont les adultes sur les élèves qui participent au CoPa : la parole des élèves n’a pas toujours autant de poids que celle des adultes. Pourtant, les élèves sont les premiers concernés par le vécu scolaire et ont des idées pour l’améliorer. C’est dans ce sens qu’il est utile de les écouter, afin qu’ils dépassent le stade de consommateurs et qu’ils participent activement à la vie de leur école. Le CoPa est réellement l’endroit où les élèves ont une place pour mettre sur pied des projets, en collaboration avec tous les autres acteurs.

La réalité du terrain nous montre que, pour que leur participation au CoPa soit vraiment efficace, une formation et un accompagnement sont nécessaires pour apprendre aux jeunes à redécouvrir et construire la loi scolaire avec les adultes[17], à prendre la parole, à écouter celle des autres et à développer un esprit critique. La transition citoyenne, dont parle Bruno Derbaix, ne sera possible que si l’école laisse la possibilité aux élèves de prendre la parole à tous les niveaux, pas uniquement au CoPa, et que si cette parole est suivie d’impacts réels pour changer l’école et en faire un lieu bienveillant, garantie de réussite scolaire et d’apprentissage du vivre ensemble.

 

Bénédicte Loriers

 


[1] Décret portant les livres 1er et 2 du code de l’enseignement, chapitre III, article 1.5.3-2§1, gallilex - code

[2] L’UFAPEC et la FAPEO ont publié une brochure pour expliquer l’opportunité que constitue le CoPa dans chaque école. Démocratie scolaire, la représentation collective des parents au conseil de participation, 2019, UFAPEC - brochure CoPa

[3] UFAPEC et FAPEO, op cit.,  p. 4.

[4] Décret portant les livres 1er et 2eme du code de l’enseignement, chapitre III, article 1.5.3-2§1.

[5] Décret portant les livres 1er et 2 du code de l’enseignement, chapitre III, article 1.5.3-2§1.

[6] Pacte pour un enseignement d’excellence, avis n°3 du groupe central, p. 309, avis n°3 - pacte

[7] Interview de Logan Verhoeven réalisée par Bénédicte Loriers le 3 février 2022.

[8] Bruno Derbaix est formateur et expert sur les questions liées à l’éducation active à la citoyenneté. Il est l’auteur de l’ouvrage Pour une école citoyenne, Vivre l’école pleinement (éditions La boite de Pandore, 2018). Il est aussi coordinateur de l’association : « Les ambassadeurs d’expression citoyenne » : https://ambassadeurs.org/

[9]Décret relatif à la citoyenneté responsable de 2007 : gallilex - décret relatif à la citoyenneté responsable

[10] Interview de Bruno Derbaix réalisée par Bénédicte Loriers le 10 février 2022.

[11] Interview de Bérengère Dromelet réalisée par Bénédicte Loriers le 2 février 2022.

[12] Interview de Bruno Derbaix, op cit.

[13] NTPP : Nombre total de périodes professeurs.

[14] Interview de Bérengère Dromelet réalisée par Bénédicte Loriers le 2 février 2022.

[15] Interview de Logan Verhoeven réalisée par Bénédicte Loriers le 3 février 2022.

[17] LORIERS Bénédicte, L’école doit-elle construire sa loi avec les élèves ?: analyse UFAPEC 2020 n° 17 : https://www.ufapec.be/files/files/analyses/2020/1720-loi-scolaire-eleves.pdf

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