Analyse UFAPEC Avril 2023 par JP. Schmidt

02.23/ L’explosion de l’option sport-études : une autre manière de vivre l’école ?

 Le sport est dépassement de soi. Le sport est école de vie. 
Aimé Jacquet

Introduction

Dans notre société en constante évolution, l’école et ses programmes d’enseignement tentent de maintenir le cap. Le jeune a toujours été confronté à la quête de sens, mais peut-être encore plus aujourd’hui. Le dérèglement climatique, la pandémie, les guerres dans le monde, etc., questionnent nos enfants. Si l’école, lieu de vie par excellence du jeune, peut participer à alimenter sa quête de sens, son envie d’apprendre en serait multipliée. Depuis quelques années, la Fédération Wallonie-Bruxelles (FWB) voit dans les différentes offres d’enseignement, une croissance importante de l’option sport-études. Le nombre d’élèves y a presque doublé, tous réseaux confondus. Nous verrons que, en dix ans, l'inscription dans l’option sport-études a plus que triplé dans l'enseignement catholique. Mais il est vrai que cette augmentation significative touche encore peu de jeunes. Ceux-ci sont en demande et des projets de nouvelles options en sport-études sont en développement, mais cette mise en place prend du temps.

Pourquoi cette option sport-études est-elle en pleine expansion ? Est-ce que l’école dite traditionnelle ne satisfait plus ? Cette option répond-elle à une quête de sens, à savoir pratiquer son sport favori dans son école ? Qu’apporte cette option aux jeunes ? Y trouve-t-on un bon équilibre de vie ou bien un stress décuplé ?

Qu’entend-on par l’option « sport-études » ?

De nombreuses écoles secondaires proposent, dans le cadre de leurs cours, l’option éducation physique. Ici, nous parlons bien de l’option de base groupée (OBG) sport-études. Ces écoles proposent donc un sport en particulier (football, basket, hockey, rugby, tennis, cyclisme, etc.). Les élèves pratiquent le sport choisi à hauteur de 8 à 10 périodes (de 50 minutes) en moyenne par semaine. Cette option est disponible dans les écoles à partir du troisième degré du secondaire. La grille horaire de l’élève est complétée par la partie « formation commune » (français, mathématiques, langues, religion, etc.).

Les enfants fréquentant l’option sport-études se trouvent dans la filière « technique de transition » avec obtention du certificat d’enseignement secondaire supérieur (CESS) et accès possible aux études supérieures.[1]

  • Les objectifs

Cette option a pour ambition de proposer aux jeunes de pratiquer un sport qui leur plait et de pouvoir concilier vie scolaire et vie sportive afin que chacun et chacune puisse s’épanouir au mieux. Un flyer de l’Institut de la Providence à Woluwe-Saint-Lambert exprime cette idée sous le prisme de la liberté : Concrètement, c'est aider l'élève à se connaître et à rêver son devenir. En fait, le rendre libre...[2]

  • Les chiffres

Entre 2013 et 2022, le nombre d’élèves de l’option sport-études en FWB est passé de 827 à 1328.[3] En même temps, dans le réseau libre catholique, le nombre d’écoles proposant cette option est passé de trois à sept et le nombre d’élèves inscrits est passé ces dix dernières années de 112 à 407, soit une augmentation de 363 %.[4]

Il y a pour le moment 21 écoles en FWB, dont 7 dans l’enseignement catholique qui proposent l’option sport-études. De nouveaux projets sont en route, mais le processus d’ouverture est long. La programmation de l’option sport-étude est soumis à conditions, comme, par exemple, la situation géographique (ne pas proposer le même sport dans deux écoles séparées de 10 km), ou les ressources en matériel disponibles (infrastructures, terrains) ou, encore, les ressources humaines (personnes qualifiées et reconnues).

L’option sport la plus représentée est le football, mais d’autres sports comme le hockey, le basket, le tennis et le judo sont accessibles. Certaines écoles proposent plusieurs disciplines sportives. Il n’est pas rare que des écoles qui développent une ou plusieurs options sous le format sport-études disposent ou soient en lien avec un internat.

  • Les programmes

L’article 1.4.3-1. - § 1er du code de l’enseignement stipule que dans le degré supérieur de l’enseignement secondaire de transition, l’élève est amené à développer :

1° les compétences terminales et savoirs communs requis de l’ensemble des élèves ;

2° les compétences terminales et savoirs requis dans les différentes disciplines de la section de transition ;

3° les compétences minimales en matière de communication dans une langue moderne autre que le français à l’issue de la section de transition.[5]

A noter également que c’est à la commission des programmes de vérifier si les programmes d’études proposés par ces écoles sont de nature à rencontrer les attendus définis dans les référentiels correspondants.

Une formation pertinente ?

Au regard du programme, le jeune pratiquant un sport durant son cursus scolaire pourrait-il se la couler douce ? Pourquoi une telle augmentation de la fréquentation de cette option, même si elle reste marginale ?

  • Un esprit sain dans un corps sain ?

Des spécialistes pensent que cette option offre des possibilités aux jeunes de maintenir un bon équilibre de vie entre la pratique du sport choisi et leurs études. L’option sport-études semble être une solution ambitieuse qui vise à optimiser leur développement personnel et sportif. Cela permet à des élèves de trouver un équilibre scolaire à travers la pratique sportive et cela permet aussi aux écoles de diversifier leur offre scolaire. Robin Geens[6] va même plus loin : Le sport, c’est l’école de la vie. L’un des meilleurs refuges pour retrouver des valeurs qui ont du sens : dépassement de soi, volonté, fair-play, entraide. C’est un projet porteur qui va au-delà du sport.[7]

  • Des limites à considérer ?

Des spécialistes s'inquiètent des risques liés à la santé et à la sécurité des élèves. D'autres encore sont préoccupés par le fait que ceux-ci peuvent être poussés à l'extrême et à l'épuisement en raison de l'intensité des entraînements et des études, surtout si cela s’ajoute à des entraînements intensifs hors-école.

Un rapport de 2018 de l’Académie de médecine française[8] montre bien que la pratique d’un sport par un adolescent est conseillée pour sa santé et son bien-être psychique. En revanche, une pratique sportive intensive au-delà de 20 heures par semaine peut être néfaste sur la croissance, le développement osseux, le métabolisme et le développement pubertaire. Dans un article scientifique[9], le docteur Patrick Baquaert revient sur une étude américaine montrant qu’une discipline sportive pratiquée de manière excessive peut avoir, par exemple, des conséquences dramatiques sur le cœur.

Nous l’avons vu, l’option sport-études recouvre 8 à 10 périodes par semaine. Si l’adolescent pratique intensément son sport de prédilection en dehors de son cursus scolaire en sport-études, une surveillance médicale semble indiquée.

  • Des préjugés à soulever ?

A côté de ces limites dans la pratique d’un sport, des parents pensent que leurs enfants vont se fermer des portes en choisissant ce genre d’option et pensent même qu’ils seraient la risée de leurs camarades en choisissant le sport-études, option parfois perçue comme « ludique et vacancière ». De plus, le sport-études, c’est une option de la filière technique (de transition) et, pour certains parents, c’est perçu comme moins prestigieux que l’enseignement général. Les préjugés restent tenaces. Pourtant, nous l’avons dit, l’option sport-études s’accompagne d’une formation commune solide et permet d’obtenir le CESS à l’issue du parcours.

Une recherche de l’Université de Liège[10] montre que l’organisation d’une option sport-études présente des implications favorables concernant autant les « sportifs » que leurs condisciples. Il existe bien une attitude positive des élèves et un développement particulier de relations sociales entre les groupes d’élèves.

Une formation accessible à tous ?

Les écoles n’attendent pas dans leur établissement la nouvelle Nafissatou Thiam ou les nouveaux John-John Dohmen et Eden Hazard. Ces écoles se démarquent en proposant quelque chose de différent ou de nouveau. Soit cela permet à certains élèves de se perfectionner dans leur sport de prédilection, soit simplement à d’autres de ne pas rester collés sur leur chaise, soit, enfin, de se réconcilier avec l’école et de ne plus être en décrochage scolaire.

Le stress de ces étudiants se situe au niveau médical : la peur de la blessure qui peut handicaper un élève durant une période donnée. Est-ce que tous les élèves ont la possibilité d’être suivi par un médecin ?

Autre élément important pour les écoles proposant cette option, c’est le coût que cela peut engendrer pour les familles. Certains sports, comme le hockey, sont qualifiés de chers. Aux écoles de rester attentives afin de pouvoir accueillir tout élève voulant s’inscrire dans cette filière.

Conclusion

Il est évident que l’essor de l’option sport-études, bien que cela ne touche pas encore beaucoup d’élèves, est un fait. L’implémentation d’une telle option prend, comme nous l’avons dit plus haut, du temps et doit répondre à de nombreuses conditions.

L’engouement pour cette option, qui doit rester accessible à tous les enfants, montre aux établissements la possibilité de réfléchir à de nouvelles options dans leur offre d’enseignement.

Nous l’avons vu, se retrouver en technique de transition pose encore certaines questions, mais la formation doit rassurer tout un chacun. Développer l’option sport-études ne signifie pas pour autant que la formation commune proposée par l’école n’est pas ambitieuse et ne permet pas un véritable parcours de réussite dans le supérieur et tout au long de la vie. Les adolescents de cette filière recherchent de la nouveauté, la pratique de leur sport favori, une bonne formation et parfois l’envie de se réconcilier avec l’école. Aux jeunes, et à leurs parents, de rester vigilants pour ne pas pratiquer leur sport de manière excessive et pouvoir se faire suivre médicalement afin d’éviter les blessures.

Dans son mémorandum de 2019, l’UFAPEC revendique l’importance de l’épanouissement personnel et le plaisir d’apprendre. Notre organisation insiste pour que la filière de transition assure les requis nécessaires et dote les élèves d’une méthode de travail et d’une gestion du temps utiles en vue de leurs études supérieures[11]. L’UFAPEC revendique également une école du bien-être en veillant à ce que chaque enfant bénéficie d’une qualité d’infrastructure suffisante et saine pour son bien-être et nécessaire à son apprentissage et son épanouissement.[12]

Dans l’avis n°3 du Pacte pour un enseignement d’excellence, l’axe 5[13] appuie cette importance du bien-être pour les enfants, autour de deux lignes de force pertinentes pour notre sujet : des infrastructures scolaires en quantité et qualité suffisantes pour tous les élèves et un développement de la qualité de la vie à l’école.

En choisissant, l’option sport-études, de nombreux jeunes semblent s’offrir une scolarité épanouie et un avenir teinté de sérénité. N’est-ce pas cela l’essentiel ?

 

Jean-Philippe Schmidt

 

 


[1] La section humanités de transition vise essentiellement à la préparation à l'enseignement supérieur. Elle peut aussi permettre l'entrée dans la vie professionnelle. – Article 1.2.1-6 du Code l’enseignement :

https://www.ejustice.just.fgov.be/cgi_loi/change_lg_2.pl?language=fr&nm=2019A30854&la=F

[2] Repris du flyer de l’Institut de la Providence à Woluwe-Saint-Lambert : https://754fb0c0-e608-4e64-83c6-2fca8f251ee1.filesusr.com/ugd/208b63_eca1141c5c5748e88f5bd876ffba8806.pdf

[3] Informations reçues par mail le 13 janvier 2023 de la part de Vincent Winkin, chargé de mission et responsable de direction à la Direction de l'Organisation des établissements d'enseignement secondaire ordinaire.

[4] Bernaerts, M., Le sport-études en plein boom : « Certains parents voient encore ça négativement alors que c’est tout le contraire », in DH les Sports, 30 novembre 2022, https://www.dhnet.be/actu/belgique/2022/11/30/le-sport-etudes-en-plein-boom-certains-parents-voient-encore-ca-negativement-alors-que-cest-tout-le-contraire-INK6JFXJB5DLFO2XYXXFAUTX3Q/

[5] Code de l’enseignement, op cit.

[6] Robin Geens est le coordinateur de la section sport-études hockey à l’Institut des Sacrés-Cœurs de Waterloo.

[7] Geens R., in Entrée libres, p. 9 http://www.entrees-libres.be/numeros/numero_173/

[8] Lebouc Y., Duhamel J.-F. et Crépin G., Conséquences de la pratique sportive de haut niveau chez les adolescentes : l’exemple des sports d’apparence, rapport de l’académie nationale de médecine française adopté le 4 mars 2018 https://www.academie-medecine.fr/wp-content/uploads/2018/12/Consequences-de-la-pratique-sportive-de-haut-niveau-chez-les-adolescentes-Version-07-11-2018-1.pdf

[9] Bacquaert P., Courir peut nuire à la santé, article en ligne de l’institut de recherche et du bien-être, de la médecine et du sport santé, 2013, https://www.irbms.com/courir-peut-nuire-a-la-sante/

[10] Cloes M., Schelings V., Ledent M., Sport-études : Comparaison des caractéristiques motivationnelles et des relations sociales des élèves sportifs et de leurs condisciples, 2002, article en ligne, https://orbi.uliege.be/handle/2268/10187

[12] Mémorandum UFAPEC 2019, p. 19

[13] Assurer à chaque enfant une place dans une école de qualité, et faire évoluer l’organisation scolaire afin de rendre l’école plus accessible, plus ouverte sur son environnement et mieux adaptée aux conditions du bien-être de l’enfant. Avis n°3 du Pacte, p. 28, https://www.ufapec.be/files/files/chantiers-ufapec/pacte-excellence/2017-03-07-Avis3-GC-complet.pdf

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