Analyse UFAPEC Mai 2023 par A. Pierard

03.23/ Le congé parental : plus de temps pour le suivi scolaire ?

Introduction

Le congé parental est un droit individuel, reconnu pour tous les parents, afin de s’impliquer auprès de leur enfant.

Certains parents prennent ce congé dès le plus jeune âge de l’enfant pour tisser le lien et accompagner les premières fois. D’autres le prennent plus tard, quand l’enfant est en âge scolaire.

Quels sont les intérêts de profiter de ce congé quand l’enfant est à l’école ? Cela permet-il plus de temps pour soi ? Pour l’accompagnement et le suivi scolaire ? Pour l’implication dans l’école de son enfant ?

Avoir du temps pour ses loisirs personnels, les courses, le ménage, les tâches administratives, est-ce l’objectif ? Ou le but est-il de s’impliquer en tant que parent dans la scolarité de son enfant ?

Le congé parental, un droit[1]

Le congé parental est une forme spécifique d’interruption de carrière vous permettant de suspendre ou de réduire temporairement vos prestations pour vous occuper de votre / vos enfant(s). Durant cette interruption, vous pouvez obtenir une allocation, payée mensuellement par l’ONEM.[2]

La réglementation du congé parental peut varier selon le secteur professionnel (privé, public, enseignement, etc.).

Un lien de parenté avec l’enfant pour lequel le congé parental est sollicité est obligatoire. Selon les situations familiales, cela concerne donc le parent biologique, le parent ayant reconnu l’enfant, le parent adoptif ou le co-parent. Pour le même enfant, chacun des deux parents a droit au congé parental, mais ce droit ne peut pas être transféré à l’autre parent si l’un des deux n’en fait pas usage.

Le congé parental doit être entamé avant les 12 ans de l’enfant (21 ans si l’enfant est atteint d’un handicap).

La durée du congé parental dépend de la forme d’interruption demandée : interruption complète, à mi-temps, d’un cinquième ou d’un dixième temps.

Une évolution grimpante

Grâce aux mesures rendant le congé parental plus flexible, les chiffres montrent une réelle évolution du nombre de parents demandant à faire usage de ce droit. [3]

Dans l’étude de l’institut pour l’égalité des femmes et des hommes, un tableau et un graphique[4] reprennent l’évolution du nombre d’utilisateurs du congé parental. Les constats : une explosion des chiffres et une utilisation de leur droit de plus en plus importante par les pères. Le congé parental est le congé qui enregistre la plus forte progression en termes de nombre d’utilisateurs depuis 2008. Ceux-ci ont augmenté de 85% entre 2008 et 2017. La progression la plus importante concerne le nombre de pères : + 172% entre 2008 et 2017.[5]

Il y a des parents qui ne demandent pas leur congé parental. En dehors du sexe, cela dépend-t-il de l’information, du secteur, d’un blocage psychologique, de la peur de perdre son emploi, de la crainte d’être mal vu par l’employeur ?

Afin de profiter de ce congé tout en maintenant son activité professionnelle, la majorité des parents apprécie et utilise une réduction des prestations plutôt qu’un congé à temps plein. La formule de réduction des prestations d’1/5 est celle qui semble le mieux convenir.[6]

Même si de plus en plus de pères prennent un congé parental, la majorité des utilisateurs du congé parental reste féminine. En 2017, les femmes représentent 67 % des utilisateurs de ces périodes et les hommes 33 %.[7] Est-ce lié aux rôles stéréotypés dévolus à chacun : papa au travail et maman à la maison ? Heureusement, les choses évoluent, mais cela prend du temps de changer les regards sur le rôle des pères et le congé parental dans notre société. Comme en fait état la ministre portugaise et présidente de la commission nationale des affaires familiales, la société et les pères doivent comprendre que s’occuper de leurs enfants n’est pas seulement un devoir, mais un droit. La paternité responsable doit être considérée comme faisant partie intégrante du concept de citoyenneté.[8]

Plus de temps pour soi ?

Quand on prend un congé parental, c’est pour exercer sa parentalité, mais aussi pour souffler un peu. Des parents se disent que c’est un moyen de prendre un mois de vacances ou de diminuer son temps de travail afin d’avoir du temps pour soi. Dans ce cas, l’objectif de ce congé est-il de se centrer sur son enfant ou sur soi ?

Thomas, papa d’un garçon de 9 ans, en témoigne. Quand j’ai voulu prendre mon congé parental, c’était effectivement pour passer plus de temps avec mon fils, Simon, mais aussi pour avoir du temps pour moi dans la semaine. Fort pris par mon boulot et la longueur des trajets, j’avais besoin de souffler. J’ai donc demandé un congé parental à 1/5 temps pour être plus cool le mercredi pendant deux années scolaires. Je gérais les trajets à l’école ce jour-là, j’avais donc plus de contacts avec l’institutrice. Je passais l’après-midi avec Simon, à l’aider pour ses devoirs mais aussi faire diverses activités à deux. Le matin, j’avoue que c’était mon petit plaisir personnel. Je me suis remis à la course à pied. C’est peut-être égoïste, mais je suis content d’avoir pu prendre du temps pour moi pendant ces 20 mois, le mercredi matin. Et puis, c’était aussi tout bénéfice pour Simon et ma femme. J’étais plus zen. Maintenant, j’ai repris le boulot à temps plein, mais je limite les heures supplémentaires, car je veux continuer à passer plus de temps avec eux.[9]

Comme Thomas, d’autres parents profitent de leur congé parental pour se donner du temps pour leurs loisirs personnels. Même si ce n’est pas le but premier du congé parental, n’est-ce pas aussi profitable à la vie de famille ? Si le parent a du temps pour lui et s’occupe de lui, il sera mieux disposé pour accompagner son enfant.

Plus de temps pour le suivi scolaire ?

Marie, maman de trois enfants dans le fondamental, est en train de profiter d’un mi-temps parental pour une période de 8 mois. Depuis le mois de novembre, je suis en congé parental pour Léa. Elle est en quatrième primaire et vu ses difficultés scolaires, elle a besoin de notre aide. Avec l’accord de mon employeur, j’ai adapté mon horaire et pris mon congé parental à mi-temps afin d’être présente pour les enfants le mercredi après-midi et au moment des devoirs. Je vois que cela fait du bien à Léa d’être soutenue pour les devoirs mais que ma présence est bénéfique aussi pour Tom qui est en deuxième primaire. Lucie est en troisième maternelle, elle n’a pas encore de devoirs, mais elle est contente de passer plus de temps avec moi aussi. Avant, ils étaient à la garderie et ce n’était pas du tout la même organisation. Les enfants ne veulent pas que mon congé s’arrête.[10]

Ayant pris ce congé pour son ainée, Marie compte exercer ce droit pour ses deux autres enfants en période scolaire, afin d’être à nouveau présente pour eux dans le cadre de leurs apprentissages. J’ai encore droit à un congé parental pour Tom et Lucie. Mon mari a aussi son congé à prendre pour les trois enfants, mais il ne sait pas comment cela sera pris par son employeur. On ne sait pas encore lequel et sous quelle forme, mais c’est sûr que l’un de nous deux prendra un congé parental lorsque Lucie sera en première primaire et lorsque Léa sera en première secondaire. Nous pensons important d’être présents pour nos enfants lors de ces années de transition.

Dans la philosophie de ce droit, prendre un congé parental, c’est :

  • se donner plus de temps pour exercer son rôle de parent ;
  • soutenir les progrès de son enfant ;
  • être là et avoir du temps à accorder à son enfant.

Dans leurs recherches, Franziska Muller et Alma Ramsden font part d’effets positifs possibles du congé parental sur la scolarité :

  • Le congé parental tend à exercer une influence positive sur le développement cognitif et la réussite scolaire des enfants.
  • Le congé parental pris par les pères entraine un plus grand engagement de ceux-ci, ce qui se répercute positivement sur les résultats scolaires des enfants. [11]

Ces effets positifs possibles ne sont pas généralisables, car cela dépend de la forme et la durée du congé parental, de l’organisation familiale, de l’investissement auprès de l’enfant, etc. Un parent qui prend quatre mois à temps plein ne vivra pas son congé parental comme celui qui prendra vingt mois à 1/5e temps.

Plus de temps pour l’implication dans l’école de son enfant ?

Pendant un congé parental en période scolaire, le parent augmente ses liens avec l’école et les possibilités de rencontrer et discuter avec les enseignants et les autres parents d’élèves. Cela peut donc avoir un impact positif sur le partenariat parents-école.

En ayant plus de temps pour lui, le parent peut aussi décider de donner plus de temps à l’école et s’impliquant dans l’association de parents ou le conseil de participation.

Thomas peut en témoigner. Ayant créé plus de contacts avec les enseignants et les autres parents à la grille de l’école, je me suis rendu compte de tout ce qui s’y passe et de l’importance de notre implication. C’est pourquoi, depuis l’année passée, je me suis proposé pour représenter les parents au conseil de participation. C’est un lieu de débat où nous pouvons, en tant que parents d’élèves, participer à la vie de l’école. Mon congé parental m’a ouvert les yeux.

Conclusion

Des mesures politiques favorables à la famille, comme le congé parental, ont des avantages pour les familles (enfants et parents), mais aussi pour la société. Les mesures politiques favorables aux familles renforcent clairement l’effet égalisateur du congé parental pour ce qui est de la répartition du travail entre hommes et femmes et des stéréotypes de genre.[12] Les chiffres présentés sont une preuve de l’évolution dans ce sens. Nous observons toutefois des réticences à demander un congé parental par crainte de la réaction de l’employeur, même si le souhait est bien présent (comme dans le cas de l’époux de Marie). Il serait d’ailleurs intéressant d’étudier si cette réticence est plus forte selon le secteur, ou selon que le demandeur est un homme ou une femme. Il y a encore du chemin avant que tous les parents puissent exercer leur droit à ce congé.

Un bon équilibre entre travail et vie de famille est bénéfique à de nombreux égards : développement de l’enfant, accompagnement scolaire, liens familiaux, etc. Retenons ici l’importance de construire un lien solide avec son enfant, ou d’assurer un suivi scolaire.

Afin de permettre aux femmes et aux hommes de participer à la vie de famille et d’être présents pour leurs enfants, l’UFAPEC appuie l’intérêt d’un droit individuel au congé parental pour une égalité dans l’exercice de sa parentalité et l’exercice par tous les parents de ce droit.

Les répercussions d’un congé parental quand l’enfant est en âge scolaire sont hétérogènes, car cela dépend de plusieurs facteurs, plus particulièrement de la forme et la durée du congé. Chaque parent devrait pouvoir user de son droit comme il le sent afin d’être présent pour son enfant.

 

Alice Pierard

 

 


[1] Toutes les informations légales et pratiques sont disponibles sur le site de l’ONEM. Sur cette même page, des réponses sont apportées aux diverses questions que les parents se posent au sujet de ce congé. Pour plus d’informations : Congé parental (onem.be)

[2] Congé parental, site de l’ONEM, page mise à jour le 7 avril 2023, Congé parental (onem.be)

[3] Institut pour l’égalité des femmes et des hommes, Etude sur la dimension de genre du congé parental, du crédit-temps et de l’interruption de carrière, 2019, La dimension de genre du congé parental, du crédit-temps et de l'interruption de carrière | Institut pour l'égalité des femmes et des hommes (belgium.be)

[4] Idem, p. 7.

[5] Idem, p. 21.

[6] Institut pour l’égalité des femmes et des hommes, op cit., p. 21.

[7] Idem.

[8] DREW E., Le congé parental dans les états membres du conseil de l’Europe, Strasbourg, 2005, p. 13.

[9] Témoignage recueilli le jeudi 6 avril 2023. Afin de rendre ce témoignage anonyme, nous avons utilisé des prénoms d’emprunt.

[10] Témoignage recueilli le mardi 18 avril 2023. Afin de rendre ce témoignage anonyme, nous avons utilisé des prénoms d’emprunt.

[11] MULLER F. et RAMSDEN A., Connaissances scientifiquement fondées sur les effets du congé parental, du congé maternité et du congé paternité, revue de la littérature à l’intention de la commission fédérale de coordination pour les questions familiales, Lucerne, 2017, pp. 48-49.

[12] Idem, p. 62.

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