Analyse UFAPEC avril 2016 par JP. Schmidt

05.16/ Service PSE, un acteur de première ligne méconnu

Introduction

Pour qu’il puisse réussir à l’école, il est essentiel que l’enfant soit encadré par des enseignants bien formés, mais force est de constater que cela n’est pas toujours suffisant. D’autres paramètres sont à prendre en compte comme la santé, les conditions de vie et, notamment, l’augmentation de la pauvreté des enfants et des adolescents, l’environnement, le contexte familial… Certaines familles risquent de vivre des situations financières difficiles : perte d’emploi, problèmes de santé d’un enfant, précarité de logement, éclatement des familles, deuil... Toutes ces situations peuvent avoir un impact sur l’enfant, sa scolarité, son développement, son bien-être. En effet, l’apparition ou le développement de problèmes de santé liés à un manque de soins médicaux, dentaires ou à une mauvaise alimentation suscitent des interrogations. Pour porter et élever nos enfants, notre société ne devrait-elle pas se doter de structures qui leur permettent de grandir en toute sérénité ? En Belgique francophone, deux institutions s’occupent de manières diverses du bien-être psychique et physique de l’enfant : les centres PMS et les Services de Promotion de la Santé à l’Ecole (SPSE)[1]. Dans une précédente analyse, nous envisagions les missions spécifiques du CPMS[2]. Nous nous limiterons ici aux missions des SPSE. Nous verrons que les SPSE ont évolué au fil du temps pour essayer de répondre aux transformations de notre société dans le domaine de la santé, nous examinerons en quoi ils peuvent être utiles à l’élève, l’école, aux parents, à la société en général. Ses missions et ses services sont-ils bien compris par tous ?

 

Ensuite, nous aborderons les difficultés rencontrées par les SPSE. Ils sont fort sollicités et mis sous tension, mis en question. Alors que les ressources allouées restent faibles, des missions claires sont données aux SPSE, mais le temps escompté semble dérisoire. Les SPSE peuvent-ils être efficaces avec un tel manque de moyens ? Mais s’ils n’étaient plus là, qui accompagnerait ces jeunes en déficit de suivi médical ? Qu’apporte le volet contraignant et obligatoire du service ?

 

Le Service de Promotion à la Santé

Historique

Jacqueline Valange, directrice du SPSE de Wavre[3] nous commente le volet historique. Elle insiste sur la compréhension de la prise en compte de la santé à l’école. « Depuis que la scolarité est obligatoire, le politique a dit qu’il fallait protéger les enfants de différents problèmes de santé qui pourraient arriver du fait du groupe. Ça, c’est l’idée générale. »

 

Dans les faits, en 1961, un arrêté royal parait. Celui-ci détermine les modalités de lutte médico-sociale contre la tuberculose. Ce même arrêté définit la notion de « Centre de Santé » comme lieu de pratique de divers services de médecine préventive.

 

En 1964, une loi sur l’Inspection médicale scolaire est votée. Elle organise un service de médecine préventive à destination des enfants et des jeunes. Le bilan de santé et son suivi ainsi que la prophylaxie[4] des maladies transmissibles en constituent les actions les plus visibles. On se situe à ce moment dans un objectif de santé publique et d’amélioration des conditions de santé et d’hygiène dans la population.

Début 1980, un nouveau décret voit le jour « Expérience de rénovation ». Il donne la possibilité pour les Centres d’IMS de remplacer une partie des bilans de santé par d’autres actions de prévention et d’éducation à la santé. Des subsides complémentaires sont prévus pour permettre une coordination médicale dans les centres participants à l’expérience. Jacqueline Valange embraie : « Cette expérience a permis d’avoir un médecin coordonnateur. En 1992, Mme Onkelinx arrête cette « expérience » pour revenir à la préhistoire de la médecine scolaire, plus de médecin coordonnateur… on revient à l’ancienne médecine scolaire avec beaucoup d’amertume… Des années difficiles ! Ce fut bien sûr dévalorisant pour les équipes et les partenaires de terrain. » De plus en plus, la santé est considérée comme bien-être (et plus seulement comme absence de maladie) et la médecine préventive en milieu scolaire s’adapte.

En décembre 2001, un nouveau décret est voté : l’inspection médicale scolaire laisse la place à la promotion de la santé à l’école. Jacqueline Valange ajoute : « Le décret 2001 a vraiment changé notre manière de travailler. C’est vraiment la promotion de la santé qui prévaut ! Nous sommes enfin pris au sérieux par l’école, la famille. Mais tout n’est pas encore parfait. »

Missions des SPSE

Depuis le décret du 20/12/2001[5], les SPSE ont comme mission d’aider les jeunes à garder ou à atteindre une bonne santé par des bilans de santé systématiques, le dépistage de maladies transmissibles, des actions de promotion de la santé et d’un environnement scolaire favorable à la santé, de l’aide individuelle en cas de problèmes de santé, de l’aide documentaire, une politique de vaccination et la participation au recueil standardisé de données sanitaires. Les services PSE prennent en compte la santé des enfants dans leur globalité.

Dans le décret, 70% du temps de travail du service concerne le suivi médical, 20% du temps de travail concerne le programme de promotion de la santé et d'un environnement favorable, 10% du temps est consacré aux autres missions du service (recueil des données, prophylaxie, point-santé).

Des missions conséquentes que les SPSE s’efforcent de remplir du mieux possible, mais à quel prix ? Les parents sont-ils bien informés des champs d’action des SPSE ? Et, par ailleurs, y trouvent-ils une utilité ?        

Un Service en tension, en question

Les activités du SPSE se situent dans des contextes différents et changeants. Le SPSE s’inscrit d’abord dans le champ médical mais aussi social. Il fait donc partie de notre système d’enseignement. Rosetta Belvédère, directrice du SPSE de Châtelet[6] nous relaie : « Une des spécificités du Service PSE est l’universalité du service. Pour toutes les écoles, il y a un PSE et il est obligatoire alors que le CPMS ne l’est pas. Quand nous avons déjà assumé toutes les missions obligatoires d’examens (bilan santé, vaccin, imposés pour tous les élèves), il nous reste peu de temps pour faire autre chose, notamment le volet social. »

Une mise sous tension du SPSE se marque par l’obligation à fréquence régulière de la visite médicale. Celle-ci est parfois perçue par les parents  comme une intrusion dans la vie de l’enfant mais la doctoresse Catherine Rousseau, médecin scolaire au SPSE de Châtelet en souligne l’intérêt : « nous détectons des anomalies médicales qui sont importantes dans le développement de l’enfant. » Cette tension se marque à d’autres niveaux. Rosetta Belvédère : « Tout parent pense bien faire… un médecin traitant naturellement ne va pas faire un test de la vue, de l’audition… Vous allez chez le médecin traitant pour un rhume pas pour un examen général. Le SPSE fait un bilan complet. La rigueur du travail du PSE repose sur un professionnalisme : standardisation de notre manière de travailler au niveau médical, des infirmières régulièrement en formation pour pouvoir bien faire les choses et une qualité de travail. Nous restons mal vus par certains médecins traitants mais il faut aller au-delà des représentations parce que cela a évolué. »

Les professionnels de la santé que nous avons rencontrés sont unanimes pour dire que la fréquence des visites médicales sur deux, trois années semble suffisante. Le SPSE se réserve d’intervenir pour des bilans plus systématiques pour certaines familles si le besoin l’exigeait.

Une autre forme d’exigence suscitant par moment des difficultés : le SPSE a une traçabilité de l’enfant. Une fiche de liaison entre les parents et le CPMS existe par exemple. C’est l’outil premier d’une rencontre possible, si besoin. Un enfant ne sait éviter sur le long terme le suivi médical. Rosetta Belvédère explique : « Il y a bilan de santé et suivi du bilan. Quand il y a constat particulier, l’information est donnée. Le SPSE attend  un retour de la famille. Si ce retour ne vient pas, nous envoyons un courrier ou nous faisons une visite à domicile pour expliquer l’enjeu pour le bien-être de leur enfant. Ce qu’il faut savoir c’est que ces démarches améliorent l’état de santé général de la population. Bien souvent, l’importance du document reçu en retour ne permet pas à certaines familles de mesurer le bénéfice d’un tel rappel. La tension est donc présente mais nous sommes là pour expliquer. Ce suivi est une grosse partie de notre travail et c’est ce qui donne du sens. »

Jacqueline Valange veut tempérer ces tensions en rappelant : « Nous pouvons également répondre à une inquiétude des familles. Nous pouvons aussi, dans la mesure de nos possibilités, accompagner le parent et son enfant à vivre la visite médicale. »

Les SPSE tiennent à réaffirmer qu’ils agissent en tant que partenaires auprès des parents et non en contrôleurs ; et la fédération des centres médico-sociaux libres du Brabant wallon d’insister : « Parlant d’inspection, nous n’entendons pas une vérification de la qualité des soins prodigués aux enfants par les parents. Nous nous proposons seulement d’indiquer si le corps de l’enfant est le bon outil pour qu’il puisse réaliser son projet de vie. Nos conclusions ne sont jamais à lire comme une critique mais bien comme une collaboration bienveillante à la santé de l’enfant. Il s’agit de médecine préventive, différente de la médecine curative. Nos tests et notre façon d’examiner complètent utilement ce que fait le médecin traitant, le pédiatre ou l’hôpital. »

Ce temps de visite médicale, obligatoire, apparait comme énergivore pour bien des SPSE, le travail de promotion de la santé arrive au second plan. Le décret de 2001 tente l’équilibre. Il a permis de libérer du temps pour s’inscrire dans cette promotion de la santé à l’école. Ce temps fort court a permis de construire un dialogue avec les enseignants et les familles.

Comme acteur entre l’école-parents-enfants, le SPSE peut aussi être sous tension suivant l’environnement socio-économique. Rosetta Belvédère souligne : « L’enquête de l’Observatoire de Santé du Hainaut[7], a démontré qu’une situation socio-économique défavorable a une influence négative à plusieurs niveaux. Premièrement, l’état de santé subjectif : les gens se croient en bonne santé. Deuxièmement, les mesures biométriques ont révélé un surpoids, une obésité, un tour de taille élevé. Ensuite, le recours au dentiste, celui-ci n’est pas nécessaire. Enfin, les comportements de santé au niveau de l’alimentation (faible consommation de fruits, de légumes et d’eau, consommation régulière de frites, de chips et de boissons sucrées), de l’activité physique – particulièrement la fréquentation d’un club sportif, de la participation aux cours d’éducation physique, du temps passé devant un écran (télévision, ordinateur), du tabagisme. Ça, c’est la réalité de terrain. Les groupes sociaux les moins favorisés en termes de revenus, de niveau d’éducation, d’habitat, de contexte familial sont les plus touchés. » Elle termine en insistant sur une urgence de santé publique : « La promotion de la santé a comme ambition de modifier les déterminants de santé biologiques, économiques, culturels mais aussi et surtout sociaux. C’est pourquoi l’accompagnement social des familles lors des suivis médicaux ainsi que la mise en place de programmes de promotion de la santé participatifs nous semblent être une stratégie pertinente pour participer à la réduction des inégalités de santé. » Quant à la région du Brabant wallon, des constats questionnent. Jacqueline Valange : « Nous avons affaire à un milieu souvent plus intellectuel que dans le reste de la Région wallonne dont, généralement, les deux parents travaillent (proximité de Louvain-la-Neuve et dortoir de travailleurs de Bruxelles) d’où découlent parfois : familles éclatées, recomposées, solitude de l’enfant, prise en charge du problème des parents par l’enfant, dépression, manque d’estime de soi. Lors de nos animations et à la lecture d’enquêtes, nous avons pu constater que les enfants de famille précarisées le sont encore plus qu’ailleurs dans cette région aisée et sont peut-être encore plus frustrés par comparaison. » De plus, un rapport du parlement de la Fédération Wallonie-Bruxelles[8] montre aussi que « Les enfants de milieu plus défavorisé ont un niveau de bien-être nettement inférieur à ceux qui vivent dans des milieux socio-économiquement mieux placés, et également inférieur à la moyenne nationale. »

Des moyens à la hauteur de la tâche ?

L’évolution du SPSE depuis le décret de 2001 a montré les limites des moyens pour rencontrer leurs missions. N’est-on pas dans une période de transition où de nouvelles perspectives et responsabilités vont poindre à l’horizon ? L’avenir nous le dira. En attendant, les moyens restent pauvres. Le service de Wavre compte 20.500 élèves « sous tutelle »[9]. Ils disposent de quelques médecins à temps partiel, de six travailleurs temps plein (administratif compris) pour 8.600 examens par an. Le service de Châtelet compte 22.000 élèves « sous tutelle » pour nonante implantations scolaires. Ils disposent de 2.000 heures médecins indépendants, de plus de sept travailleurs temps plein (administratif compris) pour 10.000 examens par an.  

Jacqueline Valange ajoute : « Il n’y a pas de ressources propres. Le PSE vit exclusivement des subsides versés par le ministère. Le budget est très serré quand toutes les charges, (essentiellement de personnel) sont honorées. Nous aimerions être aidés davantage pour réaliser au mieux la mission de promotion de la santé à l’école. Dans de très rares circonstances, certains projets ponctuels bénéficient d’une intervention financière extérieure au PSE (par exemple : le PO d’une école rémunère un orateur, une firme pharmaceutique finance un intervenant, l’APAQW intervient dans certains projets touchant à l’alimentation…). Dans certains cas, nous bénéficions d’une aide bénévole de la Mutuelle Chrétienne du Brabant Wallon. »

Les Services PSE rencontrés font des choix de mission suivant leur réalité de terrain. Choisir c’est renoncer. Ce temps réduit dédié à la promotion à la santé s’apparente à une autre dimension : celui du choix de bien accompagner les établissements dans leurs projets de santé. Généralement, deux manières de faire se dégagent : soit susciter le développement de projet santé au sein des écoles lors de contacts formels et informels avec les enseignants, éducateurs et élèves, soit développer un projet dans une école en fonction des besoins et des demandes. Cela veut dire concrètement soit le SPSE fait le choix d’animer directement dans les classes, soit d’animer une équipe éducative sur une thématique particulière. Dans les deux cas, l’objectif premier est de faire naitre en milieu scolaire une culture de promotion de la santé et la participation des acteurs dans le but d’intégrer un projet santé, de viser la qualité de vie et le bien-être à l’école et de veiller à un environnement agréable. Les professionnels rencontrés semblent unanimes : « Notre travail reste méconnu. Il y a encore un gros travail de visibilité de nos services à reconstruire », ajoute Rosetta Belvédère.

Conclusion

Le SPSE met le jeune et sa famille au cœur de son action de prévention et de promotion à la santé. Cette institution doit maintenir son indépendance et sa neutralité vis-à-vis de l’école et de la famille pour continuer de réaliser un travail d’information, d’équité et d’égalité que notre société est en droit d’attendre. Le principe de gratuité pour tous doit rester impératif. Pour l’UFAPEC, il est primordial que les moyens suivent afin de remplir les missions que cette institution rencontre. Des choix d’équipe se font et il est dommage, faute de moyens et de temps, que le travail de promotion à la santé puisse être encore si peu rencontré alors que la pauvreté infantile est en augmentation avec les risques de santé inhérents pour l’enfant que l’on connait.

Les responsables des SPSE insistent sur l’enjeu de pérenniser le SPSE. Au vu de leur importance pour une bonne santé dans notre société, ils garantissent la confidentialité de leur travail, la proximité des acteurs, l’indépendance et la neutralité de leurs moyens d’actions. Comme les centre PMS, ils ne travaillent pas ‘pour’ mais ‘avec’ les écoles et avec les familles. Le Service PSE est un service de première ligne, accessible, gratuit et ouvert à tous. Le SPSE, davantage visible, doit rester un facilitant pour un premier contact dans l’approche d’une meilleure santé mais aussi pour appréhender au mieux le caractère obligatoire des visites médicales. A ce titre, cette obligation de rencontrer une médecine scolaire préventive permet, sans contestation, de pouvoir dépister précocement différents troubles de santé. Des enjeux de santé publique en dépendent. Pour l’UFAPEC, notre système d’enseignement obligatoire doit continuer à garantir ce service à chaque élève, ceux issus de milieux défavorisés comme ceux qui ont – a priori – plus facilement accès aux soins de santé et à un diagnostic global régulier. Une société saine, juste et solidaire ne peut se passer de ce genre de service public et elle doit donc y mettre les moyens.

 

 

Jean-Philippe Schmidt

 


[1] http://www.sante.cfwb.be/index.php?id=pse2, lien vérifié le 11 mars 2016.

[2] Jean-Philippe Schmidt, Centre PMS, un acteur de première ligne méconnu, Analyse UFAPEC, 2015, n°28 http://www.ufapec.be/nos-analyses/2815-pms.html, lien vérifié le 11 mars 2016.

[3] Interview réalisée le 30/10/15 au Service PSE de Wavre par JPh. Schmidt.

[4] Prophylaxie : n.f. Méthode visant à protéger contre une maladie, à prévenir une maladie, Le nouveau Petit Robert de la langue française 2009.

[6] Interview réalisée le 1/12/15 au Service PSE de Châtelet par JPh. Schmidt

[7] Carnet de bord de la santé des jeunes 2010, Observatoire de la Santé Du Hainaut, http://www.hainaut.be/sante/osh/medias_user/CBSJ2010_full.pdf, lien vérifié le 29 février 2016.

[8] http://archive.pfwb.be/10000000202f033, lien vérifié le 15 mars 2016.

[9] C’est le terme utilisé par les SPSE pour parler de la population scolaire dont ils ont la charge.

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