Analyse UFAPEC avril 2019 par A. Pierard

05.19/ L'humour, au service du vivre-ensemble ?

Introduction

L’humour se traduit sous différentes formes : jeux de mots, blagues, absurdités, autodérision, second degré, ironie, sarcasme, humour noir, etc. Toutes ces formes d’humour n’ont pas le même sens et ne seront pas perçues de la même manière. Comme le disait Pierre Desproges, humoriste français, on peut rire de tout, mais pas avec tout le monde. Au nom de la liberté d’expression, peut-on tout se permettre ?

Le respect de l’autre est une valeur, un enjeu majeur pour développer la citoyenneté et permettre le vivre ensemble notamment à l’école. Quelles sont les limites à se donner pour que l’humour soit respectueux au sein d’une société, d’une institution ?

L’humour est une arme à double tranchant. Il permet de créer des liens et des appartenances, de rapprocher et de rassembler, car l’humour permet de rire ensemble. Mais il peut aussi être facteur d’exclusion, si l’on rit de l’autre. Dans ce sens, l’humour et le respect sont-ils conciliables ? « Rire de » signifie-t-il « manquer de respect envers » ? Quelles limites la société peut-elle donner à la pratique de l’humour pour éviter agressions et exclusions ?  

Quelle compatibilité entre humour et respect ?

Dans les relations de vivre-ensemble, s’il est bienveillant, signe de rapports harmonieux, facteur d’inclusion, l’humour peut s’allier avec le respect. Il s’agit alors d’un humour partagé, pétillant et léger qui accompagne les bons moments comme le vin finement choisi soutient le bon plat. Cet humour épicurien favorise la convivialité avec ses bulles espiègles et éphémères qui dissipent l’encombrante solennité du rite. Cet humour badin est un humour bon teint et bon ton qui ne boude pas son plaisir.[1]

Faut-il pour autant se limiter et rester dans un humour « gentil » alors que l’humour permet aussi de dédramatiser, de se remettre en question et de sortir de notre zone de confort en abordant des sujets plus graves et complexes ? Comme l’exprime Philippe Geluck, dessinateur humoriste, il me semble qu’en ce début de 21ème siècle, il y a un resserrement des règles. Certaines personnes un peu dogmatiques peut-être, refusent que l’on rit de sujets brulants ou polémiques. Moi je prétends le contraire, et je pense que l’on peut aborder les sujets à travers l’humour. Il ne s’agit pas d’être insultant, mais d’emmener le lecteur très loin dans l’humour noir, dans la gravité, dans l’insolence évidemment. Mais à condition qu’il y ait toujours cette petite formule, ou cette clé qui permette de sortir du couloir, et que cela ne soit jamais un cul-de-sac.[2]

L’humour, la liberté d’expression et ses limites[3]

La liberté d’expression consiste en la reconnaissance du droit de chacun de s’exprimer sous quelque forme que ce soit. Elle est formalisée dans la déclaration universelle des droits de l’homme signée par les pays membres de l’Organisation des Nations Unies (ONU) le 10 décembre 1948. La liberté d’expression est un principe, un droit fondamental qui vaut pour tout le monde, en toutes matières, sur tous les supports, à travers toutes les techniques et quel que soit le mode d’expression. C’est un droit qui vaut autant pour le banal et l’inoffensif que pour ce qui dérange ou provoque… C’est un droit, ce qui implique que nul ne peut s’y opposer. (…) La liberté d’expression représente en quelque sorte un des éléments constitutifs d’une société démocratique.[4]

En Belgique, la loi n’émet aucune limite préalable à la liberté d’expression. C’est très important, car cela garanti qu’il n’y ait pas de censure... Surtout que l’humour est un outil de contestation indispensable face au pouvoir depuis des siècles. Le fou du roi devait faire rire, pouvait se moquer, mais risquait aussi de se faire tuer s’il allait trop loin. Des auteurs ont critiqué le pouvoir et la société sous forme humoristique : La Fontaine avec ses fables, Molière avec ses pièces et plus récemment les guignols de l’info, Charlie Hebdo, etc. Au nom du respect d’autrui, faut-il censurer toute forme d’humour et donc empêcher les humoristes d’exercer leur profession ?

Cependant, la loi belge donne quatre limites à la liberté d’expression :

  1. L’incitation à la discrimination, à la violence, à la haine, au sexisme, au racisme et à la ségrégation ;
  2. L’appartenance ou la collaboration à un groupe prônant la discrimination ou la ségrégation ;
  3. Les injures ;
  4. Le négationnisme (le fait de nier la Shoah).

Ensuite il faut aussi tenir compte d’autres lois concernant le respect de la vie privée, le droit à l’image, la diffamation et le harcèlement.

Là est toute la question : comment respecter l’autre et tenir compte de ses limites sans brimer sa propre liberté d’expression ? Même si l’on n’a pas le droit de tout dire (discrimination, sexisme, racisme, etc.), on garde le droit de penser ce que l’on veut…

En plus des lois évoquées, à nous, en tant que citoyens responsables, de tenir compte d’un certain devoir de réserve et donc de distinguer l’humour fait en privé ou en public.

Le respect, une condition indispensable au vivre-ensemble

Le respect de l’autre est un des premiers principes de la vie en société, un enjeu fondamental. Il s’agit de considérer l’autre comme un égal, de tenir compte des droits et devoirs de l’homme et d’une exigence morale universelle. Le principe de cette exigence morale étant le suivant : Ne fais pas à autrui ce que tu ne voudrais pas que l’on te fasse. Notons bien que respect ne signifie pas forcément estime. Il n’est pas nécessaire d’apprécier quelqu’un pour lui porter du respect en tant qu’être humain.

Dans ce sens, une question se pose : « Doit-on respecter celui qui ne nous respecte pas ? ». Si l’on veut qu’il nous respecte, il semble opportun de le respecter, même si cela n’est pas toujours facile quand on ressent un manque de respect.

L’humour, ingrédient essentiel des relations humaines ?

L’humour a une fonction sociale : créer des liens, déclencher le rire, dédramatiser des situations, etc. L’humour traduit donc une distanciation de la réalité et la volonté d’exprimer et de partager cette distanciation. Le passage d’une perception personnelle à l’expression devant un ou des tiers de cette distanciation confère donc à l’humour une fonction sociale.[5] Peut-on accepter toute forme d’humour ? Peut-on rire de tout ? Avec tout le monde ?

L’humour peut se pratiquer sur divers sujets, avec différentes personnes tant que l’on rit avec l’autre et non de l’autre. Mais sait-on toujours de quoi l’on peut rire ? Et dans quelles circonstances ? Selon l’Université de paix, on peut rire du sexisme avec une femme, on peut rire du racisme avec un arabe. On peut rire du handicap avec une personne porteuse d’un handicap. Avec leur consentement. Par contre, se moquer c’est exclure la cible du rire. Rire avec elle, c’est l’intégrer dans le groupe, dans la société. Il faut dès lors se poser les bonnes questions lorsqu’on pratique l’humour. Quel est mon but ? Est-ce que je cherche à exclure ou à intégrer ? (…) Il est important de prendre conscience du ressenti possible de l’autre par rapport à ma blague.[6]

Selon Nahum Frenck, pédiatre et thérapeute familial suisse, l’humour est quelque chose de léger qui fluidifie les relations, suscite la découverte réciproque et l’ouverture à l’autre.[7] Pour que l’humour soit respectueux de l’autre, il ajoute qu’il faut éviter certaines formes d’humour (l’ironie, la moquerie, la satire, le sarcasme et le cynisme) qui peuvent être blessantes. Cependant, il reconnait une place importante à l’humour vrai, partagé et respectueux. Pratiqué en famille, il offre un regard sur le monde, une aide à vivre, à dédramatiser le quotidien. Chez l’enfant, il aide à grandir, prépare son avenir, recharge ses batteries et influence son mode relationnel. Il constitue aussi un outil pédagogique pour faire passer des messages.[8]

L’Université de Paix va dans le même sens en expliquant que l’humour est une arme à double tranchant. L’humour peut favoriser l’inclusion, rassurer l’autre de sa bienveillance, nous rions avec l’autre. L’humour peut aussi favoriser l’exclusion, tel que le sarcasme, l’ironie, la moquerie ou la « private joke ». L’humour est donc une arme à double tranchant, il peut apaiser, mettre en lien, contribuer à la cohésion d’un groupe, ou au contraire exclure, renforcer les clans et augmenter l’agressivité.[9]

Soyons vigilants à l’image que l’on donne, car des adultes utilisent parfois l’ironie, la moquerie ou d’autres formes d’humour au dépend d’autrui, parfois involontairement. Le cas de l’émission « Touche pas à mon poste » a plusieurs fois défrayé la chronique en ce sens, l’animateur et son groupe procédant régulièrement à de « petites humiliations » et transgressant généralement le consentement des personnes moquées. C’est juste pour rire.[10] Quelle image donnons-nous aux jeunes ? Quel message souhaitons-nous leur transmettre ? Dans ce sens, il semble opportun de parler avec les enfants et les jeunes de l’humour et de ses effets. L’humour peut faire rire et rassembler, mais il peut aussi vexer et blesser.

Pour que l’humour rime avec respect, il est important de partager des règles communicationnelles (codes, valeurs, etc.), de ne pas rire en toutes circonstances, de s’ancrer dans le réel et de composer avec. La plupart du temps, dans les groupes d’adolescents, lorsqu’il y a des moqueries elles sont suivies par l’éternel « mais enfin c’était pour rire, il ou elle n’a pas d’humour » ! L’humour devient alors un sacré fourre-tout dans lequel tout devient acceptable. Si c’est « pour rire » alors, on peut se permettre les pires atrocités, car, enfin, ce n’est pas sérieux ! Il faut donc apprendre à déceler à quel moment l’humour est dirigé « contre », et à quel moment il permet de rire « avec ».[11] On ne peut pas tout excuser au nom de l’humour. Permettons aux jeunes de réfléchir sur l’humour et de développer des valeurs citoyennes, comme le respect, afin de favoriser le vivre-ensemble.

L’humour peut aussi rimer avec bienveillance. L’humour convivial est associé à une respiration profonde qui établit une sécurité entre soi et la plupart des autres humains. Il génère le plaisir, l’acceptation et la valorisation, le partage de moments ludiques qui ne lèsent personne. Il permet de percevoir les contradictions, les paradoxes, les blocages et les approximations de chacun sans les condamner, mais il rapproche parce qu’au fond, nous sommes tous des humains.[12]

L’humour, une affaire de sensibilité

Les jeux de mots, les blagues et autres formes d’humour ne sont pas toujours perçus de la même manière par tout le monde. L’humour est la conséquence d’un état d’esprit et est donc lié à la personnalité et à la sensibilité des interlocuteurs. Il y a une part d’individualité dans l’appropriation de l’universalité de l’humour. Rire de situations, jouer avec les mots ou imaginer des situations improbables, et toujours avec respect et sans vulgarité, c’est entrer, d’une certaine façon, en communion les uns avec les autres. C’est être sur la même longueur d’onde et étant complices de la même imposture intellectuelle.[13]

Si l’humour est une affaire de sensibilité, nous pouvons tenir compte des émotions et ressentis de notre interlocuteur de diverses manières, qui peuvent être complémentaires : faire attention à l’autre, être attentif à son humeur, connaitre l’autre, ses fragilités et ses susceptibilités, savoir entrer dans son registre. Dans ce sens, l’objectif de l’humour sera de rire ensemble sans humilier, de partager un humour commun.

Anne-Frédérique Joris, assistante de service social à Fontenay, expose l’intérêt de prendre en compte la sensibilité dans la pratique de l’humour dans l’exemple repris ci-dessous.

On ne peut pas rire de tout en encore moins de la situation de bénéficiaire du RMI[14] qui est ressentie comme stigmatisante tel qu’en témoigne Isabelle, elle-même bénéficiaire du RMI : « J’avais reçu une convocation qui me demandait de me présenter à un prestataire, j’y suis allée et ça s’est mal passé, il y en a qui vont dire que c’est de l’humour mais peut être que ce jour-là je n’avais pas d’humour ou peut-être que j’étais touchée par autre chose, par mes problèmes. Le responsable a parlé des personnes bénéficiaires, il a dit qu’on était allongés toute la journée à regarder la télé, des trucs comme ça, je me suis levée, je lui ai demandé d’arrêter son discours, j’étais très choquée et je suis partie, ça ne m’intéressait pas de rencontrer quelqu’un comme ça. ». Elle continue en mettant en avant l’importance du respect dans le discours dont la tonalité est ouvertement humoristique. Nous avons ici un exemple d’humour mal ressenti (elle le dit elle-même : « Peut-être que ce jour-là je n’avais pas d’humour ! »), ce qui tend à renforcer l’idée que l’état émotionnel détermine ce que le locuteur peut s’autoriser. Il doit en premier lieu analyser. Une autre personne cite l’importance de l’écoute de l’autre : « En fait, l’humour n’a pas d’existence en tant qu’objet séparé de l’instant et de l’écoute qu’il y a entre celui qui fait l’humour et celui qui reçoit cet humour. Dans le cas où l’humour est mal reçu, a-t-on le droit de dire que cette personne n’a pas d’humour ? Qui est ce qui n’a pas d’humour ? Est-ce que c’est celui qui a fait l’humour qui est « tombé à l’eau » ou celui qui n’a pas compris l’humour qui lui était destiné ? » Nous voyons bien ici que les limites concernent essentiellement l’état émotionnel des gens : il n’est pas possible de rire tout le temps. Il y a des moments où le rire n’est pas admis : « Il y a des moments où l’on n’est pas réceptif à l’humour, il faut être dans un état de pouvoir le recevoir, il y a des jours où l’on ne peut pas le recevoir parce que trop… et puis ça peut agacer. »[15]

La place de l’humour à la maison et à l’école

Même s’il y a une part d’inné dans l’humour, celui-ci s’apprend au travers du quotidien, de la vie familiale et de l’éducation. Selon Corinne Cosseron, enseignante du rire thérapeutique et fondatrice de l’École internationale du rire et du bien-être, la famille est le lieu idéal pour construire son sens de l’humour.[16]

L’ASBL Couples et Familles défend l’idée que l’humour est un puissant allié pédagogique pour les parents. Il est l’objet d’un apprentissage, il est aussi l’objet d’un enseignement implicite. L’enfant apprend non seulement à recevoir mais aussi à produire de l’humour. Il doit être guidé dans cet apprentissage afin d’éviter les dérapages.[17] Il semble judicieux que l’humour soit présent à la maison et à l’école pour transmettre aux enfants cette attitude positive, source de rire et de sourire.

De plus, selon Sylvain Pradeilles, professeur de français langue étrangère, l’humour a une place essentielle dans le processus d’apprentissage. Il peut soutenir les apprentissages de diverses manières : documents de travail, consignes, productions, jeux de rôles, relations au sein de la classe, etc. [18]

En classe, l’humour peut avoir de multiples fonctions :

  • Motiver enseignant et élèves ;
  • Désamorcer le stress ;
  • S’ouvrir à l’altérité ;
  • Gérer les tensions ;
  • S’amuser ensemble.

Comme le précise Sylvain Pradeilles, un juste équilibre est à trouver dans chaque situation : valoriser la présence de l’humour dans la classe sans pour autant sombrer dans un rôle de pitre ne répondant plus au besoin de référant qu’ont les apprenants.[19] A petites doses maitrisées par l’enseignant, l’humour a sa place à l’école et dans la classe. Est-ce que pour autant tout enseignant doit faire de l’humour en classe ?

Pour Grégoire Raboud, professeur de sciences naturelles, l’humour a sa place à l’école et le rire constitue une stratégie formidable pour éveiller à la citoyenneté sans se sentir abattu par les drames et les aberrations du monde. (…) L’humour permet d’attirer l‘attention sur des choses sérieuses. Par son détour, l’étudiant peut s’intéresser différemment à la matière.[20]

Voici les propos d’enseignants considérant que l’humour a sa place à l’école.

Aliette Beytrison, enseignante en 5-6P[21] à Evolène

L’humour marche bien avec les élèves et je l’utilise volontiers, car c’est un outil qui correspond à mon tempérament. Cela permet de dédramatiser plein de situations, de remettre les choses en place et de respirer entre deux activités. En début d’année, les élèves me regardent parfois avec de grands yeux, ne sachant pas si c’est du lard ou du cochon. Et au fil des mois, ils jouent aussi le jeu de me répondre du tac au tac. Avec l’humour, les élèves peuvent s’exprimer différemment et souvent faire passer des messages. Et c’est aussi valable pour moi. Je les laisse parfois avoir un léger dépassement des limites, mais lorsqu’ils vont trop loin, je les recadre en leur expliquant la frontière avec l’insolence. Reste que mes collègues n’ont pas forcément la même perception des limites à ne pas franchir en la matière, ce qui montre que la sensibilité en la matière est variable.[22]

Yannick Délitroz, enseignant au CO[23] à Monthey

En classe, même si tous les élèves ne le comprennent pas, je pratique l’humour au deuxième degré pour détendre l’atmosphère. En fait cela correspond à ma personnalité. M’en priver serait difficile. J’y recours beaucoup en cours de français, de mathématiques ou de chant, mais nettement moins pendant les heures d’histoire et c’est toujours en lien avec ce qu’on étudie. Plus on avance dans l’année scolaire, plus les élèves osent aussi jouer avec l’humour. Le respect étant à la base de la vie en classe, nos limites sont évidemment la grossièreté, la vulgarité et les atteintes personnelles. Je n’ai pas le souvenir d’avoir eu à les recadrer, car les frontières de ce qui est acceptable sont claires. A la salle des maîtres, les gags fusent également, dans l’esprit bien montheysan et je trouve que c’est quelque chose d’essentiel pour la bonne ambiance entre nous.[24]

Yelda Terrettaz, enseignante en classe enfantine[25] à Conthey

Tout passe tellement mieux avec l’humour. Cela permet aux enfants d’être moins soucieux. Parfois, un mot suffit à mettre des lumières dans leurs yeux. Avec les tout petits, il faut bien sûr un humour adapté. D’un tempérament joyeux, cela me serait en fait difficile de ne pas faire des petites pointes d’humour. Mes élèves s’y essaient aussi, à leur manière. Un jour, un élève a fait un trou dans sa feuille avec son feutre bleu à force de dessiner et il m’a joliment répondu alors que je lui demandais ce qu’il avait fait : c’est l’eau qui s’échappe. J’ai donc accepté sa réponse, alors que nous savions lui et moi que c’était un simple trou dans la feuille. Je crois qu’il est important d’entrer dans l’humour de l’autre. Et si un élève dépasse les limites, je discute avec lui jusqu’à ce qu’il se rende compte et dise « oups ».[26]

Conclusion

Peut-on rire de tout ? Il n’y a pas de réponse tranchée à cette question, car il y a différents facteurs à prendre en compte : le contexte, l’interlocuteur, les limites et la sensibilité de chacun, etc. L’idée est de rire ensemble, de partager des émotions positives et de créer du lien. Si les interlocuteurs se sentent respectés dans leur liberté d’expression et la reconnaissance de leur individualité, l’humour peut être le ciment de la vie en collectivité.

Pour que l’humour soit respectueux, la bienveillance et la création (ou le maintien) de lien entre les interlocuteurs sont nécessaires. Si ce n’est pas le cas, ce n’est plus de l’humour. La moquerie n’est pas bienveillante ; elle a même tendance à rompre les liens. Le sarcasme et l’ironie font pareil. Dans une relation d’humour, c’est au récepteur de définir s’il s’agit d’une situation drôle et non à l’émetteur. Le récepteur est seul juge de sa perception, c’est à lui de dire si la situation l’amuse et le fait rire ou s’il est blessé.[27] Mais l’humour doit-il tout le temps être respectueux ? N’oublions pas qu’il est aussi outil de remise en question, de dédramatisation et de contestation du pouvoir.

Le respect est la base des relations humaines. L’humour rassemble, désamorce les tensions et déclenche des émotions positives. Allier les deux permet une vie en société paisible. Le rôle des parents (et des enseignants et éducateurs) est dès lors d’inculquer à leur enfant les principes fondamentaux de l’humour que sont la bienveillance et le respect de l’autre et de s’assurer que leur progéniture suit cette voie. A la maison, à l’école, dans les activités extrascolaires, lorsqu’un trait d’humour est blessant pour celui qui le reçoit, il faut éviter le piège de l’excuse du : « mais c’était pour rire ! ». Il faut pouvoir dire à l’enfant : « Non, ce n’est pas pour rire puisque ça ne l’a pas fait rire lui/elle ». Si l’autre est triste, s’il est en colère ou si même il a peur en raison d’une soi-disant manifestation d’humour, c’est que ce n’était pas de l’humour.[28] Pour que cela soit de l’humour, comme le dit l’asbl Couples et Familles, il faut que cela soit accepté comme tel par celui qui reçoit l’humour.

L’UFAPEC demande de promouvoir des activités de vivre-ensemble et de respect de soi et de l’autre. L’école a pour mission de transmettre aux jeunes des valeurs consolidant la citoyenneté et de permettre la co-construction de ces valeurs. Cela rejoint l’idée d’inculquer, parents et enseignants, la bienveillance et le respect pour pratiquer l’humour.

 

Alice Pierard

 

 


[1] G. BESSON, « L’humour, ressource personnelle et collective dans l’action sociale », in Vie sociale, n°2, 2010, p. 50.

[2] C. PINCHART, « Peut-on rire de tout ? Irrévocablement, Philippe Geluck dit oui, mais… », in RTBF.be, publié le lundi 18 novembre 2013, https://www.rtbf.be/culture/litterature/detail_peut-on-rire-de-tout-irrevocablement-philippe-geluck-dit-oui-mais?id=8137910

[3] Le Conseil supérieur de l’éducation aux médias a écrit une brochure sur le sujet : La liberté d’expression et ses limites, collection Repères, 2018, http://www.csem.be/repereslibertedexpression

[4] Média animation, Dessine-moi la liberté d’expression. La caricature de presse comme vecteur d’éducation aux médias, Les dossiers de l’éducation aux médias, 2017, p. 35.

[5] G. BESSON, op cit., p. 57.

[6] Université de Paix, « Détends-toi, c’est juste pour rire ! », publié le 16 novembre 2017, https://www.universitedepaix.org/detends-toi-cest-juste-pour-rire

[8] Idem.

[9] Université de Paix, op cit.

[10] Idem.

[11] Idem.

[12] B. RAQUIN, « Rire pour vivre » cité dans Humour et relations, dossier n°112 de l’asbl Couples et Familles, 2015, p. 62.

[13] Humour et relations, op cit, p. 27.

[14] Revenu minimum d’insertion.

[15] A.-F. JORIS, « L’humour dans la relation d’aide. Témoignages d’Assistants de Services Sociaux », in Le sociographe, n°33, 2010, p. 65. https://www.cairn.info/revue-le-sociographe-2010-3-page-59.htm

[16] F. LEBRETON, op cit.

[17] Humour et relations, op cit, p. 67.

[18] S. PRADEILLES, L’humour dans la classe de Français Langue Etrangère, mémoire de maîtrise FLE, p. 14.

[19] Idem, p. 26.

[20] N. REVAZ, « L’humour chez Grégoire Raboud, un état d’esprit », in Résonances, mensuel de l’école valaisanne, p. 8. https://www.resonances-vs.ch/index.php/docman/resonances-1988-20xx/2009-2010/981-n-08-mai-l-humour-a-l-ecole/file

[21] Les 5ème et 6ème années primaires du système scolaire suisse correspondent aux 3ème et 4ème années primaires de notre système scolaire.

[22] REVAZ N., « Les enseignants et l’humour », in Résonances, mensuel de l’école valaisanne, p. 10. https://www.resonances-vs.ch/index.php/docman/resonances-1988-20xx/2009-2010/981-n-08-mai-l-humour-a-l-ecole/file

[23] Le cycle de transition du système scolaire suisse correspond au premier degré secondaire de notre système scolaire.

[24] REVAZ N., op cit, p. 10.

[25] L’école enfantine du système scolaire suisse correspond à l’école maternelle de notre système scolaire.

[26] REVAZ N., op cit, p. 11.

[27] Humour et relations, op cit, p. 67.

[28] Idem, pp. 68-69.

Vous désirez recevoir nos lettres d'information ?

Inscrivez-vous !
En poursuivant votre navigation sur ce site, vous acceptez l'utilisation de Cookies pour vous proposer des publicités adaptées à vos centres d'intérêts, pour réaliser des statistiques de navigation, et pour faciliter le partage d'information sur les réseaux sociaux. Pour en savoir plus et paramétrer les cookies,
OK