Etude UFAPEC août 2023 par A. Floor

06.23/Et1 - Coût du qualifiant pour les familles : un frein à l’accessibilité de certaines filières ?

Si le parent doit faire 1001 démarches pour obtenir des aides financières, c’est aussi toucher à sa dignité.
Christophe Blanckaert

C’est dur pour un parent de venir demander ainsi l’aide de l’école pour payer un marteau à son fils. Je n’ai jamais vu personne qui jouait avec cela. On a toujours trouvé des solutions.
Patrick Magniette

Il n’y a rien à faire : l’enseignement est obligatoire et c’est donc à lui de trouver la formule technique pour ne pas mettre les parents en situation de demandeurs ou de faire sentir l’enfant comme le mouton noir de la classe qui empêche tout le monde de partir en voyage scolaire.
Christine Mahy

Introduction

L'idée de cette étude est née dans le cadre d’un mandat occupé par l'UFAPEC au conseil supérieur des allocations d’études. L’UFAPEC y représente et défend les intérêts des parents de l'enseignement secondaire et formule, comme les autres acteurs présents, des propositions d'amélioration des textes législatifs régissant cette matière. L’UFAPEC a, entre autres, suggéré d’adapter le montant des allocations d’études secondaires en tenant compte du surcoût pour les familles d’élèves fréquentant l’enseignement qualifiant (technique de qualification et professionnel). La scolarité des élèves dans le qualifiant génère, en effet, des frais d’équipement de sécurité, de matériel particulier, d’outillage que les élèves suivant la filière de transition n’ont pas. À cela se rajoutent les frais de transport pour se rendre sur les lieux de stage. Et ce n’est un secret pour personne, les écoles organisant l’enseignement de qualification accueillent globalement un public plus défavorisé. Nous n’évoquerons pas dans cette étude la question des élèves qui ont une scolarité à temps partiel et qui fréquentent les CEFA[1] (centre d’éducation et de formation en alternance) étant donné qu’ils ne sont pas bénéficiaires, à l’heure actuelle, d’allocations d’études, même si les questions soulevées par leur scolarité méritent aussi tout notre intérêt.

Cette proposition d’adapter les montants d’allocations d’études soulève cependant de nombreuses questions : si "l'école est gratuite", est-ce bien au système des allocations d'études à compenser ce surcoût ? La convention internationale relative aux droits de l’enfant, dans son article 28, affirme le droit de l’enfant à l’éducation et, pour ce faire, énonce divers moyens comme la gratuité de l’enseignement primaire, l’accessibilité des différentes formes d’enseignement secondaire à tous via la gratuité et l’offre d’une aide financière en cas de besoin. Ces droits sont-ils respectés pour toutes les familles au sein de toutes les filières de l’enseignement obligatoire ? Et, si l'on tient compte des coûts variables en fonction des filières dans le secondaire qualifiant, ne devrait-on pas aussi adapter les allocations d'études supérieures en fonction des coûts respectifs des orientations ? Et surtout comment va-t-on évaluer ces variations ? Est-ce la solution en sachant que les potentiels bénéficiaires, surtout au niveau des allocations d'études secondaires, n'en font pas la demande pour de multiples raisons que nous développerons plus loin ? Ne faudrait-il pas plutôt travailler à une réelle gratuité de l'école et à une automatisation des droits ? Derrière ces questions se cachent de multiples enjeux pour notre société : l'école est obligatoire et beaucoup de jeunes se retrouvent relégués dans des filières qu'ils n’ont dès lors pas choisies et pour lesquelles le coût financier peut être parfois élevé. C’est vraiment la double peine pour ces enfants et leurs familles. Il y a aussi un enjeu écologique à relever avec une meilleure gestion des achats demandés aux familles. Si les écoles mettent comme priorité une réflexion pour diminuer les coûts en vérifiant que ce qui est demandé à l’achat est réellement utilisé, en organisant des bourses d’occasion, des systèmes de location ou d’achats groupés, l’impact environnemental sera très certainement réduit. L'école est prétendue gratuite alors qu'en réalité c'est son accès qui l'est et cette confusion entraine beaucoup de tensions entre l'école et les familles (factures impayées, exclusions d'élèves, stigmatisation…) ainsi qu'une vision erronée de la réalité. De nombreuses familles dans certaines écoles ont beaucoup à payer et le système des allocations d'études ne prend pas du tout en considération les coûts réels de la scolarité des élèves de l'enseignement obligatoire. Notre société est confrontée à une pénurie de main-d’œuvre qualifiée, les métiers plus « intellectuels » sont peut-être voués à disparaitre avec l’apparition de l’intelligence artificielle, n’y a-t-il pas dans l’accessibilité et la qualité des études qualifiantes un enjeu fondamental pour les générations actuelles et à venir ?

Nous avons commencé par dresser un tableau des élèves qui fréquentent le qualifiant : quelle proportion ? Quel niveau socio-économique ? Parcours antérieur à cette orientation ? Nous avons objectivé le profil de ces élèves et de leur famille grâce aux indicateurs de l'enseignement. Nous nous sommes ensuite penchés sur la législation encadrant la gratuité et les frais scolaires autorisés, interdits et facultatifs. Ces frais d’outillage et d'équipement sont-ils à charge des écoles ou des parents ? Les écoles reçoivent des subventions d'équipement, qu'en font-elles ? Que dit la loi ? Les parents la connaissent-ils ? Que prévoit le pacte pour un enseignement d'excellence en termes de gratuité ? Comment anticiper et que proposer pour les élèves qui arriveront dans la filière qualifiante à l’issue du tronc commun ?

Par l'intermédiaire d'un questionnaire en ligne, nous avons interrogé les parents d'élèves concernés sur les coûts générés par la scolarité de leur enfant, sur leur connaissance du cadre légal et des aides existantes telles que les allocations d'études. Ils nous ont aussi proposé des pistes. Des directions d'écoles nous ont expliqué leur gestion financière au quotidien et leurs difficultés à tout assumer financièrement avec un cadre légal difficilement conciliable avec les réalités du terrain. Pour compléter cette enquête, nous sommes allés à la rencontre des associations du terrain telles que la Fédération des CPAS de l'Union des Villes et Communes de Wallonie, le Réseau wallon de lutte contre la pauvreté (RWLP), le délégué général aux droits de l'enfant (DGDE), le Service de lutte contre la pauvreté, la précarité et l'exclusion sociale.

La dernière partie de cette étude est consacrée aux aides financières possibles pour les familles d'élèves telles que les bourses d'études, les caisses de solidarité des écoles, le recours aux CPAS. Ces aides sont-elles connues du grand public ? Sont-elles accessibles pour TOUTES les familles étant donné que le "tout en ligne" est devenu majoritaire surtout depuis la pandémie ? Les fonds de solidarité des écoles sont-ils une vraie solution étant donné qu'ils sont alimentés par les parents eux-mêmes ? Quels sont les critères d'admission ou de refus ? Comment ce système est-il vécu par les familles ? Nous relevons là aussi beaucoup d'enjeux pour notre société : comment sont traitées les familles qui peinent à payer les factures d'écoles ? Si c'est le parcours du combattant pour obtenir le papier manquant, si les services ne sont pas accessibles, si rien ne garantit la confidentialité des caisses de solidarité des écoles, nous posons la question de la dignité et du respect auxquels ces familles ont droit.

Et en conclusion, nous tenterons de répondre à la question suivante : Comment soutenir les familles et les écoles à relever les défis financiers d’une formation qualifiante de qualité dont notre société a grandement besoin ?

 

Lisez ou téléchargez l'étude complète ci-contre (77p.)

Lisez ou téléchargez les résultats de l'enquête (21p.)
Lisez ou téléchargez les interviews complètes ci-contre (43p.)

 

Anne Floor

 

 

 


[1] L’enseignement en alternance est organisé selon deux modalités :

  • Soit il vise les mêmes options, les mêmes objectifs en termes de compétences et les mêmes certifications que le plein exercice : c’est alors une variante de cet enseignement et on parlera alors d’alternance « article 49 » ;
  • Soit il est organisé sur la base de profils de formations spécifiques ; par référence au décret du 24 juillet 1997 précité, on parlera d’alternance « article 45 ». Dans les 2 cas, il s’agit toujours d’enseignement secondaire de qualification.

http://www.enseignement.be/index.php?page=23820&navi=2288

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