Analyse UFAPEC avril 2013 par A. Floor

07.13/ Pourquoi le TDA/H est-il encore plus difficile à vivre à l’adolescence ?

Introduction

Nous avons expliqué dans l’analyse précédente ce qu’est le TDA/H et en quoi ce trouble neurologique est complexe au niveau du diagnostic, du traitement multimodal et dans la vie de tous les jours. En effet, un enfant TDA/H met à rude épreuve l’autorité de tous les adultes et exige de leur part de la patience, de la fermeté et un cadre strict. L’enfant TDA/H grandit et devient adolescent. Son trouble évolue avec lui et ce qu’il acceptait comme encadrement, comme traitement auparavant risque bien d’être rejeté en bloc avec l’adolescence. Respecter les heures de sommeil, suivre éventuellement un traitement médicamenteux, prendre du temps pour se rendre chez le/la logopède ou un (e) thérapeute, tout ceci peut devenir lourd surtout quand on veut être semblable à ses pairs. Les attentes scolaires s’intensifient, exigeant organisation, planification, réalisation de tâches multiples (prise de notes et écoute de l’enseignant simultanément…) qui sont loin d’être naturelles pour un adolescent TDA/H. Les risques d’échecs augmentent avec une perte d’estime de soi et beaucoup de découragement. La présence et le soutien des adultes sont plus que pour d’autres indispensables aux adolescents TDA/H. Or l’adolescence les pousse vers un mouvement inverse, d’autonomisation, d’indépendance, de prise de risques. Comme en témoigne Gérard Dhotel, « plus on est en insécurité, plus on a besoin des parents pour se sécuriser mais moins on est disposé à recevoir. Il y a toujours ce besoin de dépendance affective et, en même temps, cette irrésistible nécessité de prendre ses distances.[1] »

Trouble persistant à l’adolescence et à l’âge adulte

Les symptômes évoluent mais l’inattention persiste

Souvent c’est le symptôme d’hyperactivité qui déclenche la consultation auprès d’un tiers (médecin de famille, psychologue, pédiatre,…) ; l’enfant dérange la classe par son attitude, les parents sont convoqués, l’enfant ne tient pas en place à la maison, ... A l’adolescence, cette agitation motrice se transforme en agitation plus subtile et donc moins dérangeante. L’adolescent sera qualifié de rêveur, de distrait, de démotivé, de paresseux et le risque est grand de passer à côté d’un trouble de l’attention. L’adolescent est présent physiquement en classe mais son esprit est ailleurs, comme en témoigne Hortense, 22 ans, sur le site de l’ASBL TDA/H : Le laboratoire de chimie était un vrai calvaire : toujours ailleurs, je ne comprenais pas et je ne savais pas ce qu’il fallait faire. Toujours en train de demander à une autre personne : qu’est-ce qu’il faut faire ? Réponse : mais enfin, on vient d’expliquer...Autre calvaire : le dictionnaire. Je n’aime pas chercher un mot dans le dictionnaire, car je ne le trouve jamais, tout simplement parce que j’oublie ce que je cherche, ou un autre mot m’interpelle, et c’est parti, le temps passe, après 15 min : Oups, c’est quoi le mot que je cherche ? Ou : pourquoi j’ai pris le dictionnaire ? Le dictionnaire électronique me sauve ! Vive la technologie. Lire un texte en classe était une vraie épreuve. Je n’arrivais jamais à me concentrer sur le contenu, toujours en proie aux milles idées que je ne peux même pas mettre sur papiers car elles sont nombreuses et je ne me souviens d’aucune. Quand tu es ailleurs à quoi tu penses ? Je pense à rien, je ne peux pas répondre à la question, je ne sais pas ce qui a tourné dans ma tête. La vérité est que j’ai surtout et beaucoup appris par moi-même. En mathématique, je trouvais mes propres méthodes de résolution. Certes ça prenait beaucoup de temps, mais ça m’amusait. Et puis je ne savais pas toujours qu’il y a des méthodes plus simple et plus rapide, dû à mon absence totale aux cours malgré la présence physique[2].

D’après les recherches de Biederman[3], seulement 10 % des enfants et adolescents atteints de TDA/H fonctionneront normalement à l’âge adulte. Parmi les 90 % restants, 60 % évoluent et fonctionnent mieux que pendant leur enfance (les problèmes qui persistent concernent surtout la concentration, la susceptibilité, la distractivité et l’angoisse). C’est en général le cas des personnes qui ont été accompagnées et traitées durant une longue période et qui ont trouvé dans leur entourage direct le soutien nécessaire. Les 30 % restants gardent des symptômes majeurs[4]. Le TDA/H ne s’arrête donc pas à l’adolescence, il évolue dans le sens où certains symptômes s’expriment autrement. L’hyperactivité motrice de l’enfance va se muer avec l’adolescence en « agitation interne », plus subtile car moins visible. Cependant le déficit attentionnel reste bien présent et continue à avoir des répercussions sur la scolarité. Le volume du travail augmente, les demandes des différents enseignants se télescopent parfois et l’élève se retrouve avec beaucoup de travail certains jours et rien d’autres jours… Il doit apprendre à planifier, à anticiper ce qui n’est pas du tout naturel pour une personne qui souffre du TDA/H car elle vit essentiellement dans le présent.

Un accompagnement approprié se révèle souvent indispensable

Les adultes qui côtoient des ados TDA/H passent aussi à côté du trouble car ils associent certains symptômes comme étant liés à la phase de l’adolescence. En effet, le non-respect systématique des règles, les éclats de colère, la distraction, la démotivation scolaire … sont monnaie courante à l’adolescence. Difficile donc de démêler ce qui appartient à l’un ou à l’autre. Pourtant les spécialistes s’accordent pour dire qu’il est important d’accompagner les enfants et les jeunes atteints de TDA/H de manière appropriée. Les difficultés rencontrées dans l’enfance laissent souvent des traces dans le vécu des adolescents qui ont des troubles de type TDA/H. Parfois, ils ont accumulé des retards scolaires et ont perdu leur motivation pour les études. Leurs comportements impulsifs leur valent parfois des accrochages et des heurts dans leurs relations aux autres. Tout cela peut les amener à un certain découragement par rapport à l’école ou à d’autres engagements sociaux, et à une perte de l’estime de soi. Chez certains adolescents, s’il y a d’autres éléments contextuels défavorables, il peut s’ensuivre un état dépressif, une révolte ou des troubles des conduites comme la toxicomanie ou la délinquance[5].

Poser un diagnostic est important pour accompagner adéquatement le jeune lorsqu’il est en souffrance ; l’agitation ou la distraction ne sont en effet pas un problème grave en soi sauf si cela a des répercussions négatives sur la scolarité, sur les liens sociaux, sur la vie de famille. A ce moment-là, il est nécessaire de se faire aider par des intervenants spécialisés et les aides proposées varieront d’un cas à l’autre, d’une famille à l’autre. Le plus important n’est pas de donner une étiquette à l’enfant mais de trouver ensemble ce qui l’aidera à s’épanouir[6].

Beaucoup d’adultes se découvrent TDA/H en devenant parents ; leur enfant est diagnostiqué et ils remarquent alors des similitudes avec ce qu’ils ont vécu enfant et/ou adolescent. Amélie, maman d’une petite fille diagnostiquée TDA/H qui, après avoir remué ciel et terre pour trouver un spécialiste pour adultes, reçoit enfin la réponse :Le verdict tombe : TDA/H ! Toutes mes errances prennent un sens. Mes échecs passés ne viendront plus me hanter, ils n’étaient finalement que l’expression de ce trouble qui m’habitait. (…) Ce diagnostic va me permettre de me réorganiser pour reprendre des projets que j’avais abandonnés du fait de mes difficultés et de mon manque d’estime. S’adapter. C’est déjà ce que j’ai fait naturellement ces dernières années mais je compte aller encore plus loin en ciblant les activités pour lesquelles mon TDA/H ne représente pas un handicap et en compensant un maximum pour celles que je n’aurai pas pu éviter[7]. Les nombreux témoignages d’adultes publiés sur le site de l’ASBL TDA/H évoquent le soulagement ressenti après le diagnostic ; ils comprennent enfin pourquoi ils se sentaient si différents des autres. Ils vont enfin pouvoir avancer dans leur vie en tenant compte des forces et difficultés de leur trouble.

Il est absolument indispensable d’aider un adolescent TDA/H qui vit des tensions dans les trois sphères principales de sa vie (famille, école, amis). Si dans aucun pôle, il ne peut se ressourcer, recharger ses batteries et réparer un tant soit peu son estime de soi, cela devient vraiment dangereux pour lui. D’où l’intérêt d’avoir une activité extra-scolaire dans laquelle il s’épanouit. Cette indication fait partie des principes généraux énoncés par le Dr Russell Barkley[8] pour aider les parents à conserver une ligne de conduite claire à travers le voyage en forme de labyrinthe que constitue l'éducation d'un enfant souffrant de TDA/H : Beaucoup d'adolescents reçoivent tellement de critiques qu'ils finissent par croire qu'ils sont fainéants et pas motivés. Ils peuvent rater leurs études et échouer dans leurs relations avec autrui mais il y a toujours une chose dans laquelle ils excellent. Les parents doivent aider l'adolescent à identifier ses intérêts, ses hobbies, ses loisirs artistiques, ses sports et ses activités qui sont autant de sources de points forts et les aider à poursuivre et réussir dans ces activités[9].

Quels défis pour l’adolescent TDA/H ?

Défis de l’adolescence

L’adolescence est une période charnière entre l’enfance et l’âge adulte ; c’est le moment où beaucoup de choix se posent à l’individu (études, amitiés, loisirs, métier, …), où il apprend à se connaitre à travers les prismes de ses pairs, des adultes en qui il a confiance. A l’adolescence, comme l’explique le pédopsychiatre Philippe Van Meerbeeck, On entre dans un autre monde, un monde nouveau qui comporte une « inconnue ». On est confronté à l’angoisse. Ce ne sont plus les peurs d’enfant : l’enfant a peur du noir, peur d’être seul. L’adolescent peut encore avoir ces peurs-là mais, en plus, il doit affronter une angoisse existentielle, il se demande « qu’est ce qui m’arrive ? » Cette question est impossible à partager immédiatement avec ses proches. On qualifie souvent cette période d’ « âge bête ». Le jeune garçon et la jeune fille s’isolent, pensent, écrivent, refont le monde, jouent au « jeu de la vérité » avec les copains… Ils veulent aussi vivre des expériences initiatiques de tous ordres. L’adolescence : c’est quand on ouvre un cahier vierge, qu’on l’appelle « journal » et qu’on y écrit « je m’appelle Untel et voilà ce qui m’est arrivé aujourd’hui ». L’adolescence serait peut-être bien le « je pense, donc je suis » : l’âge de la vie où l’on a ce sentiment fascinant et pourtant illusoire de devenir quelqu’un.[10] 

L’adolescence est la période de la vie où le jeune se mesure à la vie, en bravant les interdits. Mais le jeune qui souffre de TDA/H maîtrise mal les dangers, les conséquences de ses actes, les limites à ne pas dépasser. Son impulsivité lui joue des tours, il recherche les émotions fortes. Cette impulsivité portera les enfants à prendre des risques qui les feront souvent champions toutes catégories des accidents. Et ils n’ont pas ces accidents parce qu’ils veulent attirer l’attention ou par goût du risque, mais simplement parce qu’ils éprouvent énormément de difficulté à réfléchir avant d’agir[11].

Chez l'adolescent, souvent l'hyperactivité disparaît et laisse place à un comportement qui paraît plus tranquille (nonchalant en fait), mais qui reste souvent impulsif. L'adolescent TDAH est typiquement désorganisé, impulsif dans ses réactions, excessif dans ses actions, et paraît immature dans son jugement. Un(e) adolescent(e) qui présente un TDAH non traité est plus à risque de décrochage scolaire, de consommation d'alcool et de drogues, d'accident de voiture et de grossesse non-désirée[12].

La période de l’adolescence pousse aussi à une recherche d’autonomie, d’indépendance. L’adolescent TDA/H pourrait revendiquer son autonomie en arrêtant son traitement. Le jeune veut savoir qui il est réellement sans l’influence du médicament, il arrive en retard systématiquement aux séances de psychothérapie, la logopédie lui semble plus appropriée pour les enfants, il veut s’en sortir seul.

Puis est venue l'adolescence et les problèmes de révolte vis à vis des parents (même les plus géniaux). Eux vivaient à l'étranger, moi je commençais mes études universitaires à Bruxelles. J'ai décidé que j'étais mature et responsable et que j'arrêtais de prendre la rilatine et que toute cette histoire d'hyperactivité, déficit d'attention et impulsivité n'était que connerie.
Après une année de raté (au niveau scolaire mais aussi au niveau sentimental et relationnel) malgré la meilleure volonté du monde j'ai dû reconnaître qu'il y avait un réel problème. En septembre j'ai eu une grande discussion avec les parents et j'ai commencé une thérapie qui m'a permis d'admettre que je n'étais pas parfaite et que oui j'avais une maladie et que hélas pour avoir une vie correcte j'avais besoin d'un médicament.
Mon orgueil en a pris un coup mais la thérapeute était efficace et j'ai donc recommencé la médication. Avec les années, le dosage a diminué de plus en plus et même si j'ai encore toujours besoin de rilatine pour m'aider à faire face à mon déficit d'attention, mon hyperactivité et mon impulsivité, je ne prends plus que 2 fois 5 mg par jour ce qui est vraiment un dosage très faible mais qui est tout à fait efficace dans mon cas.
Amélie, 38 ans[13].

Quoi qu’il en soit, un arrêt de médication ne peut se faire sans l’accord d’un médecin et devrait idéalement être programmé pendant les vacances scolaires. L’adolescent arrive à un âge où il devrait participer à la prise de décisions quant à son traitement. Enfant, ses parents ont décidé pour lui. Il grandit et il vaut toujours mieux qu’il soit acteur que de subir les décisions des adultes. L’accompagner à une conférence sur le sujet, lire ensemble des ouvrages, rencontrer des adultes TDA/H et les écouter parler de leurs parcours peut se révéler très bénéfique pour ouvrir tout un champ de possibles. En effet, les pistes d’actions sont nombreuses : psychoéducation, tuteur scolaire, thérapie, changements de mode de vie, médication, stratégies de vie quotidienne, coaching, accommodements scolaires appropriés…[14]

Défis de l’école

La structure de l’enseignement secondaire avec des enseignants différents pour chaque matière, des contacts moins fréquents entre la famille et l’école, des locaux changeants rend encore plus difficile l’identification des jeunes « à risque » et complique sérieusement la vie des jeunes ados TDA/H. Les changements de décor et de personne sont tellement perturbants et déstructurants pour eux qu’ils vont chaque fois mettre plusieurs minutes à s’y adapter. Nous avons interrogé Nathan qui est en 3e année dans l’enseignement général sur ce qui lui a semblé complexe à gérer lors de son entrée en humanités : Le plus difficile : les professeurs ne se consultent pas quand ils distribuent les devoirs et les leçons. Loïc, élève en 1e humanité, relève comme difficulté principale :Avoir chaque professeur différent. Parce qu’en primaire on s’habitue à un prof et on l’a tout le temps alors qu’en secondaire, il faut s’habituer à plein de profs différents. Dans l’enseignement secondaire, on exige de l’élève de plus en plus d’autonomie. La quantité de travail augmente, il gère mal les délais. Il y a une augmentation des demandes en lien avec les habiletés organisationnelles telles que l’attention au détail, la précision, la gestion du temps et la planification. Les enseignants sont moins portés à vérifier si les élèves comprennent bien les consignes ou ont bien copié les instructions écrites.

« Avec comme la plupart des TDA/H une scolarité difficile où je criais à qui voulait bien l’entendre que je détestais l’école, oh oui je l’ai vraiment maudite. Malgré tous mes efforts, jamais je n’arrivais au résultat que les autres avaient, ce qui était très frustrant. Petit exemple, les devoirs : certains faisaient leurs devoirs en une heure pendant que moi je restais des heures dessus sans parfois réussir à les terminer. Un véritable calvaire pour moi mais surtout pour mes parents qui ne savaient plus comment faire avec moi. Plutôt discrète et travailleuse j’ai toujours été aidée par mes profs même dans le secondaire.
Malgré tout je n’ai jamais réellement trouvé ma voie, après avoir essayé différentes options, j’ai fini par laisser tomber mais je ne pouvais quand même pas rester sans rien faire et j’ai donc dû découvrir le monde du travail, et quel monde pour une TDA/H qui s’ignorait. »
Louise[15]

Défis du lien social

A l’adolescence, l’appartenance à un groupe donne un sentiment de reconnaissance au jeune. « Plus ils grandissent, plus les ados vivent avec leurs amis. 84% disent que passer du temps en groupe, c’est la première de leurs activités. L’important, c’est d’être ensemble. L’amitié est la grande richesse de l’adolescence. Au moment où l’ado sent bien que les parents ne peuvent plus tenir le même rôle qu’auparavant et qu’il va falloir trouver d’autres attachements, les amis deviennent une ouverture. Il trouve avec les amis un partage sans limites : on peut se comprendre sans avoir besoin de tout expliquer, on évite les reproches, on échappe aux conseils…[16] » Or il arrive parfois que l’ado TDA/H soit ou se sente rejeté par ses pairs ou constamment critiqué parce qu’il ne répond pas aux attentes grandissantes des adultes malgré tous ses efforts. L’augmentation des échecs augmente sa frustration et sa révolte. Son impulsivité est moins bien pardonnée qu’à l’enfance, on demande de lui de plus en plus de self-control. Face à cette détérioration progressive des interactions avec les pairs et les adultes, le risque est grand de voir le jeune se rapprocher de ceux qui éprouvent les mêmes difficultés que lui ou qui présentent des troubles d’opposition, des problèmes de discipline avec les enseignants. Sa perte d’estime de soi entraine négativisme, attitudes défensives de repli et de démotivation, dépression ou contestation gratuite et incessante.

La conduite automobile

La conduite automobile est une étape-clé dans la vie d’un adolescent. Or la recherche a montré que les adolescents TDA/H ont un risque beaucoup plus élevé d’accidents de conduite et d’infractions aux règles. Les raisons évoquées sont les suivantes : manque d’attention, impulsivité, prise de risques, tendance à rechercher des émotions fortes, jugement manquant de maturité[17].

Quels défis pour les parents ?

L’implication des parents est une condition sine qua non à la réussite du traitement. Cela est vrai au quotidien tant dans leur soutien à l’adolescent dans ses efforts que dans la qualité de leurs rapports avec les soignants et les enseignants, et pour leur propre remise en question vis-à-vis de leurs exigences et des limites qu’ils imposent à leur adolescent. Comme le témoigne une psychiatre-psychothérapeute : Quand nous vous interpellons dans un travail psychothérapeutique, ce n’est pas pour faire de vous le problème, mais parce que nous avons besoin de vous pour aider votre enfant. Vous faites partie de la solution[18]. Etre parent d’ado est déjà un exercice d’équilibriste, ils naviguent tantôt aux côtés d’un presque adulte conscient tantôt aux côtés d’un enfant impulsif.L’adolescent s’écarte et se rapproche des adultes. Il leur demande de desserrer les liens qui l’attachent à eux et en même temps de lui venir en aide. Il peut se comporter comme un gamin et un moment plus tard faire preuve d’une maturité étonnante[19].

Mais être parent d’un ado TDA/H va demander encore plus de rigueur et de rééquilibrage.Les exigences ne peuvent être les mêmes à cause du déficit attentionnel, les ados souffrant de TDA/H mûrissent à des rythmes différents mais de manière générale plus lentement que les autres adolescents. Les parents d’ado TDA/H vont aussi avoir à relativiser les « problèmes » : problème important ou ennuyeux. Un problème important est dangereux pour l’équilibre de l’enfant : troubles de l’anxiété, dépression, troubles du comportement, arrêt de la prise de médicaments, consommation excessive de tabac et d’alcool, drogue, vol, mauvaises notes scolaires, l’absence d’amis, un manque d’estime de soi…Un problème ennuyeux est un problème qui empoisonne le quotidien mais qui ne met personne en danger. Exiger d’un enfant TDA/H qui entre en première année secondaire qu’il ait son journal de classe en ordre, qu’il n’oublie pas régulièrement ses affaires surtout s’il a un casier à l’école est inadéquat. En effet, ce genre d’exigence est extrêmement difficile à satisfaire pour un jeune qui a des troubles de l’attention. Il lui faudra plus de temps pour acquérir des automatismes, pour retenir ses horaires de cours et pour préparer son cartable. Le sanctionner portera moins ses fruits que de réfléchir avec lui à des trucs et astuces pour lui simplifier la vie : préparer son cartable la veille pour le lendemain, afficher son horaire dans sa chambre, photographier avec son GSM la page du journal de classe s’il n’a pas eu le temps de tout noter, afficher sur la porte d’entrée les matins où le sac de gym ou de natation est nécessaire, faire un planning par semaine…

Les rencontres avec des spécialistes, avec d’autres parents qui vivent la même situation aideront les parents à mettre les limites là où il faut, à lâcher du lest là où cela peut soulager des tensions inutiles et surtout à renvoyer une image positive de lui-même à son enfant. Ce qui est vrai, c’est que l’enfant se conforme à l’image qu’on véhicule de lui. Si on renforce l’enfant, il va essayer davantage et a donc plus de chance de trouver la bonne réponse qu’un autre à qui on dit qu’il est mauvais. Celui-ci risque de ne plus essayer et d’abandonner[20]. Valoriser le jeune sera d’autant plus important s’il est en difficulté à l’école. Il y reçoit déjà des remarques négatives et son estime de soi en est fortement diminuée. Il est donc important de lui donner l’occasion d’être valorisé dans des activités autres que scolaires. Lui supprimer des activités où il s’épanouit parce qu’il a de mauvaises notes risque de renforcer une spirale négative.

Certains parents lâchent prise, baissent les bras pour de multiples raisons ; soit ils se déchargent complètement sur l’équipe soignante, soit ils estiment leur enfant responsable, soit ils s’en remettent entièrement au médicament, soit ils ne saisissent pas bien la complexité du trouble ou alors ils sont tout simplement épuisés et usés par ce parcours du combattant. Votre rôle de parents est important : ni médecins, ni thérapeutes, mais aimants inconditionnels. Même s’il est différent, votre enfant n’est pas étranger au clan familial. Vous pouvez l’aimer tel qu’il est[21], déclare une soignante.

Nous laissons le mot de la fin au Docteur Russel Barkley :

Les adolescents souffrant de TDA/H ont besoin d'un regard positif inconditionnel de leurs parents et de moments consacrés à des choses positives. Des études portant sur le suivi d'adultes souffrant de TDA/H qui fonctionnent bien montrent qu'il avait un parent ou au moins un adulte dans leur entourage qui croyait dans leur potentiel de réussir. Les adolescents d'enfants souffrant de TDA/H ont besoin de parents qui croient en eux, qui applaudissent chaque réalisation positive et qui sont d'une manière générale leur meilleur soutien. Ils ont aussi besoin que leurs parents passent du temps spécifiquement avec eux, des parents fort occupés n'ont pas toujours beaucoup de temps à consacrer mais, c'est la qualité plutôt que la quantité de temps passé avec eux qui compte vraiment[22].

Conclusion

Encadrer l’adolescent, l’encourager, le pousser vers une autonomie de plus en plus grande, c’est le travail de tout parent, de tout enseignant, de tout éducateur. Mais quand l’adolescent est aussi TDA/H, il est important d’en tenir compte, de revoir ses exigences en fonction de ce dont il est capable à ce moment-là. Avancer pas à pas, par étapes successives va exiger énormément d’énergie tant à l’adolescent qu’aux adultes qui l’éduquent. L’UFAPEC souhaite que ces parents puissent être écoutés dans ce qu’ils vivent avec leur enfant plutôt que d’être jugés préalablement comme étant des parents trop permissifs, dépassés…Et cela passe en priorité par une information professionnelle, objective et scientifique. Les groupes de paroles pour enfants, adolescents, parents et adultes TDA/H méritent d’être multipliés un peu partout dans le pays, leurs effets positifs témoignent de leur utilité. On l’a vu, être parent d’un adolescent TDA/H n’est pas facile ; des séances de guidance parentale, dans l’esprit des séances de psycho-éducation en Flandre, constituent aussi, selon l’UFAPEC, une piste à exploiter pour sortir les parents de l’épuisement et de l’envie de laisser tomber.

 

Anne Floor

 

 

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[1]Dhotel G., Ados. Crise ? Quelle crise ? 20 idées reçues sur les ados, Editions Thierry Magnier, 2010, pp 34-35. Gérard Dhôtel est journaliste spécialisé dans la presse pour la jeunesse. Il a notamment collaboré aux éditions Jeunes Années, à l’Évènement du jeudi Junior, été rédacteur en chef du Monde des ados (groupe La Vie-Le Monde). Il est également l’auteur de plusieurs ouvrages pour adolescents qui tous ont l’ambition de décrypter, de faire réfléchir, bref de former des citoyens pour demain.

[2]http://www.tdah.be/tdah/tdah/temoignages/temoignage-d-adulte

[3]Faraone SV, Biederman J, Spencer T, Wilens T, Seidman LJ, Mick E, Doyle AE. Attention deficit

hyperactivity disorder in adults; an overview. Biol Psychiatry 2000;48:9-20.

[4]P De Coster et S. de Schaetzen, TDA/H à l’adolescence, TDA/H Belgique, 2009, p. 5.

[5]Fondation Roi Baudouin, T.D.A. quoi ?, Bruxelles, 2006, p. 21.

http://www.kbs-frb.be/uploadedFiles/KBS-FRB/Files/FR/PUB_1640_TDAQUOI.pdf

[6]ibidem, p.23.

[8]Le Dr Barkley est un professeur de psychiatrie et de pédiatrie à l'Université médicale de Caroline du Sud à Charleston. Il a consacré sa carrière à la large diffusion de l'information scientifique sur le TDAH.

[9]http://www.tdah.be/hyperactivite/principes%20ado.htm

[10]VAN MEERBEECK P., Que jeunesse se passe. L’adolescence face au monde adulte, Collection Comprendre, Editions de Boeck & Belin, Bruxelles, 1998, p 21

[13]http://www.tdah.be/tdah/tdah/temoignages/temoignage-d-adulte

[14]P De Coster et S. de Schaetzen, TDA/H à l’adolescence, TDA/H Belgique, 2009, p. 14.

[15]http://www.tdah.be/tdah/tdah/temoignages/temoignage-d-adulte

[16]Dhotel, G., op cit., p 159

[17]P De Coster et S. de Schaetzen, TDA/H à l’adolescence, TDA/H Belgique, 2009, p. 42.

[18]Fondation Roi Baudouin, Les grands chantiers du TDA/H, p.20, Bruxelles, décembre 2005.

[19]Natanson, M., Voyage au pays des adolescents ordinaires, De Boeck, Collection comprendre, 2007, p. 43.

[20]Extrait d’une interview de Nicole Laporte, logopède aux Cliniques universitaires Saint-Luc, à la Clinique Cavell et au centre Psy-Pluriel in Le Soir, « Le poids des messages négatifs » de Violaine Jadoul, jeudi 11 avril 2013, p.24.

[21]Extrait des messages de soignants aux parents dans Les grands chantiers du TDA/H, p.21, Bruxelles, décembre 2005.

[22]http://www.tdah.be/hyperactivite/principes%20ado.htm

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