Etude UFAPEC août 2020 par F. Baie

08.20/Et2 - Le malaise des directions d’école : causes et pistes de changement

Introduction

Les rapports PISA[1] et les indicateurs de l’enseignement[2] de la Fédération Wallonie- Bruxelles montrent que notre enseignement pourrait être davantage efficient. Il y a encore trop de redoublement, de décrochage scolaire et les résultats des élèves ne sont pas suffisamment en réussite par rapport aux élèves des autres pays européens. Notre système éducatif souffre à la fois d’un manque de performance, d’efficacité et d’équité. Il est donc plus qu’urgent que les établissements scolaires poursuivent les objectifs d’amélioration (décrits dans le Décret Missions[3]) permettant au système éducatif :

1° d’améliorer significativement les savoirs et compétences des élèves ;

2° d’augmenter la part des jeunes diplômés de l’enseignement secondaire supérieur ;

3° de réduire les différences entre les résultats des élèves les plus favorisés et ceux des élèves les moins favorisés d’un point de vue socio-économique ;

4° de réduire progressivement le redoublement et le décrochage ;

5° de réduire les changements d’école au sein du tronc commun ;

6° d’augmenter progressivement l’inclusion des élèves à besoins spécifiques dans l’enseignement ordinaire ;

7° d’accroître les indices du bien-être à l’école et de l’amélioration du climat scolaire.

Le Pacte pour un enseignement d’excellence[4], soutenu par l’UFAPEC, vise à atteindre ces objectifs.

On le sait, les directions d’école sont de véritables moteurs dans les écoles et ont un rôle clé pour contribuer à la qualité et à l’efficacité du système éducatif. Les directions sont essentielles pour motiver leur troupe (les enseignants), rendre performants les apprentissages, insuffler une dynamique à l’école et créer un esprit de participation entre tous les acteurs de l’école. C’est à ce titre qu’elles animent également très souvent le conseil de participation (CoPA). On leur demande de démontrer des compétences de leadership pédagogique. En effet, elles doivent mobiliser et rassembler leurs équipes autour d'un projet collectif, stimuler le travail collaboratif, enclencher le changement et maintenir un environnement de travail de qualité.

Avec le nouveau modèle de gouvernance, introduit dans le cadre du Pacte pour un enseignement d’excellence, et plus spécifiquement les plans de pilotage[5], les directions doivent avoir les épaules solides pour consulter, coordonner, donner des impulsions, responsabiliser et autonomiser leurs équipes. L’amélioration des résultats de notre système scolaire, que ce soit en termes d’efficacité ou d’équité nécessite un renforcement de la responsabilisation des acteurs de l’enseignement par rapport à ces résultats. Une telle logique de responsabilisation implique plus d’autonomie pour les acteurs dans le cadre des responsabilités qui sont les leurs mais aussi une dynamique collective plus forte autour d’objectifs précis et d’un pilotage renforcé au niveau de l’établissement[6].

Aujourd’hui, de nombreuses tâches incombent aux directions. Il est donc très important que les directions se sentent bien dans leurs missions et fonctions. Un malaise des directions, quel qu’il soit, ne pourrait que nuire à la qualité de l’enseignement. Le bien-être des directeurs est un enjeu sociétal primordial quand on connait l’importance de ces acteurs dans notre système éducatif et dans les relations familles-école.

Dans nos nombreux contacts avec les écoles, les animateurs de l’UFAPEC, comme les parents bénévoles qui composent son assemblée générale et ses régionales, constatent que les directions ne restent pas en place très longtemps et qu’elles changent souvent d’écoles. Pourquoi donc ce turnover si important des équipes de direction ? Certaines changent d’école pour avoir un autre projet, pour voir si elles se sentiront mieux ailleurs, d’autres quittent la fonction parce qu’elles sont véritablement épuisées professionnellement. On parle de plus en plus de burn-out dans le chef des directions. Faut-il s’en inquiéter ? Le manque de candidats pour le poste de direction est criant, il semble de plus en plus difficile de trouver des directeurs d’école. D’où vient ce malaise ? Est-il le même dans l’enseignement fondamental, secondaire, spécialisé, à encadrement différencié, dans le qualifiant, dans les établissements scolaires disposant d’un internat ?

Le groupe de travail de parents qui a abordé la question des directions d’école lors de l’élaboration du mémorandum UFAPEC en 2019 a pointé le besoin d’une publication sur la question. Permettre au lecteur de prendre pleinement conscience des difficultés que rencontrent les directeurs, de leurs répercussions négatives sur l’école, mais aussi de faire bouger les choses, tels sont les objectifs de cette étude.

En tant qu’organisation représentative des parents et des associations de parents d’élèves de l’enseignement libre catholique, l’UFAPEC invite à la collaboration des différents acteurs de l’école. Il nous semble difficile de prôner le partenariat école-familles, sans connaître et comprendre ces acteurs de premier rang que sont les directions, leurs ressentis, leurs attentes et ce qu’elles vivent, au quotidien, dans nos écoles.

Dans cette étude, nous verrons dans un premier temps la genèse (ou naissance) du directeur en explorant trois questions : comment devient-on directeur d’école, comment recrute-t-on un directeur et qu’est-ce qui motive les enseignants à devenir directeur ?

Ensuite, nous partirons d’une lettre ouverte signée par quelques 400 directeurs de l’enseignement libre catholique de Bruxelles et de toutes les provinces, publiée dans le journal La Libre[7]  en 2018, pour comprendre ce qui provoque leur ras-le-bol. Mais cette lettre ne sera qu’un point de départ pour aller plus loin dans notre investigation.

En effet, dans notre étude, nous désirons connaître réellement le point de vue de ces acteurs, leurs déceptions, leurs revendications. C’est pourquoi nous avons fait le choix de les rencontrer, d’interviewer non seulement les secrétaires généraux de la FédEFoC (Fédération de l’enseignement fondamental catholique) et de la FEsEC (Fédération de l’enseignement secondaire catholique), les représentants des associations des directeurs (Collège des directeurs , Fédération des associations de directeurs de l’enseignement secondaire catholique – Féadi, Association des directeurs de l’enseignement spécialisé fondamental catholique -ADESp, Association des directeurs de l’enseignement spécialisé secondaire catholique -ADESC…), mais également toute une palette de directeurs qui vivent, selon la spécificité de leur école, des choses similaires ou sensiblement différentes sur le terrain. Ainsi, notre projecteur se dirigera sur :

  • Les directeurs de l‘enseignement fondamental. Nous interrogerons des directeurs de l’enseignement ordinaire, de l’enseignement spécialisé, de l’encadrement différencié et nous n’oublierons pas la direction d’une petite école de village.
  • Les directeurs de l’enseignement secondaire. Ici aussi, nous interrogerons également des directeurs de l’enseignement ordinaire, de l’enseignement spécialisé, de l’encadrement différencié mais également des directeurs de l’enseignement qualifiant « filière métier »… Nous prendrons également le pouls des directeurs d’école disposant d’un internat.

Notre étude se veut qualitative et non quantitative. Même si nous allons, dans cette étude, privilégier les contacts et interviews, nous sommes conscients que nous ne pourrons pas être exhaustifs et interroger tous les directeurs avec toutes leurs spécificités. Malgré cela, cet éventail pourra nous donner un certain recul et une vue d’ensemble sur les sources des difficultés que rencontrent les directions, en confrontant les différents points de vue.

Il nous semble également intéressant de connaître la position des représentants des pouvoirs organisateurs sur ce malaise.

Pour avoir une vision non seulement concrète de ce malaise, mais également « méta » (avec une vue de hauteur), nous prendrons le temps d’interroger un sociologue.

Nous verrons également si les avancées du Pacte pour un enseignement d’excellence[8] (nous pensons ici en priorité et spécifiquement aux plans de pilotage) participent à la réduction de ce malaise ou, au contraire, sont susceptibles de le renforcer. Toujours dans le cadre de ce Pacte, nous pointerons également les réformes prévues pour accompagner le leadership pédagogique des équipes de direction.

Enfin, après avoir fait une synthèse des difficultés vécues par les directions et avoir listé les revendications du mémorandum de l’UFAPEC[9] quant à la fonction de direction, nous formulerons en termes de conclusion des pistes supplémentaires pour réduire le malaise des directions.

Nous faisons remarquer au lecteur que cette étude a été rédigée à un moment très particulier. En effet, la crise sanitaire du covid-19[10] a eu un impact important sur notre vie en société et sur chacun d’entre nous. Un confinement à domicile a été imposé à tous. Dans un premier temps, les élèves ont été écartés des écoles. Ensuite, quand les statistiques sanitaires ont montré une amélioration, certains élèves ont pu retourner à l’école selon des modalités particulières. Les directions ont été les chevilles ouvrières du déconfinement et leur travail a été renforcé. Des mesures strictes dans l’organisation de nos écoles ont été prescrites aux directions via des circulaires[11] pour protéger les élèves du coronavirus et assurer leur sécurité. Les directions ont dû faire preuve de beaucoup de courage et d’inventivité pour mettre en place ces mesures.

Certains témoignages figurant dans cette étude abordent l’impact de cette crise sur le malaise des directions, d’autres ne le feront pas, car ils n’ont pas été recueillis au moment où la crise du covid-19 battait son plein. Cette crise sanitaire (encore d’actualité au moment où nous écrivons ces lignes) impacte les directions et nous pourrions certainement encore poursuivre cette étude en analysant tous ses effets, mais nous devons, à un moment donné, circonscrire notre travail.

 

France Baie

 

(télécharger l'étude complète - 70p. - ci-contre)

 

[1] Le Programme international pour le suivi des acquis des élèves, PISA, est un ensemble d’études menées par l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE). Il vise à mesurer les performances des systèmes éducatifs des pays membres et non membres. https://fr.wikipedia.org/wiki/Programme_international_pour_le_suivi_des_acquis_des_%C3%A9l%C3%A8ves

[2] Depuis plus de dix ans, les indicateurs de l’enseignement offrent une vision macro de notre enseignement et participent au pilotage du système éducatif en Fédération Wallonie-Bruxelles.

[3] Décret définissant les missions prioritaires de l’enseignement fondamental et de l’enseignement secondaire et organisant les structures propres à les atteindre- 24/07/1997 - mise à jour le 01/09/2019.

[4] Le Pacte pour un Enseignement d'excellence est une réforme de grande ampleur de l'enseignement. Il est le fruit d'un intense travail collectif entamé en 2015 et est fondé sur une ambition commune à l'ensemble des partenaires de l'école : renforcer la qualité de l'enseignement pour tous les élèves. Il s'agit d'une réforme systémique qui s'inscrit dans la durée et se met progressivement en place -http://www.enseignement.be/index.php?page=28280

[5] Le plan de pilotage est une feuille de route obligatoire élaborée collectivement qui décrit les actions concrètes à mettre en place pour tendre vers les objectifs généraux d'amélioration du système scolaire fixés par le gouvernement de la FWB.

[6] Fédération Wallonie-Bruxelles, Pacte pour un enseignement d’excellence, Avis N°3 du Groupe central, 7 mars 2017, pp. 110-111.

[7] Bosco d’Otreppe, Débordés de travail, les directeurs d’école crient au secours, La Libre, 11 juin 2018.

[8] Le Pacte pour un enseignement d'excellence - http://www.enseignement.be/index.php?page=28280

[9] UFAPEC, Mémorandum 2019, Janvier 2019

[10] Covid-19 est le nom d’un nouveau Coronavirus. “CO” signifie corona, “VI” virus et “D” a été choisi pour “desease” (maladie en anglais). Le chiffre 19 indique l’année de son apparition (2019) - https://www.huffingtonpost.fr/entry/covid-19-nouveau-nom-du-coronavirus-donne-par-loms_fr_5e42c67ac5b6f1f57f1904bc

[11] Lien vers la page spéciale COVID sur notre site internet : http://www.ufapec.be/actualite/actu-25042020-deconfinement.html

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